Type de RP Normal
Chapitre concerné Chapitre 4
Date du sujet2 Auguste 5:13
Participants Hector, Ateesha, Yara & Hareas
TW Grossierté
Résumé Les souterrains de Starkhaven semblent avoir quelques secrets à révéler, secrets qui pourraient intéresser la garde des ombres qui envoie des membres, ainsi que divers petits curieux qui souhaitent également profiter de l'endroit.
Pour le recensement

Code:

[code]<ul><li><en3>2 Auguste 5:13</en3> : <a href="https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t2004-sous-les-pieds-de-tous-pv-ateesha-yara-hareas#23800">Sous les pieds de tous</a></li></ul><p><u>Hector, Ateesha, Yara & Hareas</u> Les souterrains de Starkhaven semblent avoir quelques secrets à révéler, secrets qui pourraient intéresser la garde des ombres qui envoie des membres, ainsi que divers petits curieux qui souhaitent également profiter de l'endroit.</p>[/code]

Hector grognait dans la rue, qu'avait-il donc fait pour mériter ça ? Maintenant non seulement il allait en patrouille, mais en plus c'était dans les souterrains, bien loin des tavernes et autres établissements peu respectables qu'il affectionnait tant. Histoire de faire les choses en grand, en plus sa camarade de mission était plus haute gradée que lui. Drôle de résultat, qu'avait-il donc fait pour mériter ça ? Peut-être était-ce à cause d'il y a une semaine ? Il n'avait guère beaucoup de souvenirs de cette nuit là, mais il avait finit à la commanderie au moins, même si ce n'était pas vraiment dans sa chambre qu'il avait terminé. Le lendemain la recrue qu'il avait poliment envoyé dormir dans le couloir n'avait pas manqué de faire part de l'était déplorable du boucher de Grandbois cette soirée là. Mais qu'y pouvait-il ? Il ne s'en souvenait pas.

Cela faisait de longues semaines qu'il n'avait pas quitté la ville, depuis cette mission sur la route de Wycome. Encore une victoire pour la garde, plus ou moins. Des morts, des phénomènes inexpliqués, une cicatrice à la jambe pour lui rappeler la sortie, ainsi que quelques souvenirs peu agréables. Notamment une sale histoire à base de blessure infligée par un écureuil, vieille rumeur dont il ne parlera jamais, sauf sous l'emprise d'une quantité peu saine d'alcool. La route jusqu'aux souterrains lui parut bien longue, d'autant plus que Mirestreet n'était pas vraiment le genre d'endroits dans lesquels Hector aimait se promenait. Disons que son manque de respect flagrant pour les fanatiques, sa tendance à la violence, l'alcool et le verbe peu poli mêlés à son histoire de meurtrier familial, le tout couplé à son visible désaccord avec les dogmes strictes de la Chantrie et plus particulièrement des templiers n'aidait pas à faire de ce lieu un endroit où il était le bienvenue.

Au moins on ne pouvait pas le considérer en retard, si jamais on accepte les quinze dernières minutes. Mais il arrivait finalement, vêtu de la cotte de maille portant le blason de la garde, sa grande épée et une sacoche de cuir, dans laquelle il avait habilement caché une bouteille de bière, maintenant vide, ainsi qu'une bouteille de secours, à peine entamée. Il n'avait pas vraiment porté une grande attention aux dires sur ce lieu, mais de ce qu'il en savait, l'explorer pouvait offrir des informations sur divers lieux, ainsi qu'une certaine connaissance de la ville. Mais surtout, il fallait s'assurer que le lieu ne puisse pas servir d'entrée vers les tréfonds, donc oui, il fallait bien reconnaître que la mission avait une certaine importance. Mais dans le fond, ça restait une patrouille. Le genre de tâche ingrate, obligatoire, que le garde de rang détestait. En soit, il n'aurait pas à s'occuper des conneries des civils ici ? A moins que certains ne décident aussi de jouer aux explorateurs...

