Les petites actions - Ft. Saam van Cauwenberghe

Isbeil Byrne
Isbeil Byrne
Apprentie du Cercle
Apprentie du Cercle
Isbeil Byrne
Personnage
Illustration : Post Tenebras Lux

Peuple : Humaine
Âge : 20 ans
Pronom.s personnage : Elle
Origine : Noblesse havenoise (Corintamh, Marches Libres)
Occupation : Apprentie mage
Localisation : Cercle de Starkhaven (généralement à la bibliothèque ou dans la chapelle)
Pseudo : Talasi
Pronom.s joueur.euse : Elle
Crédits : The Inner Sun by Anndr (avatar) | Megan Rieker (illustration) | Adamant (signature)
Date d'inscription : 10/10/2021
Messages : 541
Autres personnages : Yara
Attributs : CC : 10
CT : 10
Mag : 14
End : 13
For : 10
Perc : 12
Ag : 12
Vol : 14
Ch : 14

Classe : Mage niveau 1
Sorts : Feu follet magique : invoque une boule lumineuse inoffensive
Soin : guérit la cible par contact (+14 PV)
Bouclier spirituel : +2 de défense magique

Feuille
Joueur

 

https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t447-isbeil-byrne
Les petites actionsCHAPITRE DEUX : CEUX QUI MARCHENT DANS LES PAS D'ANDRASTÉ

Type de RP Classique
Date du sujet 17 Gardien 5:13 des Exaltés
Participants Isbeil Byrne et Saam van Cauwenberghe
TW Aucun pour l'instant
Résumé Alors qu’elle apporte un peu d’ordre à la bibliothèque du Cercle, Isbeil tombe sur une recrue de la garde des ombres en mission. Pleine de volonté et de curiosité, elle se fait un devoir de le guider parmi les rayonnages. L’occasion de nouer un lien avec l’extérieur et peut-être même d’apporter sa contribution contre l’Enclin annoncé, car qui a dit que les petites actions n’avaient pas d’importance ?
Pour le recensement


Code:
[code]<ul><li><en3>17 Gardien 5:13</en3> : <a href="https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t1174-les-petites-actions-ft-saam-van-cauwenberghe">Les petites actions</a></li></ul><p><u>Isbeil Byrne et Saam van Cauwenberghe</u> Alors qu’elle apporte un peu d’ordre à la bibliothèque du Cercle, Isbeil tombe sur une recrue de la garde des ombres en mission. Pleine de volonté et de curiosité, elle se fait un devoir de le guider parmi les rayonnages. L’occasion de nouer un lien avec l’extérieur et peut-être même d’apporter sa contribution à la lutte contre l’Enclin annoncé, car qui a dit que les petites actions n’avaient pas d’importance ? </p>[/code]



"Là où il y a les ténèbres, que je mette la lumière."
 
Les petites actions - Ft. Saam van Cauwenberghe 9zuy
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Les petites actions"Though the lands suffer a thousand wrongs,
The Maker yet notices the smallest of deeds."
Chant of Light, unknown canticle

« Un comble, vraiment, de réussir sa Confrontation pour manquer à ce point de bon sens. »

La voix de Serah Agnés, éraillée par le mauvais temps, s’élevait comme une malédiction d’entre les étagères. Il aurait-été difficile de dire si elle s’adressait à elle-même ou à la jeune fille brune à ses côtés. Par mesure de précaution, cette dernière hocha distraitement la tête. Elle avait beau se sentir plus indulgente que son aînée, elle savait également que l’on ne contredisait jamais une bibliothécaire agacée.

« Les jeunes passent encore mais, de la part d’un Enchanteur, ce genre d’erreur est inexcusable. Cela n’arriverait pas, si l’on me laissait donner des cours comme je l’ai demandé. Enfin, les journées d’un apprenti ne sont pas extensibles, il paraît. »

Agnés poursuivit un moment ses récriminations et Isbeil continua d’acquiescer. Oui. Les subtilités relatives au rejet des particules méritaient d’être mieux connues. Oui. Elle se sentait capable de finir seule. C’est avec soulagement que l’apprentie accueillit le retour du silence feutré de la bibliothèque en cette heure matinale, à peine perturbé par le bruissement d’une page ou le grattement d’une plume sur le papier.

Elle se perdit bientôt dans sa tâche. Chaque geste, répétitif, automatique, venant adoucir sa fatigue et ses soucis. Les livres glissaient docilement jusqu’au fond de l’étagère, comme heureux d’enfin retrouver leur place. Il y avait dans le respect d’une classification établie une simplicité séduisante, et quelque chose d’infiniment satisfaisant dans ce triomphe de l’ordre contre le chaos.

Isbeil soulevait son dernier ouvrage lorsqu’un feuillet s’en échappa pour finir sa course sous une table, l’obligeant à se glisser dessous avec précaution. Elle venait de ramasser ce qui ressemblait à une liste d’ingrédients alchimiques lorsqu’un mouvement proche attira son attention.

Une paire de bottes, cela n’avait en soit rien d’incongru, mais celle-ci avait un aspect… différent. Plus robuste, plus adaptée aux longs voyages que les mages du Cercle, dans leur confinement, n’en avait l’utilité. Autre curiosité : elles étaient suivies par celles, reconnaissables entre toutes, d’un templier. Un visiteur, comprit Isbeil. Il était rare que les portes du Cercle s’ouvrent à l’extérieur ou, du moins, que cet extérieur se présente au regard des apprentis. Discrètement, Isbeil remua pour se dégager une meilleure vue. Les vêtements du nouveau venu avaient un air de déjà-vu. On aurait dit…

Un uniforme de la garde des ombres.

L’étonnement d’Isbeil fût tel qu’elle oublia un instant où elle se trouvait. Le bord de la table heurta l’arrière de son crâne dans un dur rappel, le choc aussitôt suivi par un autre : son livre venait de lui échapper.

« Aïe. Désolée. »

Si ni le meuble ni l’objet ne semblèrent se formaliser de cette maladresse, le templier, en revanche, avait quitté le visiteur du regard pour observer cette étrange fille qui présentait des excuses aux choses inanimées.




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Les petites actions« That this is how we find out what we´re made of
The hero in your heart can never leave your side »
- TSFH, The hero in your heart.


Pour tout avouer, c’était moi qui avais insisté pour poursuivre les recherches au sein de la bibliothèque du Cercle. « Pourquoi ? On a tous les renseignements nécessaires dans nos archives, » s’était étonné la recrue Cenwyn, l’épée suspendue à mi-chemin de son mannequin d’exercice, visiblement peu encline à s’extraire de la commanderie aujourd’hui. « Car il n’y a pas source de connaissances plus vaste qu’une bibliothèque du Cercle, ni plus intarissable que l’enchanteur préposé à sa supervision, je puis te l’assurer, »  avais-je répliqué d’un ton tranquille, qui omettait toutefois une seconde vérité : depuis mon arrivée à Starkhaven, je nourrissais le désir à demi-avoué de visiter cette tour étrangère, si similaire, en principe, à celle qui m’avait abrité pendant tant d’années, et pourtant par essence si différente – il le fallait, puisque je me trouvais ici bien loin du Névarra et de ses coutumes, de sa perception de la magie et de la révérence inspirée par les Mortalitasi.

Ne serait-ce que le bâtiment du Cercle m’intriguait : brillait-il de mille feux comme la Coupole d’or et ses atours ? Empruntait-il à la favorite flamboyante, voilée de marbre et constellée de joyaux, ou bien à l’ermite vieux et sage, moins fastueux, plus silencieux, chu sous ses chiens assis comme pour faire oublier la ville aux mages et les mages à la ville ? Ses fenêtres ouvraient-elles des yeux vifs ou aveugles sur l’autre temps, l’existant, l’autrefois et le jamais plus pas plus consistants que les souvenirs conservés d’antan ? Et que murmuraient les courants d’air expirés par les interstices de ses portes scellées ? À qui s’adressaient les menaces proclamées par ses remparts quadrillés ? Où dansaient ses flèches, que perçaient ses voûtes ? Rappelaient-elles aux encerclés le purgatoire auquel ils étaient enchaînés, ou leur offraient-elles un pont hors de la réalité, un accès privilégié vers une existence purgée de ses souffrances ? Ses ornements accusaient-ils d’un regard de pierre morne le sang battant au milieu des artères pétrifiées, ou bien s’enorgueillissaient-ils de cette vigueur qui coulait dans les couloirs comme une seule volonté ?  

Je ne savais ; mais, grâce à cette tâche pour laquelle je m’étais moi-même missionné, j’allais bientôt avoir le cœur éclairé.

Cette occasion était trop bien tombée pour que je la laissasse m’échapper. Je n’avais eu de cesse de m’entraîner au combat, dès lors que j’eusse eu posé le pied sur le sol havenois ; de toute ma vie de mage, jamais n’avais-je autant brûlé, détruit, consumé de cibles, dans toutes les conditions et par tant de méthodes - que l’optimiste qualifierait d’innovantes et le réaliste d’improbables - sur une période aussi resserrée. J’avais accompli plus que mon comptant en manœuvres militaires, j’osais espérer qu’on ne me tiendrait pas rigueur de favoriser un peu la théorie à la pratique.

Ce fut ainsi que, au soulagement informulé de Cenwyn, je ne sollicitai pas davantage sa participation, et partis, l’épaule chargée d’un sac et le sac chargé de carnets, en direction du Cercle de Starkhaven. Bien sûr, dès que j’approchai de l’entrée, les templiers m’arrêtèrent net ; je vis naître dans leurs yeux une lueur de méfiance qui pouvait être aussi bien due au bâton qui barrait mon dos qu’à mon allégeance, trahie par ma livrée bleu et argent, instigatrice notable de soupçons lorsqu’on connaissait son pouvoir de conscription – et auquel nul ne pouvait se soustraire, ni les mages ni même leurs cerbères.

Heureusement pour ces templiers, je n’avais pas l’autorité requise pour prononcer la sentence redoutée. Pas encore.

Serein malgré l’hostilité prudente de mes interlocuteurs, je ne devais qu’à l’indifférence progressive, induite par une moitié d’existence placée sous la surveillance de leurs pairs, de ne pas me décomposer à la vue des gants de fer déjà prêts à saisir leurs épées. J’adoptai la posture la plus docile que je pusse afficher et, d’un ton avenant et courtois que j’espérais suffisant pour prouver ma bonne foi, je leur expliquai les raisons qui motivaient ma venue. Les vertueux soldats du Créateur s’échangèrent regards dubitatifs et paroles circonspectes, glissant parfois vers moi des œillades inquisitrices auxquelles je répondais invariablement par un léger sourire et un hochement de tête. Lorsque la question fatidique arriva, je leur assurai une nouvelle fois que ma présence à la tour n’avait pas d’autre vocation que de consulter ses encyclopédies, et que, quoi qu’il en fût, mon statut de recrue prévenait l’usage du Droit de Conscription ; dès que les mots fatidiques furent conjurés, je sentis la tension latente décroître sensiblement, et, enfin, l’on accéda à ma demande. À deux conditions : la première, la plus attendue, fut qu’un templier de rang m’escortât dans mes déplacements ; la seconde, un peu plus regrettable, m’empêchait de visiter les autres étages du Cercle et de m’entretenir avec ses résidents. J’étais circonscrit au périmètre de la bibliothèque et des quelques aspirants au savoir qui l’avaient investie, rien de plus.

Je le déplorais, mais je devrais m’en accommoder.


Alors que l’officier templier m’entraînait à sa suite dans les profondeurs de la bâtisse, ma curiosité se perdait sur le dallage du sol, sillonnait les pierres de taille, grimpait le long des colonnes soutenant l’ossature élaborée de cette ancienne Chantrie devenue, au gré des années et des lubies de ceux qui s’y étaient installés, une ode minérale à la diversité des architectures thédosiennes. J’eus beau mobiliser toutes mes leçons d’histoire pour dégager une amorce de logique derrière les gargouilles ignobles perchées sur les arches sculptées d’arabesques, les ornements floraux lancés à l’assaut de parois à la géométrie rigoureuse et les fentes anxieuses des meurtrières tutoyant la majesté des fenêtres en ogive, il m’était impossible de déterminer où se terminait une influence, et où commençait la nouvelle.

