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Le dernier jour du reste de ta vie - Leone

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Le dernier jour du reste de ta vieCHAPITRE DEUX : CEUX QUI MARCHENT DANS LES PAS D'ANDRASTÉ

Type de RP Classique
Date du sujet Dernière semaine de Drakonis, 5 : 13
Participants Andra Valheim, Leone
TW Mort, Sang, Pensées suicidaires
Résumé Alors que les engeances se rapprochent d'Antiva, Andra et Leone échangent dans ce qu'elles croient être l'une de leurs dernières conversations, de celles sans tabou de personnes qui vont mourir demain.
Pour le recensement


Code:
[code]<ul><li><en3>Dernière semaine de Drakonis, 5 : 13</en3> : <a href="LIEN DU RP">Le dernier jour du reste de ta vie</a></li></ul><p><u>Andra Valheim, Leone</u> Alors que les engeances se rapprochent d'Antiva, Andra et Leone échangent dans ce qu'elles croient être l'une de leurs dernières conversations, de celles sans tabou de personnes qui vont mourir demain.</p>[/code]

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« Tréviso est tombée. »

« Je sais. »

« Et … »

« Je sais. »

Le soir tombait sur Antiva, et le rougeoiement des derniers rayons du soleil flamboyait doucement au-dessus des plaines à la teinte violacée. Envolées, néanmoins, les douces teintures lilas : partout, la terre se gondolait, pourrissait, pour peu à peu se gercer et laisser vomir ce mauve maladif qui annonçait la souillure et la mort. L’odeur épicée dans les airs s’était alourdie du parfum charrié par la charogne, et de partout, la puanteur doucereuse de la mort sortait en volutes agonisantes des Tréfonds. Les maigres remparts de la ville paraissaient si petits, écrasés par ce soleil finissant et par la fin prochaine. Lentement, Andra balaya le paysage de son regard sombre. Sa compagne, solide guerrière à la crinière blonde attachée en une longue tresse, parut vaciller légèrement mais maintint son propre regard, comme pour se préparer, déjà, à ce qui les attendait. Cela ne prendrait plus beaucoup de temps, désormais. Dans quelques heures, probablement, l’engeance arriverait. Peut-être plus, s’ils étaient chanceux. Mais les derniers bateaux partaient, et la mage, intimement, savaient que les derniers partis seraient les grands noms de la ville, sans doute, sur le dos de leurs griffons. Alors, resteraient les impotents, les malades, les pauvres, tout ce cortège d’ombres défigurées qui demeureraient prisonniers. Elle pensa à l’enfant qui venait de naître, et qui aurait une vie si courte. Une rage douloureuse lui étreignit la gorge, qu’elle tenta de repousser de son mieux. Que pouvait-elle faire ? Rien. Les quelques minutes qu’ils offriraient, au lendemain, en se sacrifiant, n'épargnerait personne – ou si peu. Antiva était perdue. Pourquoi alors, avait-elle l’air si vivante, dans les vas-et-vients des gamins qui s’étaient présentés spontanément pour prendre les armes, vêtus de bric et de broc, pour défendre leur foyer, à défaut de parvenir à le quitter ? Pourquoi pouvait-elle sentir la chaleur caressante de la vie, en lorgnant les deux jeunes recrues qui, doucement, se murmuraient des petits riens non loin, et dont l’étreinte furtive des paumes indiquait, peut-être, la douceur des amours qui ne commenceront jamais ? Soudain, un cri !

« Regardez ! Les meilleurs tonneaux de la vieille Dolores ! »

Tout sourire, trois solides gaillards épandirent sur le sol des caisses portant le sceau de l’une des tavernes les plus courues d’Antiva, et une clameur joyeuse se répandit. Tant qu’à mourir, autant le faire avec ivresse ! Andra échangea un regard avec l’autre femme, et un sourire lui vint, flottant, désincarné. Pourquoi … Mais pourquoi pas, aussi. Ils furent mis en perce, et récupérant une choppe, Andra porta l’alcool mousseux à ses lèvres. Trinquant, un rire lui échappa, tandis que la petite assemblée célébrait ces derniers moments de vie. Soudain, l’Enclin disparut, pour quelques minutes, et derrière les yeux rieurs et les sourires brillants, défilèrent les vies de toutes les personnes assemblées. Gardes des Ombres ou non, antivans ou pas, toutes ces existences qui, pour tant de raisons, se retrouvaient au même endroit, au même moment, pour partager la cène d’un dernier dîner, et repousser encore un peu l’horreur à venir. Toasts gueulés : à Turab, à la famille royale, à Andrasté, et au sourire d’Inès, ce qui arracha un rire général. Et puis peu à peu, la liesse temporaire céda la place, comme toujours dans ces moments hors du temps, à une atmosphère plus méditative, dans un glissement où la joie, petit à petit, se teintait de mélancolie. Du coin de son œil, la mage aperçut une haute silhouette – et constata, avec un très fin sourire, qu’elle n’était pas la seule à l’avoir vue. Attrapant de quoi boire, elle se dirigea vers l’autre garde marchéenne, et lui tendit son obole en disant simplement :

« Jus de groseille. Le meilleur, il paraît. Mais je ne suis pas spécialiste. »

