Type de RP Classique/Flashback
Date du sujet 16 Voiréale, 5:11 des Exaltés
Participants  @Miche  et @Elendîs
TW Prostitution, agression physique et sexuelle (viol), conséquences physiques et psychologiques d'une agression, violence répressive
Résumé Miche vient au secours d’Elendîs, employée depuis un peu plus d’un an au Laurier, alors que celle-ci se fait violenter par un nouveau client de l’établissement.
Pour le recensement

Code:

[code]<ul><li><en3>16 Voiréale, 5:11 des Exaltés</en3> : <a href="https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t1766-il-y-a-des-soirs-comme-ca">Il y a des soirs comme ça…</a></li></ul><p><u>@"Miche" et @"Elendîs"</u>Miche vient au secours d’Elendîs, employée depuis un peu plus d’un an au Laurier, alors que celle-ci se fait violenter par un nouveau client de l’établissement. </p>[/code]

Il y a des soirs comme ça…. où Elendîs savait qu’elle aurait mieux fait de rester au lit.
Et le nouveau client qui l’avait réclamée de manière très cavalière dès qu’il l’avait aperçue de l’autre côté du salon lui donnait exactement ce sentiment-là: celui de vouloir être partout, sauf ici.

L’Humain, presque aussi grand qu’une montagne à côté d’elle, si petite, insistait pourtant, lourdement, et Dîs avait l’impression de sentir les barreaux d’une cage se refermer autour d’elle. Tout dans l’attitude du personnage était problématique. Il avait clairement de l’argent, sinon les portes du Laurier seraient restées closes, mais il mentait sur tout le reste, c’était évident. Son nom, son occupation,…,  rien n’était vrai.

Il exsudait aussi de lui des vagues de dominance qu’il contenait à peine en public et quand il la fit lever pour lui intimer de monter dans une chambre, elle hésita sérieusement à refuser. Mais elle n’avait aucune preuve… Il n’avait techniquement encore rien fait de mal. Son malaise venait simplement des instincts nés de plusieurs années de pratique.

La main posée dans le bas de son dos se fit toutefois plus impérieuse encore. Elle tenta bien d’alerter quelqu’un, n’importe qui, au cas où, mais même Miche était occupé près de l’entrée. Elle parvint tout juste à croiser le regard de la tenancière du bar avant de disparaître dans les escaliers, un horrible pressentiment lui nouant l’estomac.

Il y a des soirs comme ça où l’argent empeste le fumier.

Aucun parfum en diamant ou autre coquetterie loufoque ne peut arranger les choses. Aucun sourire mielleux – pour ne pas dire ridicule – non plus. Il y a des soirs comme ça, où les notes ne sont pas harmonieuses, où quelque chose manque.

Après avoir rembarré un énième sac ivre pour qu’il évite de dégueulasser l’entrée, je retourne à l’intérieur avec un certain désir de calme. Cette soirée est plus agitée que d’ordinaire, et je n’aime pas ça. Briser le nez à des abrutis oui, mais pas autant. C’est à ce moment-là que je débarque du côté du bar pour m’y accouder. Plus blasé que d’habitude, plus aigri que d’habitude. La tenancière s’approche, et son regard est sans équivoque : je me penche vers elle, sourcils froncés.

“Tu devrais aller à l’étage, j’ai un mauvais pressentiment.” Je hoche de la tête. Encore une affaire louche. Et mieux vaut prévenir que guérir.

Je passe par les coulisses, monte l’escalier de service, me faufile dans le couloir, l’oreille attentive. Rien d’anormal pour le moment. La cacophonie habituelle d’un bordel. Je reste encore dans les ombres, aussi muet qu’une tombe. Parcours lentement le couloir. Il faut un certain temps avant de réaliser quelle partie de la mélodie sonne faux. J’accélère le pas.

Les plaintes sont étouffées, tremblantes, douloureuses. Le lit grince avec trop de ferveur, cognant contre la paroi sans la moindre finesse. Mais c’est la voix de l’homme qui m’interpelle, grognant de colère. J’appuie sur la poignée, le mécanisme se déclenche, mais .. mais quelque chose retient la porte.

Mon sang ne fait qu’un tour.

