Il l’écoute avec attention, bien qu’il faille une dose de concentration qu’il lui coute d’accorder. Les fermes, les foires, toutes ces idées vues et revues… L’adolescente ne semblait pas plus passionnée, et elle passa heureusement assez vite sur ces applications plus utilitaires que convaincantes. Il prend des notes sur certains détails, des tournures maladroites – rien à dire sur le fond – et ne refait vraiment attention que quand elle passe à une partie qui a l’air de plus l’intéresser : le combat.

Comme si les enfants devaient aller au combat.

Et puis quoi encore ? Se battre aux côtés des templiers ? Mourir ? Il a envie de la secouer – physiquement, pas métaphoriquement – tant l’idée est aberrante. Qui essaie-t-elle de convaincre ? Comme s’il était recruteur à l’armée !

Même teinté du contexte guerrier, l’espionnage lui plait un peu plus – il la voit bien aider à l’effort, ou aux efforts en général, sans se faire voir… Les meilleurs arguments viennent à la fin, et il se sent lentement conquis par ses ambitions. C’est qu’elle n’est pas bête, et si c’est ça qui la motive elle n’est pas non plus inutile…

« … il serait cependant intéressant d’y songer plus souvent. »

Il attend quelques secondes pour être sûr qu’elle a fini avant de prendre la parole.

« Pour un premier exposé, c’est pas mal. » On sent bien que c’est le premier. Mais elle a seize ans, elle n'a jamais été à l'école, c'est normal... L'indulgence ne va pas loin, mais elle retient un peu ses mots.« Par contre, c’est beaucoup trop long. La question portait sur ton avis personnel, alors la liste de possibilités, c’est hors sujet. Mais bon, au moins c’est complet… Si j’ai bien compris, c’est l’assassinat qui te motive le plus, toi ? »

Elle avait accusé le coup des remarques négatives, rétrospectivement elle était même plutôt d’accord. Par contre, elle sursauta aux mots « assassinat » et « toi ». Elle avait effectivement mentionné le mot assassinat ou meurtre, mais elle n’avait pas l’impression d’y avoir accorder plus d’importance que le reste du paragraphe. En effet, la métamorphose peut permettre ce genre de chose, mais de là à dire qu’elle va faire carrière dedans c’est peut-être un peu fort.

Elle est plus dans le feutré elle, l’observation, l’espionnage. Prendre la vie de quelqu’un n’était pas quelque chose de facile. Attends. Elle était sérieusement en train de débattre de ça ? Elle se reconcentra sur son professeur qui semblait s’impatienter face à son mutisme. L’encourageant néanmoins à parler.

Elle paniqua, chercha rapidement une réponse à peu près convenable à une telle question.

« Pas vraiment étant donné que le meurtre n’est vraiment légal. Je dirais plutôt l’observation, un animal discret qui se remarque sans vraiment se remarquer. Un chat par exemple, les habitants- beaucoup de gens aiment les chats » Sauf les imbéciles, se retint-elle d’ajouter prise dans son élan. « Personne ne serait surpris d’en voir un- traîner dans les rues, les écuries, la cour d’un château, dans…»

Elle chercha ses mots le regard vissé sur le carnet et évita soigneusement le regard de l’enchanteur pour ne pas perdre contenance. Son énumération était trop longue, vaine tentative pour gagner du temps.

« Parfait pour écouter les conversations.» Elle fit une courte pause, réajustant une mèche de cheveux qui n’existait pas. « Agile, parfait pour se faufiler dans l’ombre et écouter des conversations plus… privées.»

Oh mais elle va pas recommencer ? Encore une digression, encore une liste... Oui, les chats, super les chats, mais il veut juste savoir pourquoi elle veut apprendre la métamorphose ! « Non, pas l'assassinat, l'espionnage. Le chat que je vous avais montré serait bien, par exemple, non ? En plus j'adore les chats, ils ont tellement de qualités ! Conclusion : je veux écouter aux portes. » Une réponse simple à une question simple.

« Je vois. Toujours hors-sujet, ça devient un talent, mais j'ai l'idée. Tu es donc bien décidée pour la métamorphose et la forme de chat ? Aucun doute ? Il n’y a pas de honte à changer d’avis, mais si on se lance là-dedans c’est mieux d’être sûre… »

Il ferme son carnet, désormais inutile, et pose le crayon dans un claquement plus sonore que ne serait agréable. Une fois assuré de sa détermination une dernière fois, il hoche la tête, signifiant son approbation – c'est son choix.

« La plupart des apprentis voient les experts de différentes écoles pratiquer avant de choisir leur spécialité. » Roland a dû s’en charger, mais avec lui, qui sait ? « Tu as déjà vu quelqu'un se transformer en animal ? Même magique, c'est un processus particulier. Surtout magique. »

Ah ça y est, le prof sarcastique était de retour. Elle ne put empêcher l’agacement de se refléter brièvement sur son visage, vexée après les efforts qu’elle avait faits pour répondre.
Il ne pouvait être content pour une fois ? Un sobre c’est bien, par exemple ? Non, bien sûr que non. Des fois, elle se maudissait d’être trop faible pour répondre.

