Type de RP Classique
Chapitre concerné Chapitre 3
Date du sujet 11 de Réconfort, 5:13 des Exaltés
Participants Aethra, Aiden, Miche et Vera
TW Probablement quelques jurons et menaces. Un brin de violence
Résumé Suite à l'incident de la Corneille dont a été victime le Laurier, Vera et Miche remontent la piste d'un certain binôme d'elfes un peu louches.
Pour le recensement

Code:

[code]<ul><li><en3>11 de Réconfort, 5:13 des Exaltés</en3> : <a href="LIEN DU RP">Visite de courtoisie</a></li></ul><p><u>Aethra, Aiden, Miche et Vera</u> Suite à l'incident de la Corneille dont a été victime le Laurier, Vera et Miche remontent la piste d'un certain binôme d'elfes un peu louches.</p>[/code]

Miche patiente à ses côtés.

Elle l’observe du coin de l'œil, s’assure d’un regard que l’homme n’a pas changé d’avis. Méfiance futile : il n’y a aucune surprise dans ce qu’elle constate. Miche est calme, impassible, aussi serein que l’avant-veille, lorsque Yara leur avait annoncé la nouvelle : une localisation - enfin - attachée aux ombres assidûment recherchées. Leurs hôtes du soir, quoique ni Miche, ni Vera n'a eu la délicatesse de prévenir le binôme de leur visite. Maladresse étudiée, pour une affaire requérant discrétion et confusion. La maquerelle, pour une fois, ne tient pas à s’annoncer.

Perchée dans un coin de la venelle, en retrait dans les ténèbres du crépuscule, Vera balaie d’une œillade impériale les alentours de la bicoque repérée quelques heures plus tôt, à la faveur de l’après-midi. Le quartier, malgré l’indigence de ses citoyens de seconde zone, se révèle autrement plus calme qu’espéré : la touffeur ambiante a repoussé les badauds dans leurs bouges, laissant les ruelles à l’autorité de quelques rares flâneurs… ou pisteurs par trop déterminés.

Inutile, alors, d’attendre davantage.

« Allons-y. » Se détachant du couvert de la masure au devant de laquelle elle attendait, Vera, d’un pas prudent, léger, le pas d’une femme n’ayant rien à se reprocher, s’avance doucement en direction de l’habitation si étroitement surveillée. Un regard en direction de Miche, qu’elle veille à garder auprès d’elle ; un second à l’attention d’une silhouette familière, celle de Yara, hissée à quelques encablures de leur position - leur vigie. Et puis…

Toc, toc, toc.
Trois petits coups sur le battant de la porte.
Un sourire. Et le souvenir charmant de la dague attachée à sa cuisse, sous la robe de velours.

« Allez montre-moi ce que tu as déniché. » J'ai un sourire matois, alors que je vide ma bourse des piécettes volées par ci par là, mais avec également quelques bijoux. Je me saisis d'une épingle à cheveux finement ouvragée, dérobée sur un des étals marchands et la montre à Aethra, la faisant rouler entre mes doigts. Elle lui irait sans doute bien, il n'y a aucun joyaux qui vient l'orner, le travail étant plus discret et la richesse se trouvant dans les détails de l'or ainsi ciselé par un orfèvre aux doigts de fée. Mais je doute que la jeune femme ose porter ce genre de chose. Pourtant, cela se démarquerait dans sa belle chevelure rousse. Je savoure ces rares moments de... sérénité ? On peut dire cela comme ça. Nous ne sommes déjà pas habitués à être totalement tranquilles en temps normal, mais depuis les récents événements, nous devons redoubler de vigilance. Ce fichu templier qui a réussi à nous repérer et nous a même accompagné pendant quelques minutes ne s'efface pas de mon esprit, malgré l'indolence avec laquelle nous lui avons faussé compagnie.

Et vu comment Aethra se montre encore plus prudente que d'ordinaire et passe beaucoup de temps sous sa forme féline, je ne suis pas le seul à être plus angoissé que d'ordinaire avec cette histoire. Et s'il n'y avait que ça... Enfin, pour le moment, nous pouvons savourer un petit moment de quiétude dans notre planque, à l'abri des regards et des ennuis. En théorie.