« Désolé du retard, je... Désolé du retard. »

Il n'avait pas vraiment pensé à une excuse et n'en avait pas vraiment. L'air presque nonchalant qu'il avait sembla se tendre en observant le lieu. Bizarrement, une partie de lui-même semblait presque curieuse et intriguée par le lieu.

« Du coup chef, vous avez quelques informations intéressantes sur l'endroit ? On risque quelque chose ? »

L'endroit était drapé d'une aura de mystère qu'il pouvait presque craindre. Mais cela avait également une aura intrigante et plus son regard se posait sur l'entrée, plus il doutait. Au fond, la mission serait peut-être bien plus intéressante qu'une simple patrouille.

« On y va ? »

Les journées s'étiraient sans fin, depuis la débâcle de la place Bagpiper, ou était-ce un effet de son imagination ? Hareas n’avait pas été aussi occupé depuis des mois et pourtant il avait la sensation que chaque jour succédait au suivant dans une lente monotonie. À défaut de tourner physiquement en rond, ses pensées reprenaient sans cesse la même rengaine, laissant au Dalatien l’impression très désagréable – et pourtant familière – de ne pas avancer. Alors lorsqu’il avait eu l’éclair de génie, il n’avait pas laissé passer cette chance. C’était probablement une idée dangereuse, voire foireuse, mais peu importait ; elle le sortait enfin de cette torpeur dans laquelle son corps semblait se complaire (sans rire, il avait passé toute une demi-journée à glander sur un toit, il avait même ramené un coup de soleil sur le nez) et qui ne lui ressemblait pas.

L’éclair de génie était une belle antiphrase, Hareas ayant rarement eu idée aussi stupide, mais elle lui semblait excellente sur le moment et son amie Yara n’avait pas objecté. Il était curieux de savoir si les souterrains de Starkhaven cachaient un passage dérobé pouvant mener au Cercle.

C’est pour un ami, avait ajouté l’elfe, évasif, même si Yara savait parfaitement pourquoi il aurait aimé s’introduire dans la tour des mages si son hypothèse s’avérait exacte.

Dans les faits, ils avaient plus de chance de trouver les ennuis qu’un potentiel passage secret, mais la simple idée de partir en exploration avec une de ses meilleures amies (ou une de ses dernières amies) emplissait Hareas d’un sentiment qu’il n’avait pas connu depuis longtemps. Et puis, un peu d’exercice leur ferait du bien, à lui comme à son arc. Il était certain qu’en cas de danger, il serait capable de tirer… cette fois. Depuis l’événement de la place Bagpiper, il semblait en effet que son arc, ou son bras, ou l’elfe responsable de ces deux choses-là, fasse une sorte de blocage. Mais entre la chasse en forêt et la survie dans les souterrains, il y avait un monde. Un monde dans lequel Hareas avait hâte de plonger.

Uniquement pour assouvir sa curiosité, évidemment.

Il s'était quand même gardé d'en parler à son très cher colocataire, parce que ce dernier avait la fâcheuse tendance à être raisonnable, de toute manière ce dernier ne s'étonnerait probablement pas de le voir disparaître le temps d'une vadrouille. Et puis, ce n'était pas tous les jours qu'il partait en balade avec Yara. Étant entendu qu'elle était sa référence pour tout ce qui touchait les rues de Starkhaven, le Dalatien était persuadé que son amie saurait également se repérer sous les dites rues. Quant à lui, et bien que l'air frais lui manquait déjà à peine se furent-ils enfoncés dans le sol, il faisait confiance à ses sens aiguisés pour anticiper le moindre danger. Il ne s'attendait pas à ce que ses narines soient quasiment saturées par la puanteur, par contre. Heureusement, il restait son ouïe, et sa vue acérée. Fronçant constamment son nez rougi par le soleil, ce qui lui donnait l'air grincheux et contrastait très bizarrement avec son sourire un peu excité, Hareas se retourna vers Yara.

Je pensais pas que ça pouvait plus puer que Mudshelf, commenta-t-il tout bas.