Elle s’assit aux côtés de Leone. Bien que toutes deux Gardes de Rang, elles n’avaient jamais pris réellement le temps de sympathiser, à Starkhaven. Il est vrai qu’Andra préférait passer ses soirées en dehors de la Commanderie, et ne cherchait pas forcément la compagnie des autres gardes – surtout quand ils avaient la détestable habitude de prier un peu trop, avec leurs mélopées qui lui écorchaient les oreilles et la ramenaient irrémédiablement aux enfers andériens. Tout cela, cependant, n’avait guère d’importance, à présent. Elles avaient choisi de venir mourir ici, à Antiva. Et imperceptiblement, la mage se surprit à observer davantage le visage de l’autre femme, se demandant ses raisons. Elle aurait pensé que celle dont la dévotion envers Senaste frôlait le degré de fanatisme de Leto n’aurait jamais songé à quitter d'une semelle de la solide guerrière. Qu’est-ce qui avait donc motivé ce choix d’un destin tranché net par l’engeance, dans quelques heures ? Son regard revint sur la garde blonde, et un léger tressautement de sa lèvre arriva, bien qu’elle parvint à contenir de justesse le rire qui montait. Son contralto profond s’éleva, tandis qu’elle commentait :

« Si jamais la dernière nuit de ta vie doit ne pas se passer en solitaire … Il y a une personne intéressée, là-bas. »

Soupirante guignée d’un hochement de tête indicateur. Fut un temps, elle aurait ajouté un commentaire fort cru, ou commenté le fait qu’en cas de désistement, elle n’hésiterait pas à se porter bravement à l’assaut pour consoler la dédaignée. Les mots restèrent coincés dans sa gorge, et elle porta ses lèvres à sa choppe. L’envie avait fui au moment où elle avait choisi d’aller mourir.

En plus, la fille n’avait même pas les yeux gris.
Leone
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Peuple : Humaine
Âge : 42 ans
Origine : Orlaïs, noble
Occupation : Garde des Ombres
Localisation : Commanderie de la Garde des ombres, quartier du Sullenhall.
Crédits : Ambessa par Ladislas Gueros
Date d'inscription : 11/08/2021
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Autres personnages : Islan, Ori
Attributs : CC : 17 CT : 10 Mag : 2 End : 20 For : 17 Perc : 15 Ag : 16 Vol : 12 Ch : 10
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Le dernier jour du reste de ta vie


Aucune pensée dévote ne franchissait les limbes de son esprit englué, le banc rugueux crissait sous les poids des fessiers prostrés, Leone priait. Elle essayait d'appeler le regard clément du Créateur et son Avatar, mais aucune idée censée ne prenait racine en son cortex. Elle murmurait les précieux Cantiques connus par cœur dans une litanie infernale à laquelle elle ne voulait se dérober. C'était sa bouée, son ancre et son radeau face à la corruption, face au Mal qui courait dans ses veines, chaque jour un peu plus. La guerrière sentait comme jamais auparavant la souillure irriguer ses canaux et le poison grignoter son cœur. Leone ne se sentait plus légitime dans cette église, elle faisait partie de la marée destructrice dépêchée en Antiva.

L'orlesienne releva le front, incapable de continuer son récital, et laissa son regard parcourir l'océan de têtes venues se recueillir une dernière fois. Cela la déchira de l'intérieur, des orphelins grelottants, des êtres aimés déboussolés, des familles amputées. Voilà ce qu'était l'Enclin. Impuissante et désespérément vide de revendication, Leone se leva aussi discrètement que sa stature et son habit bleu lui permettait. Les visages fermés se détournaient, les bras faméliques tiraient sur sa cape comme s'ils tenaient pendant un instant entre leurs doigts les derniers bribes de leur espoir et Leone avait un mot pour ces âmes perdues d'avance.

Andrasté veille sur nous. Le Créateur nous protège. N'ayez crainte, Il nous regarde. L'impureté ne nous aura pas. Gardez foi.

Sa propre voix sonnait creux à ses oreilles. Leone savait tous ces visages perdus, ils rejoindraient bientôt leurs proches, ailleurs. Il n'avait fallu qu'une poignée de jours pour que la majeure partie d'Antiva ne tomba, qu'espéraient vraiment ces dévots, cachés derrière ces murs, à part la rédemption de leur âme ? La guerrière posa des mains amicales sur des épaules inconnues, adressa des regards déterminés aux nombreux cils humides et accepta avec humilité les paroles encourageantes qu'on lui chuchotait parfois. Alors qu’on les reniait, excluait ou au mieux ignorait, les Gardes des Ombres étaient devenus la dernière muraille des laissés pour compte de la ville. Trop pauvres, trop amochés, trop choqués ou juste… incapables de partir.

Jamais elle ne crut réussir à s’extirper de cet endroit et, pour la première fois, Leone se sentit soulagée de quitter le temple du Créateur. Le vide qui l’emplissait remettait en cause sa dévotion, elle se sentait abandonnée. Dans la rue silencieuse et désespérément vide, des cris joyeux détonnaient, la nouvelle du pillage d’une riche auberge à la cave bien remplie courait aussi vite que l’Enclin. Leone hésita, ruminer seule n’avait pas arrangé leur situation, accompagner ses confrères et consoeurs pour une dernière soirée n’aiderait en rien mais saurait peut-être l’emplir d’autre chose que du vide et du sang souillé. Elle franchit le perron et se laissa bercer par la bonne humeur contagieuse de la taverne. Les tonneaux roulaient et chacun s’y abreuvait jusqu’à n’en plus pouvoir, c’était autre chose que l’église et Leone s’y tenterait presque. La garde trouva un tabouret qu’elle s’appropria. A nouveau on la flanqua de quelques poings bourrus et verres levés au nom de la Garde des Ombres, elle y répondit avec déférence, comme l’exigeait son grade. Ses yeux dardèrent sur l’assemblée joyeuse, outre les fêtards, elle ne put manquer une tresse blonde qui se balançait, son cœur manqua un battement alors que sa tête comprenait qu’il ne pouvait s’agir d’elle. Son enquête trouva fin quand Andra l’apostropha, une chope du jus de groseille à la main.

