Parmi tous les cours de magie dispensé au Cercle de Starkhaven, ceux portant sur l’école d’Esprit étaient sûrement les pires aux yeux d’Isbeil. Jamais, dans une vie idéale, n’aurait-elle été capable d’interagir avec le Voile : les dangers tapis derrière ne seraient restés que des figures tirées du Cantique, certes toujours inquiétantes mais merveilleusement abstraites.

En cette belle matinée hivernale, l’apprentie aurait préféré ne pas penser aux inquiétants habitants de l’Immatériel, et il semblait qu’elle n’était pas la seule, car le bruit des plumes grattant le papier s’était fait de plus en plus ténu. Elle avait néanmoins adressé quelques secondes plus tôt un regard sévère à deux perturbateurs chuchotant au fond de la salle. De nature studieuse, elle conservait habituellement une attitude d’élève appliquée même dans les matières qui la répugnaient : désireuse de bien faire sans enthousiasme, mais capable de bonne volonté, surtout si l’on en restait à la théorie. Habituellement, car malgré sa tentative de rappel à l’ordre silencieuse, Isbeil peinait également à suivre la leçon ce jour-là.

Elle s’était surprise à observer les flocons virevoltant au dehors, saupoudrant doucement de blanc les arbres du jardin et nappant les gargouilles d’une couche étincelante qui adoucissait les angles de leurs faces monstrueuses.

« Ce n’est qu’une manière de tronquer la vérité, car un esprit sera en l’Immatériel bien plus capable qu’aucun mage n’y arrivera jamais… »

Si les murmures étouffés de ses camarades lui avaient appris qu’ils se languissaient encore des festivités qui avaient animé la ville la veille, le cœur d’Isbeil ne cessait de l’appeler à Corintamh. Les forêts entourant le château étaient si belles sous la neige. Eiric trouverait-il le temps de s’y promener ? Le regard de la jeune mage s’égara de nouveau vers le profil roux de Varina, flamme éclatante contre la glace du ciel.  Songeait-elle à son clan ? Et Ailis à ses côtés rêvait-elle de sa famille à Cairnayr ?

« C’est souvent de cette façon que naissent ceux que la Chantrie a désignés comme démons… »

Ce n’est pas le froid qui fit frissonner Isbeil alors que l’accent antivan faisait éclater la bulle de ses pensées. Elle nota rapidement les quelques informations dispensées par le professeur avant de relever la tête, surprise par la lente diminution de ses intonations. Était-ce la fatigue, son innocence un peu crédule ou bien, malgré ses efforts, l’insidieuse inattention l’avait-elle déjà ressaisie dans ses griffes ? La plaisanterie comme le sens de l’expression taquine du Premier Enchanteur lui échappa alors qu’elle levait la main pour prendre la parole :

« Messer, je n’ai jamais rien lu sur un tel démon. »

Sa voix s’était faite un peu inquiète. Une sombre créature menaçait-elle leur classe, attirée par le manque de sérieux des étudiants ?

 @Ailis Treglown  @Varina Tanassavir @Nucci Mansilla

Résumé : Isbeil tente avec plus ou moins de succès de suivre le cours donné par le Premier Enchanteur. Ne comprenant pas que ce dernier se moque gentiment d'eux et de leur absence de concentration, elle offre à la salle une preuve de sa naïveté lorsque qu'il se tait pour laisser place aux questions.

@Isbeil Byrne, @Nucci Mansilla, @Varina Tanassavir

Au sourire espiègle de leur professeur et aux quelques murmures qui s’élevèrent dans son dos, Isbeil se douta d’avoir commis une erreur. Ses joues pâles s’empourprèrent lorsqu’elle comprit enfin qu’il n’y avait sûrement pas plus de démons de l’inattention dans l’Immatériel que de feuilles aux branches des arbres couverts de neige, mais l’intervention d’Ailis l’empêcha d’y songer plus avant. La construction alambiquée de sa phrase et de son raisonnement la surprit, mais ce rappel de la présence d’une amie à ses côtés adoucit légèrement sa honte. L’expression de sa gratitude devrait cependant attendre : Nucci, dont l’attention était déjà sur elles, n’avait visiblement manqué aucune de ces paroles murmurées un peu trop forts. En attente de sa réaction, l’apprentie se raidit sur sa chaise, mais le Premier Enchanteur leur répondit calmement et sans remontrance, et Isbeil cru presque qu’il allait en rester là.