Il osait à peine hausser le ton, et l'ambiance glauque et oppressante aurait dû convaincre son instinct qu'il n'allait pas dans la bonne direction, mais il était trop occupé à se demander s'ils allaient tomber sur des trésors ou des dangers pour s'en préoccuper. Il réalisa qu'il allait se perdre s'il ouvrait la marche et se glissa sur le côté pour laisser passer son amie. C'était plus exigu que ce à quoi il s'était attendu mais, même s'il ne pouvait pas dégainer son arc, il avait pour une fois l'avantage de ne pas être très grand.

Et il lui restait toujours les couteaux. Important, les couteaux.

« Puer ? T’es bien dur avec ce délicieux parfum d’engeance crevée. »

Yara a beau ne pas avoir parlé fort, son ironie se répercute contre les pierres humides, file dans l’obscurité avant d’y mourir. Le halo de sa lanterne vacille tandis qu’elle remonte son foulard sur son nez. Elle a beau plaisanter, une part d’elle n’espère vraiment pas trouver une telle créature ici – ou, du moins, espère qu’elle sera vraiment crevée.

C’est que le lieu où elle se trouve n’est pas très propice à l’utilisation de la fronde ou de l’arc, et qu’elle n’est pas particulièrement pressée d’y tester l’étendue de ces capacités avec une lame.

Quand Hareas est venu la voir, elle n’a pas beaucoup réfléchi ; n’a pas non plus eu beaucoup de peine à deviner le pourquoi, même si elle n’a pas demandé. Quelle importance ? « Hors de question que tu t'amuses sans moi. » Voilà ce qu'elle a répondu, mais lui aussi doit avoir compris : elle ne peut juste pas le laisser seul face à un possible danger. Encore une fois.

Depuis la crise de la place Bagpiper, si la voleuse est bien en peine de refuser quoi que ce soit à son ami, cela n’a évidemment rien à voir avec une quelconque culpabilité. Jamais ils n’auraient pu tirer cette dalatienne des griffes de la Chantrie... Ne pourront l’en tirer tout court, sûrement. Faire évader une mage du Cercle serait d'ailleurs une très mauvaise idée. La pire que tout deux pourraient avoir de leur vie, à vraie dire. Pourtant, là aussi, elle n’a rien dit. Inutile de se faire des nœuds au cerveau avant de trouver une hypothétique entrée. Elle ne s’attend même pas à découvrir une ; a seulement consenti parce qu’elle sait – parce qu’elle le connait – qu’Hareas aura d’abord besoin de s’en assurer lui-même avant d’accepter l’inacceptable.

Sans oublier qu’elle a ses propres raisons d’être ici.

Alors ils ont cherché. Dans les caves et les bâtiments abandonnés, les ateliers en ruines. Fureté aussi près qu’ils l’ont osé des canaux empoisonnés. Parcouru les rues si longtemps sous le regard horripilant des clochers que Yara allait suggérer de regarder sous le foutu pieux de Sœur Silence lorsqu’ils l’ont enfin dénichée, à la lisière de Mudshelf et Mirestreet. Ils ont observé ces ténèbres dissimulatrices, protectrices, pleines de secrets à débusquer, ces ténèbres dévorantes et menaçantes, puis s’y sont engouffrés ; un frisson d’excitation logé dans l’échine, toujours plus intense à mesure que le sol s’enfonçait sous la ville, ne laissant bientôt plus de place au doute :

Les souterrains de Starkhaven.