Heureusement, il rata tout de son énervement trop occupé à claquer son crayon sur la table. La pauvre. Elle hoche la tête, affirmativement quand son regard croise le sien.

Il continue de parler, cette fois le sujet est plus intéressant.

« Non, je n’ai jamais vu de métamorphose jusqu’à présent.»

Elle le regarde de nouveau et semble perplexe. Envisage-t-il de se métamorphoser ?  Sa mauvaise humeur est vite oubliée, trop joyeuse à l’idée de voir ça.  Il semble en effet se préparer, mais pourtant il déteste ça, alors pourquoi le faire lui-même ? Pourquoi ne pas justement demander au vieux Roland ? Elle est un peu perdue dans le choix de ses actions, mais attend de voir.

Il se lève et commence à se préparer – manteau sur un dossier de chaise, concentration… Il ne peut pas se transformer alors il devra lui montrer une illusion, qui lui donne toute liberté, mais il serait judicieux de lui montrer ce qu’elle peut espérer faire. Les choix sont aussi limités qu’infinis. Une araignée ? Un serpent, un rongeur ? Un félin serait le plus logique, vu les ambitions de son interlocutrice. Il tire un peu, cherchant le crocher qui déclenchera le sort, fera apparaitre l’esprit faible et malléable. Il s’apprête à donner à la fumée qui arrive forme humaine en se demandant s’il vaut mieux un vulgaire chat de gouttière ou un lionceau…

Un grondement de tonnerre secoue le cercle, assourdissant, et pendant un moment il ne voit rien d’autre que l’air tremblant et la tornade de voix qui l’emporte. Il chancelle sous le poids des paroles qui montent, se cristallisant autour de lui jusqu’à étouffement. Du concert de chuchotements soudain criards il ne discerne d’abord rien, même si les intentions sont claires ; leurs envies, leurs tons, le vent les porte tous droit à son cœur.

Pourtant il ne s’envole pas, appuyé contre la table. Du calme après la tempête s’élève enfin une voix compréhensible, et il se demande distraitement comment – se sont-ils tous battu pour le droit d’être le seul entendu, ou ont-ils élu un porte-parole commun ? Leurs ondes sont-elles seulement si compatibles qu’une fois accordé leur chœur se confond avec une phrase unique ? Il se concentre sur sa respiration, cherchant de quoi se raccrocher à la réalité. Le bois sous sa paume est un bon début, et il ne faut qu’un moment pour trouver le sol sous ses pieds, et un très bref pour sentir l’air havenois sans l’étreinte caressante de l’immatériel…

« C’est tout ? On en attendait si peu, et tu réussis quand même à décevoir. Un sort de premier niveau, et tu trouves un moyen de le rater.
– C’est tout ce que tu peux faire ? gronde-t-il, paradoxalement rassuré à force d’écouter.
– C’est au niveau de tes échecs. Dire qu’on pensait enfin faire quelque chose de toi… J’ai toujours su que ça ne durerait pas. »

Des voix qu’il entend depuis si longtemps. Il en faudrait plus que ça pour le faire basculer. Les murmures n’en sont pas la nuit ; en tendant l’oreille, ils sont clairs même dans les meilleurs jours. Il les a écoutés maintes fois, par curiosité, alors il connait les mots – ils suffiraient contre un apprenti, pas contre lui. Ils ne surprennent pas, même s’ils parlent plus fort, même s’ils ont un ton plus familier. Même s’ils rappellent les pensées qu’il préférerait ignorer.

« On serait tous ravis de t’accueillir. Tu ne raterais plus aucun sort, si tu arrêtais de te limiter à leurs lois stupides… Tu ne veux pas réussir suffisamment, rien qu’une fois ? »

Silence, presque. Le tout n’a pas dû prendre plus d’une poignée de secondes, quel qu’il l’ait perçu, et il prend une profonde inspiration avant de se redresser, rictus indéchiffrable aux lèvres. Les oreilles sifflantes, un peu pâle mais plutôt digne – pas très en forme, mais plus fatigué que blessé ou désorienté. Il se tourne vers l’apprentie à laquelle il doit sans doute une explication pour ce moment d’absence, mais avant qu’il n’ait pu réfléchir à des mots trois coups contre la porte se font entendre. Sa voix ne traduit rien de pire qu’une mauvaise humeur habituelle ou un froid saisonnier, certainement moins accablante que le hurlement du voile qui a dû rameuter la moitié du Cercle… Il espère, en tout cas. Sauf la sienne, les voix autour de lui se sont calmées, revenues à un niveau acceptable – rien qu’il n’ait appris à ignorer.