Quelques coups frappés à la porte me font me redresser subitement et ranger mon butin dans ma bourse, la dissimulant sur moi, tout en échangeant un regard avec Aethra qui s'est tendue tout aussi rapidement que moi. Deux options : faire comme si nous n'étions pas là... Donc ne plus faire un bruit, même si il reste possible qu'on nous ai entendu parler juste avant. Ou, ouvrir la porte et voir qui c'est... Je récupère mes armes, au cas où, sans pour autant les empoigner et apparaître ainsi hostile. Je n'ai aucune idée de qui cela peut être et à la tête que fait Aethra, elle non plus. Bon... Je vais donc m'y coller. J'ignore si la compagne va rester humaine ou se dissimuler sous sa forme féline, mais je m'empare alors de la poignée de la porte, l'ouvrant très précautionneusement... Et je fronce les sourcils en avisant le visage féminin devant moi. Déjà aperçu au laurier Carmin... Évidemment. Sauf que je n'ai aucune idée de la raison de sa présence ici. Et elle n'est pas seule, à en juger par la silhouette sombre derrière elle. Mon air surpris a le mérite d'être sincère, avant d'afficher un air plutôt affable et détendu : « Oui ? »

La chipie s’est rendue utile : une bonne chose, nous avançons dans la bonne direction. Ou du moins ; nous avançons dans une direction. C’est mieux que pas grand-chose.

J’observe la patronne, bien trop concentrée pour de telles banales formalités. En même temps, il n’y avait que peu d’espoir qu’une occasion pareille ne survienne à nouveau, et il nous faut des réponses. Bien que je pense toujours qu’un bouquet de phalanges sous le museau du nain-désirable ferait amplement l’affaire. Heureusement pour nous, je ne pense plus, j’exécute. Cela dit, si l’envie lui vient, à la patronne ..

- « Allons-y. »

L’ordre sonne avec froide douceur, avec nerveuse précaution. Je hoche de la tête. Lui emboîte le pas. Elle frappe à la porte.

Tandis que Vera entre dans son rôle – aimable et polie dame si aimable et sympathiquement aimable –, je prépare ma posture, un pas stratégiquement en retrait, les mains jointes devant moi pour ressortir la carrure et les épaules, l’oeil inquisiteur, le visage blasé de colère. Si Vera joue la dame aimable et souriante, je joue la brute silencieuse. Ça, je maîtrise.

La porte s’ouvre sur un elfe blondâtre aux grands yeux braqués sur nous. Surprise. Mais son air nonchalant m’indique deux hypothèses : il a l’habitude d’avoir des inconnus qui frappent à sa porte sans qu’il n’en connaisse le motif, ou alors il a l’habitude d’avoir des problèmes. Ou les deux. Je garde les mains attentives, relâche la pression exercée sur mon poignet pour les libérer en cas de grabuge. La main au poignet discrètement relâché demeure en direction de la patronne, pour l’attraper et la tirer en arrière en cas de dérapage. L’autre sera prêt à bloquer le potentiel assaut.

Mais d’un côté, ce serait stupide de nous attaquer ici alors que rien n’a encore été joué.

Avec un sourire mutin, j’imitai Aiden en vidant également le contenu de ma bourse sur le petit tabouret qui nous servait de table d’appoint dans notre planque. J’avais réussi à amasser plus de piécettes que lui aujourd’hui, ce qui était un fait rare et notable. D’habitude ses activités de contrebande au sein du Carta rapportaient bien plus que mes quelques vols à la tire… mais il avait dû s’abaisser à mon niveau ces derniers temps, abandonnant ses transactions louches pour se faire davantage discret et éviter qu’on ne remonte sa piste trop aisément. Or, j’avais eu le temps de parfaire ma technique pour tenter d’égaler le maître, me servant de ma forme féline à bon escient. « Qu’est-ce que tu ferais sans moi ? » Lâchai-je avec une fierté arrogante. Je le voyais déjà me rappeler que je n’en menais pas large quand il partait sur les routes, mais je ferais la sourde oreille comme d’habitude. Je n’étais pas prête à reconnaître que je ne pouvais pas me passer de lui.

Mes yeux s’attardèrent sur cette épingle à cheveux finement ouvragée dans son inventaire. Je ne pus m’empêcher de la manipuler, subjuguée par le travail de l’orfèvre. Aiden savait à quel point j’appréciais les bijoux en or, même s’il était hors de question que j’en porte. « C’est dommage de la revendre… » Soupirai-je. Je gardais déjà bien trop d’objets de ce style, comme la pie voleuse que j’étais.

Les trois coups à la porte me firent sursauter, l’objet de mes convoitises manquant de m’échapper des doigts. J’aidai Aiden à ranger rapidement toutes nos trouvailles du jour en échangeant un regard perplexe avec lui. L’elfe ne semblait pas attendre qui que ce soit ce soir… alors de qui pouvait-il bien s’agir ? Le voir attraper ses armes fit monter d’un cran la tension dans la pièce. J’en fis de même avant de me glisser dans un angle mort de la pièce, non visible depuis l’entrée. L’envie de me réfugier sous ma forme féline était forte, mais il n’était pas question que j’abandonne Aiden alors que nous allions peut-être aux devants des ennuis. Et je ne pourrais pas l’aider aussi efficacement sous cette forme discrète davantage taillée pour l’évasion.

