Cher ami Hareas,

J’ai pensé que vous préférereréri préféreriez le dalatien au commun, alors j’ai demandé à l’archiviste d’un clan que nous avons croisé en chemin de traduire ma lettre. J’espère que ce n’est pas un problème. Je lui fais confiance pour avoir bien fait (même s’il fronçait beaucoup les sourcils), mais au cas où, je vous assure que ce que je voulais dire était parfaitement normal et poli.

(Ernestine a relu cette lettre-ci (et vous passe le bonjour). Je ne sais pas si elle écrit mieux que moi, mais elle fait de jolies phrases.)

Amicalement,

Arnth

Salutations, Chasseur de peur,

Votre lettre m’a fait très plaisir, et vous avoir à mon mariage aussi ! Merci encore pour votre cadeau, il était parfait. Nous en sommes tous deux très contents ! Il occupe la meilleure place dans nos affaires, entre les chaussettes, protégé des secousses et des voleurs.

Excusez-moi de ne pas avoir écrit plus tôt, je voulais, mais j’ai été très occupé… Nous sommes près de la frontière du Nevarra, maintenant. J’ai failli perdre un doigt en sortant un lièvre d’un piège à ours, mais sinon tout va bien. Il fait beau.

Nous avons visité une mine, qui prétend avoir livré l’or utilisé pour la couronne d’Orlaïs. J’avoue m’être rarement autant senti part d’un tout qu’en pensant à la chaîne de production qui va des ouvriers à l’empereur… C’est un domaine qui intéressait surtout mon épouse, mais il s’est révélé réellement marquant, j’ai beaucoup appris. Saviez-vous qu’on nettoie parfois l’or avec du poison, qui devient ensuite inoffensif ? Et que le bois de certaines charpentes a plus de cent ans ? Il y avait même des veines de pierre phosphorescente ! Dire qu’on y préfère un or tout simple. Ce sont des pépites dispersées en forme de galaxies, d’ailleurs, à se demander pourquoi les nains craignent le ciel alors qu’ils vivent sous son sosie de pierre… Avez-vous déjà été sous terre ?

Le Nevarra a beaucoup de champignons, qu’on apprend tous à l’armée, pour le cas où nous serions séparés des troupes et dans l’incapacité de chasser. C’est particulièrement utile en hiver, quand trouver les terriers où les animaux hibernent est une question de chance plus que de compétence. Il paraît qu’aux Anderfels la plupart des champignons est toxique, mais le Nevarra n’a que des gros cèpes et plein de petits champignons plus ou moins acides, rarement dangereux si on les prépare correctement. Nous avons même d’excellentes recettes pour les amanites. J’aimais beaucoup ces cours à l’armée, autant par principe que pour le contenu, même si je n’ai presque pas cuisiné depuis… Je vous en ai dessiné quelques-uns, je ne connais que leurs noms nevarrans mais ça vous intéressera peut-être ! Vous devez en connaître beaucoup aussi ? Quels champignons préférez-vous ?

J’espère que vous avez trouvé la personne que vous cherchiez. J’ai croisé un homme qui correspond à votre description, près des monts Vimmark, à la peau plus sombre que les antivans et avec des vallaslin sur le front – je n’ai pas vu quel dieu elles honoraient, mais je pense que c’était Dirthamen ou Falon’Din. J’ai trouvé qu’il avait le même accent que vous, mais nous n’avons pas échangé longtemps, parce qu’il était pressé et enrhumé. Il nous a dit aller vers Tantervale.

Je regrette que Starkhaven devienne si dangereuse, malgré mon peu d’affection pour la cité. Si vous préférez la quitter, vous serez bien sûr toujours le bienvenu chez nous – je pense que nous ne tarderons plus à rentrer à la capitale, chez ma famille. J’espère, sinon, que vous trouverez un coin agréable au Bas-Cloître.

Que vos dieux soient avec vous

Cher Hareas,

Nous sommes enfin arrivés au Nevarra ! Ça fait vraiment du bien d’être de retour chez soi. Je n’avais jamais vécu aussi près de ma famille sans être directement chez eux, alors emménager avec mon épouse fait bizarre (à elle aussi, sûrement, même si nous rendons souvent visite à tout le monde et que sa sœur passe beaucoup de temps chez nous), mais tout se passe bien et nous sommes très heureux. Cela me rappelle de vous dire que tout le monde a, avec raison, complimenté les bracelets que vous nous avez fabriqués !

J’aimerais remercier votre ami pour son entremise ainsi que complimenter son écriture. J’ai lu beaucoup de textes bien écrits, mais aucun avec des lettres aussi joliment ornées ; en revanche, ne vous fatiguez pas avec les phrases, des phrases normales me suffisent. Surtout que je ne suis plus ambassadeur (je crois).

Vous aussi, je vous remercie, pour les morilles ! Je n’en avais jamais séché, on privilégie toujours les gros champignons et surtout la viande, alors c’est la première fois que j’en voyais dans cet état. L’odeur est incroyable. Toute votre lettre sent le champignon d’ailleurs, j’aime beaucoup !

Je n’ai pas gardé de la pierre dont je vous ai parlé, mais j’en ai pris en souvenir une plus noire que tout ce que j’ai vu jusqu’ici. Elle est vraiment très sombre, sans reflet, sans ombre, vraiment très très noire. Nous ignorons ce que c’est, mais j’ai prévu de chercher dans le livre de minéralogie de mon père. J’aimerais apprendre la science des pierres à mes enfants quand nous en aurons, c’est calme et incassable à défaut d’être utile, et qui sait s’ils ne seront pas sculpteurs ou tailleurs un jour ? Pour eux, je regrette de ne pas avoir pu prendre de ces pierres qui brillent, qui auraient rendu les nuits moins noires ; mais comme les dalatiens, ils sauront se contenter des étoiles pour être courageux.

Ma sœur prévoit un voyage à Starkhaven pour régler quelques affaires que j’ai laissé en suspens (j’ai proposé de la remplacer, mais nous avons tous estimé que je serais plus utile ici). On dit que les messagers ne meurent jamais, alors même si elle n’en a pas besoin, je lui donnerai un paquet pour vous en porte-chance ; elle est forte et nous croyons tous en elle, mais je serais plus rassuré. Avez-vous des frères et sœurs ?

Y a-t-il une expression dalatienne pour « que le sort vous soit favorable, et s’il vous rejette nous nous réjouirons de vous accueillir » ? Ou « tous mes vœux de bonheur » ? J’espère que la paix qui protège nos nuits s’étend un peu aux vôtres,

Amicalement,

Arnth van Markham

P.S. : Je me réjouis pour la personne que vous cherchiez.