Tout à ma perplexité, je pressai l’allure pour rattraper le pas militaire de mon escorte.

« Excusez-moi ? »  Le templier ne trahit aucun signe qu’il m’eût entendu, pourtant je ne ralentis pas mon rythme. « Je sais que le moment n’est pas idéal et que vous ne possédez peut-être pas ces informations, mais… sauriez-vous me dire à quand remonte l’édification de cette tour ? Enfin, de cette Chantrie, plutôt - car il s’agit bien d’une ancienne Chantrie, n’est-ce pas ? Est-ce l’empire qui l’a initiée, ou bien est-elle plus vieille encore, de l’époque des Planacéens, peut-être ? Ces gargouilles – terrifiantes, d’ailleurs – me rappellent des gravures que j’ai vues sur les horreurs sculpturales produites par les Tévintides, mais, assurément, ces lignes à volute ne puisent pas du tout dans leur style architectural, nous sommes d’accord. Oh, d’ailleurs, je m’égare, mais… à quoi ressemble le quotidien des mages, ici ? Les restrictions sont-elles vraiment similaires d’une tour à l’autre ? J’ai passé mon apprentissage à Combrelande, au Névarra – vous l’aurez reconnu à mon accent – et j’ai toujours été très intrigué par les divergences de mentalité qui pouvaient subsister entre les différents Cercles… »

Tout en progressant, je continuai d’abreuver mon guide du flot d’interrogations qui inondait mon esprit, soucieux de n’en oublier aucune – ce ne serait pas tous les jours que j’aurais l’opportunité de visiter un autre Cercle ! Je ne sus si le soldat n’avait pas les réponses que je réclamais ou refusait d’abandonner sa diligence pour assouvir ma soif de connaissances, à moins qu’il ne fût simplement fatigué ? Toujours fut-il qu’il expédia mon intérêt d’une série de phrases laconiques, préconçues pour décliner efficacement les questions sans en révéler plus que de raison. Je me rembrunis. Restait à souhaiter que la bibliothèque fût plus à même de dévoiler ses mystères.

Le silence, maussade, retomba sur notre duo comme une grisaille contrariée.

Par chance, le sésame tant espéré apparut juste à temps pour dissiper ma frustration ; le calme familier des sanctuaires du livre m’attrapa dans son étreinte sourde, comme une mère embrasse son enfant enfin de retour au foyer. Heureux de retrouver cette quiétude qui s’était tour à tour faite refuge et gardienne, confidente et conseillère à l’époque de mes études, je pris soin de n’en point troubler l’onde limpide, par trop conscient de son caractère sacré.

Si, d’apparence, le Cercle de Starkhaven ne ressemblait en rien à celui de Combrelande, l’épaisse tranquillité des ouvrages assoupis sur leurs étagères restait la même, tout comme les pas veloutés des lecteurs qui se réunissaient entre les rayonnages, mus par des élans communs qui s’ignoraient, à l’image de fins ruisseaux traçant leur lit sans réaliser qu’ils se fondraient bientôt en une unique rivière. Une rivière dont je suivais moi-même le cours. L’affluent du savoir.  

Avec une déférence presque religieuse, je m’écoulai sur ce terrain nouveau qu’il me semblait déjà connaître. Plutôt que d’ouvrir la voie, le templier s’attacha à demeurer quelques pas en arrière, juste assez pour me laisser la liberté d’explorer sans me permettre de négliger sa présence. La longueur vibrante de la lame à son flanc conservait son avertissement muet, tranchait autant de forme que d’éclat entre les couvertures de cuir molletonné, cependant je ne partageais pas l’inquiétude que je lisais au fond des rares prunelles à s’attarder sur notre étrange binôme. Ma venue était exceptionnelle, inhabituelle, j’en avais conscience ; je ne reprochais pas aux guerriers de l’Ordre de maintenir un œil tant sur l’étranger que sur le Garde des Ombres… ou sur le mage.

Je devais l’admettre, je me laissai emporter. Comprenez-moi : j’avais la sensation de ne pas avoir mis les pieds dans une véritable bibliothèque depuis une éternité, et cette abondance de livres chantait presque à mes oreilles… L’officier templier, ignorant du sujet précis des recueils que je venais compulser – et peut-être trop heureux que je me fusse tu pour oser me relancer – ne retint pas mes vagabondages au gré des reliures ; pour lui, seul comptait que je ne misse pas de désordre et que je disparusse à l’heure exigée. Je m’autorisai donc à divaguer de travée en travée pour porter mon attention vers les traités alchimiques ; plongé dans mes réflexions, à observer de loin l’idée de chercher quelque décoction utile pour lutter contre la souillure des engeances, je suivais d’un doigt distrait les titres inscrits sur les tranches des manuscrits, lorsqu’un bruit mat, bientôt suivi d’un second, me fit pivoter d’une subtile rotation des talons. À quelques enjambées, le templier jeta vers la table qui traversait l’allée un regard empreint de perplexité.

« Aïe. Désolée, »  émit la table.

Si, en premier lieu, j’avais froncé les sourcils face au phénomène, l’excuse prononcée d’un timbre indéniablement humain et sincèrement contrit clarifia vite la situation – et le livre imposant qui avait jailli de dessous le meuble doué de parole acheva de confirmer mes suppositions.

Le visage du templier passa par une palette intéressante d’expressions allant de la morne compréhension à la résignation désespérée, mais avant qu’il n’eût ébauché un mot ou un geste envers notre éloquente écritoire, je dessinai quelques pas et me penchai pour regarder sous le plateau de bois. M’accueillit la vision d’une jeune fille figée de surprise – peut-être de douleur, aussi, à en croire la crispation de ses traits –, agenouillée dans l’ombre de la table. Ses joues roses encadrées de boucles sombres la qualifiait autant d’apprentie que sa robe dénuée de broderies.

« En voilà, un drôle d’endroit pour étudier, »  lui lançai-je d’un ton affable. Je m’emparai du livre échoué pour le lui tendre. « Tenez, je suppose qu’il est à vous. Même si, par chez moi, nous nous servons des tables pour lire dessus , pas dessous . »

J’accompagnai ma plaisanterie d’un sourire engageant. « Tout va bien ? À ce qu’il semble, ou du moins à ce que j’ai entendu, vous n’avez pas ménagé cette table, ni votre pauvre crâne… »      

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Toute à sa douleur, Isbeil, ne put retenir un sursaut lorsqu’une voix s’éleva soudain à ses côtés. Ses yeux écarquillés ignorèrent le visage enfin dévoilé du visiteur, cloués par la vision d’un bâton entre les épaules vêtues du bleu caractéristique. Des mots défilèrent dans son esprit. Apostat. Conscription. Enclin. Des mots inquiétants, qui la laissèrent figée, une main toujours pressée contre sa future bosse. Lorsque le garde ramassa son ouvrage pour le lui tendre, elle n’esquissa aucun geste pour le saisir, mais la curieuse remarque qu’il lui adressa ensuite eut au moins pour effet de la sortir de son mutisme.

« Je préfère les fauteuils. » Le ton de l’apprentie était immanquablement sérieux : contrairement au lourd plateau de bois, la plaisanterie lui était passée au-dessus de la tête. « Je ne lis plus sous les tables depuis des années, vous savez. » ajouta-t-elle après une courte pause, car cela la gênait un peu que cet inconnu puisse croire le contraire. Elle n’était plus une enfant se cachant du grondement de l’orage et que son frère venait trouver pour lui raconter des histoires. « Quelque chose est tombé du livre. Avant que je ne le fasse tomber moi-même. »

Comme une ultime preuve de son comportement de lectrice exemplaire, Isbeil tendit le feuillet entre eux avant de réaliser, enfin, que ses égarements n’intéressaient probablement pas son interlocuteur. La nervosité l’avait toujours poussée à parler pour combler les silences, et ce garde si proche la rendait assurément nerveuse.

« Tout va bien ? » s’enquit ce dernier. Heureusement, il paraissait plus inquiet qu’ennuyé. « À ce qu’il semble, ou du moins à ce que j’ai entendu, vous n’avez pas ménagé cette table, ni votre pauvre crâne…
— O-oui. Je vais bien, merci. »

C’était vrai : le choc avait été plus surprenant que douloureux et, déjà, les élancements diminuaient. Pour appuyer ses paroles, Isbeil se redressa lentement et, comme l’inconnu ne lui avait parlé que gentiment, s’autorisa à le détailler plus franchement. Au-dessus de l’uniforme marqué du griffon, des cheveux mi-longs de la teinte du cuivre doré encadrait des traits aussi fins que les siens. Presque féminins, nota-t-elle avec surprise. C’était sûrement naïf, mais elle s’était attendue à ce qu’un membre de la garde ait un physique plus… Impressionnant. Qu’il ne corresponde pas à ses attentes n’était cependant pas une mauvaise chose, car ses traits délicats et le sourire avenant qu’il lui offrit la rassura bien plus efficacement que ne l’aurait fait le visage d’un soldat marqué par la rudesse du combat. Lorsque le templier décréta que, puisque la mage allait bien, il était temps de reprendre leurs recherches et peut-être même de trouver un responsable pour les assister, Isbeil avait recouvré assez de sang-froid pour intervenir :

« Serah Agnès s’est absentée. Je ne sais pas quand elle reviendra mais… Je peux peut-être vous aider ?
— Vous êtes le petit fantôme. Byrne c’est ça ? »

Si l’emploi du surnom teinta ses joues d’embarra, Isbeil hocha toutefois la tête. Le templier la détailla un instant. Sûrement associa-t-il son nom à une réputation d’étudiante sage, studieuse, et surtout trop peu douée en magie pour intéresser la garde, car il haussa finalement les épaules, avant de se tourner vers le visiteur :

« L’apprentie Byrne passe beaucoup de temps ici, et saura sûrement mieux vous renseigner que moi. Tant que la conversation reste audible et votre comportement approprié, je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’elle vous guide. » A ce point de ses instructions, son regard revint sur l’apprentie, teinté d’une légère mise en garde. « Veillez simplement à ne pas vous détourner de vos tâches respectives. »



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Le regard de l’apprentie se perdit à quelques hauteurs de mon visage, là où, à tout croire, pointait le pinacle sculpté de mon bâton. Si l’on aurait pu s’étonner qu’elle marquât l’arrêt devant l’artefact alors même que semblables ramages, métalliques ou boisés, devaient peupler son quotidien, je ne doutais pas, pour l’avoir vécue, de la surprise suscitée par la rencontre d’un confrère ou d’une consœur tous droits émergés des mystères de l’extérieur. Pourtant, c’était bien une étincelle d’angoisse, et non de fascination, qui brilla subrepticement au creux des prunelles noisette résolument décidées à esquiver les miennes. Bien sûr. L’avertissement de la Garde des Ombres avait porté jusqu’au plus fort du Cercle, et même les novices – surtout les novices – devaient craindre l’ombre flottante de la Conscription qui menaçait chaque jour davantage les sujets les plus prometteurs de Starkhaven.

Sur l’instant, je ne me formalisai pas de ce que son visage trahissait de crainte indiscrète ; je me contentai de venir à son secours en lui rendant le livre qui lui avait échappé, et, attendri par la nervosité que je discernais sous ses épaules tendues, je lui glissai avec l’ouvrage une plaisanterie légère, à même, espérais-je, de soulager le poids dont elles s’étaient chargées. Malheureusement, l’expression de la jeune femme demeura imperméable.

« Je préfère les fauteuils, » répliqua-t-elle d’une voix trop douce pour résulter de la provocation, mais trop grave pour qu’il s’agît d’une suite logique à ma tentative comique. La main piteusement aplatie sur son crâne heurté, elle marqua un temps où je haussai des sourcils partagés entre l’amusement et la confusion. L’opus resta suspendu entre nous, délaissé. « Je ne lis plus sous les tables depuis des années, vous savez. »  

Pressée par le besoin de clarifier son propos, ou peut-être de me rassurer sur le fait que, si elle eût pu céder autrefois à quelque placement fantaisiste, elle faisait dorénavant des tables un usage tout à fait convenable, elle agita une feuille orpheline sous mon nez. « Quelque chose est tombé du livre. Avant que je ne le fasse tomber moi-même. »

Un esprit passa, au contraire du malaise presque tangible qui exsudait par tous les artifices de contenance dont se drapait la maladroite apprentie. Son menu papier, serré entre ses doigts blêmes, courbait vers moi une aile triste qui semblait crier l’appel à l’aide courageusement réprimé par sa propriétaire. Miséricordieux, je me fis le devoir de répondre à sa supplique.