Je glissai un regard méfiant vers l’embrasement de la porte quand Aiden l’ouvrit. J’admirais son sang-froid à toute épreuve, même si de la surprise pouvait se lire sur son visage. J’écarquillai un peu les yeux, pour ma part, en reconnaissant la propriétaire du Laurier Carmin sur le seuil, avec probablement son garde du corps derrière elle. Je n’avais aucun mal à la reconnaître : c’était la patronne d’Elendîs. Je venais parfois m’assurer qu’elle allait bien en passant discrètement sous forme féline proche de la maison de plaisir… mais je ne m’attardais jamais, les deux chats sur place avaient tôt fait de me chasser en ne me reconnaissant pas comme une des leurs.

L’hypothèse la plus évidente était qu’elle venait réclamer des comptes à Aiden suite à un défaut de paiement. Et si elle avait cherché à le retrouver avec tant d’ardeur, jusqu’à se pointer en bas de chez lui, on pouvait même imaginer qu’il s’agissait de plusieurs défauts de paiement. Un soupir agacé m’échappa. Il s’agissait tout de même de notre agent, puisque nous le mettions en commun. Le regard réprobateur que je lui lançais en disait long sur ce que je pouvais en penser. J’allais probablement le tuer après ça.

La porte s’ouvre sur un museau surpris - un museau d’elfe, traits fins, peau pâle, qu’elle identifie dans l’instant malgré la primeur de la rencontre : Vera ne le connaît pas, pas directement, mais Cadwell a été généreux en détails, suffisamment pour que le portrait de mots corresponde à celui de chair.

« Oui ? » Il y a de la surprise au fond des yeux verts, un éclat d’embarras que chasse un sourire détendu, aimable, auquel Vera répond. Sans effort : voilà longtemps que travestir les passions de son âme ne lui coûte plus, ou si peu, de sorte que le tour d’adresse lui vient naturellement, comme le verbe sur sa langue.

« Bonsoir. Vera, la propriétaire du Laurier Carmin. » Elle lui épargne quelque poigne maladroite - ou pire, un baisemain -, et se contente de maintenir son masque d’affabilité. « Je suis sincèrement navrée de vous déranger si tard, mais j’ai grand besoin de m’entretenir avec vous. Auriez-vous un instant ? Ce ne sera pas long. »

Elle s’impose d’un nouveau sourire, d’une poussée élégante vers l’avant qui, par politesse ou embarras, lui ouvre l’accès à la mansarde. Et le tableau se révèle : taudis misérable, dépouillé, qu’elle embrasse d’une œillade, à la recherche d’issues potentielles, d’adversaires embusqués, de quelque autre mauvaise surprise… Qu’elle finit par trouver, là, ramassée dans un coin, rouquine sur le qui-vive, armes à la main. Réflexe compréhensible, qu’elle cherche à désamorcer d’un regard entendu. « Ce ne sera pas nécessaire. » glisse la maquerelle à l’attention de la jeune femme. Et, désignant l’un des sièges à disposition : « Puis-je ? »

Si un refus est émis, elle l’ignore avec superbe, s’installant à sa guise sur la chaise déplumée. D’une main légère, Vera lisse les plis de sa robe, pulpe arrangeant le textile, alors que les nerfs soupèsent la tension ambiante. A l’esprit de s’ajuster en conséquence : caresser ou menacer ?

« Je suppose que vous n’ignorez rien du drame dont le Laurier Carmin a été le malheureux théâtre, tout récemment ? C’est que l’affaire a fait grand bruit, bien malgré nous. Cette cité ne manque pas de vouivres, et elles sont généreuses en venin. » Les yeux glissent de l’elfe à l’humaine, de l’humaine à l’elfe, dans un ballet mesuré, comme la voix qui l’accompagne. Douce, affectée… « Des dizaines de victimes, mon nom associé à celui d’un terroriste… Cette affaire a laissé de vilaines traces, dont nous commençons à peine à mesurer les conséquences. » Un soupir. « Il y a la méfiance, bien sûr, la colère populaire… Mais ce n’est pas le plus rude. Non. L’intolérable, c’est le silence à cette question : pourquoi ? Pourquoi le Laurier ? Pourquoi le Laurier ? »

Froide. La question ricoche, tranche, alors que le regard se plante dans celui de l’elfe - décision arbitraire, mais son genre le rend plus coupable que la fille qu’il héberge. Pourquoi le Laurier ? L’énigme a des allures d’accusation. Le silence qui la suit, aussi.