« Tais-toi et laisse-moi faire, ordonne-t-il à la jeune fille. Entrez.
– À la merci d’une gamine. »

Elle le vit se lever et enlever son manteau, calmement. Il inspira et elle le vit se concentrer quelques secondes, réfléchissant, sûrement en quel animal il allait se métamorphoser. Elle parierait sur le serpent, même s’il l’a trouvé inutile en combat elle avait bien remarqué son intérêt pour cet animal. Et puis de toute façon ce n’est pas comme s’il avait besoin de se changer en animal utile. Ca y est, il avait l’air décidé, elle sentait quelque chose de léger secouer le voile.
La sensation est encore nouvelle pour elle, même si elle l’a déjà expérimentée plusieurs fois. Les rares fois où on lui a demandé de s’essayer à des sorts, la sensation est étrange, comme si elle pouvait toucher cette chose du bout des doigts-
Un bruit perça soudainement la tranquillité de la pièce, retentissant. Le bruit venait d’ailleurs… du voile.
Au même moment, l'enchanteur supérieur perdit l’équilibre et se raccrocha à la table pour ne pas tomber, sa main se crispa faisant crisser ses ongles sur le bois. Traits tirés, visage livide, il n'allait vraiment pas bien. Elle se précipita vers lui, manquant de tomber en heurtant le pied de table.

« Messer ?! Vous allez bien ? face à l’absence de réponse, elle posa sa main sur son bras et y imprima une légère pression. Messer, que se passe-t-il ? »

Elle regarda son visage, ses yeux regardaient devant lui, mais il ne semblait pas être là, perdu quelque part, de l’autre côté ? Bien évidemment, la première chose qu’on enseigne aux apprenties, ce sont les risques et les précautions à prendre avec la magie. Ainsi, même si elle ne voulait pas se l’avouer, elle savait pertinemment que ce qui se passait là n’était vraiment pas bon, quand bien même elle ne comprenait pas tout. Elle sentait ce grand trouble, qui semblait agiter le voile et le rendre plus fragile, comme s’il allait se briser.

« C’est tout ce que tu peux faire ? »

Sa voix résonna dans la pièce vide et même si elle crut pendant quelques secondes, elle comprit vite à son regard toujours dans le vague, que ce n’est pas à elle qu’il s’adressait. Maintenant, elle n’était pas sûre que c’était une bonne nouvelle.
Cette interruption eut au moins l’effet de lui faire reprendre pied elle aussi avec ce qui se passait autour d’eux. Elle entendait des voix fortes portant dans le couloir et des pas précipités venir tout droit vers eux.

Elle se sentit paniquer, elle ne savait pas ce qui allait advenir maintenant d’elle et de Messer Vaël. Elle ne put s’empêcher d’avoir des remords, c’était un peu de sa faute, puisqu’il voulait lui faire la démonstration du sort de métamorphose, un sort qu’il n’appréciait pas vraiment d’ailleurs.
Elle sentit l’enchanteur bouger légèrement, soudain plus léger, mais pas tout à fait rétabli, encore souffrant. Qu’allait-il lui arriver ? Elle se sentit encore plus coupable d’un seul coup.
Les bruits à l’extérieur se firent plus proches. Et tandis qu’elle vit son regard revenir peu à peu au présent dans la pièce, elle le vit se tourner vers elle le visage sérieux, elle sursauta légèrement. Elle le regarda attentivement préférant se taire. Il allait parler quand de puissants coups à la porte le retinrent. Après avoir brièvement regardé la porte, il se tourna vers elle une seconde fois.

« Tais-toi et laisse-moi faire. Entrez. »

Sa voix était forte, bien qu’un peu éraillée, et ne souffrait aucune protestation. Elle acquiesça immédiatement et tourna son regard vers la porte, à moitié cachée derrière l’enchanteur, mais elle ne s’éloigna pas pour autant.

La porte s’ouvrit, dévoilant trois enchanteurs, un d’entre eux un peu en retrait pour renvoyer les mages de rang curieux ailleurs et demander à quelques templiers de se tenir à disposition.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
– Lachlann ! s’exclama-soupira Jenne, visiblement soulagée quoique pas moins perdue. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
– Bonjour. Très généreux de votre part de vous joindre à nous, nous n’attendions pas de compagnie. »

Ils ont entendu le Voile. Ils ne savent rien. Ils voient un enchanteur et une apprentie. Par chance, aucun d’eux n’est spécialisé en esprit – ce n’est pas une école qui fait carrière, visiblement, et ils ne sentent au final pas plus que la fille à ses côtés.

« Elle sera au moins utile à quelque chose. » Le ton un peu trop condescendant le trahit, mais même si son identité s’effrite, les mots n’en atteignent pas moins leur cible. Oui… Elle serait utile… Quelques mots, et il serait innocenté. L’accuser serait si facile… Les pensées se bousculent dans son esprit. Il faut choisir vite, pas le temps de réfléchir.

« Je faisais une démonstration à miss Treglown de ce qu’il arrive quand un mage échoue à son sort, et les résidus du sien ont… mal cohabité avec le Voile, disons. L’intensité a dépassé les prévisions, mais la situation est parfaitement sous contrôle. »

À moitié cachée derrière lui, l’apprentie réveillerait presque ses instincts protecteurs. L’ont-ils cru ? Ils n’ont pas de raison de douter. C’est une explication plausible, même si elle le fait passer pour un idiot – comme s’il pouvait négliger une zone à risque pendant un cours concentré dessus.
Par la porte ouverte derrière eux, un templier inconnu veille, épaulé par Darren qui coule à Lachlann un regard inquiet auquel il ne répond pas.

