Type de RP Classique.
Chapitre concerné Chapitre 4.
Date du sujet 9 Auguste, 5:13 des Exaltés.
Participants @Fionnuala Vaël et @Yara.
TW Mort (chagrin), évocation d’une exécution publique, discriminations sociales et hiérarchiques.
Résumé Ce n’est pas la première fois que des Chercheurs se rendent dans la demeure où l’Apostate exécutée le 28 Justinien a été arrêtée ; mais c’est la première fois que Fionnuala trouve, en deux mois, une occasion de s’y rendre. Et voilà qu’elle découvre que finalement, il est plus facile pour la canaille d’accéder à des lieux sensibles que les honnêtes gens – et servantes du Créateur…
Pour le recensement

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[code]<ul><li><en3>9 Auguste, 5:13 des Exaltés.</en3> : <a href="https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t2117-les-impenetrables-brumes-de-cairnayr-ft-yara">Les impénétrables brumes de Cairnayr</a></li></ul><p><u>Fionnuala Vaël et Yara.</u> Ce n’est pas la première fois que des Chercheurs se rendent dans la demeure où l’Apostate exécutée le 28 Justinien a été arrêtée ; mais c’est la première fois que Fionnuala trouve, en deux mois, une occasion de s’y rendre. Et voilà qu’elle découvre que finalement, il est plus facile pour la canaille d’accéder à des lieux sensibles que les honnêtes gens – et servantes du Créateur…</p>[/code]

Le brouillard est si dense qu’on pourrait presque croire à un débordement du fleuve. Il s’enroule et se déroule depuis la Minantre – méandre de volutes circonvoluant dans celui du Grand Port – dissimule l’ombre tapie au bord du toit. Intruse, susurre-t-il, sans parvenir à couvrir l’impatience du cœur, le décompte battant. Intruse. Le clapotis remonte des quais, le gémissement des charpentes, le sifflement des rues. Aucun n’a tout à fait tort, mais n'arrive jamais à rien qui attend d'être invité.

Yara en a assez d'attendre.

Quatre mois. Deux semaines. Trois jours. De bruissement d’ailes fantômes. Evaporées à peine perçues. Volatiles comme la brume. Un mois. Une semaine. Quatre jours. A trainer ce caillou dans la chaussure, éraflant chacun des pas n’y menant pas. Jusqu'ici.

Là où l'oiseau de malheur a chuté pour la première fois du ciel.

L'ancienne planque de la Corneille n’est pas noire ou couverte de plumes. Elle ne dégage même rien de sinistre, ou pas plus que tout autre bâtisse abandonnée. Juste une baraque insalubre de Cairnayr comme il y en a tant, où le temps et les éléments ont fait leur œuvre. Les murs sont craquelés. Au-dessus du pignon biscornu, certains bardeaux sont brisés.

La surveillance s’est relâchée.

Alors l'ombre quitte souplement son perchoir. Mouvante, la voilà qui se fond dans celles immobiles, rappel d'une morte hier accueillie. La fenêtre forcée ne proteste pas. Les vieilles planches ploient mais ne craquent pas. Si la maison grince, ce ne sera pas sous ses pieds ; juste l'ossature qui travaille dans la nuit. Et accuse.

Intruse.

Que l’eau, le bois et le vent disent ce qu’ils veulent. Le principal est que le templier ne les entende pas.

L’on devine encore çà et là le stigmate de la descente – si ce n’est de la fouille minutieuse qui a suivi. Jenny s’est-elle rendue sans résister ? Ou a-t-elle rué et hurlé ; renversé le tabouret brisé ; tenté en vain de se raccrocher à ce père diminué, décharné, gisant sans force sur le matelas ici éventré ? Yara en tâtonne la plaie déchiquetée jusqu'aux entrailles, sans rien en tirer d'autre qu'une paille friable, à l'odeur un peu rance. Evidemment. Les chiens de garde sont déjà passé : elle ne dénichera rien dans les caches évidentes...

S'il reste quelque chose à trouver.