« _ Je te remercie. Leone leva sa chope pour trinquer et goûter à la délicate boisson. Acidulée et légèrement épaisse, elle pouvait désormais affirmer que les antivans savaient y faire avec les breuvages, alcoolisées ou non. Alors, la vieille Dolores gardait une bonne binouze sous le coude ? s’enquit-elle en zieutant le contenu du bock d’Andra. »

Leone et Andra avaient pour seul point commun que d’être garde de rang, au delà de cet état de fait, elles divergeaient. La guerrière ne pouvait jamais totalement baisser sa garde en présence d’une mage et celle-ci semblait la trouver trop bigote. Par la force des choses, elles ne s’étaient jamais rapprochées et la tolérance nécessaire dans leur métier concluait en une cohabitation maladroite. Leone accepta sans broncher l’analyse de sa camarade et ne se gêna pas pour en faire autant, son demi-sourire et sa manière de se tenir révélait à Leone que la peur avait déserté, qu’elle ne sentait parfaitement à sa place ici, dans ces derniers instants. Qu’elle aurait aimé pouvoir en dire autant, se sentir en adéquation avec ce choix, en paix avec elle-même. L’immensité du trou qui la consumait lui hurlait le contraire, elle ne trouverait pas la paix avant de voir la mort.

Andra la tira de ses pensées lugubres, Leone suivit son regard qui se porta sur la jolie blonde. C’était ce qui la gênait chez Andra, trop directe, trop sûre d’elle sur des questions que Leone s’échinait à esquiver et à oublier. Cela n’avait pas empêché Andra de lui faire des avances, situation qui avait plongé Leone dans un réel inconfort. La nature d’Andra était ainsi et Leone se laissa chatouiller par la plaisanterie, cachant son malaise le nez dans le jus de fruit.

« _ Je… sa phrase mourut aussitôt dans sa gorge quand la femme se tourna dans un mouvement si familier que Leone se força à détourner le regard pour se concentrer sur Andra. Je ne peux pas ? c’était son seul et unique argument, si mince qu’il en était ridicule. Mais je ne te retiens pas, elle est sans doute de meilleure compagnie. Une femme dans son lit ou la compagnie coquille vide mélodramatique ? »

La taverne bruissait, partagée entre la ferveur d’une dernière soirée et les profondes réflexions qu’apportaient une mort prochaine. Certains chantaient à tue-tête, d’autres préféraient se balancer sur les pieds d’une chaise instable, une bouteille dans chaque main. Des petits groupes se constituaient, imaginant les soirées à venir, se remémorant les vestiges d’un passé déjà révolu. Leone se sentait vidée, de tout, même du sens de sa mission, l’attente serait longue jusqu’au lendemain, alors, autant se jeter à l’eau.

« _ Je crois que, maintenant, je regrette de ne lui avoir rien dit. c’était d’une banalité à tomber par terre et, au même moment, des musiciens se mirent à égayer l’ambiance, une douce mélopée aux accents colorés. Raaaaaah. C’est nul, hein ? Toi qui sais si bien y faire, tu dois vraiment me prendre pour la dernière des idiote. Leone pensa à cet instant qu’Andra avait raison, elle était bien trop coincée. »

Résumé : Leone voudrait prier mais n’y parvient pas, elle quitte l’église. La rumeur des meilleurs breuvages de la capitale circule et, ne voulant pas passer sa soirée seule, Leone se retrouve à la taverne. Harponnée par @Andra Valheim, elles entament une discussion. Celles que tout oppose se retrouvent à parler de sentiments amoureux dès les premières phrases. Et c’est triste, ok ??


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« Dans sa réserve. C’est le paiement pour mes soins, mais si j’ai une bonne descente, elle avait vu un peu large … »

Un instant, l’œil d’Andra se mit à pétiller, illuminant la partie intacte de son visage et rendant l’autre presque supportable, tandis que ses lèvres s’étiraient en un sourire doux. Demain, ils seraient tous morts, Dolores la première. L’image de la vieille femme serrant le portrait de jeunesse de son premier mari et tenant son épée dans l’autre, paralysée sur son lit et attendant la fin venir, revint flotter dans sa mémoire, et la mage reprit une gorgée de sa bière. En quelques jours, c’était comme si, à travers ces rencontres de fin d’un monde, toute sa vie avait défilé. Comme si chaque visage avait fait écho aux souvenirs de son existence, jusqu’à ce soir, antichambre des enfers. L’espace de quelques secondes, elle se plut à imaginer ce qu’il serait arrivé à toutes ces âmes rencontrées, si l’Enclin n’était pas survenu. L’image d’une Dolores toujours aussi bougonne, entourée de petits-enfants déjà grands, partant doucement dans son lit derrière sa taverne adorée, lui vint, et la douleur perça un nouveau poinçon dans son cœur. Bien sûr que, au fond, ce n’était qu’une question de jours, de mois en plus, peut-être une année ou deux. Mais … cette différence faisait tout, et séparait l’humanité de l’engeance. Son regard se posa sur la joyeuse assemblée, ces cadavres encore rieurs, alors que leur enterrement était programmé, ensevelis sous les ailes putréfiées d’Andoral. La certitude qui l’animait ne l’empêchait de sentir cette douleur pour ceux qui n’avaient pas choisi de venir mourir ici. La grande égalisatrice, comme elle l’appelait parfois avec ironie, avait toujours uni les vivants face à son œuvre. Elle transcendait les classes sociales, les différences de race, tout ce qui pouvait séparer les êtres pour les réunir face à l’inéluctable. A nouveau, son regard coula vers Leone, et elle sentit, presque physiquement, le poids qui paraissait peser sur les larges épaules de la guerrière, le vacillement discret de la conscience. Cela faisait peur la mort, quand on ne la connaissait pas aussi intimement qu’Andra. Parce qu’elle prenait son temps, et l’agonie d’Antiva était la leur, dans ces heures crépusculaires qui passaient si vite et si lentement.