Lorsque Hareas s’efface sur le côté, la demi-elfe prend naturellement la tête de leur petite expédition, prenant soin – parce que c’est ce qu’elle a lu dans le livre avec le labyrinthe – de toujours suivre le même mur, se repassant mentalement le chemin parcouru à intervalles réguliers, le tout sur l’air d’une chanson à boire pour ne pas l’oublier. Entre deux couplets, elle se demande si l’elfe est curieux ou inquiet. Si son esprit crédule repense à l’esprit des égouts qu’elle a inventé. Si ces tunnels abritent bien un passage vers les Tréfonds, même s’il est un peu tard pour ça. Pour l’instant, leur parcours ne révèle rien de bien palpitant : juste des boyaux sombres qui fouettent encore plus que les chaussettes sales de Ielvin, et dans lesquels ils avancent le plus silencieusement possible, parce que l’éventualité d’une mauvaise rencontre se fait plus prégnante ici-bas que lorsqu’ils en discutaient sous le soleil. Au bout de quelques mètres, l’espace déjà exigu se réduit encore. Le plafond descend pour raser de plus en plus souvent son crâne, jusqu’à la contraindre de se courber en avant, puis à pester dans sa barbe :

« Foutus tunnels de foutus nains ! »

Et c’est à ce moment précis qu’elle le perçoit, provenant de l’ouverture plus loin sur leur droite. Un son rythmique, de plus en plus prononcé.

Des pas.

Faisant signe à Hareas de s’arrêter, Yara s’accroupit, éteint leur source de lumière, puis sort rapidement le couteau dissimulé dans sa botte. Temporairement aveuglée, les muscles tendus par l’anticipation, la lanterne encore chaude dans une main et sa lame dans l’autre, elle attend. Quoi que ce soit au-devant d’eux – rôdeurs ou patrouille, mais certainement pas un monstre – le Dalatien sera avantagé dans l’obscurité.

Et elle lui fait entièrement confiance.

Hareas et Yara, les copains sympas et leur sac à dos, partent explorer les souterrains lorsque la demie-elfe entend un bruit et tente de se cacher. Vont-ils rencontrer de nouveaux amis ?

Ateesha n'en savait guère plus que lui. Le lieu était emprunt de mystère et c'était à eux d'en trouver un quelconque intérêt ? Escapade amusante en prévision, il acquiesçait aux mots de sa supérieur, bien entendu. Il ne restait rien en ce monde qui pourrait le faire abandonner quelqu'un qui portait la même malédiction que lui. Mais en toute honnêteté, il n'avait pas tant l'impression de mettre le pied dans un lieu si dangereux, peu probable de trouver un dragon enterré sous terre ce coup ci, alors ça ne pouvait qu'être mieux au fond. Escapade amusante en prévision.

Le bruit sourd de sa tête heurtant une énième fois le plafond vint lui arracher un grognement sincère.

« Grngmblrgrnmb... Foutus nains... »

Il fit une pas de plus, se tenant le dessus de la tête, puis se redressa. Mauvaise idée. Une escapade amusante, qui donc pouvait être suffisamment stupide pour y croire ? Maintenant Hector passait le plus clair de son temps à essayer d'esquiver le plafond, les murs et tout autre proéminence rocheuse sur sa route. Comment pouvait-il vraiment apprécier cette exploration en l'état ? Il ne pouvait pas, bonne réponse. Grognant encore un peu plus lorsque sa cotte de maille vint frotter brusquement le mur, à nouveau, Hector finit par mettre un genou à terre, soupirant. Cet endroit était peut-être le pire lieu de Starkhaven. En plus il n'avait aucune idée d'où aller, chaque chemin semblait les emmener un peu plus loin dans... Dans quoi que ce soit que cet endroit.

« Vous avez une idée d'où on est ? Parce que bon, par les deux fesses d'Andrasté je suis complètement paumé. »

Non seulement Hector n'avait jamais été le plus doué des pisteurs, encore moins sous terre, mais maintenant qu'il passait le plus clair de son temps à tenter d'éviter d'attaquer le plafond avec son crâne, c'était encore pire. Il reprit son avancée, plus ou moins calmement. Jurant à chaque fois que sa cotte de maille venait faire un bruit contre le mur, se plaignant à chaque fois que sa tête entamait une nouvelle cession de lutte contre la roche, regrettant à chaque fois que son dos lui rappelait qu'être autant courber n'était pas bon. Il devait tenir son épée à la main, avec le fourreau, quelle mauvaise idée aussi que d'emporter une grande épée avec lui dans ce lieu... Allaient-ils seulement avoir besoin d'utiliser une arme ? Il posa un instant son regard sur sa supérieure, soupirant avant de reprendre la parole.

