Type de RP Classique - Solo
Chapitre concerné Chapitre 4
Date du sujet 11 Voiréale, 5:13 des Exaltés
Participants Solo - Ouvert aux @Cercle des mages et  @Ordre des Templiers
TW Manipulation psychologique
Résumé Repas ordinaire au Cercle de Starkhaven, silencieux et solennel : une journée tranquille, espère naïvement Nucci. C'était sans compter sur sa pair, son égale, la Première Enchanteresse Carmen Amadio qui profite de l'absence du Chevalier-commandant pour soulever sa situation embarrassante, reléguée au placard, et exhumer de vieux conflits...
Pour le recensement

Code:

[code]<ul><li><en3>11 Voiréale, 5:13 des Exaltés</en3> : <a href="https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t2152-que-ton-sang-teigne-les-petales-de-la-rose-rp-solo#26409">Que ton teigne les pétales de la rose</a></li></ul><p><u>RP Solo.</u> Repas ordinaire au Cercle de Starkhaven, silencieux et solennel : une journée tranquille, espère naïvement Nucci. C'était sans compter sur sa pair, son égale, la Première Enchanteresse Carmen Amadio qui profite de l'absence du Chevalier-commandant pour soulever sa situation embarrassante, reléguée au placard, et exhumer d'anciens scandales...</p>[/code]

Les repas en silence l'ont toujours dérangée. Elle prendrait mille fois les palabres de son voisin aux bruits de sa mastication, mais comme elle est obligée à l'un, elle ne regrette pas tant l'autre, finalement. Elle s'en tient au silence alors, partage sinon quelques messes basses ; et quand, enfin, le silence n'est plus.

« Premier Enchanteur Mansilla… Un mot, s'il vous plaît ? »

Un mot n'annonce jamais rien de bon, avec Carmen. Il doit le savoir pourtant, lui plus que d'autres, non ? Mais il tire le rideau pour y joindre son langage, et un mot en devient des centaines. Katriel détaille les spectateurs, à mesure que les têtes se relèvent pour voir celle qui entre en scène. Qu'ils la regardent alors, c'est ce qu'elle veut ; et l'apprentie admire toujours l'aplomb de l'aînée.

Ses yeux balancent du Premier Enchanteur à la Première Enchanteresse, se tournent vers les Antivans lorsqu'ils sont mentionnés. Elle y voit ceux qui approuvent, ceux qui baissent la tête, ceux qui continuent de becqueter et s'imaginent ailleurs. Ont-ils des choses à dire qu'elle n'a pas ? Un écart qu'elle ne partage pas ? Et ses pensées s'égarent un instant vers celles et ceux de Starkhaven qui l'ont accueillie, celles et ceux qu'elle côtoie depuis plusieurs mois ; a-t-elle choisi d'ignorer les ficelles qui séparent Antivans et Havenois ? Carmen s'est tu même auprès d'elle ; et Carmen se tait toujours avant d'asséner sa sentence.

Son regard revient à la scène. Les mots s'alignent et hypnotisent lorsqu'ils dévient du sujet de l'apostrophe ; elle tente d'en graver chaque syllabe, se promet de les ressasser pour mieux tenter de déchiffrer l'un des secrets qu'elle n'a jamais percé et dont l'ombre flotte encore sur sa position. Et puis, enfin, elle la retrouve à nouveau. La peur que cachent ses mots, qui se distingue dans la voix qui tressaille, s'opère dans les mains qui frottent ; celle qu'elle a appris à rassurer, à couvrir d'assurance pour mieux l'apprivoiser. Et des mots, toujours des mots, qui serrent sa propre gorge lorsqu'elle prend enfin compte de la répétition. Et de la compassion qui l'adoucit. Compassion pour cette femme qui se tient devant une salle entière ; compassion pour cet homme qui se tient devant elle. Et enfin, il clôt ce qu'elle a commencé ; il lui emprunte l'aplomb et la sentence.

Alors, le silence à nouveau, puis la canne, puis les pas. Le regard de Katriel suit celui qui s'en va et retrouve celle qui reste. Elle se lève simplement lorsque la porte claque, son verre d'eau à la main, et agrippe celui de Carmen, laissé à sa table, pour venir lui tendre.