Mon corps se raidit, l’épaule en avant, avant de donner du poids pour pousser la porte. Un putain de meuble. Je redouble d’ardeur, car qui dit blocage de porte dit quelque chose de pas net du tout. Après avoir suffisamment ouvert pour me frayer un passage, je me faufile dans l’ouverture, referme la porte, y passe la clé ..

Oh, il va déguster.

Une émotion traverse encore ses yeux, c’est que ce n’est pas trop tard.

Elendîs trouve la force d’écouter mes quelques mots. Mais un fil écarlate qui se trace le long de sa joue attire mon attention. Je retiens mon réflexe. On s’en occupera plus tard : à première vue, ça ne semble pas une blessure grave. Elle m’entend, me voit, c’est suffisant.

Là, de petites excuses étouffées me font hocher de la tête négativement. Un petit mouvement, absorbé dans la détresse ambiante, dans le désespoir qui s’efface peu à peu dans les ombres.

J’attends sa réaction, ou pour être plus précis, j’attends sa permission. Se faire sauver d’une telle situation est une chose, se faire sauver d’une telle situation par un homme en est une autre. Je l’avais appris à la dure, au début : pas toutes les filles réagissent de la même manière. Parfois, un simple toucher, une simple main trop grande pour elles réanimait alors les vifs souvenirs, et les voilà à se débattre, à se battre pour survivre dans une angoisse étouffante. Pas toutes les filles réagissent de la même manière. Il faut du temps.

Lentement, elle s’empare d’un des draps pour envelopper son corps à l’intérieur. Dans un réflexe automatique – pour ne pas dire “qui va de soi” –, je l’aide à ajuster le tissu lorsque sa main peine un peu. Elle est recouverte de bleus. Ses mains tremblent dans des mouvements saccadés et engourdis. Puis, ma main reprend naturellement sa place précédente, dans laquelle se cale la sienne, si petite, si frêle .. Elle s’apprête à se lever, mais déjà je suis en position réceptive, car je sais bien hélas ce qui va se produire.

Son corps l’abandonne.

Je m’agenouille aussitôt, la réceptionne à deux bras, la garde contre moi, la tête encore bouleversée qui repose contre mon épaule.

- « Doucement. »

Je l’observe un instant, elle et ses blessures, elle et ses combats. Puis, avec précaution, j’ajuste mon autre main pour la caler sous ses genoux, ajuste lentement la position, et me relève avec la jeune femme dans mes bras. Les clés déjà en mains, je m’approche de la porte, y insère la clé, et la pousse avant de refermer avec une certaine maladresse – après tout, j’ai plein les bras, j’ai une excuse.

On va laisser le gros rat pourrir dans cette pièce, mais pas trop longtemps. Je parcours le couloir, débarque dans les dortoirs, la dépose avec une certaine délicatesse sur le lit le plus proche. Je fouille dans un coffre pour y prendre un chiffon, m’empare d’un bac déjà rempli d’une eau un peu tiède et reviens auprès d’elle. Je dépose le tout à côté du lit, fais tremper avec précaution le chiffon dans l’eau avant d’essorer. Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais dégagé les éventuels clients dans la baignoire pour qu’elle puisse s’y détendre, mais Vera me tuerait.

Avec précaution, assis sur le lit entre la jeune femme et le bac, j’attrape sa main la plus proche pour l’essuyer. Ses ongles ont un peu morflé dans la lutte, j’espère que ce n’est pas trop douloureux. Je trempe à nouveau le chiffon dans l’eau avant de le porter à sa tempe.

- « Attention, ça risque de piquer. »

D’abord, j’attrape une mèche pour la glisser derrière son oreille, histoire de voir un peu mieux ce que je fais. Lentement, j’effleure sa tempe en épongeant à peine, anticipant les réactions qu’elle pourrait avoir. Tapotant gentiment. Au moins enlever le sang. Ensuite, il va falloir s’occuper du client, chercher du beaume d’elfidée, ..

Ma foi, ça fait partie de mon travail, même si je déteste cette partie du métier. Je préfère quand ça n’arrive pas. C’est la face du métier que je déteste le plus, mais c’est ce qui en détermine son importance.