« Vous n'imaginez pas à quel point j'envie votre petite taille en cet instant... »

Il reposa son regard devant.

« D'habitude non, pas trop, mais là maintenant, plus que jamais... »

Au début, c'était amusant. Les souterrains puaient, ils en plaisantaient, Hareas essayait de ne pas penser aux histoires de fantômes que Yara lui avait raconté, tout allait bien. Puis il y eut comme un bruit régulier, lourd, et des cliquetis. Hareas se figea, tandis que sa camarade éteignait leur source de lumière pour leur éviter d'être repérés. Il lui fallut quelques secondes pour habituer ses yeux à l'obscurité quasi-totale, mais ensuite, il fut en mesure de déceler la silhouette de son amie, cachée au coin du mur, et ses propres mains, qui vinrent instinctivement attraper le couteau de chasse à sa ceinture.

D'abord, Hareas tendit l'oreille. On aurait dit des pas. Des pas de soldats en armure. Et cette odeur... elle empirait. Elle approchait. Elle empestait tellement que les larmes lui montaient aux yeux. Elle était familière, aussi... Oh, non. Ce n'était pas simplement l'odeur de la pourriture, comme il l'avait imaginée, mais bien pire. Un sentiment d'horreur l'étreignit lorsqu'il comprit.

Les canaux charriaient une effluve de mort.

Le Dalatien se maudit en silence. Ils avaient entendu les histoires de cadavres emportés par le fleuve, alors pourquoi pas ici ? Il pouvait presque sentir leur présence à travers les murs... Une expression d'horreur déforma ses traits, rapidement cachée par la main qui vint protéger son nez et sa bouche des effluves de plus en plus insupportables. Était-ce l'angoisse ? Le souvenir de Bagpiper ? Ou simplement l'odeur ? Quelque chose en tous cas empêchait le chasseur d'analyser correctement la situation.

Dans sa langue maternelle, un murmure angoissé lui échappa.

Les engeances...

C'était les engeances qui approchaient. Et elles étaient nombreuses. Bien sûr, dans un tel endroit, si proche des profondeurs... Et il avait convaincu Yara de le suivre jusqu'ici.

Sa dernière amie.

Avant que la panique ne le submerge complètement, il réalisa ce qu'il les attendait et ce fut comme un choc électrique : s'il restait figé, ils allaient mourir. Cette pensée le ramena assez vite à la réalité pour qu'il se rappelle que Yara attendait toujours de savoir ce qu'il avait vu.

Les engeances, répéta-t-il, en Commun cette fois, dans un chuchotement pressant.

Il attrapa son amie par le bras pour la tirer en arrière et passa brièvement sa tête de l'autre côté du mur en prenant une grande inspiration. L'angoisse et la hargne se mêlèrent dans sa voix tremblante pour hurler une réponse :

Approchez pas, sales engeances qui puent !

Lui aussi, il pouvait crier des menaces ! Crier, oui. Parce que les engeances parlaient elles aussi, n'est-ce pas ?

Dans ce lieu inconnu du ciel et plus sombre qu’une nuit sans lune, l’air qui pénètre les poumons de Yara lui parait d’autant plus vicié que ses yeux se trouvent brutalement privés de repères. Pendu à l’attente aveugle, un espoir lancinant tiraille ses nerfs à mesure que les secondes s’étirent...

Puis rompent brutalement, fendues par un chuintement métallique :

« Montrez-vous ! »

L’adrénaline déferlant comme une vague sur ses membres, la demie-elfe se redresse. Lentement, sûrement – parce qu’il serait con de trébucher lame en main dans le noir – elle suit le mur à tâtons, de même qu'une certitude : les autres ne savent rien. Ni combien, ni où, ni qui… Ils n'ont entendu que du bruit. Autrement dit tout. N'importe quoi. Personne. Leurs promesses de sang ne sont que des mots qui se veulent impressionnants. Des menaces pour mener des fantômes à l’erreur qui les révélera. Ce n'est pas ça qui vole à son cœur un battement. Pas non plus ce dalatien méconnu, ce danger nommé en commun. Il s'agit moins de ce qu'Hareas dit que la façon dont il le dit. Ce souffle pressé, angoissé, et cette inspiration fébrile, qui pousse son corps en avant.