« À défaut de te proposer quelque chose de plus approprié, pour l'instant. »

D'ordinaire l'apprentie aimait dire qu'elle s'habituait à la vie au cercle. Que petit à petit elle prenait ses marques, qu'elle ne tremblait plus qu'à peine lorsqu'on lui demandait de faire de la magie si basique, parfois même qu'elle ne dormait pas quand on lui parlait de la chantrie. Elle aimait dire qu'elle trouvait petit à petit sa place, malgré les doutes et regrets à peine dissimulés sous son voile d'obéissance. Mais étrangement, le plus difficile restait ces étranges repas. Manger au son des cuillères de chacun était relativement ennuyeux pour celle qui avait passé tant de temps à le faire hors des murs du cercle. Ce triste spectacle était une des pires parties de la journée, elle peinait toujours à comprendre toutes les règles de bienséance du cercle, mais en toute honnêteté celles du repas étaient les pires. Quelques mots à voix basse par endroit n'étaient que de maigres consolation, d'autant plus qu'elle peinait toujours autant à discuter avec ses camarades, pour beaucoup bien trop dévots et enclin à lui apprendre ce qu'elle ne voulait pas savoir.

Parfois, lorsqu'il lui prenait l'envie de risquer un peu, elle fredonnait quelques instants un air, avant que certains regards ne lui intiment de ne pas continuer. Les raisons pouvaient être nombreuses, mais en toute franchise, jamais elle n'avait demandé. Alors ce jour, le regard de l'elfe était planté dans son bol, bientôt vide de toute manière. Au moins la nourriture au cercle était loin d'être mauvaise, par rapport à ce qu'elle avait déjà connu. Mais rien n'arrivait à la hauteur d'une soupe de champignons. Elle ne tire la tête de son assiette qu'en entendant des voix. Etrange phénomène s'il en est. Au loin le premier enchanteur est en discussion avec quelqu'un, une vieille dame que l'elfe ne connaît pas. Des reproches sont formulés, mais l'elfe ne comprend pas tout. Elle se tourne vers un autre apprenti non loin.

« C'est qui ça ? »

Pas de réponse ne vient, peut-être n'avait-elle pas parlée assez fort. Alors elle reporte son regard sur cette étrange discussion. Au loin, le premier enchanteur semble visiblement perdre patience, son ton se fait plus dur et ses mots plus tranchants. Le passé semble guider cette conversation, sans que l'ancienne voleuse n'arrive à saisir tout. Puis celui qui l'a amené au cercle quitte les lieux, laissant quelques mots adressés à des mages. Du regard la jeune elfe cherche une explication, sans succès malheureusement. Mais si le premier enchanteur est parti, alors le repas est bien fini ? Et puis de toute manière, il n'y a pas beaucoup d'autres personnes pour répondre aux interrogations de l'elfe. Sans plus y penser que cela, elle se lève machinalement, franchissant les rangs sans porter attention aux regards qui se posent sur elle. L'habitude direz vous, elle qui est encore nouvelle, qui porte les marques du dieu elfique des secrets sur son visage, elle qui ne semble que si peu à sa place. Elle se rapproche d'un pas vif des enchanteurs supérieurs, quelqu'un est déjà debout d'ailleurs, quelqu'un d'autre que la vieille qui semble avoir un conflit avec le premier enchanteur.

Arrivée vers la table elle s'arrête non loin de Lachlann, qui de mieux pour répondre à ses questions. Sa curiosité prend le pas sur une réflexion qu'elle aurait peut-être du avoir avant, qu'importe. Elle prend la parole en tentant de rester un peu discrète dans ses mots, elle qui est debout après avoir traversée la pièce dans un grand silence.


« Monseigneur ? Puis-je vous demander qui est l'ancienne enchanteresse qui a conversé avec le premier enchanteur ? »

Elle hésite un peu. De toute manière, aucune chance que quelqu'un ne la remarque n'est-ce pas ?