Bientôt son œil alla de la jolie blonde à Leone, et marqua un temps d’arrêt sur cette dernière quand elle entendit sa réponse mourir dans sa gorge, et ses yeux s’arrêter sur la tresse qui se balançait. La mage ne dit rien, et attendit simplement. Et une vague de tendresse enfla dans sa gorge en entendant la réponse. Encore une fois, elle passa de la posture prostrée, à celle de l’attente inquiète, de l’autre côté, et eut l’impression que c’était tout l’origine du monde qui se jouait dans cette valse silencieuse dont elle se trouvait le témoin hasardeux. D’un côté, ceux qui espéraient, de l’autre, ceux qui ne parviendraient jamais à se hisser à la hauteur de ces espoirs. Ceux qui aimaient la vie à en crever, jusqu’à leur dernier souffle, la dernière minute, et ceux qui s’y accrochaient en tremblant, détournant le regard des secondes qui vacillaient, à la lueur flamboyante du coucher antivan. Et pour arbitrer ce jeu d’ombres, il y avait ceux qui y avaient déjà renoncé, et qui pourtant, regardait derrière leur épaule avec la douceur des vécus trop douloureux. Fut un temps … Fut un temps, elle se serait levée. Mais pas aujourd’hui. Parce que cette place, elle l’avait choisie. Et son contralto à la profondeur de velours eut une tessiture à la quiétude ourlée, tandis qu’elle déclarait simplement :

« Je suis à ma place ici. »

Oui. Elle était à sa place ici, à Antiva. De cela, elle ne doutait pas. Et même si ces derniers jours n’étaient qu’une litanie de soins futiles, elle l’avait fait. Jusqu’au bout, elle avait utilisé ses dons pour marcher sur cette voie qui était la sienne. Elle l’avait fait librement. Elle avait choisi ce moment. Pour une fois dans sa vie, elle était là où elle avait souhaité l’être. Et si elle pleurait, silencieusement, dans le secret de son cœur, c’était pour ceux qui n’avaient pas voulu, qui étaient emporté par un destin funeste.

Et surgirent les regrets, dans la voix de Leone, enveloppés par la jolie mélodie qui résonna dans l’endroit. Ils glissèrent, ces regrets, note après note, et Andra les accueillit dans son silence, léger sourire aux lèvres. Mentalement, elle ne put s’empêcher d’envoyer un doigt d’honneur à Hector accompagné d’un post scriptum « Je te l’avais bien dit ! ». Mais tenta de conserver une expression aussi neutre que possible – ce qui avait toujours été facilité par la pesanteur de la partie gauche de son visage. Curieusement, elle sentit un pincement discret lui étreindre le myocarde, et cette maudite chambre au troisième étage du Laurier lui revint en mémoire. Elle dériva au gré de sa propre histoire, se souvint des « je t’aime » adolescents murmurés, dans l’étuve calfeutrée du Cercle, des « je t’aime » adultes, douloureux, soufflés avant de partir. Elle se souvint de toutes les fois où les mots si simples, si terribles, si emplis de tant de promesses et de maladresses lui avaient brûlé les lèvres. De tous ces moments où elle avait senti son cœur crépiter au contact d’une peau aimée, de doigts entrelacés, d’un regard appuyé. Elle se souvint des yeux de Mallory qui l’observaient de cette expression étrange, qui annonçait ce qui n’osait se dire. De son propre œil qui s’était détourné, lâche, honteux, incapable de penser qu’elle méritait cette affection, qu’elle devait même l’encourager. Elle revit les doigts sur sa joue, les lèvres approchées, et la confession, avant de l’embrasser. Le fantôme du baiser lui caressa la bouche, au milieu d’Antiva. Elle se perdit vers Hasmal, vers le regard tout aussi appuyé de Nyree, et eut envie de secouer l’Andra qui avait pratiquement dix ans de moins. Idiote, incapable de saisir le bonheur à portée de mains, torturée par ses échecs, par cette impression tenace que personne ne pourrait jamais lui offrir ce que, peut-être, elle n’osait vouloir. L’empreinte d’une main contre la sienne, de cet effleurement, s’empara de ses doigts, dans la tiédeur antivane. Romance sans parole, romance qui ne se disait pas, parce que c’était si difficile, d’admettre que, dans ce monde, on pouvait avoir plus, rêver de plus. C’était si bête, et si triste, et si douloureusement beau, les gens qui s’aiment, que parfois, on s’écartait, par pudeur et par respect, préférant se perdre dans la lie, qui était si facile.

« Ce n’est pas idiot. »

L’aveu vint, avec l’aisance des dernières heures d’une vie. Parce qu’il n’y avait rien, au bout du chemin, Andra décida d’être franche, de cette honnêteté tendre que peu avaient vu, solidement cachée sous la carapace de cicatrices et d’aplomb, derrière le masque grotesque et la morgue tour à tour vulgaire et intellectuelle.

« Faire comprendre à une personne qu’elle nous plaît, lui dire des mots doux et l’emmener avec soi le soir … Ce n’est pas dur.