« O-oui. Je vais bien, merci, »  m’assura-t-elle après que je me fusse enquis de son état.

« Plus de bruit que de mal, alors ? Tant mieux. »  Si je m’étais défait de l’idée d’égayer son humeur à l’éclat de mes facéties, je ne m’étais pas départi de mon sourire, et cette bonhomie porta ses fruits lorsque la jeune femme se convainquit de se relever. « Oh, laissez-moi vous aider. » Sur un réflexe d’éducation galante, je lui offris une main secourable, quoique pleine de retenue. Il n’était pas question d’outrepasser la bienséance, ni de vexer son ego plus que je ne l’avais déjà fait.

Les yeux noisette luisirent derechef sous l’indécision, mais bientôt, elle accepta de s’appuyer sur la paume gantée que je tendais vers elle. Notre verticalité retrouvée, nous nous refîmes face, et la novice ne se garda plus, cette fois, d’affronter mon visage, en dépit de la gêne qui nuançait encore le sien. Je hochai gentiment la tête, sans m’offenser du faisceau à demi-inquiet qui oscillait entre mes traits et l’allégeance tonitruée par le bleu de ma livrée. Mon regard, pour sa part, s’était arrêté à la vue d’un pendentif solaire reconnaissable, qui sut me tirer un autre sourire. « Veuillez m’excuser, d’ailleurs, si mes propos premiers vous ont donné la sensation de vous tourner en dérision. Ce n’était pas ma volonté. »  Je lui présentai de nouveau le livre, que j’avais gardé contre ma poitrine le temps qu’elle se remît sur pied. « Ceci est toujours à vous, néanmoins. N’abusé-je pas trop de souhaiter que vous m’en débarrassiez… ? »  

Un raclement de gorge retentit non loin ; le vigile templier, qui ne s’était, bien évidemment, pas volatilisé depuis le début de notre échange, venait de se rappeler à nos bons souvenirs. Je reportai mon attention sur ses sourcils froncés.

« Ser Garde, nous devrions tâcher de trouver la préposée aux archives. Cela me… cela ferait gagner un temps précieux à vos recherches.

— Serah Agnès s’est absentée, »  se manifesta très spontanément une petite voix dans mon dos, coupant court à l’acquiescement que je m’apprêtais à esquisser. « Je ne sais pas quand elle reviendra mais… Je peux peut-être vous aider ? »

L’initiative, inattendue au vu de la timidité qu’elle avait exhalée, me fit considérer l’apprentie avec une once d’étonnement et un regain d’intérêt. La curiosité l’aurait-elle emporté sur l’appréhension, en fin de compte ?

Le templier soupesa la demande. « Vous êtes le petit fantôme. Byrne c’est ça ? »

Un nom et un surnom ; nous avancions. La jeune mage rougit furtivement de la moins avouable des deux appellations, mais je m’assurai de ne trahir aucune forme d’hilarité déplacée. Je ne connaissais que trop bien les ravages causés par un rire mal animé.

L’homme d’armes finit par chasser ses réticences d’un mouvement d’épaules. « L’apprentie Byrne passe beaucoup de temps ici, et saura sûrement mieux vous renseigner que moi. Tant que la conversation reste audible et votre comportement approprié, je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’elle vous guide. » Son regard sévère serpenta de moi jusqu’à serah Byrne. « Veillez simplement à ne pas vous détourner de vos tâches respectives.

— Soyez assuré de cette nécessité, ser templier, »  fis-je d’un ton allègre. « Sous l’égide de la Garde, chacun de mes pas se fait à l’ombre du devoir. »  

De manière prévisible, le soldat ne parut pas emballé par mon lyrisme ; mais je me détournai bien vite de son austérité pour envoyer un regard pétillant d’entrain à ma nouvelle référente attitrée. Voilà l’interlocutrice parfaite pour satisfaire ma soif de connaissances sur les us de ce Cercle inconnu ! « C’est un plaisir pour moi de vous rencontrer, serah Byrne, et je reçois humblement votre proposition de m’orienter. Sachez tout de même qu’aucune obligation ne vous retient avec moi : si le Créateur décide, au cours de nos recherches, de vous assigner mission plus importante à accomplir, sentez-vous libre de me quitter séant. Je puis m’accommoder de poursuivre ma quête de savoir seul.

» Mais permettez-moi au moins d’honorer quelque politesse élémentaire. Je me nomme Saam van Cauwenberghe – je vous vois écarquiller les yeux : ne vous en faites pas, vous pouvez vous épargner ce nom tortueux et m’appeler Saam, comme tout le monde. Je suis certain que mon armure aura instillé le doute, mais je fais partie de la Garde des Ombres ; quoique vous n’ayez pas à vous inquiéter, là non plus : je ne suis qu’une simple recrue, un nouvel arrivé guère mieux désigné qu’un apprenti. Nous sommes, en substance, du même rang, vous et moi.  

» Ma supérieure mène de nombreuses recherches sur la souillure de l’engeance, et il se trouve qu’elle serait très intéressée par ce que votre bibliothèque pourrait contenir d’encyclopédies traitant des maladies à contamination sanguine ou cutanée. J’admets m’être un peu égaré en voulant chercher par moi-même de potentielles recettes alchimiques en mesure de prévenir ces infections, et ne serais pas contre l’idée que vous me prêtiez votre sagacité pour naviguer au sein de ces rayonnages impénétrables. J’avais une connaissance intime de nos archives, à Combrelande, mais je n’ai hélas pas une dizaine d’années supplémentaire à consacrer à l’apprentissage des classifications d’un autre Cercle !  

» Ayez donc le plaisir de me devancer, serah Byrne, je vous en prie. Ce n’est pas tous les jours qu’une apprentie peut faire valoir ses mérites auprès d’un membre de la Garde ; j’espère que l’opportunité restera mémorable. »


Isbeil Byrne
Isbeil Byrne
Apprentie du Cercle
Apprentie du Cercle
Isbeil Byrne
Personnage
Illustration : Post Tenebras Lux

Peuple : Humaine
Âge : 20 ans
Pronom.s personnage : Elle
Origine : Noblesse havenoise (Corintamh, Marches Libres)
Occupation : Apprentie mage
Localisation : Cercle de Starkhaven (généralement à la bibliothèque ou dans la chapelle)
Pseudo : Talasi
Pronom.s joueur.euse : Elle
Crédits : The Inner Sun by Anndr (avatar) | Megan Rieker (illustration) | Adamant (signature)
Date d'inscription : 10/10/2021
Messages : 541
Autres personnages : Yara
Attributs : CC : 10
CT : 10
Mag : 14
End : 13
For : 10
Perc : 12
Ag : 12
Vol : 14
Ch : 14

Classe : Mage niveau 1
Sorts : Feu follet magique : invoque une boule lumineuse inoffensive
Soin : guérit la cible par contact (+14 PV)
Bouclier spirituel : +2 de défense magique

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« Oh, laissez-moi vous aider. »

Isbeil avait hésité devant la main tendue, mais s’était finalement laissée convaincre par l’empressement sincère de la proposition. La paume du Garde était chaude, la prise gantée ferme contre sa peau et ne la soutenant que le temps nécessaire pour la relever avant de se retirer poliment. Le contact avait été des plus brefs, et pourtant, une sensation étrange s’attarda le long de son bras. Elle ne pouvait s’empêcher de se demander quelles autres personnes, quels autres objets inconnus ces doigts avaient pu saisir avant de trouver les siens.

« Veuillez m’excuser, d’ailleurs, si mes propos premiers vous ont donné la sensation de vous tourner en dérision. Ce n’était pas ma volonté. »

Un air de stupeur confuse se peignit sur les traits de l’apprentie.

« Vous n’avez pas à vous inquiéter. Je ne me suis pas sentie insultée. » le rassura-t-elle aussitôt, car elle convenait bien qu’elle avait dû présenter un drôle de tableau, ainsi prostrée sous une table.

Ces excuses, même si inutiles, lui avaient en outre plu, aussi auraient-elles été acceptées dans le cas contraire.

« Ceci est toujours à vous, néanmoins. N’abusé-je pas trop de souhaiter que vous m’en débarrassiez… ?
— Oh… Bien sûr ! »

Isbeil saisit l’ouvrage de nouveau tendu et par lequel tout avait commencé, avant de le serrer contre elle.

« Si vous n’avez rien à vous reprocher, je crains moi-même d’avoir manqué de courtoisie, ajouta-t-elle en détournant le regard. Je suis désolée de la réserve avec laquelle j’ai accueilli votre gentillesse, et vous assure qu’elle n’était due à rien d’autre qu’à la surprise de vous trouver entre ces murs. »

Peut-être devinerait-il ce qu’elle ne disait pas : qu’avant les évènements de la Cathédrale, les Gardes n’avaient jamais été rien d’autre pour elle que les figurants d’histoires anciennes ; qu’elle ne s’attendait pas à se tenir un jour aussi près de l’un d’eux, et encore moins à ce qu’il lui adresse la parole. Replaçant une mèche brune derrière son oreille, Isbeil se fendit d’un sourire contrit, avant de conclure :

« J’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur. »

Elle ne pouvait nier qu’elle commençait de son côté se faire du jeune homme une opinion favorable, mais n’eut l’occasion de savoir si ses sentiments étaient partagés, le templier choisissant cet instant pour les interrompre. Lorsqu’elle proposa son aide, presque par réflexe, c’est contre toute attente qu’il acquiesça, accompagnant toutefois son autorisation de quelques consignes auxquelles l’inconnu réagit aussitôt :

« Soyez assuré de cette nécessité, ser templier. Sous l’égide de la Garde, chacun de mes pas se fait à l’ombre du devoir. »

Devoir. Un petit mot prononcé à la même hauteur que les autres, sans fioritures ni rengorgement, mais avec le sérieux et la dignité qu’il requérait. Un petit mot qui acheva de parfaire le jugement d’Isbeil, lui rappelant que si les Ombres étaient souvent accusées d’accueillir en leur sein criminels et autres individus peu recommandable, elles étaient également synonymes de courage et d’abnégation. On ne grandissait pas à Corintamh sans avoir entendu les poèmes louant le sacrifice de Corin et Neriah, et l’havenoise elle-même les avaient autrefois chantés en des jours de célébration. Sur ses traits délicats, la méfiance cédait définitivement la place une certaine admiration, ainsi qu’à une curiosité que le mage roux perçut peut-être alors qu’il se tournait vers elle :

« C’est un plaisir pour moi de vous rencontrer, serah Byrne, et je reçois humblement votre proposition de m’orienter. » Bien que l’homme s’exprimât dans un commun parfait, certains sons sortaient de sa bouche plus appuyés, comme venu du fond de la gorge : un accent dont elle ne tarderait pas à découvrir l’origine. « Sachez tout de même qu’aucune obligation ne vous retient avec moi : si le Créateur décide, au cours de nos recherches, de vous assigner mission plus importante à accomplir, sentez-vous libre de me quitter séant. Je puis m’accommoder de poursuivre ma quête de savoir seul.  Mais permettez-moi au moins d’honorer quelque politesse élémentaire. Je me nomme Saam van Cauwenberghe – Je vous vois écarquiller les yeux : ne vous en faites pas, vous pouvez vous épargner ce nom tortueux et m’appeler Saam, comme tout le monde. »

Si Isbeil avait bel et bien eu une réaction, la raison n’était pas celle invoquée par son interlocuteur. Elle ne le corrigea cependant pas, et l’aurait-elle voulu qu’elle n’en aurait de toute façon pas eu le temps car, déjà, il poursuivait :

« Je suis certain que mon armure aura instillé le doute, mais je fais partie de la Garde des Ombres ; quoique vous n’ayez pas à vous inquiéter, là non plus : je ne suis qu’une simple recrue, un nouvel arrivé guère mieux désigné qu’un apprenti. Nous sommes, en substance, du même rang, vous et moi. »

Alors que le silence retombait sur le trio, Isbeil se demanda comment le Garde pouvait ne pas être essoufflé après une si longue tirade. Elle-même avait l’impression que l’air lui manquait, comme si l’univers avait ainsi cherché à maintenir un curieux équilibre.