« Que se passe-t-il ? »

C’était pitoyable, mais il y avait de quoi rire jaune. Carmen restera Carmen. Prendre tout le Cercle en otage pour leur faire écouter ses jérémiades était osé, mais s’il y avait bien quelque chose que Carmen avait pour elle, c’était son audace.

Et puis après tout, Rita n’était pas impressionnée par le Cercle de Starkhaven non plus. Alors pourquoi pas agiter la cuillère dans cette soupe maussade. Dis-nous, Mansilla, pourquoi tu traites ta paire comme une menace. Ça ne sera pas productif, mais ça sera au moins divertissant.

Oh, devrait-elle demander à Carmen ce qu’elle ferait, si elle était première enchanteresse ici ? Rajouter des épices avant de remuer la soupe à nouveau ? Ce n’est pas comme si Rita avait grand-chose à perdre. Sa réputation allait finir au sol ici comme elle l’a été à Antiva, sans aucun doute.

Mais jouer le jeu de Carmen… hors de question. Rita se redressa un peu, et se munit d’un ton clair et simple.

« Dis-moi, Carmen. »

À cette appellation désinvolte, elle croisa bras et jambes, une posture droite et suffisante.

« Est-ce parce que le Premier Enchanteur Mansilla ne t’a toujours pas convoquée dans son bureau que tu t’es retenue d’honorer publiquement la mémoire des membres du Cercle d’Antiva que nous avons abandonnés à leur sort ? »

Oh, Rita n’aimait vraiment pas Carmen Amadio.

« C’est peut-être pour ça aussi, que Zaena n’est pas capable de reconnaître la Première Enchanteresse que tu es censée incarner. »

Carmen Amadio n'a pas bougé depuis que l'autre protagoniste de sa pièce a quittée celle-ci : elle ne l'a même regardé, la commissure de ses lèvres s'étirant légèrement au claquement retentissant de la porte. Là réside le privilège des maîtres et des vainqueurs : ils n'avaient pas besoin d'observer leur accomplissement pour ressentir la douce consécration.
À la place, ses yeux regardent la salle et son auditoire, ce public qu'elle s'est constitué et qu'elle espère encore avoir dans sa main. Le silence lui donne raison, autant que les doutes : personne ne se lève pour prendre la suite du supplicié, et la plupart des questionnements portent leur souffle vers elle pour trouver des réponses.

Aucune surprise ne pointe lorsqu'elle te voit avancer vers elle, @Katriel de Palia : elle n'en attendait pas moins de sa protégée. De ses longs doigts nus, quoiqu'habituellement parés de bagues et de manucure, elle cueille le verre d'eau que tu lui tends d'un sourire entendu. Ton soutien ainsi affiché la comble.

« Nous boirons mieux quand il y aura matière à fêter », qu'elle te répond posément, confirmant évidemment cet amour du vin que tu lui connaissais déjà.

Toujours redressé là où la plupart d'entre vous reste assis, Carmen Amadio cherche les personnalités. Ton regard ne lui échappe pas, @Lachlann Vaël, et un bref contact te fait comprendre qu'elle sait parfaitement qui tu es en ces lieux et en cette cité. L'Antivane s'attarde pourtant un instant sur @Zaena, apprentie elfe faisant fi de tout protocole pour s'avancer à ton côté et t'assaillir de questions et de doutes. Une autre voix, pourtant, la dérange : une voix pleine de reproches et d'assauts.

Sa réaction à tes mots, @Rita Aelesia, est assez subtile pour que seuls les habitués la perçoivent : ses paupières qui se ferment de moitié, ses lèvres qui se pincent, ses épaules qui se redressent, ses doigts qui se crispent. Elle porte un peu d'eau à ses lèvres avant de se tourner vers ton bout de table. Au milieu des templiers sans grade, à ton âge – tu le sens dans son dédain qu'elle te remet à la place que tu ne quittes et ne quitteras jamais tant qu'Antiva demeure. Ne partageait-elle pas la tête du cercle avec cette Chevaleresse-commandante qui sanctionnait chaque jour ton comportement ?