Miche eut beau refuser ses excuses, c’était tout ce à quoi Dîs pouvait penser en cet instant: le fait qu’elle allait encore leur poser des problèmes. À lui, à Vera, à Sio, mais aussi aux autres filles. Elle allait avoir besoin de soins et ne pourrait probablement pas travailler pendant un certain temps, il faudrait la remplacer... Il serait en effet mal venu de présenter au Salon une fille couverte de bleus… Et il allait falloir gérer le client problématique également. Dîs se demanda d'ailleurs brièvement si le vigile allait en référer à Vera ou s’il allait s’en occuper directement seul…

Dans un petit coin de son esprit, Elendîs savait que ces pensées, centrées sur les autres, n’étaient qu’une diversion pour essayer de ne pas se focaliser sur ce qui venait tout juste de se passer. Pour chasser les images affreuses qui tentaient de s’imposer à elle, pour évincer les échos de sons et de paroles qui virevoltaient à ses oreilles, pour gommer les fantômes de sensations qui courraient sur sa peau. Non, non, non,… Ne pas y penser, pas maintenant. Miche ne mérite pas une crise de nerfs en bonne et due forme… Plus tard…

Mais tandis que son corps la lâchait et qu’elle s’affaissait vers l’avant, tout droit dans les bras du vigile, la violence de ce qu’on lui avait fait subir se rappela tout aussi brutalement à elle. Elle ne tenait même plus sur ses jambes, bon sang… Un seul et unique hoquet d’horreur et de douleur lui échappa alors que Miche la réceptionnait avec bien plus de douceur qu’on ne pourrait imaginer d’un homme de cette taille.

Alors la jeune Elfe se laissa faire. Pas comme un pantin désarticulé, non - elle aida le vigile comme elle put et passa ses bras autour de son cou pour ne pas représenter un poids mort - mais plutôt comme une personne qui a admis qu’elle a besoin d’aide et s’en remet à l’autre.

Quand Dîs sentit que Miche la soulevait, elle pressa son visage, même si douloureux, contre son épaule. Elle ne voulait pas voir. Ni les draps en désordre, ni la commode qui n’était plus à sa place. Et encore moins lui. Elle ne voulait pas le voir. Elle voulait pouvoir oublier les traits immondes de son visage convulsé par la colère le plus vite possible.

Elle ne rouvrit donc les yeux que lorsqu’elle sentit son sauveur la déposer délicatement sur un lit du dortoir. Le simple fait de rester assise faisait mal mais elle tenta de se maintenir droite et de garder le drap à peu près en place. Ça n’avait pas beaucoup de sens, elle s’en rendait bien compte. Il allait bien falloir évaluer les dégâts à un moment donné, et elle aurait besoin d’aide pour se soigner.

Elle ne pleurait plus, remarqua-t-elle alors que Miche s’activait dans la pièce, rassemblant le nécessaire pour nettoyer le plus gros. Et alors que cet élan qui l’avait gardée alerte s’estompait peu à peu, la douleur et le froid s’intensifièrent, la laissant encore plus tremblante à regretter la chaleur qui l’avait enveloppée dans les bras du colosse.

Ses mains étaient dans un sale état, enregistra-t-elle passivement tandis qu’il utilisait un chiffon humide pour en décrasser une. La peau de ses phalanges étaient éclatées à certains endroits et au moins deux de ses ongles étaient déchirés. Le reste de ses blessures ne devrait être que des ecchymoses, tenta-t-elle de se rassurer. À part son visage, bien sûr… Oh, comme elle n’était pas pressée de voir son visage dans un miroir…

L’expression de Miche ne laissait cependant rien paraître alors qu’il dégageait des cheveux de son visage, certainement pour éponger le sang qu’elle imaginait très bien. À ses mots de mise en garde, Dîs se contenta donc de serrer un peu plus les dents et de se forcer à rester immobile. Oui, ça piquait. Tant pis. Qu’il efface les traces seulement… Qu’importe si ça faisait un peu plus mal pendant quelques secondes.

« Et s’il se réveille?… », demanda-t-elle alors tout bas, sa voix d’ordinaire si douce cassée par les cris, en cherchant le contact visuel.