« Vous ne me dérangez pas, Saam van Cauwenberghe. Le plaisir de la rencontre est partagé. »

Si le nom – qu’elle avait prononcé de façon fort honorable – titillait sa mémoire, le souvenir restait aussi insaisissable qu’une bulle de savon. Van Cauwenberghe. La particule et les sonorités ne laissaient aucun doute : un patronyme névarran ; peut-être également noble et croisé lors d’anciennes leçons. Son porteur parlait beaucoup, mais il parlait bien ; la précision et la richesse de son vocabulaire révélant une éducation soignée. Face à son élocution élégante, l’apprentie se sentait elle-même renouer avec quelques anciennes habitudes de langage, symbole d’un temps où ses fréquentations étaient différentes, plus libres et cependant moins diverses.

« Il ne me restait que ce livre à ranger, expliqua-t-elle alors que le volume quittait ses mains pour retrouver l’étagère, et mes lectures personnelles peuvent bien attendre quelques minutes. Si c’est le devoir qui vous mène ici, je serais honorée de vous assister à la mesure de mes moyens. »

Isbeil interrogea ici son interlocuteur sur ses recherches, et l’exposé qu’elle en reçut fut une nouvelle fois des plus complets, lui apprenant même que Saam avait autrefois porté le titre d’apprenti. Sûrement avait-il même eu dans son Cercle un grade de mage confirmé – supérieur au sien, donc, malgré son insistance à les déclarer égaux – aussi redouta-t-elle, un instant, que le sujet ne fût trop pointu pour son propre niveau d’étude. Le néverran arborait cependant un air confiant, et elle se tranquillisa bien vite à la pensée qu’il semblait savoir ce qu’il cherchait et n’avait sûrement besoin d'aide que pour se repérer dans ce lieu étranger.

Et puis, il fallait bien avouer qu’elle commençait à se laisser contaminer par son souriant entrain mêlé de sérieux.

« Isbeil. Vous pouvez m’appeler Isbeil. »

Sur un nouveau sourire, l'apprentie releva le menton. Par la mission qu’il venait de lui confier, ce Garde venait sans le savoir de lui offrir l’occasion de combler le sentiment d’impuissance qui la rongeait, et elle espérait bien faire honneur à ce présent.

« Pour répondre à vos interrogations, la collection du Cercle de Starkhaven couvre des sujets très variés, même si la magie et la théologie y sont bien sûr dominantes. Les sections correspondent principalement aux disciplines habituelles ainsi qu’aux différentes Ecoles que vous devez connaître. La plupart des textes sont rédigés en commun, mais nous possédons quelques titres dans des langues étrangères. Si vous lisez le nevarran comme je le suppose, cela pourrait jouer en notre faveur, car les titres en lien avec l’Enclin sont populaires depuis… »

Que votre commandeure-garde a annoncé la fin du monde. Entre les Enchanteurs se préparant à l’impensable, et les apprentis cherchant à se rassurer – ou à se faire peur, la lutte pour les textes se faisait parfois ardue. Isbeil elle-même avait succombé à cette épidémie d'intérêt anxieux, et si elle avait depuis décidé qu’elle ne fuyait pas les cauchemars pour en entretenir de nouveaux, les questions qu’elle s’était alors posées lui brûlèrent soudain la langue… avant d’être tout aussi promptement ravalées. Cette situation n’était-elle pas déjà une réponse ? Si les Gardes prenaient la peine de se déplacer jusqu’au Cercle, alors la menace devait être réelle.

Secouant légèrement la tête pour dissimuler le frisson qui l'avait saisie, Isbeil s'efforça de reprendre :

« Nous sommes bien ici dans la partie dédiée à l’alchimie, mais tout ce qui concerne ses applications au corps et à la guérison sera un peu plus loin, avec les ouvrages médicaux. » Ici une légère hésitation, comme un semblant de nervosité alors qu’une main venait saisir le pendentif solaire. « Si vous voulez bien me suivre. »



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Peut-être m'étais-je montré trop zélé en déroulant cet interminable exposé sur ma personne et les raisons de ma présence en ces lieux. La jeune apprentie Byrne — qui, au demeurant, s'était sensiblement tranquillisée après la réception nerveuse qu'elle m'avait réservée, et dont elle avait voulu amortir les conséquences par une profusion d'excuses qui m'avait simplement arraché un sourire compatissant —, sous le coup de la surprise, ou de la timidité peut-être, ne s'osa point à m'interrompre dans ma lancée ; et ce fut de ma propre initiative que je marquai un temps, afin de ménager mon souffle autant que son esprit barbotant dans le flot d'informations.

Quelle ne fut pas ma surprise, alors, lorsque la jeune fille, non contente de se ressaisir avec habileté pour revêtir une courtoisie digne des plus nobles, se risqua même à me rendre mon salut. « Vous ne me dérangez pas, Saam van Cauwenberghe. Le plaisir de la rencontre est partagé. »  

Le ton convenu de sa politesse ne gâchait rien de sa sincérité, en particulier après qu'elle eût produit un effort si louable pour formuler mon nom complet de la prononciation adéquate. Elle réussit sa tentative avec brio, les syllabes à peine malmenées par son accent marchéen, et de satisfaction, mon sourire s'étira davantage. Qu'on essayât de parler à un expatrié la langue de sa naissance ; on s'exprimait aussitôt à son cœur.  

« Il ne me restait que ce livre à ranger, » poursuivit-elle, joignant le geste à la parole. « Et mes lectures personnelles peuvent bien attendre quelques minutes. Si c’est le devoir qui vous mène ici, je serais honorée de vous assister à la mesure de mes moyens. »

Je hochai solennellement la tête, en signe d'appréciation.

« J'en suis ravi. Autant que du soin avec lequel vous avez su prononcer mon nom, serah. » Sa performance méritait bien d'être soulignée. Ma langue, jugée fastidieuse et guère nécessaire à l'ouverture du monde, était si aisément ignorée par les âmes nonchalantes...

La jeune Byrne tourna ensuite sa curiosité vers l'objectif de mes investigations au Cercle ; je m'empressai de l'abreuver à nouveau de tous les détails que je jugeais utiles à notre enquête, sans me laisser démonter par la lassitude grandissante que je sentais peser du côté du templier, visiblement dédaigneux de ma prose — à l'inverse de mon interlocutrice, dont le regard s'animait d'intérêt au gré de mes réflexions.

« Isbeil. Vous pouvez m’appeler Isbeil. »  

Une demande simple, empreinte d'aspiration muette. Serais-je allé jusqu'à dire de l'émerveillement ? « Très bien, Isbeil. » (Je rassemblai toute mon expérience du commun pour que mon accent maternel ne déformât pas le prénom étranger.) « Si vous concédez à m'appeler Saam, naturellement. » L'apprentie s'était enfin laissée gagner par le sourire ; autant continuer sur cette voie, pour qu'elle se sentît à son aise.

Ce fut à son tour de disparaître dans de feuillues explications sur les collections de la bibliothèque, au grand désespoir du templier de garde qui, sans s'être véritablement relâché, se distrayait comme il le pouvait en jouant de son épée dans son fourreau. « ...Si vous lisez le névarran comme je le suppose, cela pourrait jouer en notre faveur, car les titres en lien avec l’Enclin sont populaires depuis… »  

La temporalité resta en suspend, indéterminée. Derrière le silence impromptu de la jeune fille, une tapisserie d'angoisses innommables se déployait, dans un miroitement de fatalité. Le frisson fut partagé ; je compatissais trop bien à l'appréhension qui l'avait saisie, et dont notre aimable échange subissait le lourd présent. L'alarme jetée par messerah Senaste avait ébranlé les esprits même par-delà les frontières ; sans le péril de l'Enclin germant à Antiva, sans doute la délégation de Gardes du Névarra ne se serait pas arrêtée pour recruter à Combrelande, et sans doute n'aurais-je jamais trouvé le chemin de Starkhaven, moins encore celui d'Isbeil. Cette rencontre nostalgique à la croisée de deux mondes, le premier qui avait gouverné ma vie passée, le second qui en accueillerait chaque année future, était-elle aussi une autre volonté indiscernable du Créateur ? Etais-je ici pour pondérer mes décisions en ces temps troublés, ou bien pour servir d'impulsion à l'apprentie Byrne afin de naviguer parmi les siennes ?

Pensif, je n'insistai pas sur le sujet, et Isbeil se reprit bientôt. « Nous sommes bien ici dans la partie dédiée à l’alchimie, mais tout ce qui concerne ses applications au corps et à la guérison sera un peu plus loin, avec les ouvrages médicaux. » Une fraction de seconde, elle sembla hésiter sur la marche à suivre. Comme pour se rassurer, elle manipula son symbole solaire, ce qui eut pour effet d'alourdir mon propre pendentif contre ma poitrine — bien dissimulé sous mon col, personne ne se doutait de sa présence, mais l'envie familière de m'en emparer me démangeait la paume. « Si vous voulez bien me suivre. »  

Isbeil partit en tête ; je lui emboitai le pas, toujours sous l'escorte du templier redevenu pleinement vigilant, et qui devait louer le ciel d'enfin pouvoir dégourdir ses jambes armurées. Nous progressâmes d'une allure preste, et il nous fallut peu de temps pour atteindre les rayonnages concernés par les sujets curatifs. Sur la route, n'y tenant guère, je finis par céder à la curiosité qui m'avait rongé à mon arrivée, et interroger ma jeune guide au fi de l'agacement ennuyé de notre garde du corps.

« Permettez-moi, Isbeil — j'espère ne pas me montrer trop indiscret, mais comment se passe votre apprentissage, ici ? »

Un raclement de gorge réprobateur retentit dès que j'eus achevé ma phrase.

« Ser Garde, nous avions convenu de ne pas nous détourner de nos tâches.

— Pardonnez à un mage étranger son intérêt pour les mœurs des autres Cercles, messer, »  tempérai-je en glissant au soldat une œillade de docile pétillance. « Mais il est naturel que j'entretienne la conversation si je souhaite qu'elle reste audible, comme nous l'avions convenu. Ne pensez-vous pas ? »    

Pris à son piège, ou bien fatigué d'avance de lutter contre ces érudits à la rhétorique trop prolifique, l'homme d'armes gonfla la poitrine comme pour préparer une objection, cependant il n'intervint pas. J'écoutai la réponse d'Isbeil d'une oreille attentive, avant de replonger vers les côtes de livre ouvragées, en quête des tomes réclamés par serah Andra.

« J'ai quelques titres précis à consulter, si possible, mais ma supérieure m'a encouragé à fouiller d'autres volumes dans le cas où leur contenu m'intrigue. Voyons... » J'ouvris rapidement mon sac pour en tirer un feuillet sur lequel une main habile avait listé des noms d'une calligraphie élégante. « À tout hasard, sauriez-vous où trouver ces livres ? » (Je lui tendis ma liste.) « Votre connaissance préalable des rayonnages pourrait nous faire gagner un temps précieux. » Temps que le templier posté dans notre dos décomptait en silence, il ne fallait pas en douter. Si j'avais osé le taquiner sur le déroulé de notre mission, je ne tenais pas pour autant à insulter sa patience et sa clémence envers mes questions intempestives en repoussant davantage le dénouement de mon devoir. Malgré son attitude austère, l'homme s'était déjà montré bien plus tolérant que je ne m'y serais attendu — et si mon instinct ne me trompait pas, Isbeil comme lui-même devaient être du même avis.

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Isbeil trouvait-elle la question indiscrète ? Probablement, mais elle comprenait également ce qui avait poussé Saam à la poser. La curiosité était parfois bien difficile à réfréner et, si elle-même l’avait pu, probablement l’aurait-elle aussi interrogée sur son étonnante condition. Un mage que nul Cercle ne retenait… L’absence de murs avait-elle ouvert ses perspectives ou n’avait-il fait que troquer une prison pour une autre, cette fois-ci teintée de bleu ?