Comme la poussière, les secondes s’accumulent pour devenir minutes. Heures ? Dans une pénombre épaisse, la monte-en-l’air inspecte chaque mur, chaque latte, chaque surface meublée. A la recherche de la moindre duperie, du moindre escamotage ; jusque dans les lieux les plus difficilement accessibles, où sa haute taille et son adresse sont mises à profit ; ses doigts grattent et pressent, ouvrent et saisissent, se faufilent dans les interstices. Puis recommencent. Une fois. Deux. Avant de se rendre à l’évidence. Rien. Rien à part la crasse et cette tégénaire qui achève de se carapater, grosse comme sa paume. Les chiens de garde sont déjà passé : ils ont tout emporté.

Chié !

Echappant un grognement frustré, Yara foudroie du regard cet environnement décevant. Sous et entre les battants fermés, des rais de lumière s'étirent paresseusement. L'aube. Les Havenois les plus mâtineaux seront bientôt dans les rues. N'entend-elle pas d'ailleurs la première rumeur s'élever ?

Non. La colonne se redresse. Les muscles se tendent. Les voix sont proches. Bien plus proches. Juste là, sous la fenêtre. Une conversation dont le volet vermoulu ne parvient à étouffer totalement la tension, et dont quelques bribes lui parviennent :

«...collègue... grand... tantervaliens... »

Tout ça ne lui dit rien qui vaille. Pue même carrément les ennuis. Elle devrait déguerpir tant que le demi-jour assure encore sa retraite et pourtant… Pourtant quelque chose la retient. L'obstination ? L'orgueil ? Cette curiosité à laquelle elle n'a jamais pu s'empêcher de céder ?

L'une des vieilles planches s'est affaissée. Souffle suspendu, Yara s'en approche jusqu'à capter d'autres mots : « Arrêtez donc de tourner autour du pot. ».

Puis, après une infime hésitation, risque un coup d'œil prudent à travers l'ouverture.

Merde.

Tire-toi.

La nécessité impérieuse de la fuite s’heurte à la stupeur qui saisit soudain Yara. Pas très longtemps. Juste une seconde avant le recul, ce sursaut brutal qui la retranche dans l'ombre. Une seconde qui, parce qu’elle aurait pu s’avérer de trop, contraint les suivantes à la prudence. Dos au mur, forçant lentement l'air poussiéreux dans ses poumons, la voleuse se ressaisit. Et observe.

La Chercheuse – pourquoi faut-il toujours que ce soit eux ? – est celle de la place et du tournoi. Le laquais de Kendric dont elle n’a plus tant envie de rire ; et maintenant le problème d'un templier qu’elle estimerait presque tant qu’il l’empêche de devenir le sien. Une sympathie vite épuisée cependant que l'épée ardente finit sans surprise par plier sous le regard de l’œil implacable, plus brûlant encore. Matée, abandonnée sur le seuil, foutûment inutile, Yara la maudit en silence, avant de considérer ses options.

La fenêtre est la plus évidente, mais est-ce vraiment la seule ? Si la Chercheuse trouve quelque chose, ne devrait-elle pas s’attarder encore un peu, juste au cas-où ?

QU'EST-CE QUE TU FOUS BORDEL ? C’est la voix de Ielvin – résurgence d’une journée d’erreurs et de cendres – qui lui répond. Arrête de n'en faire qu'à tête POUR UNE FOIS ! Sa terreur si vive, toujours si inhabituelle dans sa fureur que la gorge de Yara se serre. Ce n’est pas UN JEU. Un rapide tour d’horizon le lui confirme : si elle reste ici, la question n’est pas si la Chercheuse la trouvera, mais quand.

Tire-toi.

Certains risques ne valent pas la peine d’être pris. Remontant la capuche puis le tissu garantissant son anonymat, le sang vibrant d’anticipation, Yara inspire, expire, puis tend l’oreille. En bas, les bottes claquent lourdement sur le plancher. Bientôt, les battements nerveux de son cœur s’y accordent. Boum. Boum. Boum. Boum !

Maintenant !

Profitant du fracas et de la brève inattention du templier, Yara ouvre le battant et enjambe le rebord. Ignorant combien de temps la maladresse de la Chercheuse va distraire le soldat, consciente qu’un nez levé signerait sa perte, elle grimpe comme elle n'a jamais grimpé ; saisit une prise puis une autre et une autre et encore une autre jusqu'à ce que, dans l'enchainement, chaque geste se confonde. Vite. Sûrement trop vite.