« C’était un gros craquement, quand même… doute d’ailleurs l’homme.
– Et une erreur qui ne te ressemble pas.
– Ça se discute. Tu as fait quelque chose pour les en convaincre, au moins ?
– Que voulez-vous. On oublie tous de mesurer notre force, parfois. »

Ils hésitent un instant, mais la situation parle d’elle-même : il maitrise vraiment, et il a repris assez de couleurs pour les toiser de son plus arrogant regard. Bras croisés, toujours devant l’apprentie qui l’a poussé à cette tragique erreur, on oserait difficilement le contredire. N’est-ce-pas ? D’autant que ses collègues, subalternes pour certains, le connaissent assez pour savoir que ce serait futile.

« Si vous êtes sûr… Je ne comprends pas tout, mais si vous assurez que tout va bien, on peut se permettre de vous croire. Si on ne faisait pas confiance à nos enchanteurs supérieurs…
– Et la jeune fille ? intervient celui jusqu’ici resté en retrait.
– Je m’en occupe. Un sort de travers, ajoute-t-il, rien de grave. » Il hoche la tête en direction de Jenne avant de se reconcentrer vers les enchanteurs. « Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, j’aimerais continuer le cours. On a assez perdu de temps comme ça. Comptez-vous rester, ou… ?
– Oh, non, se hâta de répondre le moins bavard des trois.
– C’est toujours un plaisir de parler avec vous, enchanteur supérieur, mais je pense qu’on est tous assez occupés… On ne voudrait pas déconcentrer votre élève, en plus. Si vous pouviez juste éviter de répéter l’expérience…
– Je pense qu’une fois suffira. Merci d’être passés. Messieurs, Jenne… »

Après quelques banalités juste un peu agaçantes, les trois partent, les laissant enfin à nouveau seuls, et il se tourne vers Ailis. Il lui semble bien entendre des chuchotements avant l’éloignement des pas, et les cliquetis familiers d’une armure dans le couloir… Mais même si un templier perd son temps devant la porte, il s’en sort bien. Il se détend, chassant de son mieux la fatigue qui rôde.

« Bon, reprenons où nous en étions. » Contrairement à ce qu’il dit, il ne reprend pas tout de suite, regardant plutôt la jeune fille et fronçant les sourcils devant son air hésitant avant de soupirer. « Ça va ? »

Elle suivit tout l’échange entre Messer Vaël et les autres enchanteurs qui venait d’entrer. La discussion était calme, le ton posé, mais elle sentait bien la tension dans la pièce. Son professeur se tenait droit, on avait presque l’impression qu’il allait parfaitement bien et que rien ne s’était passé quelques secondes plus tôt. Cependant, elle frissonna quand elle les entendit parler d’elle et de son implication.
Elle était d’ailleurs loin d’être ravie que l’enchanteur l’utilise comme excuse. Elle risquait gros elle, en tout cas certainement plus que lui. Néanmoins, elle se contenta d’attendre en silence la fin de la conversation. Pourquoi avait-il fait ça ? Par orgueil ? Ca lui ressemblait bien en tout cas.
Après ce qui lui sembla une interminable conversation, ils quittèrent la pièce. Visiblement pas si rassuré, ni en confiance que ça, puisqu’un templier se plaça derrière la porte. Une fois la pièce redevenue calme, il se retourna vers elle.

« Bon, reprenons où nous en étions. »

C’est tout ? Pas d’explication sur le petit mensonge ? Il s’arrêta vite de parler et semblait la dévisager, l’air fatigué.

« Ça va ? »

Elle le regarda complètement perdue. Elle ne savait pas trop quoi répondre à vrai dire : Oui très bien, j’ai senti le voile manquer de se déchirer. Puis on m’a attribué un sort que je n’ai pas lancé, qui aurait pu me coûter gros mais oui ça va.

« Ça va » Réponse brève, dite sans grande conviction mais il s’en contera. Elle n’avait pas envie de faire mieux.

Silence. Malgré la fatigue, il enclenche tout son sens de l’observation et sa réflexion. Il pourrait continuer le cours comme si de rien n’était, mais c’est un moment important et un temps calme ne ferait pas de mal. Le silence s’étire donc. Son désenchantement est clair, mais où en est la source ? Il s’est passé beaucoup de choses en deux minutes, il y a le choix… La déception de ne pas voir de métamorphose ? Non, il aime à penser qu’elle a un petit sens des priorités… Quelque chose qu’il a dit ? Assurément pas. L’air putride qui met mal à l’aise tout mage trop proche du Voile ? Elle n’a pas pu sentir grand-chose, mais…

C’est possible.

Il n’y a rien eu de vraiment dérangeant à part ce craquement sinistre et son propre moment de faiblesse, après tout.

« Le Voile a beau être capricieux, il ne pose aucun réel danger tant qu’on reste en possession de ses moyens. C’est mon cas, et si tu continues tes études ce sera un jour le tien – en attendant, les mages confirmés seront là pour rendre inoffensifs tous tes petits sorts ratés. »

Il attend brièvement une réaction pour voir s’ils peuvent enfin passer à autre chose – il a beau avoir convaincu les enchanteurs que tout était prévu, son ego n’a pas apprécié cet échec et il aimerait bien en effacer le souvenir. Quand elle ne dit toujours rien, il lève les yeux au ciel.