Mais ce n’était pas de la peur, dans les yeux de Dîs. Elle n’avait plus peur depuis qu’elle avait compris que Miche était venu à son secours. C’était plutôt une forme de combativité, de mordant presque. Comme si la simple idée que le monstre se fasse la malle en douce pendant que le vigile s’occupait d’elle lui retourne l'estomac de colère et de dégoût. Non, ce serait trop facile…

Après m’être occupé de sa tempe, je me suis levé, le chiffon reposé dans le bac.

- « Et s’il se réveille ?... »
- « Ne t’en fais pas, tout est sous contrôle. »

Il est enfermé dans la chambre. Il ne faut pas que je m’absente trop longtemps : ainsi, constatant également la tension sur son visage, je l’incite dans un mouvement à s’allonger.

- « Repose-toi. Je vais te chercher quelqu’un, le temps que je m’occupe de cette nuisance. »

Je quitte les dortoirs, prends les escaliers et tombe de façon hasardeuse sur Lilley. Son sourire si radieux disparaît aussitôt qu’elle trouve cette absence de lueur dans mes yeux. Pas que j’en aie une très brillante, mais elle a un don pour trouver l’introuvable chez moi.

- « Miche ? Tout va bien ? »
- « Ah, tu tombes bien. »

Elle s’approche, les sourcils froncés d’inquiétude, tandis que je souffle du nez, une main sur la nuque, le regard qui peine à s’ancrer.

- « Va me chercher un nécessaire de soin, de quoi désinfecter, ou un baume .. Elendîs a été passée à tabac par un client que je dois dégager au plus vite. »

Je n’ai jamais vraiment eu de tact, et c’est quelque chose apprécié mais difficile. Je ne manque pas le hoquet d’horreur, la délicate main portée à ses lèvres. Mais elle se reprend rapidement, hoche de la tête, dévale une fois de plus les escaliers, elle qui les montait. Je remonte alors, les clés en mains, prêt à dégager le déchet cloîtré dans une des chambres. Il faut dire qu’elles sont pratiques, ces clés.

J’ouvre la porte avec prudence pour y trouver une larve, qui essaie d’avancer. Je referme à clé la porte derrière moi. Je préfère ne pas prendre de risques tout de suite. Il est visiblement sonné, mais ne nous précipitons pas : certains sont doués pour la comédie. Pour être sûr, je le passe à tabac une fois de plus, attrape ses vêtements et attache son corps avec. De sorte à ce que ses mains restent jointes dans son dos, et que je puisse le traîner sans trop de difficultés.

On ne dirait pas, mais je suis un grand amateur de spectacle.

J’ouvre la porte avec un certain fracas, traînant la carcasse à peine vivante à même le sol. Je passe par le grand escalier, croise des clients choqués – mais ce n’est pas mon affaire – qui montent accompagnés d’une Maylin bouche bée, mais qui s’assure que ses clients du soir oublient rapidement cette vision pourtant nécessaire. Chaque marche heurte son visage exécrable, jusqu’à déambuler dans le grand salon qui, sous l’arrivée triomphante du chien galeux du Laurier, se réduit à un silence de terreur. Certains habitués ne s’en formalisent pas davantage, c’est vrai : ce n’est pas la première fois que je fais ça, et ils savent que si le client se retrouve dans cette posture, c’est qu’il l’a mérité.

Vera avait toujours eu un peu de réserve sur ce genre de gestes : après tout, le Laurier Carmin n’est pas n’importe quel bordel. C’est de la qualité, et effrayer les clients n’est pas une bonne approche, mais bien au contraire, à mon sens. Qu’ils me craignent. Qu’ils me crachent au visage. C’est mon job d’être détesté, et de m’assurer que les clients respectent les règles de vie de cette maison. Au fil du temps, constatant l’amélioration nette du traitement des filles par les clients, Vera s’est contentée d’accepter cette rigueur implacable que j’impose.

Une fois sorti du bâtiment, je le projette dans grâce sur les pavés, avant de sortir un couteau et de trancher ce qui lie encore ses poignets. Un râle étouffé m’indique qu’il est encore en vie, aussi m’amusé-je à ajouter :

- « C’est un avertissement. N’essaie même pas de revenir .. La prochaine fois sera celle de trop. »

Je retourne à l’intérieur comme si de rien n’était. Quelques regards interrogés se posent sur mes épaules, mais je ne réponds qu’à celle qui travaille au bar, ce soir. J’aperçois du soulagement dans ses yeux, avant de prendre la porte de service.