Puis le regard de Carmen se porte vers @Zaena, la Dalatienne que tu désignes et deux pupilles bleues la détaillent comme l'implacable glace percent l'immaculée poudreuse. Elle a l'air pourtant de la connaître déjà par cœur, devinant ses désirs et ses doutes, juge triant lentement dans ses papiers pour savoir quelle pièce servira à asséner son implacable sanction…  

« Cette chère… Zaena ?..., sa voix chaude arborait autant d'accents que ses pensées trahissaient mille desseins, ne reconnaît peut-être pas une Première Enchanteresse parce qu'une Dalatienne n'a rien à faire dans un cercle de magie. N'est-ce pas ? »

Ladite Première Enchanteresse adopte des tons presque doux, manière pour elle de compatir avec le sort de cette pauvre Dalatienne : est-ce à toi, @Zaena, qu'elle adresse ce sourire triste, ou à toi, @Lachlann Vaël, qu'elle offre ce sourire entendu ? Terminant lentement le verre que tu lui a tendu, @Katriel de Palia, elle te le retend avant de poser sa main maintenant ridée sur ton épaule pour mieux te garder près d'elle.
Son regard, pourtant, se reporte vers toi, @Rita Aelesia, car aux accusations que tu lui adresses, la voilà qui se défend :

« Si vous aviez récemment visité la chapelle, templière, vous verriez les bougies et les prières qui leur sont adressées – j'aurais aimé faire plus, une cérémonie publique mais comme je vous l'ai montré, je ne suis malheureusement pas ici chez moi. »

Ce ne serait pourtant pas Carmen Amadio si la Première Enchanteresse d'Antiva n'en profitait pas pour conclure sa défense d'attaques plus personnelles : jeu dangereux auquel tu t'es livré, @Rita Aelesia, et à laquelle une maîtresse des scandales se prête à son tour.

« Que vous ne l'ayez pas remarqué ne m'étonne néanmoins pas, puisque ce n'est pas le premier devoir auquel vous manquez. Quand est-ce que l'on vous a vue, vous, à honorer la mémoire de ceux dont vous avez pris la place sur le navire ? À moins que vous soyez plus bavarde et cérémonieuse dans les bordels et les tavernes de la ville ? Voilà une charmante manière de profiter de l'hospitalité havenoise. »

Vous, une templière, vous permettez de m'adresser la parole ? Le voilà, le regard dédaigneux de Carmen Amadio, que Rita eu bien peu de mal à égaler en intensité tant elle y était habituée. Vas-y, Carmen. Rappelle-moi mon rang. Tu ne sera pas la première.

Puis vint la mention de la place d'une Dalatienne au Cercle, et son sang ne fit qu'un tour.

Carmen savait. Elle savait que Myhr, l'amante de Rita, était Dalatienne. Ça avait été caché, par l’elfe la première, ne se confiant qu'à son amante Templière. Et voilà que Carmen Amadio, Première Enchanteresse d'Antiva, maîtresse des double-sens et celle qui savait tout, glissait subtilement une double référence à Zaena et Myhr, canalisant un éclair qui vint transpercer si précisément le cœur de Rita. Sans qu'elle puisse réagir, sans qu'elle puisse se trahir, elle et la mémoire de son amante. Non, une Dalatienne n’avait rien à faire dans un Cercle. Elle le savait mieux que quiconque. Et maintenant, elle devait se taire.
Les bras de la Templière tremblaient, ses poings blanchis agrippés à ses biceps, et son regard se noircit. Comment oses-tu, Carmen. Oh, ce qu'elle donnerait pour la faire taire. Effacer ce regard suffisant, satisfait de la manière dont elle avait cerné sa proie, alors qu'elle continuait les attaques personnelles grotesques.

C'est alors qu'elle reçut une tapette furtive sur la cuisse de sa voisine, Lucía. Jeune templière Antivane, pour sa part droite dans ses bottes et toujours contenue, qui n'appréciait pas pour autant la manière dont Amadio s'emparait ainsi de l'assemblée. En un geste, elle invitait sa collègue à se calmer.
C'est Carmen, Rita. Tu sais que quand tu l'attaques, elle va te répondre et te faire mal. N'avais-tu pas quelque chose à lui dire ?

« …Ne te fous pas de moi. »
Un ton un peu rauque, mais mesuré.