Elle oublie que le temps a fait son œuvre. Que des bardeaux se sont brisés. Elle ne voit plus que le toit.

Presque à sa portée, quand l'un d'eux se dérobe sous ses doigts.

Son corps heurte la façade dans un choc qui remonte ses os et menace de lui faire lâcher prise. Mi-surpris mi-plaintif, le glapissement étranglé qui s’échappe de sa gorge se perd dans l'impact du bois sur les pavés, l’écho hurlant de son crâne : TIRE-TOI. TIRE-TOI. TIRE-TOI ! Un sifflement douloureux franchit ses lèvres lorsque ses paumes égratignées la hissent, dans un dernier effort, sur les tuiles où elle s’effondre enfin sans grâce, crachotant une salive mêlée de sang, la poitrine brûlant comme celle d’une noyée.

A chercher – parmi les premières alarmes déchirant la brume – le souffle dont elle aura besoin pour courir.

Et donc la voilà coincée avec une vue imprenable sur le port, tel un couillon de poisson pendu à son hameçon. Putain ! Consumant les ténèbres bleutées, le soleil embrase Cairnayr de mille feux rose et dorés. Une explosion vive dont Yara ignore la beauté, trop occupée à se maudire et s’exhorter tout à la fois ; à rattraper l'emballement de ses membres tremblant, de son cœur lancé à toute allure contre ses côtes avant... De s'étonner. De l'absence de cri et de poursuite. De ce bruit indistinct qui, seul, répond à son souffle haché. Celui d'une fouille ?

Ils me cherchent toujours. Une révélation suivie d'un sursaut d’espoir. Un sursit à mettre à profit. Alors — puisque la brûlure de ses genoux contusionnés reste préférable au pincement de l'acier — la nièce imprudente serre les dents, rampe pouce par pouce pour mieux se fondre parmi les tuiles. Après Ielvin, c'est au tour d'un autre frère de veiller sur elle. Observe. Son regard balaie l'horizon, accroche les fenêtres fermées, la succession hasardeuse des toitures, le cheval de la Chercheuse. Ecoute. Ses oreilles perçoivent les grincements du bois, le grognement d'effort du templier, l'afflux brutal de son propre sang – Merde ! Depuis quand ces gros lourdauds jouent les écureuils en armure ?!  – mais le timbre doux insiste, ramène le tambourinement à un rythme supportable, aussi apaisant que dans son enfance.

Ahti n'en a pas fini.

Réfléchis Yara.

La hauteur, les inconnues, les risques… Tout en revient à une question de poids. D’équilibre. Une leçon durement acquise. Un avantage dont la monte-en-l'air prend conscience lorsque ses yeux reviennent à cette interruption dans la ligne des toits. Au moins deux, peut-être trois mètres, estime-t-elle. Une distance périlleuse pour son poursuivant, mais simplement de difficulté moyenne pour une personne mieux entrainée, plus légère ; qui ne lui laissera donc, avec un peu de chance, plus que la Vaël à semer.

Sa décision prise, Yara ramène ses jambes contre sa poitrine pour frotter ses semelles. Ronde, lisse, la pierre quitte les replis de sa poche pour trouver ses doigts tâchés de poussière. Chaque geste le prolongement de l'autre – pour interdire à l'hésitation de s'y glisser – elle ne se redresse que le temps d’un battement de cœur. Et la lance. De toute ses forces.

Elle ne la regarde pas fendre l’air en direction du cheval, raser de près sa large tête avant d’heurter le poteau. Minéral contre métal, le gémissement de l'anneau d'attache effraie comme prévu l'animal, hennissement et choc de sabots se répercutant dans la rue étroite. Assez, espère-t-elle, pour détourner l’attention du crissement de ses bottes alors qu’elle bondit sur ses pieds, s’élance dans une course effrénée vers le bord du toit.

Plutôt trois que deux.

Puis s'envole, dans une ultime impulsion, au-dessus du vide.