Ce qui l’est, c’est de dire ce qu’on ressent. Parce que … le dire, c’est admettre qu’il y a quelqu’un, peut-être, qui nous rend vulnérable. C’est lui faire voir … la plus intime de nos failles. C’est lui donner … un pouvoir terrible, que d’avouer qu’elle peut, en quelques mots, nous rendre heureux ou malheureux. »


Un silence.

« Et tu lui aurais dit quoi, si tu avais pu ? »
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Leone accepta la réponse d’Andra sans la questionner au sujet des soins prodigués à cette Dolores. La guerrière ne saurait jamais ce qu’il s’était passé entre ces deux-là, et c’était pour le mieux. Certains mystères valaient mieux à ne pas être dévoilés et à en voir l'œil ému de sa consoeur, les souvenirs étaient trop frais pour être remués. Andra les emporteraient avec elle, dans sa tombe. Leone ne verrait jamais cette curiosité satisfaite et cela n’avait plus d’importance. Chaque parole pesait, les mots étaient choisis avec soin, ces dernières phrases seraient ce qu’il resteraient d’elles. Leone espérait plutôt le parfait anonymat de sa mort, que cette discussion ne s’ébruite pas et que personne jamais n’en sache rien et ne retienne que les grandes lignes du sacrifice des Gardes des Ombres.

L’imposante Orlésienne s’attendait à voir Andra lui fausser compagnie, après tout, cette très belle personne blonde devait aussi espérer une soirée mémorable avant la fin du monde. La mage était donc libre de partir, Leone ne la retiendrait pas. A sa surprise, Andra jugea que sa place était ici, était-ce ici, à cette table ? Ou là, en Ativa, dans le couloir de la mort ?
Leone sentit qu’elle avait besoin de mettre des mots sur des choses qu’elle n’avait jamais osé exprimer à voix haute. S’il existait bien un moment pour ne pas avoir de regrets, c’était maintenant. A sa surprise, Andra accueillit ses révélations avec une certaine douceur, même une mélancolie qui troubla son regard.
Depuis Emile et ce mariage arrangé, Leone ne s’était plus engagée, elle fuyait les relations stables, préférant les étreintes sans lendemain, pensant ainsi éviter les soucis. Jamais cela ne l’avait perturbée jusqu’à ce jour, où, elle regrettait. Avait-elle vraiment vécu jusqu’à aujourd’hui ? Qu’avait-elle raté en ne laissant aucune chance à Copper et elle ? En fuyant face aux avances de la mystérieuse Tévintide ? A partir de quel instant s’était-elle persuadée que tout cela lui était interdit ? Et elle était là, perdue, face à tout ce qu’elle n’avait pas dit. En ayant peur d’être jugée par Andra, bien meilleure qu’elle à ce sujet. Ce poids s'effaça quand elle lui répondit, ce n’était pas idiot. Leone n’était pas plus nulle ou moins bonne, elle avançait depuis toujours comme elle le pouvait. Les larmes lui montèrent aux yeux tant elle se sentait désarmée face aux paroles si justes qui touchaient un point enfoui depuis trop longtemps. Un nœud solide se créa dans sa gorge, qu’aurait-elle bien pu lui dire ?

Alors qu’elle cogitait sur ces dernières phrases, Leone senti ce besoin d’occuper ses mains. Elle fouilla la poche intérieur de sa cape et en sortit une dizaine de dés qu’elle fit tourner entre ses phalanges. Elle testa leur fiabilité en les lançant plusieurs fois sur la table de bois massif. Son attention focalisée sur ces morceaux cubiques, elle parvint à formaliser ses pensées par des mots.

« _ Sans doute des choses simples. Que je tiens à elle. Que je ne veux pas la voir disparaître. Que j’aime la voir sourire… ce qui n’arrive plus beaucoup. Des trucs comme ça, dit en moins bien. »

Leone soupira en haussant les épaules, tout cela était bien vain, mais cela ne l’empêchait pas de se sentir plus légère d’y poser certaines phrases. Elle attrapa les dés et les tendit à Andra. C’était un jeu vieux comme le monde, trois lancers de dés, plus la prise de risque était grande, plus les points étaient nombreux.

« _ Qu’est-ce qu’on pourrait parier ? »
Que restait-il à parier ?

Résumé : Leone est rassurée par @Andra Valheim, elle se confie et propose un jeu de dés.


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En silence, Andra laissa à Leone le temps de digérer leur discussion, et ses émotions, détournant poliment les yeux quand elle vit quelques larmes perler au coin des paupières de l’autre Garde de Rang. Elle sirota un instant son verre, et son regard balaya une nouvelle fois l’assemblée, se laissant bercer par l’activité observée, ressentie, vécue, une ultime fois. A présent, quelques couples formés tout à trac dansaient au son d’un lutrin trouvé elle ne savait trop où, pendant que d’autres donnaient de la voix. L’ensemble était un cauchemar musical, mais elle se laissa porter néanmoins, comme si, au-delà des accords désaccordés, une pulsion intense battait dans l’instrument, dans les cordes vocales fatiguées, et qu’il y brillait une dernière once de vie. Soudainement, la mélodie eut l’air jolie, et elle se plut à s’imaginer en d’autres lieux, son esprit émaillé des souvenirs de nombreuses tavernes, leg de ces années dans la Garde des Ombres. Et la pensée lui vint, douce et mélancolique, qu’en dépit de tout ce qu’elle lui reprochait, il était impensable de nier que la Garde lui avait offert les plus belles années de sa vie. Malgré les sacrifices, la souffrance, l’hypocrisie de ses dirigeants … Il restait toujours cette liberté achetée dans le sang de l’engeance et dans le sien, et la possibilité d’enfin mener un semblant d’existence une fois le devoir accompli sans craindre l’épée templière. Difficile de se figurer, pour le commun des mortels, ce que c’était, que de ne pas pouvoir se déplacer à sa guise, ou si peu. D’être sans cesse entouré, même de loin. D’avoir ses choix les plus intimes surveillés, remis en question. Parallèlement, bien entendu, seule son enfance pouvait se figurer la douleur de la faim et de la misère, celle du poids des coutumes locales … Encore que. On mangeait à sa faim au Cercle. Mais il y avait toujours des différences entre les biens-nés et les autres. En vérité, seuls ces derniers ne les voyaient pas, ou bien avec la hauteur que marquait leur naissance. Néanmoins, elles étaient moins immédiatement dommageables que dans la fange de la campagne ou l’ordure de la ville. Alors oui, elle avait fini par trouver sa place au Cercle, y avait même vécu correctement, s’y était faite. Elle y avait obtenu une éducation, découvert un monde très éloigné du sien. Cela n’enlevait pas la dépossession de soi qui en avait été la résultante, ni la sensation d’émerveillement mêlée de submersion quand elle avait pu vivre pleinement au-dehors. Et, au milieu de cette kyrielle de sentiments lorsque la réalisation avait été pleine et entière, il y avait eu celle de vivre des amours différentes, en dehors des autres mages du Cercle.