Oui, Isbeil comprenait, mais cela n’empêcha pas la raideur de s’accentuer dans sa nuque alors qu’elle répondait d’un ton pincé :

« Comme partout ailleurs, je suppose. »

Elle se sentait un peu coupable d’éluder ainsi mais, ces derniers temps, les mauvais souvenirs semblaient devoir prendre le pas sur les bons. La mort de Mirani, sa crise, les moqueries et la méchanceté pure… Toutes ces plaies étaient trop récentes, d’autant plus difficiles à ignorer que le choc du livre qu’elle avait échappé cette nuit-là résonnait encore à ses oreilles. Car c’était ici qu’elle s’était tenue avant de s’effondrer et, si le lieu n’avait rien à voir avec l’attaque du démon, il lui restait également attaché, si bien elle ne pouvait plus s’en approcher sans ressentir un léger malaise.

« Ser Garde. » Interprétant le regard soudain distant de l’apprentie comme le signe qu’elle cherchait ses mots, le templier choisit cet instant pour rappeler sa présence. « Nous avions convenu de ne pas nous détourner de nos tâches.
— Pardonnez à un mage étranger son intérêt pour les mœurs des autres Cercles, messer. Mais il est naturel que j'entretienne la conversation si je souhaite qu'elle reste audible, comme nous l'avions convenu. Ne pensez-vous pas ?

Interdite, Isbeil ne fut qu’à moitié rassurée de constater que le sourire malicieux du Garde était davantage bon enfant que réellement défiant. Peut-être les templiers de Combrelande appréciaient-ils ce type d’humour ou Saam avait-il simplement passé trop de temps hors de son Cercle pour se rappeler leur potentielle susceptibilité. Une susceptibilité que l’homme d’armes prouva en se renfrognant.

« Je suis sûre que Ser van Cauwenberghe ne voulait pas remettre en question votre autorité. » tempéra aussitôt la jeune femme.

L’usage du nom avait été volontaire : si leur accompagnateur – qui avait eu pour seule réaction un grognement peu évocateur – voyait d’un mauvais œil leur conversation, peut-être valait-il mieux ne pas se montrer trop familière. Saam le comprendrait-il ? C’était en quelque sorte la deuxième fois qu’Isbeil ignorait ses souhaits, et elle s’en sentait un peu coupable. Elle le réalisait, à présent : sa réponse lacunaire avait été dictée par des émotions qui ne le concernaient en rien et qu’il ne méritait donc pas de subir. Oui, elle avait eu tort, mais comment contenter le garde sans risquer de contrarier le templier ?

Elle avait peut-être une idée.

« Si tel est votre souhait, nous nous en tiendrons exclusivement à nos recherches. » commença-t-elle prudemment puis, se jetant à l’eau après une hésitation visible : « J’aimerais néanmoins complétez ma réponse, si vous le permettez.
— Si ça peut vous permettre de vous concentrer ensuite. » soupira le templier.

Il semblait soudain plus lassé qu’offensé, allant même jusqu’à balayer de son armure une poussière imaginaire avant d’ajouter :

« Soyez brève.
— Pour répondre à votre question, Ser Garde, je pense que la magie est un fardeau bien lourd, et que les Cercles existent pour nous permettre de le porter avec le plus de dignité possible. L’apprentissage que je suis ici est tourné vers la pénitence et le respect des préceptes andrastiens. »

Les mots avaient été prononcés avec un soin évident. D’aucun aurait même pu croire la gravité dont ils étaient emprunts dictée par la présence du templier dans son dos et, pourtant, Isbeil avait surtout essayé de se montrer sincère. Son interlocuteur partageait-il son opinion ? Elle l’espérait un peu, car cela lui permettrait alors de se sentir un peu moins perdue et, surtout, un peu moins seule.  

Comme elle l’avait promis au templier, le sujet revint ensuite aux recherches de la Garde. Au grand soulagement de l'apprentie, Saam sortit une liste et, si elle n’avait pas lu les titres cités – bien trop complexes pour son niveau actuel – elle connaissait l’emplacement de chacun… ou presque.

Sur un hochement de tête, Isbeil entreprit de sortir les livres, les empilant sur une table proche. Lorsque l’un d’entre eux s’avéra reposer sur une étagère trop haute pour ses bras, c’est d’un geste qu’elle l’indiqua à Saam – heureusement plus grand – avant de déclarer :

« Je suis désolée : il semblerait que trois titres manquent à l’appel. Deux ont sûrement été empruntés, mais en ce qui concerne le dernier, j’ai bien peur de devoir m’avouer vaincue : le titre ne n’évoque rien du tout. »



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Depuis le début de notre rencontre, l'apprentie n'avait pas dissimulé sa réserve, si bien que, audacieuse interprétation de ma part, je pris son relâchement légèrement enthousiaste pour l'autorisation tacite de prolonger mes questions ; mais je n'eus pas fermé la bouche que la tension regagnait déjà ses épaules. Trop tard, malheureusement : les mots avaient pris leur essor et, incorporés à l'atmosphère soudain appesantie, plus rien ne pouvait les en extraire. Avais-je encore raté une occasion de parler plus doux et de réfléchir plus fort ?

« Comme partout ailleurs, je suppose. » La conclusion aboutit sur un ton droit et distant, comme le dos que la jeune fille maintenait tourné à mon encontre. Je pinçai les lèvres. À l'évidence, son épanouissement en ces lieux n'égalait pas ce que je m'étais figuré. Je n'étais pourtant pas le dernier à savoir que le giron du Cercle tenait parfois quelques malchanceux loin de ses faveurs...

Isbeil n'élabora pas sur sa pensée, visiblement convaincue que sa réalité concédée du bout des lèvres se suffisait à elle-même. Et sûrement n'aurais-je point réclamé d'éclaircissement, soucieux de respecter la limite que sa pudeur traçait dans notre conversation, si le templier n'avait pas profité du silence résurgent pour me sermonner - peut-être dans le but rediriger l'attention loin de la jeune mage.

Que le Créateur pardonne mon impétuosité d'alors ; ce jour-là, tout à l'ingénuité de la découverte, j'étais d'humeur à ne pas laisser les mines les plus graves ternir l'entrain que je ressentais à parcourir les allées de ce Cercle étranger. Cela expliquera peut-être que, plutôt que de me rembrunir sous la remontrance, je gratifiai mon escorte d'une plaisanterie fine au défi des conséquences. Andrasté fut bienveillante de garantir à ma fougueuse allégresse l'abandon presque comique de celui qui avait tout pouvoir - et toute raison - de prendre mon jeu d'esprit pour un acte de rébellion, et me reconduire séance tenante sur le porche de l'institution. Qu'il s'avéra compréhensif, voyait comme un gâchis de me rejeter après s'être investi dans ma mission, ou se lassait d'avance de mettre en marche le pénible processus d'expulsion, je remercierais sa patience nombre de fois après que j'eusse quitté l'enceinte et que la folie de mon attitude m'eût frappé dans toute son étendue. Mais pour l'heure, seule comptait la possibilité d'allumer une brève lueur d'amusement sur ces visages retranchés.

Peut-être fut-ce pour cet effort d'innocence que le templier ne me traîna pas vers les douves.

« Je suis sûre que Ser van Cauwenberghe ne voulait pas remettre en question votre autorité, » se risqua très vite une voix prudente.

Isbeil ne me tenait pas rigueur de mon indiscrétion, semblait-il ; sa modération, courageuse, m'offrit l'opportunité d'apaiser ce que mon insouciance pouvait avoir attisé. Je penchai délicatement la tête sur le côté ; une mèche flotta devant mes yeux.

« Bien sûr. Le Créateur en soit témoin. » La formule bruissa docilement à l'intention du soldat, mais son intonation, comme le regard que je portais sur Isbeil, ne cherchaient rien d'autre que la rassurer. Parviendrais-je à me faire entendre ?   

« Si tel est votre souhait, nous nous en tiendrons exclusivement à nos recherches. » Isbeil marqua une pause sensible, si tangible, en vérité, que je crus qu'elle en avait bel et bien terminé. « J’aimerais néanmoins complétez ma réponse, si vous le permettez. »  

Le templier ne masquait plus sa lassitude, si tant est qui l'eût cachée à quelque moment. « Si ça peut vous permettre de vous concentrer ensuite. Soyez brève. »

L'apprentie vibrante d'incertitude quant à son intervention se heurta à mon intérêt renouvelé - j'allais donc obtenir satisfaction, en dépit de mes maladresses ? J'espérais, à tout le moins, qu'elle se ployait à sa propre envie, et non à mon rang.

Elle mesura chacune de ses paroles comme l'agriculteur pesait son grain en temps de disette.

« Pour répondre à votre question, Ser Garde, je pense que la magie est un fardeau bien lourd, et que les Cercles existent pour nous permettre de le porter avec le plus de dignité possible. » Tandis qu'elle s'exprimait, j'approuvais par discrets hochements de tête la justesse de son discours, trop heureux de recueillir son opinion et craignant qu'à la moindre remarque brusque, tel un oiseau farouche, sa confiance s'envolât. « L’apprentissage que je suis ici est tourné vers la pénitence et le respect des préceptes andrastiens.

— Un enseignement sûr et empreint de sagesse, qui est tout à l'honneur de vos maîtres enchanteurs. »
Je ponctuai mon acquiescement d'un dernier sourire de gratitude.  « Merci d'avoir bien voulu accéder à mon petit caprice, serah Isbeil. »

Et comme nous l'avions convenu, je ne revins pas sur le sujet.

Face aux rayonnages, la jeune fille eut tôt fait de repérer l'emplacement des ouvrages dont je requérais le savoir. Liste en main, elle s'affaira à transférer les livres de leurs étagères à une table à proximité, érigeant peu à peu une pile de volumes, pour ne pas dire une volumineuse pile, qui pour chaque brique posée remettait en question ma capacité à tout compulser en l'espace d'une seule journée. Pour être honnête, pris dans mon excitation, je n'avais pas songé à la quantité de travail que mon investigation au Cercle demanderait... ni à ce que les titres proposés par serah Andra présenteraient tous l'apparence rébarbative d'une encyclopédie exhaustive de plus de mille pages, certainement rédigée sur deux colonnes de pattes de mouche excessivement savantes...

« Hum... Je crains d'avoir... sous-estimé la luxuriance des livres demandés, » me navrai-je à part moi d'une voix soudain mal assurée.

« Non ? Nous n'aurions pas idée d'imaginer un Garde dépassé par sa mission. »

Décontenancé, je ne sus que considérer avec une surprise un peu bête le templier qui flanquait ma gauche, lequel observait toujours, avec une nonchalance étudiée, Isbeil se débattre au milieu de tomes plus épais que ses bras. L'improbabilité de la blague fraya son chemin jusqu'à mon entendement, et je finis par esquisser un sourire lorsque l'homme d'armes me glissa un regard de connivence.

Isbeil revint sur ces entrefaites, le doigt pointé vers un ouvrage hors de sa portée - le mastodonte dominait à quelques têtes de la sienne. Je m'empressai de voler à son secours.

« Je suis désolée : il semblerait que trois titres manquent à l’appel, » s'excusa-t-elle pendant que je me hissai sur la pointe des orteils - Créateur, qui l'a donc perché si haut ? - pour m'emparer du trouble-fête aux velléités célestes.  « Deux ont sûrement été empruntés, » enchaîna-t-elle après que je l'eusse rejointe, l'opus massif entre les mains, « mais en ce qui concerne le dernier, j’ai bien peur de devoir m’avouer vaincue : le titre ne n’évoque rien du tout.