Trop tard. L'elfe la tire déjà en arrière, puis hurle :

« Approchez-pas, sales engeances qui puent ! »

Brutalement déséquilibrée, Yara manque de lâcher sa lanterne avec une grimace. Maintenant, c’est sûr : ceux qui les ont si aimablement salués savent. Le temps n'est plus à la dissimulation, mais à l'action. Fuir, se rendre ou combattre : voilà leurs options. Dans le noir, le couteau rejoint donc son étui ; la main libérée le dos d'un ami.

« Je suis là » assure-t-elle.

Et Yara rit.

« Nous montrer aux couillons qui gueulent leurs sales intentions ? Vous voulez pas qu’on vous chante le Cantique à poil aussi ? »

L'amusement rauque remonte sa gorge trop sèche, perce le tissu, écorche la pierre. Elle rit dans un refus de choisir, de laisser la peur les engloutir comme l'ombre. Elle rit de leur ridicule, de ces engeances qui oublient qu'elles ne parlent pas, de cet ennemi qui ignore qu'il ne décide pas. Elle rit parce qu'elle a promis à Ielvin de rentrer.

« Et si on se présentaient tous calmement, plutôt que brailler comme des cochards ? »

Eux d’abord, puisqu’ils semblent si pressés d'en finir.

Peu convaincue de se trouver face aux engeances et jugeant la situation un poil tendue, Yara rassure Hareas d'un geste puis tente l'approche diplomatique.

« Gnagnagna ! »

Pas très drôle de se moquer de lui. En plus à peine eut-il répondu avec esprit à la remarque de sa supérieur qu'il vint commencer à creuser le plafond de sa tête, lui arrachant un autre grognement sincère. Heureusement qu'Ateesha n'était pas aussi perdue que lui, moins grognon aussi peut-être. Elle lui tendit une craie pour marquer leur chemin. Nonchalamment Hector la posa au plafond, faisant régulièrement des marques, parfois de sa craie, parfois de son crâne.

« La prochaine fois je prends un casque. »

Avec une craie dessus, tout serait alors parfait. Ateesha lui soumit l'idée d'une armure de cuir. En temps normal l'Orlésien aurait juste haussé les épaules, mais là c'était trop dangereux. Alors il répondit d'un air blasé, bien présent depuis son premier baisé avec le plafond.

« J'aime pas le cuir. C'est trop mou et ça prends mal les coups. »

Quelques pas plus loin, d'étranges bruits. Alors qu'Hector menaçait, Ateesha était visiblement plus calme que lui, bien à nerf par ce ciel de pierre bien trop bas. Il resta immobile un instant, près à planter la première monstruosité devant. Pour toute réponse, une voix s'éleva au fond. Un gamin. Une voix qui criaient des mots ridicules. Hector se tourna vers sa supérieure, visiblement encore plus blasé.

« Un gamin ? »

Grognon, peu patient et visiblement agacé il commença à tituber vaguement en avant, pendant qu'une seconde voix s'élevait. Visiblement un peu plus mature. Peu agréable, pas que les gardes le soit, mais un peu plus diplomate. Qu'importe, Hector continua d'avancer, faisant quelques pas entre deux coups sur le plafond. Arrivé face aux voix il se présenta, passant sa tête uniquement à l'intersection, un air énervé sur le visage et une craie à la main, marquant légèrement le plafond en fixant les deux gamins.