« Jamais le Premier Enchanteur Mansilla ne se serait opposé à une cérémonie publique. Tu ne l’as pas fait, c’est tout. »

Inutile de répondre aux accusations. Elle avait failli rentrer dans son jeu. Ça ne devait pas arriver de nouveau. Tant qu’elle ne mentionnait pas Myhr à nouveau, ça devrait aller.

« Et aujourd’hui encore, quand notre Sœur dédie sa bénédiction à ceux qui souffrent de l’Enclin, tu vois là l’opportunité de créer une dispute dans la pièce et de faire avancer ton jeu de pouvoir, plutôt que d’adoucir nos cœurs meurtris par la perte de nos adelphes encore si fraîche ? »

Son regard dur était trahi par le petit scintillement naissant dans ses yeux d’ambre.

« Pas comme ça, Carmen. Pas comme ça. »

Cadwell touillait sa soupe en de petits cercles concentriques, prenait une cuillerée, puis recommençait, en jetant de temps à autre des regards embarrassés en direction des voix.

Ce n'était pas une mauvaise soupe, objectivement, elle était même excellente selon les critères du Cercle. Elle était juste un peu fade à son goût, mais à présent que les accusations et les représailles avaient éclaté de toute part, le jeune templier se voyait mal demander tout haut à ce qu'on lui passe le sel.

Lorsque l'Enchanteur supérieur Vaël remonta l'allée en compagnie de l'apprentie dalatienne, Cadwell les regarda presque avec envie. S'il s'était secoué un peu plus tôt, il aurait pu se proposer pour la raccompagner. Maintenant, il n'avait plus d'excuse pour quitter la salle. Il était forcé de rester assis tout en écoutant le scandale, et de manger sa soupe le plus lentement possible. Il ne savait pas ce qu'il ferait une fois que son bol serait fini, c'était son dernier rempart contre la gêne et la honte qui menaçaient de le submerger.

Certes, toutes ces histoires ne le concernaient pas – ce qui ne l'empêchait pas d'écouter très attentivement tout ce qui se disait, évidemment – mais il éprouvait facilement de l'embarras de seconde main, et le malaise qui avait envahi la pièce était aussi épais que le brouillard sur les quais de la Minantre un matin de Vendangien.

Andrasté, aies pitié de nous.

Rita Aelesia et Carmen Amadio étaient en train de s'accuser mutuellement de ne pas avoir honoré les âmes perdues à Antiva. Même si Cadwell ne savait pas pourquoi l'Enchanteresse Amadio n'avait pas organisé de cérémonie – il doutait que le Premier Enchanteur l'ait interdit – il l'avait croisée assez souvent à la chapelle pour ne pas l'imaginer croyante. Il avait de la peine à croire ses paroles, cela dit. Déjà parce que prendre le Premier Enchanteur à parti devant tout le Cercle était mesquin, mais surtout parce qu'elle avait des raisons de l'être.

Elle n'était pas vraiment Première Enchanteresse ; le titre allait de pair avec le Cercle, il ne servait pas seulement à déterminer son niveau de pratique dans les arts magiques. Et sans Cercle, pas de titre. Elle avait beau imputer le manque de reconnaissance dont elle faisait preuve à l'inimitié du Premier Enchanteur Mansilla, elle ne pouvait pas lui mettre la disparition de son Cercle, et donc de son titre, sur son dos. Mais à l'entendre, tout était de la faute du Premier Enchanteur...

C'était tellement ridicule que pendant ce repas qui semblait durer trois heures, Cadwell développa de la compassion pour cet homme qu'il n'appréciait que très moyennement. Même le comportement de Rita, qu'il aurait fustigé en temps normal, lui inspirait un peu de compassion et – oui, était-cela ? – de respect. Il avait envie de s'enfoncer six pieds sous terre, certes, mais il ne pouvait s'empêcher d'imaginer ce que sa camarade templière risquait à remettre à sa place une enchanteresse plus gradée qu'elle.

Enfin.

Si les templiers ne servaient pas à remettre les mages à leur place au sens propre et figuré, pourquoi les enfermer ensemble ?

"Très bonne, cette soupe", commenta finalement Cadwell en se tournant vers son plus proche voisin. "Quelqu'un me passerait-il le sel ?"