« Bon, si tu n’as rien de plus à dire on peut continuer. Passe-moi mon bâton. »

Une fois le bâton en main, il se concentre une fois de plus. Cette fois, pas question d’échouer – il sent le flux familier, se raccroche aux sentiers qu’il n’a plus arpenté depuis des années mais dont il n’a rien oublié, façonne la magie jusqu’à s’en envelopper comme d’une cape qui réchauffe de plus en plus, pénétrant dans ses os, dans ses organes, dans son sang, pour reproduire le plus fidèlement possible.

Une figure lumineuse apparait entre eux, de la taille d’un avant-bras, et flotte quelques secondes avant d’entamer une métamorphose ; une reproduction parfaite. A sa place, bientôt, un chevreau fait quelques bonds en l’air et s’arrête à la hauteur de l’apprentie. Le même processus se répète, différent seulement par la posture de base – comme si l’animal se débarrassait d’un manteau, il remue et renâcle jusqu’à ce qu’un puma émerge où il était, ne laissant aucune trace du petit être. Proche du chat qu’elle avait montré à un de leurs premiers cours, mais plus familier ; ce n’est pas le moment de s’amuser à recréer un animal étranger de tête. Il le laisse courir un peu avant de terminer le cercle, l’humain éthéré revenant juste le temps qu’elle voit la transformation avant de disparaitre.

Ce n’est pas une métamorphose, mais c’est tout comme : elle ne verrait pas mieux si le mage avait été réel au lieu d’illusion, se dit-il en faisant face à Ailis, un sourcil levé.

« Le Voile a beau être capricieux, il ne pose aucun réel danger tant qu’on reste en possession de ses moyens. C’est mon cas, et si tu continues tes études ce sera un jour le tien – en attendant, les mages confirmés seront là pour rendre inoffensifs tous tes petits sorts ratés. »

Elle acquiesça sans un mot, et attendit qu’il se décide à continuer. Elle avait hâte de passer à autre chose et de laisser derrière l’incident, bien qu’elle était un peu nerveuse à l’idée que cela se reproduise.

« Passe-moi mon bâton. »

Elle se saisit de l’objet et profita des quelques secondes pour admirer les gravures sur le bois et la finesse de la pierre qui surplombait le bâton. C’était un très bel ouvrage.

Une fois en possession de son bâton, l’enchanteur se concentra. Petit à petit, elle sentit la magie se réveiller, calme, bien loin de l’agitation passée. Elle vit un halo de lumière se former et un chevreau prendre place. Elle retint un rire amusé de peur d’être mal interprété, mais drôle de choix venant d’un personnage comme lui.

Le second animal était déjà plus en accord, un petit puma. Elle le trouva mignon et attendrissant. Elle observa avec quelle exactitude l’animal était reproduit. La taille impressionnante des griffes proportionnellement à l’animal, la forme générale du corps. Les pupilles, le pelage couleur sable, sans s’en rendre compte elle caressa du bout des doigts la fourrure de son dos, mais recula immédiatement sa main de gêne.

Elle continua de l’observer attentivement, essayant aussi de ressentir la magie qu’il dégageait. Il ne resta cependant pas indéfiniment transformé, et finit par reprendre forme humaine. Elle ne fit rien tout de suite et attendit qu’il se tourne vers elle.

« Comment faites-vous ? Elle fit une courte pose cherchant ses mots. A quoi pensez-vous quand vous vous transformez ? Que doit-on faire en premier, s’imaginer l’animal ? A quoi faut-il faire attention ? »

Tellement de questions d'un seul coup. Elle se fit la réflexion un peu tard, qu'elle aurait peut-être dû les poser une par une.

« Comment faites-vous ? » Elle fait une courte pose cherchant ses mots. « À quoi pensez-vous quand vous vous transformez ? Que doit-on faire en premier, s’imaginer l’animal ? À quoi faut-il faire attention ? »

Il retient ses questions, fier de son effet et satisfait qu’elle semble enfin s’investir dans quelque chose : elle est toujours appliquée, mais sans coopération une présence devient vite ennuyeuse. Il ne lui rappelle pas que la métamorphose n’est pas sa spécialité et qu’il n’en connait donc pas les détails, répondant de son mieux. C’est suffisant pour une débutante, en tout cas, et elle n’a pas à se plaindre de ses explications. Elle prend même des notes. ... Ou elle essaie, mais l'essai n'a pas l'air très concluant.

« Arrête de te torturer, je répéterai le moment venu. L'écriture n'est pas ton fort, je présume ? »

Il finit ses explications et une fois sa soif de savoir rassasiée, encouragé par son intérêt qui n'a jamais décru, il pose enfin sa propre question.