Sa sensualité vorace n’avait empêché ni les plaisirs passagers, ni les belles passions, encore moins les grandes histoires. Au soir de sa vie, en Antiva, elle pouvait admettre avoir bien vécu. Et peut-être, peut-être qu’il y avait un dernier regret, dans sa gorge, semblable à celui de Leone, mais la somme de son existence lui parut néanmoins … acceptable. En tout cas, elle avait, avec les cartes qui lui avaient été distribuées à la naissance, tenté de construire sa vie. Rien n’effacerait la haine et la rancœur, les cicatrices et les cauchemars. Mais rien ne lui enlèverait les soupirs et les caresses, les baisers et les soleils couchants à observer simplement, en sentant la brise du soir et la paix curieuse ressentie devant ce spectacle simple, à se sentir simplement libre, à se sentir vivant dans toute cette complexité humaine.

Pourquoi est-ce que la vie semblait si douce, quand elle s’apprêtait à mourir dans la violence ?

Le silence fut troublé par la voix de Leone qui s’éleva, exprimant ce qu’elle aurait aimé dire, expliquant ce qu’eut été son tribut à la vie, en d’autres circonstances. Et Andra y trouva, là encore, de la tendresse, dans ces jolis mots qu’elle avait pu prononcer, en d’autres lieux, en d’autres temps, à d’autres femmes. Elle se revit, quelques jours plus tôt, près de Dolores, constater avec délicatesse et amertume le pouvoir des sourires – et la douleur de les voir s’effacer, ou de constater qu’ils n’étaient pas aussi entiers qu’on l’aurait voulu, pas aussi entiers qu’un cœur gonflé de sentiments qui s’évacuaient sur les lèvres et, parfois, n’étaient pas entièrement rendus par l’objet de tels élans. Oui, il fallait se méfier du pouvoir des sourires, de leur ivresse … Et pourtant, il fallait les chérir, pour ceux qui naissaient naturellement en les voyant. Pour le crépitement dans la poitrine qui surgissait, au creux d’une lèvre ondulée. Il n’y avait peut-être pas besoin de davantage, pour ressentir la joie d’une présence. Ce qu’elle finit par déclarer, un sourire doux balafrant son visage marqué :

« Les choses simples sont les plus jolies … Même dites en bégayant, et avec l’hésitation des sourires discrets qui n’osent pas tout s’avouer. »

Les dés roulèrent en face d’elles, et Andra se demanda avec un humour sombre si elles devaient parier qui mourrait en premier. Si elle avait été superstitieuse, elle aurait cherché dans le résultat un indicateur des minutes de sa survie future, sur les remparts d’Antiva. Elle chassa la pensée morbide et observa les petits objets, et répondit avec assurance, comme pour conjurer le sort :

« Si je gagne, tu survis, et tu vas lui dire tout ça. C’est simple, non ? »

Et inutile. Mais c’était amusant, et un peu de légèreté éclairait la lourdeur de cette dernière soirée avant la fin comme un fanal dans une lande pétrie d’un brouillard âcre – comme celui, putride et violacé, qui étendait son ombre sur l’entièreté d’Antiva.
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La simplicité est jolie, se répéta-t-elle intérieurement. Elle se remémora toutes ces fois où elle avait laissé planer l'ambiguïté, où le flou avait dominé sa relation, où les mots étaient rares et alambiqués. Elle ne pouvait en vouloir à la jeune Leone, le Grand Jeu Orlésien l'avait forgé ainsi. Elle avait baigné dans cette classe sociale où les masques règnent en maîtres, toute sa jeunesse. Aujourd’hui, elle comprenait trop tard que tout cela était vain. Leone sortit donc son set de dés taillés dans un joli bois lesté et proposa à Andra de parier quelque chose. Une ombre passa sur son visage avant qu’elle ne propose qu’en cas de victoire, Leone devrait se lancer et révéler à Senaste la vraie nature de ses sentiments. Le sourire de Leone s’étira, cela semblait juste.