Elle est perdue, visiblement les regards ne semblent pas beaucoup approuver de son déplacement. Peut-être aurait-elle due rester assise ? Le repas n'était-il pas fini avec le départ du premier enchanteur ? L'enchanteur supérieur présente celle qui a eu quelques mots avec le premier enchanteur. Première enchanteresse également ? Mais du cercle d'Antiva ? Mais, ne peut-il pas n'y avoir qu'une seule personne à la tête du cercle ? Si les mages ici sont maintenant membre du cercle, alors elle n'est plus première enchanteresse n'est-ce pas ? Étrange monde que celui de la politique au cercle.

L'enchanteur veut maintenant la remmener dans le dortoir. Probablement n'a-t-elle pas suivie la bonne façon de faire alors. Bientôt c'est une autre voix familière qui raisonne, Rita, la templière qui lui a expliqué un peu le fonctionnement du cercle prend la parole. A en croire les échanges entre elle et l'enchanteresse-première-d'Antiva mais-plus-maintenant, il existe une forte tension entre elles. Les deux se reprochent un manque d'attention envers ceux qui sont tombés. La dalatienne est encore une fois bien éloignée du débat entre les deux personnes. Mais les questions restent présentes. Alors qu'elle acquiesce face à la proposition de l'enchanteur supérieur, elle ne peut que se risquer à demander encore.

« N'y a-t-il pas qu'un seul premier enchanteur au cercle ? Ou bien il y a maintenant deux cercles dans un cercle ? »

La voix basse de l'elfe indiquait qu'elle tentait, plus ou moins, d'être discrète. La façon de faire de l'enchanteresse d'Antiva semblait bien fourbe, rien qui ne plaisait vraiment à la jeune apprentie, non pas qu'elle est la capacité de faire changer quelque chose. Au moins avait-elle raison lorsqu'elle disait que les dalatiens n'avaient pas leur place ici. Pouvait-elle seulement y faire quelque chose ? Le doute était plus que fort, pas de porte de sortie pour elle ici.

« Je ne comprends pas encore vraiment toutes les coutumes et habitudes du cercle mais... La pensée présente ne devrait-elle pas être à l'union plutôt qu'aux dissensions ? »

Cette fois sa voix était un peu plus forte, ne serait-ce que pour que quelques personnes entendent sa pensée au delà de l'enchanteur supérieur. Elle ne connaissait pas vraiment l'enchanteresse, mais elle n'avait pas vraiment choisie des méthodes que la dalatienne pouvait considérer comme autre-chose que fourbe. Les mots qu'elle employait pouvaient autant servir d'arme qu'autre chose. Il n'y a pas si longtemps que la peur de chaque ombre dans la rue l'avait quitté, alors le doute restait. Mais elle ne ressemblait pas à quelqu'un en qui Zaena pouvait placer de la confiance.

Rien ne manque à Carmen Amadio. Ni la gêne marquée des plus jeunes templiers, à l'instar de @Cadwell, ne sachant où se situer entre devoir, raison et loyauté. Ni les questionnements des regards les plus innocents comme ceux d'@Ailis Treglown, perdus entre les ordres et la discorde. Ni les questions hasardeuses et l'étiquette bafouée par tes gestes, @Zaena, la Dalatienne qui n'a pas sa place dans un cercle. Ni, au contraire, les airs satisfaits, plus rares et donc plus précieux, de ceux qui découvrent là une belle opportunité – n'est-ce pas, @Lachlann Vaël ?

Oh non : rien ne lui manque, alors même que son regard magistrat ne se décroche plus de @Rita Aelesia qui ose continuer de la défier en public. Pourtant tes mains tremblent et tes yeux flanchent sous le poids du doute ; pourtant ta voix vibre et tes pensées soupirent. L'enchanteresse voit, l'enchanteresse sait : elle est même la première à comprendre le sens véritable de ses mots.
Non ?