« Pourquoi tu t’y intéresses autant ? Je sais que c’est un sujet qui passionne la moitié du Cercle, mais peu de gens s’y orientent vraiment. »

Assise à la table, elle écoutait attentivement ses réponses. Elle avait même pensé à prendre une feuille et un crayon, elle se mit donc à prendre des notes. C'était assez fastidieux, elle était encore en apprentissage de l'écriture et elle le ressentait. Le geste n'était pas encore assez fluide et instinctif, l'apprentie n'arrivait donc pas à suivre à la fois ce que l'enchanteur disait et ce qu'elle écrivait. Son désarroi ne passa d'ailleurs pas inaperçu,

« Arrête de te torturer, je répéterai le moment venu. L'écriture n'est pas ton fort, je présume ? »

elle posa son crayon en soufflant, soulagée d'un côté.

« Oui, en effet. »

Elle ne prit pas la peine d'argumenter plus, trop impatiente d'entendre la suite. Elle profitait du fait de ne plus écrire, pour se poser plus confortablement en s'appuyant sur la table, veillant toutefois à ne pas paraître trop à l'aise, conservant une attitude studieuse. Les minutes s'écoulaient sans qu'elle en ressente le poids, intéressée par le sujet, aidé par l'entrain de son interlocuteur qui semblait également content de pouvoir transmettre son savoir.

Lorsqu'il eut fini ses explications, elle s'attendait à ce que le cours se finisse ou parte sur autre chose, mais pas à la question qu'il posa.

« Pourquoi tu t’y intéresses autant ? Je sais que c’est un sujet qui passionne la moitié du Cercle, mais peu de gens s’y orientent vraiment. »

Elle fut un peu prise de court, bien qu'elle avait déjà réfléchi à cela. Pourquoi la métamorphose ?

« J'aime bien les animaux. »

C'était un peu niais mais vrai. Toutefois, elle ne reparla pas du fait de voir le monde à travers leurs yeux, vu la réaction que l'enchanteur avait eu la dernière fois. Il fallait cependant qu'elle ajoute autre chose, car il n'allait encore pas la rater si elle ne répondait que ça.

« J'aime bien l'utilisation que l'on peut en faire pour le combat ou le soutien dans d'autres situations. Pas juste pour faire joli.

- Oui, ça je n'ai pas oublié… C'est vraiment tout ? »

Il avait raison, était-ce vraiment tout ? Elle marqua une pause, avant de répondre. Et la vraie raison, cachée derrière tout ça ? Mais elle se refusait de l'admettre, car c'était accepter la vérité. Elle détourna les yeux, retenant un soupir, mais à quoi bon se voiler la face ?

« Pour… elle hésita un instant... me permettre d'échapper à ce corps. »

Le regard perdu dans la contemplation de son crayon abandonné sur la table, elle n'osa pas regarder sa réaction. Elle affirmait un fait dont elle avait honte pour sa lâcheté et sa naïveté, elle le savait. Comme si ça allait changer quelque chose, comme si ça allait lui rendre ce qu’elle avait perdu. Au final, ce ne serait qu’une douce illusion qui lui ferait plus de mal que de bien.

Elle ne savait pas non plus pourquoi elle l'avait dit à voix haute. Elle allait encore se prendre une réflexion aussi directe que juste finalement, mais la vérité était parfois difficile à entendre. Bon et pour sa défense, son interlocuteur ne se distinguait pas vraiment par son tact.

Lui dire que c'était stupide et inutile était peut-être ce qu'elle voulait ? Qu'on lui dise à quel point c’était dérisoire de penser qu’elle pourrait échapper à sa condition. Comme un écho à ses paroles, les moqueries et les blagues qu'on lui faisait parfois lui remontèrent en mémoire, balayant le possible réconfort des souvenirs de ceux qui l'aidaient et l'appréciaient malgré tout.

« C'est…

-  Stupide n'est-ce pas ? »

Cette fois, c’était à peine audible et le ton était sec, comme un reproche à elle-même. La colère mêlée à la tristesse de se trouver si faible.
Il fallait qu'elle se ressaisisse, même si l'enchanteur n'avait perçu sûrement, elle l'espérait, qu'une infime fraction de sa détresse.
A force d’habitude, elle avait appris à cacher ses états d’âme à sa famille, et parfois même à Leon. Ils avaient autre chose à faire et elle ne voulait pas être encore plus un fardeau pour eux.

Elle épousseta sa robe pour se redonner contenance, soufflant un bon coup. Elle s’efforça de réafficher son masque d’impassibilité- qui s’était quelque peu effrité ces dernières secondes.

« J’aime bien les animaux. »

Il ne dit rien, plus amusé qu’autre chose – la réponse attendue. Ça collait avec son attitude, pleine de naïveté et de passion inexplicable parce qu’elle est trop instinctive… Bien sûr, la magie était une étape supplémentaire alors ce n’était pas que ça, mais il pouvait l’accepter comme base. Il allait hausser les épaules d’un air que certainement elle interpréterait comme dédaigneux mais qui serait plus proche du désintérêt final, quand elle le surprit agréablement – ou pas.