Lorsque j’arrive aux dortoirs, Lilley est toute appliquée à s’occuper de la jeune femme. Avec douceur, avec chaleur .. Lilley, quoi. Je détourne tout de même rapidement la tête, les laissant dans leur espace, cloîtré à l’encadrement de la porte avec les mains jointes devant moi. Je me racle la gorge.

- « C’est bon, il est dehors. »

L’affirmation du vigile fut tout ce dont elle eut besoin pour être rassurée quant au traitement qui serait réservé à la brute. C’était tout ce qu’il méritait… Les nouveaux clients étaient pourtant prévenus à leur arrivée et la réputation du Laurier n’était plus à faire… Alors pourquoi est-ce que ce genre de choses arrivaient encore? Pourquoi à elle? La jeune Elfe ne vocalisa toutefois aucune de ses questions, acquiesçant sobrement. Puis elle suivit la suggestion et se laissa doucement descendre vers le matelas, jusqu’à être allongée un peu de biais sous le drap qu’elle serrait toujours contre elle d’une main. Elle murmura ensuite un faible « Merci » alors que Miche quittait la pièce en promettant de lui envoyer de l’aide.

Dîs n’eut pas à attendre longtemps l’arrivée de la douce Lilley, les bras chargés d’un nécessaire de soin, dont le hoquet d’horreur à la vision de son visage marqué résonna dans le dortoir. Elle fut à ses côtés en un instant, prenant la place de Miche au bord du lit, et les larmes de la jeune Elfe se remirent à couler en voyant sa peine et sa douleur trouver écho dans les yeux de sa collègue. Lilley n’avait pas besoin qu’Elendîs lui explique ce qui s’était passé, aussi leur échange resta-t-il muet alors que l’Humaine défaisait le petit poing de l’Elfe serré sur le drap pour ensuite repousser doucement le bout de tissu.

« Il a … ? »
Elle ne compléta même pas sa question. Entre courtisanes, le sous-entendu était évident, l’expérience partagée.
« Mh mh », acquiesça-t-elle simplement.
« Tu saignes? »
« Je ne pense pas… »
« Occupons-nous de ses vilains bleus et puis tu pourras te reposer. Ne t’inquiète plus de rien, je suis certaine que Miche est en train de le mettre dehors comme il se doit. »

Lilley eut tôt fait de lui débarbouiller le visage et de désinfecter les quelques plaies. Comme Dîs l’avait supposé, seule la peau de ses mains et apparemment de sa lèvre supérieure, de sa pommette gauche et du haut son front, avaient craqué sous les coups et les soins furent vite apportés. Sa collègue lui tendit alors un chiffon humide, l’encourageant à nettoyer d’elle-même les traces laissées sur son corps outragé tandis qu’elle commençait à appliquer un baume apaisant sur les nombreuses ecchymoses qui avaient peu à peu fait leur apparition, sur son visage, sa poitrine et ses bras principalement.

Lorsque la silhouette de Miche se découpa à nouveau dans l’encadrement de la porte, l’Humaine terminait d’appliquer l’onguent sur son épaule gauche. Presque tout le haut de son corps y était passé, avec tout ça. Puis Lilley l’aida à se rasseoir en douceur, lui arrachant quand même un sifflement de douleur.

Un son un peu contrarié échappa à la jeune Humaine alors qu’elle observait la longue chevelure d’ordinaire si bien entretenue de l’Elfe en pagaille et elle attrapa la première brosse à cheveux qu’elle trouva pour essayer de remettre de l’ordre dans la tignasse brune et la rassembler en un chignon haut qui ne la gênerait pas pour dormir. Pendant toute la manœuvre, les yeux de Dîs étaient restés fixés sur Miche qui regardait presque poliment ailleurs, cherchant dans sa tenue le moindre signe que l’ordure avait tenté de se défendre. Mais non. Le vigile était indemne, si ce n’était ses mains marquées elles aussi. Plus marquées que précédemment? L’avait-il à nouveau passé à tabac? Le monstre avait-il succombé sous les poings massifs de Miche? Non, la brute devait toujours être vivante… Le Laurier aurait des problèmes si des clients finissaient morts sur le pavé, qu’importe ce qu’ils aient pu faire aux courtisan.e.s pour le mériter. Vivant donc. Mais à peine, certainement, ajouta son côté revanchard.