Les muscles se tendent sous la robe de velours.

« Vous avez été aperçu, tous les deux, à proximité du Laurier Carmin le jour de l’incident. D’aucuns prétendent que vous y furetiez de manière suspecte, avant de disparaître à la faveur du chaos ambiant. De véritables oiseaux de malheur. »

Le sourire a disparu.
Une pause, brève. Et puis :

« Alors, maintenant, dites-moi, éclairez-moi : pourquoi le Laurier ? »

Elle sent la morsure de l'acier contre sa cuisse.

Je lance un regard à Aethra, adorable dans son arrogance, non sans lui lancer, d'un air faussement propre à la réflexion : « Hum... Je pense que je me dorerais la pilule quelque part, et ne serais pas en cavale sans cesse. » Je lui décoche un grand sourire charmeur. Il ne fait pas de doutes que ma vie serait plus paisible sans une compagne de son acabit qui est un danger ambulant, mais c'est un détail et ne vérité, si tout était à refaire, je ne changerais absolument rien. J'aime bien cette vie dangereuse, c'est stimulant. L'ennui n'a pas sa place dans le quotidien. Et pour ce que j'en sais, j'aurais été un voleur tout de même et j'aurais été recherché de la même manière pour mes larcins... Et nous le savons tous les deux. « La question c'est plutôt, qu'est-ce que tu ferais sans moi ? » En vérité, nous étions surtout complémentaires... Elle avait besoin de moi et j'avais besoin d'elle. Je l'avais aidée à fuir et survivre quand elle n'était encore qu'une adolescente, mais désormais, elle savait très bien se débrouiller seule et sans moi, même si elle était toujours bien trop heureuse de me revoir quand je rentrais, ce qui ne manquait pas de me rappeler que je n'avais pas vraiment d'attache ni de maison, mais que mon foyer était bien là où elle se trouvait.

Aethra se permet une petite réflexion sur l'épingle à cheveux, m'arrachant un léger sourire en coin. « Si personne ne la porte, aucun intérêt de la conserver. » Aethra amasse beaucoup plus de choses que moi. Je ne suis pas très matérialiste de toute façon. Voler, revendre, échanger, c'est mon quotidien et il n'y a rien auquel je tienne vraiment.

Dommage que ce moment d'échange paisible soit interrompu par un, ou des, importun, tandis que des coups résonnent à la porte, de quoi nous faire ranger tout très rapidement et nous faire échanger des regards perplexes alors que nous n'attendons pas spécialement de visite et que cela n'augure pas grand chose de bon pour nous. Naturellement, nous nous tendons, vivant toujours dans la peur que cette rencontre avec ce templier ne soit pas anodine et pas sans conséquence. Aethra se réfugie dans un coin de la pièce et j'attends qu'elle soit prête pour aller ouvrir cette porte, au risque de paraître suspect si je mets trop de temps.

Et quelle surprise de me trouver face à la patronne du Lotus Carmin. Et son... garde du corps ? Mec à la mine patibulaire. Que je n'ai pas très envie de faire rentrer chez nous mais bon... Vais-je avoir le choix ? Par contre, je me demande ce qu'elle me veut. Je n'ai pas souvenir de devoir quoique ce soit... Je retiens de jeter un regard à Aethra, afin de ne pas trahir sa présence ici, on ne sait jamais. « Bonsoir. » Je ne précise pas que oui, je sais qui elle est. Je suis plutôt dans l'expectative. Et voilà qu'elle veut me parler... Je fronce les sourcils, une réaction qui n'est pas feinte face à ma perplexité. Avant que je ne réponde vraiment, elle fait mine d'avancer et je hoche la tête : « Entrez, je vous en prie. » Me voilà à faire des ronds de jambe à la patronne du Lotus Carmin. Mais surtout : que me veut-elle ?

Elle voit forcément Aethra en pénétrant plus avant chez nous et je ne retiens pas un rictus sardonique quand elle demande pour s'asseoir, avant de s'exécuter. « Faites donc, vous nous excuserez pour l'état des lieux, nous ne nous attendions pas à recevoir de la visite, surtout si prestigieuse. » C'est un euphémisme. Ce n'est pas un logis, c'est une planque, facile à quitter pour une autre.