« J'aime bien l'utilisation que l'on peut en faire pour le combat ou le soutien dans d'autres situations. Pas juste pour faire joli.
– Oui, ça je ne l’ai pas oublié. C’est vraiment tout ? »

Si c’était pour répéter ses âneries, elle pouvait retrouver son mutisme. Il voulait une vraie réponse, ou un refus clair. Qu’il vienne d’elle ou de lui. Quelques secondes d’hésitation passèrent, parfaitement unilatérales, pendant lesquelles il ne fit qu’attendre qu’elle se décide, patiemment, en profitant pour se distraire l’esprit – les pensées, sans jeu de mot. Il se sentait assez en forme, mais maintenant seulement revenait la motivation pour plus que l’essentiel, et il remarqua enfin les détails qu’il avait ignorés jusque-là : la façon qu’elle avait d’éviter sa canne du regard, sa main serrée autour de son poignet pendant qu’elle réfléchissait, son expression fuyante. En quelques secondes, il avait pu voir une partie de ses pensées aussi clairement que si elle les avait dites, même si la conclusion restait cachée derrière des mèches brunes rarement bien coiffées.

« Pour… me permettre d’échapper à ce corps.
– C’est…
– Stupide n’est-ce-pas ? »

Il soupira, brièvement, plus une expiration un peu appuyée. Il n’était pas sûr de ce qu’il aurait dit, mais ce n’aurait pas été « stupide », si ? Non. Certainement pas. Probablement. Inutile de demander des précisions, en tout cas, son handicap n’était et ne pouvait être un secret pour personne au cercle.

« Stupide, c’est vouloir se métamorphoser parce qu’on est trop stupide pour comprendre le reste. Ça, c’est… compréhensible. Mais si c’est la liberté de mouvement qui te manque, il y a d’autres moyens plus efficaces. La lévitation, par exemple. » Il marqua une courte pause avant d’ajouter. « On ne peut pas passer sa vie sous forme de chat. »

L’apprentie analysa les paroles de son professeur. D’abord surprise, elle sentit son coeur s’alléger quelque peu, elle ne savait pas trop pourquoi. Peut-être parce qu’il lui avait dit qu’elle avait le droit de ressentir ce qu’elle ressentait, que c’était légitime. Oh, ça n’enlevait rien de son état et du triste constat qu’elle s’en faisait, mais d’une certaine manière ça lui avait fait du bien de le dire et du bien t’entendre la réponse.

Son moment de faiblesse lui fit prendre conscience que l’éloignement avec sa famille lui était plus douloureux qu’elle ne voulait bien l’admettre, et la pensée de plus en plus présente qu’elle ne les reverrait sûrement pas lui déchira le cœur. Elle voulait se montrer forte, mais elle ne l’était pas autant qu’elle l’aurait souhaité. Elle ferma brièvement les yeux et respira profondément. Alors elle repensa au prêtre de sa paroisse, qui lui avait promis de lui rendre visite prochainement.

C’était sur ça, sur cet espoir qu’elle devait se raccrocher, voir le positif. Au moins, elle était nourrie et logée ici, et avait rencontré d’autres apprentis dans sa situation pauvre ou paysan, bon il y avait aussi des nobles particulièrement égocentriques et peu aimables, les deux groupes sociaux ne se mélangeaient juste pas trop. Mais peut-être finiraient-ils par comprendre qu’on est tous dans le même tableau ? Certains templiers aussi prenaient le temps d’échanger quelques mots avec elle. Bref, tous n’étaient pas noirs, il fallait qu’elle se ressaisisse, qu’elle garde espoir.

« Vous avez raison Messer, elle se stoppa un instant puis ajouta, Merci. »

Elle ne savait pas quoi ajouter de plus à ce qu’il avait dit. Un sourire discret étirait ses lèvres. Elle reprit pleinement contenance, et tacha de ranger cet incident et tout le reste dans un coin de sa tête, et accorda plus d’intérêt à ce qu’avait dit l’enchanteur. Elle releva la tête pour lui faire de nouveau face.

« Mais que voulez-vous dire par la lévitation serait plus efficace ? »

La lévitation ? Elle en avait entendu parler, puisqu’en plus des cours où l’on apprend à maîtriser la magie pour des sorts ou manifestations simples, il y a aussi les cours qui parlent des différentes écoles de magie. Il lui semblait d’ailleurs que Messer Vaël faisait partie de l’école d’entropie d’après ce qu’on lui avait dit. Elle ne se souvenait plus que la lévitation appartenait à l’esprit. Il faudrait qu’elle se remette à jour là-dessus, pensa-t-elle.

Elle avisa les quelques notes prises tout à l’heure.

En parlant d’école, les enchanteurs lui avaient dit que ne pas choisir une école en particulier n’était pas grave, mais elle ne souhaitait pas s’éparpiller pour autant. Elle était intéressée par toutes les écoles : la métamorphose, la création, l’entropie, les éléments et l’esprit ça faisait trop pour elle. Dans les deux premiers, c’était surtout respectivement : la métamorphose et le soin qui l’intéressait. Pour les deux derniers, il y en avait plusieurs, c'était donc plus difficile. Elle ne s’inquiétait pas trop, elle avait encore le temps de se décider, mais elle aimerait bien y voir plus clair.


D’autant que les sorts mentionnés couramment n'étaient pas forcément la seule application qu’on pouvait faire de la magie d’une école en particulier. De ce fait, un enchanteur expérimenté et aguerri pourrait l’aiguiller et la conseiller.