« Crois-tu vraiment qu'il ne s'y est jamais opposé ? Rien ne l'empêchait d'organiser lui-même cette cérémonie pour rendre hommage le royaume qui l'a vu naître et le cercle qui l'a formé. Si tu ne me crois pas sur mon refus, constate alors son inaction. »

Sa main se décroche de ton épaule, @Katriel de Palia, d'une lente caresse qui ne t'oublie jamais : Carmen Amadio ne compte pas rester là. Depuis le pied de l'estrade vide, il lui faut quelques enjambées pour rejoindre la table des templiers sans grade mais elle prend le temps nécessaire, remonte cette allée de sa démarche autrefois féline, désormais plus vipérine, et s'approche de toi, @Rita Aelesia.
Ses mots prochains paraissent comme une confession : pourtant, elle les prononce bien assez fort pour qu'on puisse l'entendre. L'enchanteresse ne veut juste pas crier, pour que sa voix arbore des accents plus... doucereux :

« Oh, ma pauvre enfant : je me surprends parfois à me demander qui de ta naïveté ou de ton insubordination, t'a toujours tenue si loin d'un grade. À moins que ce ne soit ta discutable loyauté et tes douteuses fréquentations ? Le Créateur, au moins, nous a toujours gardés de ton incompétence. »

Sur ses mots, elle se retourne et se désintéresse de toi, @Rita Aelesia. Ses longues robes frottent sur le sol de pierre. Carmen Amadio s'adresse à l'assemblée et espère bien que chacune et chacun d'entre vous l'entende :

« Cercle de Starkhaven, je vous assure que cette scène désolante ne m'a pas amusée, pas plus que de constater le dépassement de votre Premier Enchanteur et d'un ancien élève. Comprenez seulement qu'à force d'être reconduite, je n'ai eu d'autre choix pour porter la voix des miens, me faire entendre, et vous faire comprendre que nous ne trouvons pas tous cela normal. »

Qui croire ? L'un ne se défend pas, absent, coupable ; l'autre profite sournoisement de cette parole dont on l'a semble-t-il trop privée pour enfin s'exprimer. Ses quelques pas, pendant son discours, l'ont rapprochée un peu de toi, @Katriel de Palia : mais vous êtes encore assez éloignées pour que l'apostrophe résonne dans ce réfectoire lourd de gêne et de questions. Carmen Amadio tend vers toi ses doigts, paume vers le ciel, t'invite à se saisir de sa main. Un léger sourire flotte sur son visage.

« Viens, Katriel. Je suis fatiguée et lasse, et triste. Retournons donc à nos quartiers. »

La vipère s’enroule confortablement autour du cou de sa proie, avant de mordre.
Douteuses fréquentations. Carmen ne pouvait que parler de son amante, et le venin fait bouillir son sang encore un peu plus. Rita se lève brusquement en frappant la table, prête à en découdre.

Tout du moins, l’aurait-elle fait si une forte main, celle de Lucía, n’était pas venue s’emparer fermement de son bras droit. Dans ce geste, un nouveau rappel. Rentrer dans le jeu de Carmen, c’était perdre.
Ç’aurait pu fonctionner si Rita n’avait pas déjà perdu, incapable de s’en rendre compte. Alors que Carmen repartait s’occuper de toute la salle, la Templière méprisée donne un coup sec pour se dégager de l’emprise de sa camarade, marche vers l’enchanteresse d’un pas ferme, son venin logé dans ses yeux, aveuglant.
Felipe, collègue plus loin dans les tables des gradé-e-s, se lève, interposé entre Carmen et Rita. Cette dernière durcit les épaules, prête à le bousculer, violemment si besoin.

Mais il voit plus loin qu’elle. Anticipant son comportement, il ne lui présente pas de résistance, la laisse percuter l’air pour lui faucher la jambe, saisir son bras droit, et poser le pied sur son dos, lui imposant une position agenouillée.

« Lâche-moi, Felipe, » grince-t-elle, le regard verrouillé sur l’objet de sa haine, celle qui n’a même pas encore pris le temps de se retourner pour la regarder. Celle qui ne le fera sans doute pas de son plein gré, le sait-elle.

« Tu as dit ce que tu avais à dire. Je ne te laisserai pas te ridiculiser plus longtemps, et encore moins l’Ordre que tu représentes, » répond Felipe tristement.