Il était dehors, c’était le principal. Et probablement fortement encouragé à ne jamais remettre un pied au Laurier.

« Merci, Miche… », répéta-t-elle alors doucement, doutant qu’il ait pu l’entendre la première fois. « Je ne sais pas comment tu as su, mais merci. »

Lilley revint alors une nouvelle fois vers elle, avec elle aussi un regard un peu interrogateur à l'attention de Miche et un peignoir soyeux dans les mains qu’elle aida Elendîs à enfiler avec difficultés mais masquant ainsi pour la première fois le corps de la jeune Elfe de manière décente. Si ce n’était son visage et ses mains cabossées, elle avait presque l’air normal maintenant…

« Tu seras mieux dans ton lit. Ça va aller pour marcher? », demanda-t-elle alors à une Elendîs qui ne put masquer une grimace entre la douleur et le doute. Pas sûre mais… Elle n’allait pas monopoliser le lit de Maylin et, effectivement, elle se sentirait mieux dans son propre lit, dans le petit coin de dortoir qu’elle avait fait sien sous la fenêtre. Elle n’était par ailleurs pas réellement certaine de quelle position était la plus douloureuse. Être assise semblait toutefois remporter la palme alors autant se lever. Elle s’agrippa donc aux petites mains offertes et se hissa sur ses jambes tremblantes. Ouch. Allez, il n'y avait que quelques pas à faire!

- « Merci, Miche… Je ne sais pas comment tu as su, mais merci. »

Je hoche de la tête, tandis que j’effectue lentement des pas dans la direction des deux femmes.

- « La tenancière m’a dit suspecter quelque chose, j’ai bien fait de vérifier. »

Comme quoi, il faut des yeux partout, dans cette maison. Tandis qu’Elendîs tente de se relever avec l’aide chaleureuse de Lilley, je reste à une distance respectable, mais attentif, dans le cas où elle perdrait pied. Lilley me lance un regard mi-inquiet, mi-perplexe, auquel je réponds avec lassitude dans les prunelles. Je l’aurais bien portée, mais elle a l’air d’insister pour marcher, donc .. Autant la laisser faire. Et si rien ne se passe comme elle le souhaite, ce qui risque d’arriver, j’interviendrai. Prendre soin de leurs envies et décisions après un tel moment est primordial, car il faut chasser ce sentiment d’objet, d’impuissance face à la brutalité humaine.

Le cortège s’avance dans une lenteur compréhensible. Une fois le lit regagné, Lilley se redresse après avoir aidé la jeune elfe à s’allonger dans une position qui ne la dérangerait pas trop. Lilley s’approche alors de moi, appose une main bien trop douce pour son propre bien contre mon bras, avant d’avorter ce geste, ce réflexe incertain. Son regard papillonne, se promène ailleurs.

- « Il faut prévenir Vera, maintenant .. »
- « Je m’en occupe. Tout va bien se passer. »

Lilley est nerveuse, et à raison : après tout, les courtisanes ont cette pression de faire de l’argent pour recevoir un minimum de paie. Une fille blessée veut dire moins de rendements, et la prostitution est hélas un milieu difficile et cruel. Mais je connais la patronne, elle n’est certainement pas de ce genre. C’est certes rare ce genre d’excès ici, mais Vera peut parfaitement comprendre la situation.

Cependant, son regard contredit son hochement de tête affirmatif. Je me penche un peu vers elle, attrape son épaule avec une certaine douceur un peu rustre.

- « Lilley. Tout va bien se passer. »

Elle hoche de la tête en silence, une fois de plus. Son regard brillant croise enfin le mien, et un sourire se tend distraitement. Un certain flottement apparaît, avant que je ne brise le silence, à l’attention de la jeune blessée.

- « Repose-toi. Si tu as besoin de quoi que ce soit, fais-moi signe. Je passerai de temps en temps pour voir comment tu te portes. »

Sans trop traîner davantage – soit la chose à faire –, je me faufile hors des dortoirs. Cependant, les pas pressés de Lilley me parviennent assez rapidement.