Au moins ne tourne-t-elle pas autour du pot indéfiniment et parle-t-elle des événements qui nous ont plongé dans la paranoïa. Mais on dirait que cela a également affecté Vera et son établissement. Il est vrai que le drame a éclaboussé son nom. La Corneille n'est pas partie sans laisser un incendie dans son sillage. Je garde le silence, méfiant. C'est davantage à moi qu'elle s'adresse. Et c'est très bien ainsi. Ah... Il semblerait que ce que nous redoutions soit arrivé. Notre présence a été signalé. Sans cérémonie, je m'assois tranquillement. Inutile de nier. « Il y avait beaucoup de monde à proximité du Laurier ce jour là. Nous étions présents lors de l'exécution, mais avons décidé de nous diriger vers le Laurier ensuite, comme un bon nombre de citoyens. Seulement, quand les troubles ont commencé à se faire sentir au sein de votre établissement, ils nous est apparu judicieux de nous en aller. Nous n'aimons pas les ennuis. » J'ai un léger sourire à son attention. « Je n'ai aucune idée de pourquoi cela s'est passé au Laurier Carmin. Pour être honnêtes, nous avons vu des plumes et les avons suivi, nous cherchions à comprendre ce qu'il se passait... Voilà pour cette impression de... fureter, que nous avons pu dégager. Mais nous avons fait chou blanc de toute façon. Autant laisser aux autorités compétentes, aux templiers, faire la lumière sur cette affaire, mais vous perdez votre temps ici. » Il n'y a que la vérité dans mon récit, si ce n'est l'omission de ce que nous avons pu voir ou apprendre en suivant ces plumes. Les ombres. Le parchemin. Un casse tête que nous n'avons de toute façon pas su résoudre. « Pourquoi être venue en personne ? » Je jette un regard à l'homme plutôt silencieux qui l'accompagne.

Voici donc les deux loustics dont parlait Cadwell.

Des jeunes certainement trop têtus et tumultueux au moment venu. Bien trop identifiables pour le travail qu’ils pensent accomplir haut la main dans cette ville, comme une flamme au cœur des ombres. A voir si la patronne sera en mesure de l’attiser selon sa volonté.

Vera se fraie un chemin sans peine, même si la proximité qu’elle partage avec la cible n’apaise en rien ma nervosité. Il ne suffit que d’un battement de cils avant que tout dérape, après tout. Garder l'œil ouvert. Telle est ma mission. Elle entre, élégante, je lui emboîte le pas, imposant de carrure. J’observe la pièce qui s’offre à nous, observe les différents recoins dans lesquels ils peuvent se tapir en cas de pépins. Une issue qui leur tendrait les bras. Une fenêtre mal fermée. Un placard soudainement très accueillant. Une chose est sûre : le bascloître n’est pas une excuse pour avoir un tel chaos et un tel manque de chaleur entre ses quatre murs. Ce n’est sûrement pas un doux foyer qui les a vus grandir.

C’est alors que je repère la gueuse, prête à bondir mais aussi immobile qu’une biche croisée par hasard en forêt. Si menace il y a, nous avons de fortes chances de la sous-estimer. L’avantage que nous pourrions avoir serait l’expérience et la patience. Ou le fait qu’on s’en fout de qui ils sont, de ce qu’ils peuvent représenter à nos yeux. Des souris qui tremblent au sein de leur petit taudis.

Un angle ma foi entendu, puisque c’est l’approche que prend Vera pour la dissuader de faire l’erreur de sa vie. S’installant comme bon lui semble, l’elfe ne retient pas l’envie de lui indiquer qu’elle peut, en effet, faire comme bon lui semble.

Il est bien trop calme. Je n’aime pas beaucoup ça.

Pour ma part, les bras croisés contre ma poitrine, je demeure à une distance raisonnable entre la sortie de secours et la place qu’a décidé d’occuper Vera. Bien en appui sur mes deux pieds, je ne compte pas m’asseoir. J’ai mieux à faire. Il me faut aussi guetter si l’oisillon chantonne, après tout.

C’est ainsi que la patronne commence son long discours mielleux et dramatique sur les récents événements qui sont survenus au Laurier Carmin. Lors de mon absence. Je garde un œil grave sur la rouquine, qui semble bien loin de se détendre maintenant que nous sommes bien installés. Et à raison.

Le ton change dans le récit de Vera, et la cible prend enfin place, comme si l’air s’était soudainement alourdi sur ses épaules. Oserait-il mentir ? Certainement. Oserait-il partiellement nous dire la vérité ? Absolument. Les loustics dans son genre sont prêts à y laisser quelques plumes, c’est certain, mais ils leur en faut encore suffisamment pour s’envoler à la moindre bise.