« _ C’est une évidence, désormais. Elle avait bien conscience qu’il était utopique d’imaginer survivre à la journée qui s’annonçait mais la sensation était douce et rassurante, une part de Leone s’y accrochait avec conviction. Et si je gagne, tu seras là pour que je puisse te raconter comment cette déclaration s’est déroulée. Marché conclu ? Leone tendit sa main pour sceller ce pacte qui ne s’exaucerait jamais. »

Leone attrapa les six dés et les lança une première fois, le résultat n’était pas à la hauteur de ses espérances, elle grogna et laissa un cinq et un quatre en place. Le second lancé lui offrit deux autres quatre. Leone hésita, relancer son cinq augmenterait ses chances d’avoir un carré de quatre. Elle observa un instant Andra et décida qu’elle était joueuse, elle laissa le cinq en place et lança une dernière fois les dés, ils roulèrent et terminèrent sur deux faces qu’elle n’attendait pas, un un et un deux. Leone tapa du poing sur la table.

« _ C’est un fort beau lancé à… zéro point. Leone souffla par le nez, partagée entre l’hilarité et la frustration. »

Leone mit le nez dans sa chope et vida le fond de jus qu’il restait. Elle leva avec précipitation son récipient pour demander une nouvelle tournée, un serveur improvisé lui remplit son boc d’un geste incertain et proposa la même chose à Andra.

« _ A ton tour. déclara Leone en déposant brusquement les dés devant l’autre Garde de Rang. »

Alors qu’Andra se prêtait au jeu du lancé de dés, les pensées de Leone n’arrivaient guère à se focaliser sur l’instant présent. Toujours, elles revenaient vers le passé, explorant ses choix, ses décisions et ses erreurs, toujours, son cerveau cherchait à décrypter tous ses échecs et ses victoires. Et, toujours, elle revenait sur le plus mordant de ses échecs, Celeste. Fille mise au monde pour l’abandonner, Leone n’avait jamais perdu espoir de la retrouver mais, ce soir, il était définitivement trop tard. En cela, cela lui tordait les boyaux, bien pire que son amour secret. Leone avait échoué dans la quête la plus importante de sa vie, celle qu’elle s’était jurée de résoudre. Leone ne pourrait jamais serrer sa fille dans ses bras, lui annoncer qu’elle était sa mère, la réconforter, recevoir ses foudres, l’aimer. Mieux valait désormais que Celeste ne connaisse jamais son existence, ce secret s’éteindrait avec elle, puis, serait enterré avec Copper et Amadis. Revenant brusquement à la mage, Leone lâcha :

« _ On a beaucoup parlé de moi, et toi, mystérieuse Andra, restera-t-il des regrets dans ta vie ? La question était brute, Leone voulait autant tourner ses réflexions vers d’autres horizons que se rassurer sur le fait qu’elle n’était pas la seule à avoir merdé avant sa mort. »

Résumé : Leone promet à @Andra Valheim de révéler la nature de ses sentiments à Senaste et lui propose, qu’en cas de victoire aux dés, elles se retrouvent pour en discuter après. Leone joue aux dés et perd, c’est au tour d’Andra. Elle repense à Celeste et à quel point elle a échoué.


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« Leone, dans ce cas-là, je préparerai votre premier rendez-vous avec beaucoup d’enthousiasme. »

Un sourire taquin éclaira le visage anguleux d’Andra, tandis que ses longs doigts osseux se refermaient autour de la pogne de l’autre Garde de Rang et qu’elle lui serrait la main avec vigueur. Elle imagina un bref instant la Commanderie tout entière planquée derrière la porte de Senaste à lorgner sur la conversation qui aurait lieu, puis la compagnie s’ébranler quelques jours plus tard pour les suivre sans aucune discrétion dans les rues de Starkhaven. Elle était à peu près sûre qu’Hector suggérerait la pire taverne possible, que Saam ne comprendrait pas ce dont il retournait et proposerait une après-midi à la bibliothèque, qu’il faudrait ceinturer Anja pour l’empêcher de chanter une ballade romantique à chaque pas, que Drynne se planquerait derrière un griffon … et elle-même récolterait les paris sur le déroulé de la journée. Un instant, tous les visages de la Commanderie défilèrent, et elle continua à imaginer leurs réactions, et une bouffée de mélancolie et d’affection mêlées la traversèrent, même pour ceux qui lui étaient relativement indifférents. Après tout, ils avaient évolué côte à côte durant de longs mois, et au-delà, ils partageaient le même destin maudit. Combien étaient venus mourir à Antiva ? Combien étaient partis mourir plus tard à Starkhaven ? Parce qu’in fine, mourir ici ou ailleurs, cela avait-il de l’importance ? Ils étaient tous mortels … mais les Gardes des Ombres connaissaient quelle serait leur fin, si la lame de l’engeance ne les prenait pas avant que la souillure n’achève de les dévorer. Oui, ils étaient tous mortels, mais certains plus que d’autres. Les dés dans la main de Leone roulèrent, et la mage songea que ceux de leurs existences achèveraient bientôt leur course pour enfin se renverser sur une face vide, celle de leur fin.

« Je crois que l’univers essaye de te dire quelque chose … »

Son sourire se fit plus large encore. Elle n’aurait guère de mal à aller au-delà d’un tel score, même sans tricher. Et pour le coup, laisser faire le destin était bien plus intéressant que de le provoquer – surtout qu’elle était plus douée pour tricher aux cartes qu’aux dés. Une nouvelle pinte devant elle, Andra récupéra les dés mis devant elle et les soupesa. Elle songea à leur pari. Un autre lui vint en tête, et elle laissa les dés rouler d’une poussée de sa main. Elle les observa tourner doucement, et rêva à d’autres lieux, aux tripots qui avaient hanté sa vie après sa sortie du Cercle, à l’atmosphère enfumée et l’odeur rance qui y régnait, aux sourires carnassiers ou aux mines amères, aux fripouilles qui s’y entassaient, aux filles qui les aguichaient. Elle se souvint des frissons du jeu, de l’ivresse d’être en danger, peut-être aussi, alors que les murs de sa tour lui étaient lointains. La sensation d’être vivante la suffoqua, tandis que le soleil décroissait sur Antiva, et que la mort approchait avec voracité. Mais l’air entrait et sortait encore de ses poumons, et les souvenirs d’antan affluaient, alors que leur sort se jouait. Un lancer, deux, et le dernier. Et la main gagnante s’afficha devant elles. Elle n'eut pas le temps de commenter néanmoins, puisque Leone lui posa brusquement une question. Son œil se posa sur les dés.