— Le Dernier Index des Chancres et autres corruptions de la chair ? D'après ma mentore, ce n'est pas le plus commun des traités sur le sujet... ni le plus, disons, accessible. »
Je passai une main gantée sur la couverture reliée de cuir de ma trouvaille, et une trace nette fendit le voile gris de poussière qui témoignait de la longue attente que ce majestueux grimoire avait menée, du bord de son altier piédestal, depuis qu'une autre âme érudite l'y avait déposé. Mon esprit dériva un instant sur le mystère de ses précédentes existences. Contenait-il un savoir dangereux ? L'avait-on placé là pour qu'il y fût oublié, parce qu'il n'était pas à la portée de tous les intellects, ou bien seulement parce qu'il ne constituait pas un agréable compagnon de chevet, et qu'on préférait laisser les étagères à altitude raisonnable pour les livres plus fréquemment consultés ? Je me tirai de ma digression intérieure en relevant la tête. « Merci infiniment pour votre aide, serah. »

Je reposai l'ouvrage sur la table avec un soin presque religieux, en compagnie de ses congénères dont je fixai la pesante - et littérale - somme des connaissances non sans un certain désespoir.

« Nous avons là une sélection bien généreuse. Ne vous inquiétez pas pour les volumes que vous n'avez pas trouvés. » Je contins un soupir embarrassé.  « À dire vrai, cela m'arrangerait presque. Je ne sais combien de temps l'inspection de tous ces textes va me prendre... Sans compter la rédaction des notes... Oh, que le Créateur me vienne en aide*, il me faudra bien plus qu'un après-midi... »

Je me massai le front pour aider la réalisation à décanter dans mon esprit. « Eh bien, mieux vaut que je m'y mette dès maintenant, » me résignai-je, maquillant la détresse sous un nouveau sourire. « Encore une fois, merci pour votre temps, serah Isbeil. Si vous avez à faire, je vous en prie, n'hésitez pas... Je ne peux décemment pas vous demander de m'assister dans la tâche gargantuesque qui m'attend à présent. » Une pause. « Enfin, si vous avez de l'encre et du papier en excédent, je ne suis pas contre vous en prélever un peu... »  


* En névarran dans le contexte (j'ai pas voulu utiliser Google Trad, oups)

Isbeil Byrne
Isbeil Byrne
Apprentie du Cercle
Apprentie du Cercle
Isbeil Byrne
Personnage
Illustration : Post Tenebras Lux

Peuple : Humaine
Âge : 20 ans
Pronom.s personnage : Elle
Origine : Noblesse havenoise (Corintamh, Marches Libres)
Occupation : Apprentie mage
Localisation : Cercle de Starkhaven (généralement à la bibliothèque ou dans la chapelle)
Pseudo : Talasi
Pronom.s joueur.euse : Elle
Crédits : The Inner Sun by Anndr (avatar) | Megan Rieker (illustration) | Adamant (signature)
Date d'inscription : 10/10/2021
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Vol : 14
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Sorts : Feu follet magique : invoque une boule lumineuse inoffensive
Soin : guérit la cible par contact (+14 PV)
Bouclier spirituel : +2 de défense magique

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https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t447-isbeil-byrne
Les petites actions"Though the lands suffer a thousand wrongs,
The Maker yet notices the smallest of deeds."
Chant of Light, unknown canticle

« Un enseignement sûr et empreint de sagesse, qui est tout à l'honneur de vos maîtres enchanteurs. Merci d'avoir bien voulu accéder à mon petit caprice, serah Isbeil. »

C’était avec des mots une nouvelle fois emprunts d’élégance et de respect que Saam avait répondu à la confidence d’Isbeil et, bien que ces derniers ne continssent aucune information sur son propre apprentissage où la façon dont il l’avait vécu, l’apprentie les avait accueillis d’un hochement de tête et d’un sourire sincère.

« Et je vous remercie de m’avoir écoutée… Ser Saam. »

L’usage du prénom, loin d’être anodin, révélait une appréciation toujours plus favorable de ce visiteur décidemment bien courtois et capable de rattraper ses écarts avec autant d’habileté que d’humilité. Si Isbeil ne se trompait pas, ces qualités étaient la marque d’une intelligence sensible, et elle ne pouvait s’empêcher de regretter en conséquence les circonstances de leur rencontre. Que serait-il advenu d’eux dans une autre vie ? Un noble nevarran et une femme dévouée au Créateur, capables de converser sur un répertoire musical bien plus vaste que le cliquetis vigilant de l’acier et, peut-être, de devenir amis…

Un instant, les doigts pâles et songeurs de l'Havenoise virent caresser le pendentif solaire avant de le relâcher. Il n’y avait pas lieu d’entretenir cette fantaisie. Le Créateur avait tracé pour eux un chemin dont il fallait se contenter, et c’est avec rigueur qu'elle se dévoua donc ensuite à la recherche des titres soigneusement listés. Concentrée sur sa quête, elle loupa même l’échange qui opposa le templier au Garde, ne revenant que pour confesser son impuissance à trouver tous les livres demandés.

« Le Dernier Index des Chancres et autres corruptions de la chair ? la questionna Saam, et elle acquiesça d’un geste. D'après ma mentore, ce n'est pas le plus commun des traités sur le sujet... ni le plus, disons, accessible.
— Je vois… Certains livres sont conservés dans des salles inaccessibles aux apprentis. Si cet Index est aussi savant et spécialisé que vous l’entendez, vous ne perdrez rien à demander à un mage de rang. »

Après avoir longuement inspecté sa couverture, Saam posa le dernier volume sur la table, puis décerna à ses congénères un regard indéchiffrable :

« Merci infiniment pour votre aide, serah. Nous avons là une sélection bien généreuse. Ne vous inquiétez pas pour les volumes que vous n'avez pas trouvés. » continua-t-il et, face à ce refus poli de son offre, Isbeil hocha une nouvelle fois la tête. Elle venait enfin de saisir l’expression étrange du mage : c’était celle de celui qui réalisait que le chemin menant à son but était une pente raide, et dont le chargement venait par conséquent de prendre quelques kilos imaginaires. « À dire vrai, cela m'arrangerait presque. Je ne sais combien de temps l'inspection de tous ces textes va me prendre... Sans compter la rédaction des notes... Oh, que le Créateur me vienne en aide, il me faudra bien plus qu'un après-midi...

Comme s’il pressentait le mal de tête que lui causerait à coup sûr cette titanesque charge de travail, Saam massait maintenant son front.

« La médecine est un art qui requiert une grande précision, tenta aussitôt de le rassurer Isbeil. Avec un peu de chance, ces ouvrages seront divisés en chapitres aux sujets clairement identifiés.
— Eh bien, mieux vaut que je m'y mette dès maintenant. Encore une fois, merci pour votre temps, serah Isbeil. Si vous avez à faire, je vous en prie, n'hésitez pas... Je ne peux décemment pas vous demander de m'assister dans la tâche gargantuesque qui m'attend à présent. Enfin, si vous avez de l'encre et du papier en excédent, je ne suis pas contre vous en prélever un peu...
— Bien sûr. Je vais vous chercher ça. »

D’un pas rapide, la jeune femme quitta les deux hommes pour se diriger vers un meuble qu’elle savait contenir les précieuses ressources. Cependant, au moment de saisir le flacon d’encre, son geste trahissait un dilemme intérieur. Dans une nouvelle démonstration de prévenance, le Garde des ombres lui avait offert la possibilité de s’éclipser en toute simplicité, et elle ne savait que faire car, s'il était évident que Saam van Cauwenberghe désirait cette aide qu’il n’avait pas demandé, la lui offrir requerrait de se soumettre au possible jugement des templiers et autres mages fréquentant la bibliothèque…

Et depuis quand le regard des autres t’empêche-t-il de faire ce qui est juste, Isbeil ?

Comme souvent, l’apprentie fut forcée de reconnaître que la voix de sa conscience avait raison. Les murmures surpris dans les couloirs et le silence accru de son frère – qu’elle supposait écrasé par un nombre croissant de réunions – le lui avait appris : au dehors la ville se préparait à la guerre. Mais elle, qu’avait-elle fait contre la menace se profilant au loin ? Rien, si ce n’était en détourner le regard en tremblant, et peut-être était-ce le moment d’y remédier.

Être actrice le temps d’une journée plutôt que de la subir… C'était une idée séduisante. Et oui, peut-être n’était-ce dû qu’à la présence motivante d’une personne extérieure ; peut-être l’apathie et le désespoir reviendrait-il même le lendemain, mais elle voulait saisir cette occasion, et c’est donc avec un air décidé qu’elle revint vers Saam, armé de deux plumes et d’un encrier.

« Ser Saam ? J’ai réfléchi et en suis venue à la conclusion que je puis et souhaite vous aider. Aucune leçon ne requiert ma présence en classe ce matin. En cette époque incertaine, mon temps ne sera jamais mieux employé qu’à assister la Garde, n’est-ce pas ? »

Si Isbeil réalisa, un peu tard, que sa dernière question pouvait passer pour une tentative peu subtile de confirmer la survenue prochaine d’un Enclin, elle ne se corrigea pas. Après tout, une part d’elle désirait bel et bien mettre fin à cette incertitude épuisante, tandis que l’autre ne se souciait plus que de la façon de convaincre son interlocuteur de son utilité :

« Je viens parfois consulter les ouvrages de cette section lorsque le sommeil me fuit… La Création est… une Ecole de magie que je tolère mieux que d’autres. »

Oui, tolérer était le mot. Sans l’apprécier, c’était celle qui entrait le plus en adéquation avec ces principes et que, si elle ne devait avoir le choix, elle préférait pratiquer… Enfin, comme on pouvait préférer une migraine à une rage de dent. Mais si ses nuits insomniaques avaient appris quelque chose à l’apprentie, c’est qu’il était toujours mieux de s’occuper l’esprit – et cela fusse avec des textes arides sur la magie – plutôt que de se risquer à le laisser vagabonder vers des contrées connues de lui seul et oh bien plus périlleuses.

« Je suis également capable de lire et de rédiger rapidement. Si vous consentez à accepter l’aide d’une simple apprentie, je suis à votre service. »

Venant ponctuer son argumentaire, un soupir – qu’elle allait finir par soupçonner d’être le mode d’expression principal de leur surveillant – retentit soudain à l’autre bout de la table :

« Eh bien ! J’aurais presque envie de vous aider moi-même pour m’épargner l’ennui de vous observer noircir ces pages pendant des heures. »

Un instant déconcertée, Isbeil fixa le templier avant de lui tendre une feuille :

« C’est fort aimable à vous de…
— Je plaisantais, serah Byrne. Regarder vos pauvres caboches fumer sera bien assez divertissant. »

Puis, après courte pause :

« Evitez quand même de perdre du temps. »



"Là où il y a les ténèbres, que je mette la lumière."
 
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Les petites actions« That this is how we find out what we´re made of
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Avec la diligence appliquée qui lui était visiblement caractéristique, serah Isbeil se plia à ma requête à peine eut-elle franchi mes lèvres.

 « Bien sûr. Je vais vous chercher ça. »

Alors que la jeune apprentie disparaissait en direction de ses réserves, je m'autorisai à relâcher le soupir fatigué qui persistait à harceler ma poitrine. À mes côtés, le vigile templier leva un sourcil.

« J'espère que vous n'allez pas rester ici jusqu'au coucher du soleil. »

Je lui lançai un regard chargé d'impuissance, main étendue vers la pile d'ouvrages assez haute pour jeter son ombre en travers de la travée.

« J'essayais simplement de me montrer compréhensif. »

En guise de remerciement, je reportai mon attention vers le monument de travail plus près de s'abattre que d'être abattu, vaincu d'avance.

Quelques minutes espacèrent mes pensées affligées, et j'avais retrouvé l'aplomb de mettre en marche le premier mouvement d'une course au savoir de longue haleine, siège soigneusement tiré et séant élégamment chu sur le bois dur, un livre conséquent, fort bien nommé « De la nature des nécroses - une édition revue et enrichie » ouvert sous mon nez qui se plissait déjà devant l'efflorescence impitoyable de termes techniques dès l'entrée en matière ; lorsque Isbeil se présenta de nouveau, son précieux butin à la main. Je relevai la tête de ma profuse préface — j'avais eu raison, Créateur, ces tomes bâtissaient leurs notions sur deux colonnes — pour l'accueillir d'un gentil sourire. Sourire qui se décrocha un peu en point d'interrogation quand je remarquai la duplication inexpliquée des plumes qui pointaient fermement entre ses doigts déterminés.

« Serah...?  