Son regard plein de questions se redirigea une nouvelle fois sur l’enchanteur. Elle l’observait avide d’en savoir plus, il avait attisé sa curiosité. Et elle ne rêvait que d’une chose en cet instant, se distraire pour oublier ce deuxième incident et son humeur pas encore tout à fait rétabli.

« A quoi sert l’école d’esprit ? »

Elle réfléchit, comme si elle n’avait jamais considéré l’idée avant – c’est peut-être le cas. Elle n’est arrivée que récemment, et elle est encore jeune, bien que bien plus vieille que leurs recrues habituelles… La lévitation lui parait si évidente que ses pensées sont déjà loin, dans les plaines que peuplent peut-être des dizaines d’apostats à quatre pattes, et il faut quelques secondes pour construire une réponse.

« Et bien, si tu voles, tu ne touches pas le sol, ce qui devrait résoudre ton problème. L’avantage par rapport à la métamorphose, c’est que ça ne t’empêche pas de parler… D’ailleurs, qui sait les effets qu’elle aurait sur ton corps ? Il faudrait faire des recherches, mais je n’ai connaissance d’aucun métamorphe infirme jusque-là. Ce serait dommage de s’entrainer pendant des mois pour découvrir que tu ne marches pas mieux. »

Il a lu quelques livres sur le sujet, en réalité, mais des faits ne feraient que la noyer au moment où elle aurait plus besoin de réfléchir à ses ambitions les plus pures. Que choisira-t-elle, sans influence extérieure ? Par chance, elle a droit à un bon enseignant – qui plus est expert en tout ce qui peut poser problème –, et il se fera un devoir de l’aiguiller autant que faire se peut sans conseil direct.

« L’école d’esprit manipule l’Immatériel et floute la limite entre magie et physique. Vois-la comme du mana sous forme tangible. Des boucliers, des mains invisibles… Elle peut servir à tout, selon comment on l’applique, même si superficiellement elle peut se résumer à de la télékinésie et du combat. La porte d’entrée est assez claire, comme tout se base sur la lévitation. Elle t’intéresse ? »

C’est une école qu’il affectionne, même si son cœur va à l’entropie – moins de pistes d’études, mais un fond tout aussi fascinant. Il n’est pas sûr que ce soit ce qu’il faut aux gens plus pratiques, qui veulent que la magie reste un simple outil, mais la présence de l’Immatériel a un côté rassurant, grisant. Chaque sort est une confirmation de plus de qui, de ce que, ils sont.

« La porte d’entrée est assez claire, comme tout se base sur la lévitation. Elle t’intéresse ? »

Elle prend quelques secondes pour analyser ses paroles, et essaye de bien tout comprendre.

« Je ne connais pas trop cette école, je n’ai pas eu beaucoup d'occasions d’en discuter avec des mages. J’aime bien son côté, l’étude du voile, ce qui n’est pas physique. »

L’esprit est intéressant mais son utilité ? Dans la vie de tous les jours, pourquoi faire ? Il y avait peut-être d'autres écoles qui pourraient être plus utiles ? Elle avait déjà parlé un peu de l'école d'éléments et de création avec des mages confirmés.

Cependant, c'était resté très succinct, sûrement dû à sa faible ancienneté au Cercle, ils ne voulaient pas brûler les étapes. Mais, elle, elle voulait en savoir plus, pour se faire une idée de ce qui l'attendait. Qu'est-ce qui l'attendait déjà ? Rester enfermée ici ? Les gens ne voulaient pas en parler, ils se contentaient d'éluder- parfois avec agacement, les questions. Était-ce juste par fainéantise ? Ou parce que réellement ils ne savaient pas quoi répondre ?

« En réalité, on ne m'a pas beaucoup parlé des autres non plus. Elle marque une pause, cherchant une réponse brève. Pour l'instant on se concentre surtout sur apprendre à contrôler une manifestation de magie. »

La fin de sa phrase sonnait presque comme une question, tant elle n'était pas sûre de sa formulation. Elle se rappela en regardant en direction de la porte, de la présence d'un templier derrière celle-ci. Les entendait-il discuter ? Pas que ça ait une grande importance, elle s’occupait juste l’esprit en attendant la réponse de l’enchanteur supérieur.

Il réfléchit un instant, mais qu’avait-il vraiment à ajouter ? Entre les sorts – réussis et ratés – et les interrogations d’Ailis, qui allaient et venaient au gré de la conversation, le cours avait déjà été si palpitant qu’il serait satisfait s’il n’en tirait rien de nouveau. Il comprenait de mieux en mieux la jeune fille, l’appréciait par moment et il semblait que ce soit réciproque… Il s’assit avec sa plus calme expression, prêt à revoir toutes les écoles avec elle puisque visiblement elle en avait besoin.

Une heure se mua en deux, puis en deux autres le lendemain initialement prévues pour autre chose – mais rien ne servait de bourrer son crâne de sorts alors qu’elle les comprenait à peine. Quelques heures, quelques conseils, quelques échanges dont il pouvait se persuader qu’ils n’étaient pas vides de sens… Et, bien qu’elle subsistât, la question de plus en plus proche de la résolution des écoles préférées d’Ailis.