- « Attends, Miche ! »

Sans prévenir, me prenant un peu de court, elle attrape une de mes mains au milieu du couloir. Dans un mouvement de panique plus que de crainte, je romps le contact sèchement. Mais elle revient à la charge, attrape cette main rauque de ses doigts fins et grâcieux, porte sa trouvaille davantage proche de son regard définitivement mi-inquiet, mi-perplexe. Mais elle ne dit rien, reporte ses yeux dans les miens en quête de réponse.

- « C’est rien, ce .. ça ne fait pas mal. »

Je sens qu’elle cherche à répliquer, mais qu’elle se sent soudainement sotte pour une telle impulsion. Figée dans l’incertitude, ses yeux retombent sur cette main qu’elle tient, que je tente de garder la plus inerte possible. Et après avoir certainement évalué toutes les possibilités, pour n’en garder que la plus sûre – et certainement la plus amère –, elle relâche lentement sa prise, prend les devants pour regagner son champ de travail.

- « Il .. faudrait y appliquer un baume, ou plonger dans de l’eau fraîche au moins. »

Je hoche de la tête, un sourire léger et difficile à retenir sur les lèvres.

- « Je m’en occuperai quand j’aurai fini mes heures, rassure-toi. »

Un dernier regard en arrière, un dernier sourire parfumé, et voilà que sa silhouette disparaît derrière la porte. Je reste un instant interdit dans le couloir, à observer bêtement la porte, avant de prendre le chemin des escaliers.

Miche se rapprocha alors qu’Elendîs se hissait sur ses jambes tremblantes et elle lui en fut silencieusement reconnaissante. Quant à Lilley, elle resta face à elle, ses deux mains dans les siennes pour la soutenir autant que possible, alors qu’elle comblait la distance qui la séparait de son lit. La douleur la fit tanguer bien entendu et, ne voulant pas reporter tout son poids sur la petite Humaine, la main de l'Elfe fusa pour se rattraper au bras bien plus solide du vigile. Elle s’y agrippa quelques instants, le temps de se stabiliser de nouveau et de reprendre son souffle.

Encore quelques pas et Lilley rabattait les couvertures pour qu’elle s’installe dans son lit. Déjà, la litanie reprenait dans sa tête - Pas sa faute… Pas sa faute… Pas sa faute… - alors qu’elle essayait de trouver une position qui ne soit pas un supplice.

Miche prit alors congé et Elendîs le remercia encore une fois, d’un faible « Merci » et d’un regard confiant. Lilley le suivit et la jeune Elfe resta un instant seule, persuadée que cela ne durerait pas et que sa collègue serait bientôt à ses côtés. Et comme de juste, le petit bout de femme refit rapidement son apparition.

« Miche va prévenir Vera… Mais tout ira bien, tu verras… »
Elendîs ne se crispa pas autant que Lilley s’y était attendue, à en croire son regard interrogateur face à l’absence de réaction de l’Elfe. Certes, les filles qui posaient trop de problèmes n’étaient pas les bienvenues et après plusieurs occurrences de ce genre, elles étaient invitées à aller voir ailleurs. Dîs avait toutefois un peu d’espoir. Ça n’arrivait plus si souvent, vraiment. Et Vera… Vera ne se débarrasserait pas si facilement de son petit oiseau chanteur, pas vrai? Pas alors qu’elle commençait à tisser des liens avec certaines personnes qui intéressaient beaucoup la maquasse.

Oh, bien sûr, le risque zéro n’existait pas. Mais la courtisane n’avait vraiment pas envie d’ajouter de telles angoisses aux horreurs de cette soirée. Alors elle fit de son mieux pour ne pas y penser. Ne penser à rien, ce serait l’idéal, en fait…

« Oui, tout ira bien… », répondit-elle donc à mi-voix alors que Lilley approchait une chaise pour s’asseoir à son chevet.

Leurs autres collègues vinrent et repartirent dans le courant de la soirée, au fur et à mesure que la rumeur avait fait le tour de l’établissement, pour lui apportant du soutien, chacun à leur façon. Un regard compatissant, un baiser sur le front, quelques paroles rassurantes,… Elendîs finit par s’endormir, pétrie de fatigue et de douleur, la petite main de Lilley dans la sienne et Ysna roulée en boule au pied de son lit. Il n’y avait pas de doute, elle avait trouvé son clan.