- « Il y avait beaucoup de monde à proximité du Laurier ce jour là. Nous étions présents lors de l'exécution, mais avons décidé de nous diriger vers le Laurier ensuite, comme un bon nombre de citoyens. Seulement, quand les troubles ont commencé à se faire sentir au sein de votre établissement, ils nous est apparu judicieux de nous en aller. Nous n'aimons pas les ennuis. Je n'ai aucune idée de pourquoi cela s'est passé au Laurier Carmin. Pour être honnêtes, nous avons vu des plumes et les avons suivi, nous cherchions à comprendre ce qu'il se passait... Voilà pour cette impression de... fureter, que nous avons pu dégager. Mais nous avons fait chou blanc de toute façon. Autant laisser aux autorités compétentes, aux templiers, faire la lumière sur cette affaire, mais vous perdez votre temps ici. »

Ravalant un rire mauvais à l’attention des templiers, c’est l’elfe que je fixe avec dureté à présent. En effet, il mentionne les plumes, nous connaissons la musique à présent, mais à mon avis il faudra le cuisiner un peu pour en savoir davantage. Il doit certainement volontairement oublier deux-trois petits détails “insignifiants”.

Mais j’attends le signal.

- « Pourquoi être venue en personne ? »

Son regard me parcourt, sondant le danger. Et à raison. Mes yeux ambres plongent dans les siens sans retenue, en quête de ces réponses que nous trouverons ce soir. Ma tête penche légèrement, désabusée, attendant le reste de sa petite comptine sans broncher. Il faut le faire baratiner. A force de parler, de changer de théorie, il finira par se contredire, et nous le tiendrons. Et dans le pire des cas, évidemment, il nous reste la force.

Ça ne présageait vraiment rien de bon. Derrière ce sourire affable, que la propriétaire du Laurier Carmin revêtait, se dissimulait autant de couteaux qui pourraient aussi bien se planter dans notre dos. D’ailleurs, ceux-ci se matérialisèrent bientôt sous l’apparence de son imposant garde du corps, qui s’engouffra à sa suite dans notre petite planque. Je me sentais rapidement bien à l’étroit, avec tout ce beau monde…

Ma prise se referma davantage sur ma dague. Je croisai brièvement le regard de la maquerelle, qui me dissuada de m’en servir en seulement quelques mots, comme si elle n’était pas là pour ça. Si je ne bougeais pas d’un millimètre, mon regard se fit plus incisif envers son garde du corps, comme une mise en garde muette. Ces échanges pouvaient bien se terminer dans un bain de sang des deux côtés, au moindre faux pas. Il en était souvent ainsi dans les bas-fonds.

La tension atteignit son paroxysme quand la maquerelle évoqua un sujet brûlant, qu’Aiden et moi cherchions à éviter à tout prix. Ils étaient les premiers à nous retrouver… mais sûrement pas les derniers. S’ils avaient réussi à remonter notre piste, d’autres seraient capables d’en faire autant. Et, à les écouter, nous étions les coupables tout désignés.

Mon sang pulsait dans mes veines sous le coup d’une vive émotion, que je peinais à faire taire. Le discours d’Aiden était posé, presque lissé… mais je bouillonnais pour ma part intérieurement. L’homme ravala un rire qui acheva de me mettre à fleur de peau.

Je pris plusieurs courtes inspirations pour me forcer à conserver mon calme. Ce n’était pas le moment de craquer. Aiden s’en tirait bien. Peut-être que la maquerelle s’en tiendrait là… non. Mes espoirs étaient futiles. Elle n’était pas parvenue à la tête du Laurier Carmin en se laissant bercer de quelques belles paroles. Elle ne lâcherait pas sa cible si aisément, sauf si on lui en désignait une autre. « Laissez-moi deviner… ne serait-ce pas un templier qui faisait preuve d’un peu trop de zèle qui vous aurait évoqué ce fait ? Qu’il nous rejette la faute dessus sans chercher plus loin est juste du délit de sale gueule. Vous vous y connaissez en la matière, n’est-ce pas ? » Les prostituées ne jouissaient jamais d’une bonne réputation. Elles étaient souvent visitées, mais bien peu assumaient réellement de le faire. « C’est la parole de templier contre la nôtre, si je comprends bien. » Qui d’autres ? L’antivan nous avait bien vite perdu de vue. Il ne pouvait s’agir que de lui. Si tous les templiers étaient au courant, ce ne serait qu’une question de temps pour qu’ils nous retrouvent. C’était même surprenant que la maquelle se soit déplacée en personne plutôt qu’eux… elle espéraient probablement obtenir des réponses sur ces fausses accusations à l’encontre du Laurier Carmin. « Vous comptez nous dénoncer auprès d’eux, pour qu’ils brûlent de nouvelles corneilles ? » Ou peut-être bien nous soumettre à un odieux chantage. « Faites-le, mais vous serez les suivants. C’est ce qu’ils veulent, après tout : que la vermine s’entretue. Trouver un coupable ne les a jamais intéressés, croyez-moi. » Je ne serais pas surprise que ce soit une vaste fumisterie.