« Qu'est-ce que vous foutez là putain ? Vous devriez pas être au lit à l'heure qu'il est les gosses ? »

Et puis, c'est pas sensé être interdit d'être ici ? Peu probable qu'ils aient eu une autorisation, sans doutes des vauriens. Peu importe en soit, mais Hector ne pouvait pas juste laisser ainsi les deux petits trucs. Il se présenta un peu plus convenablement, entre deux chocs, pour révéler toute sa stature aux deux petits. Un elfe et une moins elfe.

« On est de la garde des ombres, donc techniquement, nous on a rien à prouver. Parce que je suis bien gentil, moi je m'appelle Hector. »

Il laissa son fessier tomber au sol dans un soupir de soulagement. Plantant sa massive carcasse face aux deux voyageurs illégaux. Il gardait dans une main la craie et sa dague dans l'autre, attendant calmement qu'ils se présentent.

La panique qui enflait dans le coeur d'Hareas ne pouvait que s'exprimer à travers la colère, et sa voix dont il ne contrôlait pas les tremblements sonna de façon ridiculement petite entre les murs humides des souterrains. Les engeances parlaient. Et il ne s'était pas fait à cette réalité absurde qu'une chose encore plus impressionnante se produisait : Yara se moquait d'elles. Son rire défiant enfla, plus fort que les échos de sa peur, et Hareas fixa son profil dans la pénombre, les yeux grands ouverts.
Le geste rassurant de son amie, sa bravade aussi, apaisaient un peu l'irrationnalité qui avait profité de ses sens perturbés pour prendre possession de son esprit. Il n'avait pas encore repris le contrôle lorsque la tête d'un homme immense apparu à l'angle du mur. Il en fallut de peu pour que le fier archer dalatien ne lâche un glapissement ridicule. UN GÉANT. L'espèce de montagne en armure bougonna son mécontentement en cliquetant et Hareas finit par comprendre que 1. les engeances ne râlaient pas, 2. elles ne mesuraient pas deux mètres, ou 3. quand elles le faisaient, elles ne prenaient pas la peine de vous gronder avant de vous manger.

Il effectua tout de même un pas en arrière quand le géant se redressa de toute sa hauteur pour se présenter. Lentement. Comme s'il reculait face à un ours.

On... commença-t-il d'une voix perplexe et incertaine.

Qu'est-ce qu'il était censé dire, déjà ? Yara et lui avaient pris en compte cette possibilité. Hareas ne pensait juste pas qu'il y aurait vraiment des gens qui surveillaient les souterrains. En plus, les gardes, ce n'était pas ceux qui chassaient les engeances ? Pourquoi étaient-ils ici, dans ce cas ? Il y avait forcément des engeances, il ne pouvait pas avoir totalement halluciné... mais si tel était le cas, il ne pouvait pas rester figé là. Hareas se secoua, aussi bien physiquement que mentalement.

... perdu. On est perdu.

Son regard incertain chercha celui de Yara, plus douée que lui dans le domaine des faux-semblants.

On voulait... juste rentrer... à la maison ?

Il n'avait presque pas besoin de se forcer à geindre sur le dernier mot. Il pensait encore aux engeances. L'odeur putride qui montait des égouts lui donnait envie de pleurer. Et si la garde-connétable affichait une taille tout à fait raisonnable du point de vue d'un elfe, son collègue tout aussi grognon mesurait toujours deux têtes et demie de plus que lui.

Yara ne peut totalement reprocher à Hareas sa confusion. Pas après l’exécution. Après la blessure qu’elle semble avoir infligée à son ami ; brûlure résiduelle invisible, qu’elle devine dans ses silences. Un mois plus tard, elle-même sent encore la fumée sur les vêtements qu’elle portait ce jour-là et, s’il n’y avait ces voix ou cet occasionnel timbre métallique, les chocs résonnant par intermittence contre la roche auraient tout à fait leur place dans les tréfonds.