 — Ser Saam ? J’ai réfléchi et en suis venue à la conclusion que je puis et souhaite vous aider. » Une volonté neuve brillait dans ses prunelles tendres, que je ne trouvai pas moyen ni cœur de questionner. « Aucune leçon ne requiert ma présence en classe ce matin. En cette époque incertaine, mon temps ne sera jamais mieux employé qu’à assister la Garde, n’est-ce pas ? »

Sa résolution, si naïve sans doute aux yeux des incrédules, provoqua plutôt chez moi un nouvel élan de sympathie. Qu'elle fût enfin rassurée d'user de mon prénom, comme la consistance de ses apostrophes le laissait entendre, comptait presque davantage à mes yeux que le soutien qu'elle se proposait à m'offrir ; il n'avait jamais été dans mon idée de la conscrire — sans mauvais esprit — pour la mission érudite qui était la mienne, et je fus tenté, l'espace d'un battement, de lui refuser sa sollicitude bien animée eut égard à la complexité et l'indéniable atrocité des sujets que sa jeune conscience aurait eu à endurer. Cependant, quelque chose dans son attitude, dans le maintien sûr de ses épaules, dans l'énergie singulière de son doux visage dressé vers moi, quelque vivacité de l'étincelle nimbant son regard à l'affront du mien, sans insulte, seulement avec les meilleures intentions du monde, me dissuada d'insister. Il fallait peut-être l'admettre, je connaissais cette braise qui éveillait les âmes justes et attisait les devoirs preux — car j'avais eu la même.

« Je viens parfois consulter les ouvrages de cette section lorsque le sommeil me fuit… » admit-elle ensuite, ce qui me fit hausser les sourcils : voilà qui n'était pas une distraction commune pour qui souffrait d'insomnie. « La Création est… une École de magie que je tolère mieux que d’autres. »

À cet aveu, la voix d'Isbeil parut s'affadir. L’œil toujours calmement posé sur elle, présidant à sa courageuse plaidoirie, je me sentis compatir. Accepter le sceau fatidique de la magie, apposé sur notre chair bien souvent malgré nos vœux les plus chers, était certainement l'une des épreuves les plus difficiles que le Créateur pouvait imposer à Ses malheureux enfants. Je me souvenais de mes camarades qui n'avaient pas été en mesure de la surmonter, et qui s'étaient étiolés, lentement, tristement, dans le terreau infertile engendré par leurs craintes de malédiction et de châtiment, jusqu'à se livrer à la merci de leurs propres pouvoirs ; ils s'évaporaient alors, un temps, une éternité, et revenaient parfois sous la forme d'ombres, Apaisés, tranquillisés, vivant à jamais coupés de leur vie. Je me souvenais de l'époque où moi-même je les avais enviés, ces absous, tandis que je luttais de toutes mes forces contre ce qui était devenu mon identité, mon sang et mon âme ; où mon feu, féroce et farouche, n'écoutait que les folies de mon cœur paniqué, et consumait autour de lui le monde qu'il ne voulait pas approcher ; où l'horreur de la déception, de la punition, hantait mes jours et mes nuits, mes espoirs et mes prières ; où le sommeil ne venait plus me chercher, ne pouvait plus me chercher tant je le fuyais avec détresse, épouvanté par les sifflements désincarnés qui guettaient désormais depuis les plis de mes rêves. Que serait-il advenu de moi, si ma route n'avait pas croisé celle de maîtres vaillants, de prêtresses patientes, de condisciples compatissants ? Qu'ils fussent jeunes ou expérimentés, partageaient le même fardeau ou s'écartaient en tous points de ma destinée, chacune de ces rencontres m'avait permis de continuer lorsque je pensais les cieux sourds à mes appels. Les conseils et les sermons m'avaient ramené à la réalité, prouvé que le soleil brillait là où j'avançais les yeux fermés ; j'avais battu des paupières, alors, et découvert que la lumière existait encore. Elle attendait, bras ouverts, au plus profond d'une abysse qui, je le savais, me réserverait bien des obstacles et des sacrifices, mais dont le sévice promettait à son terme la plus belle des rédemptions.

J'avais regagné le sens et la sérénité d'une existence vouée au Pardon en trouvant mon chemin parmi la Garde des Ombres.

Et tandis que la lueur de ma bougie, innocente et timide, demeurait l'unique manifestation de vie sur le plateau massif de la table, qu'elle palpitait contre la patine du bois, le grain du papier et les plumes brodées du griffon, et que mon expression, sans que je ne m'en fusse rendu compte, s'était adoucie, Isbeil, sur une dernière inspiration, se prit à achever :

« Je suis également capable de lire et de rédiger rapidement. Si vous consentez à accepter l’aide d’une simple apprentie, je suis à votre service. »

Le silence se rétablit. La bibliothèque elle-même semblait retenir ses froissements de page et ses craquements de boiserie, attentive soudain à l'issue de cette curieuse confrontation, dont seul je possédais — sentiment étrange et quelque peu gratifiant — le pouvoir de la réponse.

Mais quand j'ouvris la bouche, ce ne fut pas ma voix qui réanima l'atmosphère.

« Eh bien ! J’aurais presque envie de vous aider moi-même pour m’épargner l’ennui de vous observer noircir ces pages pendant des heures. »

Notre veilleur templier, assez habile pour se faire oublier tout au long de la tirade de l'apprentie, fut subitement assailli par deux paires d'yeux surpris. Les commissures de mes lèvres eurent un frémissement subtil. Décidément, il se sentait bien à l'aise. Finissait-il donc par apprécier sa corvée d'escorte et ses mages trop bavards ? Je pouvais deviner l'intérêt désavoué qui sommeillait derrière ses paupières tombantes.

Serah Isbeil, à l'inverse, ne parut pas tout à fait saisir les humeurs facétieuses de notre interlocuteur. Une once de confusion dans le regard, elle offrit à l'homme d'armes la feuille qu'il avait presque réclamée.

« C’est fort aimable à vous de…

— Je plaisantais, serah Byrne, » l'interrompit le templier de son éternel timbre traînant — qu'Andrasté pardonnât mon manque de considération, mais je ne pus m'empêcher de pouffer. « Regarder vos pauvres caboches fumer sera bien assez divertissant.

— C'est pourtant dommage, messer. Vous allez rater l'essentiel du divertissement, » badinai-je, la voix rieuse.

Le guerrier riposta avec un sérieux tout professionnel — mais il avait été percé à jour, et le savait aussi bien que moi. « Évitez quand même de perdre du temps. »

J'inclinai docilement la tête. Sans me départir de mon sourire.

« Il semblerait que vous soyez décidée, Isbeil, » observai-je ensuite en m'en retournant à la jeune apprentie qui attendait toujours, fébrile, la frange de ses plumes frissonnant au rythme de son expectation. « Qui suis-je pour m'opposer à tant de bonne volonté ? » poursuivis-je, mains écartées et tête penchée avec malice. « Prenez donc une chaise, serah, et mettons tout de suite à contribution votre désir de servir la cause de la Garde. Il n'est pas nécessaire de s'enrôler pour nous avancer dans notre lutte, et nous ne sommes jamais trop à nous unir contre ce mal qui nous dépasse tous : toute aide est remarquée, remarquable, et bonne à prendre. »     

Mes propos étaient on ne pouvait plus sincères, mais je m'abstins de dévoiler une autre facette de ma reconnaissance : le soulagement de ne point me retrouver seul face à la muraille inextricable des locutions médicales et des théories avancées de l'école de la Création. Avais-je accepté un peu trop vite le soutien d'une simple apprentie mage pour des recherches dépassant largement son niveau d'expérience ? Peut-être. Mais je ne la retiendrais pas si l'exercice s'avérait trop ardu pour elle ; et, au risque de ne pas y gagner en temps, au moins pourrais-je retirer de cette incursion au Cercle de Starkhaven quelques éclaircissements sur le quotidien de ses mages, si proches et pourtant si différents de ceux que j'avais pu côtoyer.

Et puis, en dépit de nos âges et de nos nations d'origine, la présence polie et serviable de serah Isbeil ne m'était pas désagréable.

Cependant qu'elle s'installait, je me penchai sur la table pour attraper un second bougeoir. Je frôlai la mèche d'un doigt, et elle s'enflamma ; je passai la chandelle allumée à ma collègue d'étude pour la journée, prenant garde à ne pas faire couler de cire sur les pages fragiles.

« Dans un premier temps, focalisons-nous sur tout ce qui a trait à la souillure de l'engeance, ainsi qu'aux affections similaires en symptômes — principalement les nécroses, les corruptions du sang... Il n'est pas nécessaire de tout comprendre, seulement de cerner les parties dignes d'intérêt et les recopier pour ma mentore. Si vous avez besoin de plus de détails, ou si vous rencontrez des difficultés avec certaines notions, n'hésitez pas à m'en faire part. »

J'attrapai une plume, la plongeai dans l'encre, et m'attelai à la tâche.

Un laps de temps incertain s'écoula dans la concentration la plus complète et le grattement de la pointe taillée sur le papier. Un à un, les livres s'entrebâillèrent, s'empilèrent et se dévidèrent de leur savoir sur la table de plus en plus encombrée. Par moment, plongé dans mes réflexions, je laissai échapper des murmures pensifs dans ma langue maternelle, avant de fouiller plus loin au cœur de mes lectures ou m'enfoncer derechef dans mes rédactions assidues. Au bout d'une observation appliquée de ce régime studieux, pendant que le vigile templier, contrairement à ce qu'il avait affirmé, se gaussait moins qu'il tentait de rester éveillé, et que je m'échinais en vain à décrypter les démonstrations alambiquées d'une théorie particulièrement laborieuse, je me laissai distraire sur un soupir. « Aussi fascinantes et merveilleuses que soient les prouesses permises par l'école de la Création, ce n'est définitivement pas une voie qui m'est évidente. Oh, si seulement serah Andra avait pu se joindre à nous ! » Les membres engourdis, je fis rouler mes épaules afin de les libérer de la tétanie progressive induite par la crispation de l'écriture. Je voulus ramener mon attention au texte épineux qui m'opposait résistance, mais une pensée parasite dévia la trajectoire de mon esprit. La Création est une école de magie que je tolère mieux que d'autres.

Impossible de l'ignorer. Impossible, aussi, de ne pas croire que la jeune Isbeil considèrerait mon domaine d'expertise comme la pire des avanies faites à l’œuvre du Créateur. Je le concevais aisément : pendant de très longues années, j'avais partagé son avis. Si dame Ziener ne m'avait fait grâce sa sagesse...

Il n'était jamais trop tard pour essayer d'apporter à une âme perdue un bref éclat de certitude.

« Sachez que j'éprouve beaucoup de respect pour ceux des nôtres qui choisissent de se dédier à la magie curative. Manier l'Immatériel dans le but de soigner, d'aider... Il s'agit encore de l'expression la plus louable de nos dons. » Prenant conscience de l'encre qui sourdait de ma plume inutilisée, je replaçai l'instrument dans son encrier. « Mais pendant longtemps, j'ai refusé même les vertus de la Création. Plus jeune. Lorsque je ne parvenais pas à accepter ce que j'étais devenu. » Mes yeux s'embrumèrent ; ils entreprirent l'ascension des souvenirs jusqu'à une terre fort lointaine, à une époque fort distante de là où nous nous trouvions. « Pis encore était l'inévitable constat que, quoi que je fisse, je ne pouvais échapper à mon affinité naturelle ; et que partout où je regardais, elle brûlait et blessait ceux qui me tendaient leur main. » Qui savait si l'on n'avait pas songé à m'Apaiser, plutôt que me forcer à porter ce fardeau dont je ne désirais pas une once ? Qui, alors, devais-je remercier pour m'avoir accordé une chance qu'en ce temps-là, je ne voyais que comme la prolongation de ma souffrance ? « Si vous avez le bonheur du choix, serah Isbeil, alors je vous souhaite de vous épanouir dans cette école que vous tolérez mieux que les autres. Créez. Honorez les beautés du Créateur en les soulageant. » Mon regard se reposa doucement vers la figure diaphane de l'apprentie à mes côtés. Solennel. Presque triste. « Je n'ai trouvé la paix dans les flammes qu'au moment où j'ai compris qu'elles ne me condamnaient pas à la destruction. »       

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TW : termes médicaux peu ragoûtants, un peu de déprime, deuil

Léger et bon enfant – audiblement échappé puis sciemment contenu – le rire de Saam traversa la table pour chatouiller les oreilles d’une Isbeil coite. Au moins la boutade qui suivit eut-elle le mérite de détourner l’attention du templier de son embarras écarlate ; et l’assentiment tant attendu acheva-t-il bientôt de faire disparaître toute gêne. Hochant la tête dans un semblant de dignité conservée, Isbeil déposa prestement son chargement sur le plateau, puis saisit elle-même l’un des nombreux volumes qui l’occupait.