De l’assurance, le jeune homme n’en manque pas. Imperturbable sous sa tignasse blonde, il répond sans sourciller, se paie même le luxe de la décontraction. Une illusion, assurément, car Vera surprend le regard lancé à Miche, imperturbable à son côté. Si elle s’en félicite sous cape, la maquerelle veille à ne rien célébrer. Intimider est une chose ; obtenir ce qu’elle est venue chercher en est une autre : ferrailler avec la pègre lui a appris à se méfier des atouts acquis, de sorte que, si Miche tient son rôle, Vera redoute toujours les coups de sang. Coups de folie, pulsions de mort. Un animal est toujours plus dangereux lorsqu’il est acculé.

Alors deux voyous pris dans leur terrier…

Mais voilà que les réponses arrivent, et nimbent le duo d’un voile immaculé. Allons, allons ! En voilà de parfaits innocents ! Le museau de la matrone, jusqu’ici fort pincé, se déride dans un sourire, discret mais narquois, alors que le garçon, achevant son récit, l’interroge :

« ― Pourquoi être venue en personne ?
  ― Pourquoi bouder ce plaisir ? Elle le sonde d’un regard et trouve, au fond des yeux clairs, l’intelligence pressentie. Comme je l’ai dit, cette affaire a gravement noirci mon nom. N’est-il pas normal que je m’arroge la tâche délicate d’en restaurer l’éclat ? »

« Non. Ce n’est pas normal, et tu le sais. » Elle marque une pause, laissant à l’elfe l’opportunité de formuler semblable conclusion, et puis : « Du reste, vous me semblez tout à fait digne d’intérêt. »

Elle en a douté, bien sûr, et nourrit encore dans l’instant quelques incertitudes. Mais l'habileté qu’elle croit déceler, couplée à la précarité de la situation - la leur, la sienne -, tendent à la convaincre de la pertinence de sa démarche. Qu’a-t-elle à y perdre ? Pas grand chose.

« Laissez-moi deviner… » La voix, nouvelle, détourne la maquerelle du blondin. Et l’ombre, restée tout du long au coin de son œil, se matérialise enfin. Vera l’observe alors qu’elle reprend : « Ne serait-ce pas un templier qui faisait preuve d’un peu trop de zèle qui vous aurait évoqué ce fait ? Qu’il nous rejette la faute dessus sans chercher plus loin est juste du délit de sale gueule. Vous vous y connaissez en la matière, n’est-ce pas ? »

L’allusion la surprend, suffisamment pour arracher à la matrone un sourcillement explicite. « Audacieux. ». Mais si la renvoyer dans les cordes lui traverse l’esprit - une telle familiarité de ton l’indispose -, Vera préfère ravaler les saillies qui lui ourlent les lèvres et la laisse poursuivre.

« ― C’est la parole de templier contre la nôtre, si je comprends bien. Vous comptez nous dénoncer auprès d’eux, pour qu’ils brûlent de nouvelles corneilles ? Faites-le, mais vous serez les suivants. C’est ce qu’ils veulent, après tout : que la vermine s’entretue. Trouver un coupable ne les a jamais intéressés, croyez-moi.
  ― Je n’entends rogner les ailes que d’un seul volatile, très chère : celui qui m’a causé du tort. Ma justice n’est pas aveugle, contrairement à celle de la Chantrie. »

« Que tu as drôlement l’air de craindre… » Elle s’en étonne à demi : le poing ferme de l’Ordre terrorise apostats comme non-mages, par son jugement implacable et sa violence franche. En cela, au moins, sont-ils tous égaux.

« Quant à mes sources, continue Vera, leur nature ne regarde que moi. Notez seulement que je suis une femme pragmatique et déterminée. Si un outil se présente, et qu’il m’est utile, je ne rechigne pas à l’utiliser. »

Une mise en garde, autant qu’une invitation.
Vera avise le duo d’un regard entendu.

« Vous assurez votre innocence, et je n’ai, pour l’heure, aucun élément à ma disposition susceptible de prouver le contraire. À l’exception, bien sûr, de ma source. Sa parole contre la vôtre. » Son regard court sur la rouquine, puis revient au binôme dans son ensemble. « Cette affaire est embarrassante, pour vous comme pour moi. Après tout, si vos noms me sont parvenus, rien ne dit qu’ils ne seront pas livrés à d’autres oreilles… »

Une pause.

« Comme je l’ai dit, vous me semblez digne d’un certain intérêt, et j’ai à cœur de protéger les individus qui me paraissent le mériter. » Ses mains se croisent sur ses genoux tandis qu’elle avance ses pions. « Mon patronage, toutefois, s’obtient à quelques conditions. Je laisse aux bigots leur altruisme imbécile. »

Et tant pis pour sa place dans Son royaume.