Mais leurs adversaires ne sont que des hommes, comme le prouve l’apparition laborieuse au détour du boyau. Pour une fois, la demi-elfe ne se formalise pas de rencontrer plus haut qu’elle. La vision de cette tête courbée, contrainte par l’étroitesse de leur environnement, arrache à ses lèvres un rictus moqueur – Bah alors mon grand, on a du mal à passer ? – puis crispé lorsque son propriétaire adopte une attitude infantilisante à la con.

Ce qui est probablement mieux que de se faire sauter dessus, mais pas de beaucoup.

« Qu'est-ce que vous foutez là putain ? Vous devriez pas être au lit à l'heure qu'il est les gosses ?
— On est tombé dessous. »

Contrairement à son compagnon, elle ne recule pas lorsque l'homme avance, révélant un uniforme à la teinte caractéristique. À défaut de flamme dans sa lanterne, l’insolence flamboie dans son regard jusqu'à rivaliser avec l'éclat d'une dague. Baissée, la lame n'a pas l'air pressée de servir pourtant, son détenteur lui préférant des salutations toujours aussi condescendantes.

« On... »

La réponse d'Hareas s'élève et trébuche sans que Yara fasse mine de la relever. Pour éviter les contradictions ou la suspicion, mieux vaux ne pas surenchérir trop vite, tenir sa langue derrière les dents serrées. Elle lui fait confiance pour ne pas révéler l’essentiel comme elle se sait capable d'improviser sur ses mensonges et, même si elle doute qu'elle soit entièrement feinte, son incertitude n'est pas une mauvaise chose. Plutôt passer pour des manches qu'pour une menace : la logique de cette stratégie ne la rend pas plus plaisante mais, si leurs adversaires les sous-estiment, peut-être pourront-ils en profiter.

« Mon partenaire parle mal le commun. » ajoute-t-elle les explications achevées. Une précaution pour justifier ce qui pourrait autrement paraître coupable avant de dévisager la naine d'un air sombre. « Et on peut l'entendre vot'raison ? Qu'est-ce qui nous dit qu'vous êtes bien c'que vous prétendez d'abord ?  »

Elle n'a pas besoin de forcer la méfiance dans sa voix alors qu'un plan prend forme dans son esprit. Rien à prouver ein ? Elle ne croit pas réellement avoir affaire à des imposteurs, mais si ces deux là attendent son respect tout ça parce qu’ils portent du bleu, autant aller le quémander à l'Enclin ! La Garde, des héros ? Conneries. Juste des gens comme les autres, nés à la mauvaise époque. Une prétendue aubaine pour le monde. Un malédiction probable pour eux. À leur égard, Yara n'éprouve pas plus d'admiration que de pitié.

Ils ne sont pas les seuls, ici, à avoir tué des monstres.

Profitant du mensonge maladroit d'Hareas et inspirée par leurs propos, Yara remet en doute l'identité du duo de gardes.

« Vous pouvez vous adresser à Senaste, si vous ne nous croyez pas. »

Telle est la réponse d’Ateesha aux accusations de Yara. Face à ce nom tristement connu depuis l’inauguration de la Grande Cathédrale, cette dernière feint la défiance puis le doute, et enfin une résignation teintée de frustration.

« Si c’est vraiment des gardes, on a plus l’choix, glisse-t-elle à Hareas. Faut leur dire pour ton amie... »

Entrainant l’elfe – dont les balbutiements de protestation s'éteignent sitôt qu'il comprend sa stratégie – dans une toile de demi-mensonges et vérités, tous deux « révèlent » alors la raison de leur présence : la disparition voire l’enlèvement probable d’une camarade dalatienne, et cette unique piste menant aux souterrains ; puis avoir cru avoir affaire à des malfrats mêlés à cette histoire. Ils requièrent ensuite l’assistance de la Garde des Ombres avec un succès mitigé, car le verdict est sans appel :

« Nous ne pouvons pas vous permettre de déambuler ici, les risques sont trop grands. Mais notre exploration n'est pas finie, nous vous guidons jusqu'à la sortie, et nous repartons. »

Le duo se laisse finalement raccompagner de mauvaise grâce, mais une chose est sûre : ses investigations sont loin d'être terminées.