« Il n'est pas nécessaire de s'enrôler pour nous avancer dans notre lutte, et nous ne sommes jamais trop à nous unir contre ce mal qui nous dépasse tous : toute aide est remarquée, remarquable, et bonne à prendre. »

"Nous unir contre le mal." La formulation jeta un froid dans les os de l’apprentie, qui s’évertua alors à le repousser d’une pensée toute simple : demain pouvait bien venir avec ses ombres et ses épreuves ; elle ne resterait pas impuissante aujourd’hui et, à l’instar de son frère, comptait bien protéger la ville à sa façon.

« C’est avec plaisir que je vous offre la mienne, ser Saam, et vous venez d’ajouter à ce plaisir en l’acceptant. »

Alors qu’elle achevait de s’installer face au Garde, ce dernier se saisit d'une bougie, puis en alluma la mèche d’un simple effleurement. Le sort avait été jeté avec un tel naturel qu’un spectateur – oubliant aisément que son lanceur venait de puiser dans l’Immatériel – aurait pu se laisser convaincre qu’il ne s’agissait là que la suite logique de son mouvement, voir même de sa respiration. Un sort somme toute anodin et aux répercussions à peine perceptibles mais dont, pourtant, le tremblement ne tarda pas à trouver un écho dans le sourire d’Isbeil ; la flamme ainsi produite la renvoyant aussitôt à une autre moins contrôlée, ainsi qu’à une lettre se consumant dans une coupelle. Difficile d’oublier que le feu – pourtant symbole de pureté et de foi – s’était également trouvée être celui de ses plus récents malheur, aussi détourna-t-elle pudiquement le regard en acceptant l’objet, espérant ainsi masquer l’éclat de crainte qu’elle le savait en cet instant abriter.

Par ignorance ou par pudeur, Saam enchaina rapidement avec ses explications, et tout deux se mirent au travail. Les minutes puis une heure s’écoulèrent ainsi lentement, uniquement rythmées par le grattement des plumes sur le papier. Alors qu’elle remplissait peu à peu le sien de lignes aussi droites que régulières, l’esprit d’Isbeil avait fini par se tourner tout entier vers les fluides putrides des engeances ; flux malfaisant et nuisible dont on racontait qu’ils vous transformaient en l’une d’entre elles. Des visions de cauchemars dont elle ne s’échappa que pour se lever, revenir avec un imposant glossaire, puis y chercher le terme qui lui avait posé problème :

Cacohymie : se réfère à un corps dépravé par l’abondance de mauvaises humeurs (pléthore en cas d’excès de sang).

Voilà au moins qui lui permettrait de survoler expressément le reste de l’ouvrage : ce n’étaient pas les "excès de sang" qui l’intéressait, mais sa corruption. Décidant de porter son attention sur un autre texte, elle déchanta bien vite en réalisant que, cette fois-ci, l’auteur semblait avoir fournit autant d’effort à détailler ses théories qu’à décrier, violement, celles de ses concurrents.

« Aussi fascinantes et merveilleuses que soient les prouesses permises par l'école de la Création, ce n'est définitivement pas une voie qui m'est évidente. » Se frayant un chemin jusqu’à son cerveau surmené, Isbeil fut presque tenté de laisser échapper un soupir de soulagement alors que la voix de Saam venait interrompre une lecture aussi studieuse que laborieuse. « Oh, si seulement serah Andra avait pu se joindre à nous ! »
— Andra… Votre mentore est serah Valheim ? s’exclama-t-elle, peut-être un peu fort sous le coup de la surprise. Nous avons ses livres ici, juste derrière vous ! »

Elles ne les avaient pas lus elle-même, mais Ailis lui avait parlé en quelques mots de sa rencontre avec cette femme renommée dont la théorie – selon laquelle la Création pouvait constituer un refuge aussi simple qu’illusoire dans la pratique magique – l’avait dérangée, et cela qu’elle ne sache très bien comment l’expliquer.

« Sachez que j'éprouve beaucoup de respect pour ceux des nôtres qui choisissent de se dédier à la magie curative. Manier l'Immatériel dans le but de soigner, d'aider... Il s'agit encore de l'expression la plus louable de nos dons. Mais pendant longtemps, j'ai refusé même les vertus de la Création. Plus jeune. Lorsque je ne parvenais pas à accepter ce que j'étais devenu. »

Là, Isbeil ne put s’empêcher de poser les yeux sur sa main gauche, et plus exactement sur la fine ligne blanche qui en barrait la paume. Combien de temps avait-elle errée dans le Cercle, ombre chétive craignant même les potions destinées à apaiser ses nuits ? Combien de temps à se taire dans la maladie, la douleur et la blessure, ou bien à chercher uniquement le soin des apaisés parce qu’elle ne pouvait supporter l’idée qu’un mage la touche, pire : qu’il fasse usage de ses capacités sur son corps, le marquant ainsi d’une corruption funeste, extérieure ; impensable quand celle de son propre sang était déjà trop terrible et bien trop lourde à porter ?

Une dizaine de jours à peine après l’énième décès d’une apprentie, elle n'était pas sûre d’apprécier la direction que prenait le discours de Saam ; n’avait vraiment pas envie de parler de magie. Cependant, n’avait-elle pas également choisi de rester, et cela alors même qu'elle savait le sujet capable de tomber ? Peut-être n’avait-elle pas prévu qu’il prenne une tournure si personnelle, mais peut-être était-ce également ce qui la poussait à écouter son homologue avec raideur plutôt que de l’interrompre aussitôt. Car comment se montrer si insensible face à ce quasi inconnu qui se dévoilait pour… Quoi ? La réconforter ? L’encourager ?

« Pis encore était l'inévitable constat que, quoi que je fisse, je ne pouvais échapper à mon affinité naturelle ; et que partout où je regardais, elle brûlait et blessait ceux qui me tendaient leur main. »


« Lachlann. Je… Je ne peux pas vous brûler la main. » *

« Si vous avez le bonheur du choix, serah Isbeil, alors je vous souhaite de vous épanouir dans cette école que vous tolérez mieux que les autres. Créez. Honorez les beautés du Créateur en les soulageant. Je n'ai trouvé la paix dans les flammes qu'au moment où j'ai compris qu'elles ne me condamnaient pas à la destruction. »


« On nous dit que la magie est dangereuse, que nous devons racheter nos péchés… Et pourtant, on nous entraîne à l’utiliser pour nuire. Pourquoi ? Je veux simplement ne pas faire de mal. »*
« As-tu déjà oublié notre rôle ? Les mages sont des soldats, Isbeil. » *

Secouant la tête pour en déloger les pénibles réminiscences, l’apprentie déglutit avant d'articuler :

« La Création est une école bien difficile. Je ne sais pas si j’aurais ce choix que vous évoquez. »

Et ça me terrifie. Et je ne peux m’empêcher de songer que ce n'en est pas un car, quitte l'avoir vraiment, je préférerais mille fois ne pas choisir. Ne pas être mage. Ne pas être moi.

« J’aimerais pouvoir y trouver la paix, vraiment… Suivre les commandements de ma foi, soulager les maux... »

Mais comment refermer les plaies quand les siennes ne cessaient de se rouvrir ? Elle avait essayé pourtant. Le Créateur en soit témoin : elle avait vraiment essayé avec Sivoneii ; vraiment repoussé ses limites avec Lachlann, mais pour quel résultat ?


« C’est plus fort que moi : dès que je saisi le Voile, j’ai peur de m’y perdre. » *

Il était impensable de faire une telle confidence de nouveau. Pas après Mirani. Pas après Peur. Encore moins sous le regard d’un templier et, quelque part – surprenamment – cela la désolait. Avait-elle tant besoin d’être comprise après avoir été rejetée par Lachlann ? Que Nucci Mansilla ne lui ait pas posé les questions que sa gorge nouée réclamait ? Qu’Alzyre de Launcet lui ait refusé le partage de leur douleur commune ? Toujours était-il que l'issue restait la même : enfermer une nouvelle fois la vérité, puis lui préférer des paroles plus convenues et, surtout, plus acceptables pour leur auditeur armé :

« Je suis heureuse d’apprendre que vous avez pu atteindre une forme d’apaisement. » Cela, au moins, était sincère. « Vous avez tort, cependant : le feu est bien la destruction. Il dévore la matière, réduit en cendre ce qui nous est cher ; et aucun cœur andrastien ne peut ignorer ou oublier qu’il a pris notre Prophétesse. »

Délaissant les plumes et les encriers, le regard noisette de l'apprentie vint s'égarer temporairement vers la fenêtre. Là, derrière le verre un peu trouble, le soleil déversait maintenant pleinement ses rayons sur les jardins gelés, donnant l’illusion – si on la regardait sous un certain angle – que l’herbe couverte de glace s’embrasait, balayée d'un incendie aussi blanc qu'éclatant.

« Vous avez tort et, pourtant, vous avez aussi raison, car le feu réchauffe et purifie. Il illumine les Chantries, guide les égarés dans le noir, rassemble familles et inconnus autour d’un même foyer... Alors, peut-être… Peut-être que vous le portez en vous pour racheter votre part du péché des hommes. Peut-être que vous pouvez l’invoquer – usant par cela même de ce qui l’a causé – dans le but de combattre une autre terrible forme de corruption, et de rappeler aux autres ses bienfaits qui sont aussi ceux du Créateur. »

Andrasté miséricordieuse, comme elle aurait voulu que les mots de Saam lui parviennent avant ! Comme elle aurait voulu n’être qu'une sœur face à un mage, afin de pouvoir accorder à ceux qu’elle prononçait maintenant cette foi qui avait déserté sa poitrine, la laissant aussi vide que glacée.

Ne sachant qu’ajouter, Isbeil se tut. Son interlocuteur le nota-t-il ? La plume tournant entre ses doigts constituait une preuve des pensées qui l’assaillaient, et elle cherchait encore un moyen d’y échapper lorsqu’un battement de cloche retentit ; inespéré salut suivi aussitôt de plusieurs autres. Douze, pour être précis.

« Midi déjà ? » s’étonna-t-elle avant de jeter un œil incrédule aux volumes empilés.

Avaient-ils vraiment passé deux heures penchés sur leurs pages jaunies ?

« Veuillez m’excusez Ser Saam, mais si je veux déjeuner avant d’assister à mes leçons de l’après-midi, il va falloir que je vous quitte bientôt... Ou même aussitôt. Juste le temps de vous aidez à ranger ces ouvrages – si vous décidez d’également mettre fin à votre étude – et de vous remettre mes notes, puis il me faudra vous laisser aux bons soins de Serah Agnès, qui devrait maintenant avoir repris son poste. »


Les * renvoient aux RP dont proviennent les extraits cités.


"Là où il y a les ténèbres, que je mette la lumière."
 
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Isbeil Byrne
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Apprentie du Cercle
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Les petites actions"Though the lands suffer a thousand wrongs,
The Maker yet notices the smallest of deeds."
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Le texte qui suit est un court résumé de la fin du RP, décidé en accord avec mon partenaire.

C’est sans se démonter que Saam écoute Isbeil, puis l’enjoint de faire attention à elle. Touchée par cette rencontre et consciente du destin qui le guetterait en cas d’Enclin, l’apprentie prie Andrasté de veiller sur lui avant d'exprimer son désir de le recroiser à l'avenir.

Juste avant de partir, Saam offre également à Isbeil un conseil qui, s’il ne déchire pas les ombres ce jour-là, allumera peut-être plus tard l'espoir dans le cœur étouffé de peur :

« Les choses deviennent ce que nous faisons d’elles. »


Fin du RP


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