Tous ses espoirs moururent sur un froncement de sourcil.

« Je n’ai pas de questions. »

Prise sur le fait, Varina avait baissé la tête. Le mouvement, combiné à la lumière hivernale, alluma dans ses cheveux roux des étincelles dont la vivacité contrastait avec son attitude maussade.

« Oh ? Parfait ! » s’exclama Nucci Mansilla. « Apprentie Tanassavir, j’ai pour ma part tant de questions que je pourrais vous ennuyer une vie entière à toutes les poser… »

Ce fut au tour d’Isbeil de froncer les sourcils. Varina avait certes eu tort de se laisser distraire, mais la difficulté des questions posées lui paraissait injuste. Sa désapprobation à l’égard de l’antivan ne fit que croître lorsque l’elfe répondit dans un filet de voix malheureux. A la voir ainsi recroquevillée, Isbeil senti son cœur se serrer. Ne voyait-il pas qu'elle allait mal ? Silencieusement, pour que le Premier Enchanteur se détourne de sa camarade, l’apprentie en appela à la miséricorde d'Andrasté.

« Certains affirment au contraire que l’un ne peut coexister dans l’autre et qu’ils seraient donc apparu de fait en même temps. »

Bien qu’elle ne puisse pas le voir, Isbeil adressa un discret sourire à l’intention de celle qui venait d'intervenir, exauçant ainsi sa prière. Ailis, bien sûr. Avec sa gentillesse et son envie de tout comprendre, il n’était pas étonnant qu’elle ait trouvé le courage qui lui avait manqué pour voler au secours de Varina.

Le soulagement de la brune fut toutefois bref : après un début prometteur, son amie s’emmêlait maintenant dans ses conjectures ! Bravement, Ailis mena sa réflexion à son terme, sans quitter le Premier Enchanteur des yeux, mais Isbeil se tenait assez prêt pour discerner sur son visage et dans sa posture un léger malaise.

Ailis qui avait tenté d’apaiser ses craintes au lieu de se moquer d’elle.

« Il me semble… »

La voix d’Isbeil s’étrangla dans sa gorge. Elle pouvait sentir sur elle le poids des regards de la même façon qu’elle sentait son pouls battre dans le bout de ses doigts crispés sur sa plume. Maintenant qu’elle avait pris la parole sans réfléchir, elle n’avait aucun moyen de reculer. Pas sans empirer la situation en tout cas, alors elle se força à respirer - une fois, deux fois – avant de reprendre :

« Il me semble que les démons… Enfin, les esprits » se corrigea-t-elle rapidement, bien qu’elle ne vît pas de grande différence entre les deux « incarnent une émotion. Que cette dernière façonne leur essence, et qu’ils sont par la suite attirée par elle… et s’en nourrissent dans un désir de l’imiter, comme un reflet. »

Isbeil exposait son raisonnement de façon prudente. Son regard ne croisait pas celui du Premier Enchanteur, lui préférant son front : bien moins intimidant que ses yeux clairs, ils en restaient assez proches pour faire illusion.

« Mais le Cantique nous apprend que les esprits sont les premiers enfants du Créateur… » ajouta-t-elle d’une voix mal assurée.

Comment, alors, auraient-ils pu être le reflet d’émotions humaines qui n’existaient pas encore ? Par leur venue au monde, les seconds enfants du Créateur avaient-ils modifié la nature de l’Immatériel ?

« Je pense... qu’ils sont apparus avant les émotions humaines, mais pas qu’ils en soient à l’origine. »

Le ton de l’apprentie révélait qu’il s’agissait davantage une réflexion exprimée à voix haute qu’une affirmation. Il fallait se rendre à l’évidence : Ailis et elle erraient dans le même brouillard, aussi conclut-elle sobrement :

« Mais je n’ai aucune certitude. »

Elle espérait à présent que Nucci Mansilla se déciderait à leur exposer sa théorie, plutôt que de continuer avec ses interrogations perturbantes.

@Nucci Mansilla  @Varina Tanassavir  @Ailis Treglown

Résumé : Isbeil comprend avec une certaine honte qu'elle a dit une bêtise, et est reconnaissante envers Ailis pour son intervention. Quand son amie prend à nouveau la parole pour aider Varina et semble perdre confiance en son raisonnement, Isbeil trouve le courage d'attirer à elle l'attention de la classe et d'apporter une réponse à leur professeur. La question reste cependant ardue, aussi finit-elle par confesser son ignorance.