« Mon prix ne vous surprendra pas, je gage : je veux des réponses. Sur la Corneille et son réseau, et tous les partis impliqués dans la farce de Justinien. En échange de quoi, vous profiteriez de ma protection et de mon or. Je pense pouvoir affirmer, sans me tromper, que vous manquez et de l’un, et de l’autre. »

D’une main légère, Vera désigne les alentours. C’est que le cadre de cet entretien confirme ce que Vera sait déjà : ces voyous sont miséreux. Miséreux et débrouillards.
Une association sur laquelle elle sait pouvoir compter.

J'adore les interrogatoires. Surtout dans ma propre demeure. Enfin demeure... C'est un bien grand mot. C'est une squat miteux, mais où nous sommes en sécurité. En théorie. Il nous faudra nous barrer d'ici dés que ces étrangers seront repartis, la cache étant gravement compromise. Et je n'aime pas du tout que la patronne du Laurier ai emmené son gorille de compagnie.... silencieux, mais impossible d'oublier sa présence, comme une menace latente. Il est là pour nous chopper par le col si nos réponses ne conviennent pas. Et sans doute faire un interrogatoire musclé si la tournure ne plaît pas à sa maîtresse. Brave molosse.

Il semblerait que le templier qui nous a interrompu dans notre quête de vérité nous ai dénoncé. Peut-être aurait-il été judicieux de se débarrasser de ce témoin gênant. Une dague dans le dos et nous étions tranquilles. La chevelure russe d'Aethra et mes cheveux argentés... Nous faisions un couple bien singulier, difficile à ne pas repérer, dés lors que nous tombions les capuchons et nous faisions vraiment intercepter, ce qui n'arrivait pas si souvent.

Je sens Aethra dans son coin, tendue comme la corde d'un arc, méfiante. Je me montre affable. Détendu. En réalité, nous n'avons rien à nous reprocher, n'ayant rien à voir avec cette foutue Corneille. Nous avons juste été trop curieux et cela est en train de nous revenir en pleine face... Le molosse n'a pas l'air très ému par mon discours, son rire pourrait bien me faire grincer des dents, mais je reste tranquille, ne lui accordant plus un regard, pour me concentrer sur sa maîtresse. Mais pourquoi est-elle venue ? Pourquoi ne sommes-nous pas arrêtés par les templiers ? Vera a-t-elle l'intention de régler ses affaires à sa façon ? De venger son établissement, sa réputation ? Cela ne serait pas étonnant, une telle femme n'a pas besoin de la justice du Temple. Et c'est effectivement ce qu'elle souhaite. « Rappelez moi de ne pas faire de vous une ennemie. » Je lui rends son sourire. Et me fais davantage charmeur quand elle ajoute que nous semblons dignes d'intérêt. « Vraiment ? »

La voix de ma compagne résonne alors. Je ravale un sourire quand elle évoque le fameux templier. Et bien, on dirait que nos esprits sont connectés, une fois encore. Mais elle n'y va pas par 4 chemins elle. Son discours est moins posé, bien que tout aussi vrai. Le templier frustré de ne pas avoir trouvé de coupables et sans aucune preuve, qui vient nous dénoncer. La réponse de la maquerelle est posée. Logique. Du moins, elle reste cohérente dans son raisonnement de se faire justice elle-même. Un éclat s'allume dans mon regard quand elle évoque des outils utiles. Des outils... Nous sommes dignes d'intérêt... Hum, je commence à flairer la négociation. Elle veut quelque chose de nous et ne rechignera pas à nous utiliser.

« La parole d'un homme qui a cherché un coupable et n'a rien trouvé. La frustration fait une excellente délatrice. » Je réplique, avec un brin de miel dans la voix et un sourire toujours aussi détendu. Sourire qui faiblit à peine quand elle évoque le fait que nos noms soient soufflés à d'autres... Du chantage ? On monte d'un niveau. Et voilà la proposition... Nous prendre sous son aile, à condition de lui rendre un petit service... « Ah, voilà enfin la raison de votre venue. On dirait que les négociations peuvent commencer. » Si tant est que nous ayons une certaine marche de manœuvre, ce dont je doute... Si nous refusons, elle nous balance aux templiers, c'est assez simple non ? Si nous acceptons... Nous gagnons une laisse. Elle ne porte pas le Temple dans son cœur, c'est au moins un point commun. « Qu'est-ce qui vous fait penser que nous obtiendrons des réponses ? Je suis étonné que vous n'ayez pas quelques petits oiseaux pour laisser trainer leurs oreilles et vous rapporter des informations. »