Non, pas de regrets. Andra avait bien vécu. Elle avait fait au mieux. Bien sûr, elle pourrait dire qu’il y en avait. Mais, qu’étaient des regrets ? Etaient-ce des événements provoqués et échoués, ou tout simplement ce qu’elle aurait aimé changer ? Et même dans ce cas … L’interrogation âcre, qui était si souvent venue dans son esprit, vint soudainement : regrettait-elle d’être née mage ? Oui. Non. Elle en regrettait les conséquences. Comment cela aurait-il pu être autrement ? Ce n’était pas la magie qui avait brisé son existence, mais la haine de cette dernière, remâchée depuis des siècles à des ignares craintifs. Mais … si elle n’avait pas été mage, elle n’aurait pas vu tous les siens, toute sa vie jusqu’à présent se retourner contre elle. Elle n’aurait pas … La cavité vide à sa gauche la démangea, et elle porta sa main à son visage, avant de la rabattre sur sa joue, comme pour en chasser une poussière. Si elle n’avait pas été mage … Elle fit défiler toute son existence devant elle. Non, car tout aurait été différent. Quelques visages aimés vinrent à son esprit. Aurait-elle pu les rencontrer, ces belles qui avaient alimentés ses désirs les plus fous et ses regrets les plus amers ? Non. Et elles, les regrettaient-elles ? Elle songea aux doigts qui se frôlaient au Cercle, et aux rougissements – chassa l’amertume de la trahison qui lui emprisonna aussitôt le cœur – puis aux soupirs en dehors du Cercle, aux baisers d’Hasmal, et aux danses du Nevarra, dans ces costumes masculins qui lui allaient si bien. La voix de Mallory résonna : « Si tu savais comme je regrette. » Pas autant que moi, avait murmuré Andra. Pas autant que moi. Regrets de ce qui aurait pu être et avait été fracassé par la vie, le devoir, les autres, elles-mêmes. Regrets idiots, car il était impossible de changer ce sur quoi on n’avait pas de prise. Regrets amers, de vies qui s’étaient brisées, après s’être si violemment, si délicieusement percutées. Elle songea aux amitiés balayées par les errements de son existence, par celles qui avaient été arrachées par des choix hasardeux, une foi absurde ou la lame de l’engeance. Parmi cette foule de fantômes, elle se sentit dévorée, tourmentée par la somme de ses échecs, et pourtant en paix avec cette dernière. Parce qu’elle avait essayé. Parce qu’elle avait vécu. Parce qu’elle n’avait jamais entièrement renoncé, malgré la détestation qui la rongeait, en dépit de la colère qui la brûlait. Elle était demeurée fidèle aux valeurs qu’elle s’était peu à peu forgée. Elle n’avait pas renoncé à son humanité, et cela l’avait sauvée des griffes de ses démons – de tous ses démons, qu’ils soient réels ou non. Elle avait aimé, détesté, pleuré, adoré. N’était-ce pas suffisant ?

Oui. Non. Oui, car elle n’avait plus le choix. Car elle avait fait ce choix. Cela n’empêchait pas de songer à ces dernières semaines, aux ombres de bonheur qui, subrepticement, s’étaient glissées ça et là. Cette fois, ce fut sa main qui la démangea, et le souvenir d’une autre peau contre la sienne. Cette fois, ce fut sa joue qui la démangea, et le souvenir de ses doigts contre elle. Cette fois, ce fut son cœur qui la démangea, et le souvenir d’une autre âme contre la sienne, à portée de baiser. Est-ce que … ? La bague dans sa poche brûla. Elle repensa à Jorg et Bennett, à cette même question. Elle repensa à tous ces jours à Antiva, à ces interrogations, à ces certitudes. A ce qu’elle n’avait pas pu dire, à ce qu’elle avait gravé contre le métal. Est-ce que … ? Oui. Oui.

« Pas de regrets. »

Vérité.

« Mais des peut-être. »

Vérité.

« Je ne regrette pas ce que je ne pourrai pas changer. Et je ne regrette pas ce qui prouve que j’ai vécu, même si les cicatrices, si elles ne sont pas visibles, n’en sont pas moins douloureuses. »

Vérité.

« Je ne regrette pas mes mauvais choix. Et je suis fière des bons. Je vis avec ce qui est fait, et je suis fière de ce que j’ai accompli en dépit du reste. »

Vérité.

« En mourant, je pourrai me dire que j’ai été meilleure que ceux qui m’ont haie. Je pourrai me dire … qu’à défaut d’avoir été belle, j’ai eu une belle vie.

Qu’à défaut de vivre comme j’aurai pu l’entendre, j’ai aimé les plus belles. »


Vérité.

« Et mon dernier peut-être … Il aurait sans doute été beau. Peut-être, justement. Je ne le saurai jamais, mais je peux l’imaginer.

C’est sans doute pour le mieux. »


Mensonge.
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Leone imagina alors les bruissements de la commanderie, ou comment la rumeur se répandrait comme une traînée de poudre, habilement disséminée par Andra. Elle se laissa aller à cette rêvasserie chaleureuse, voyant déjà ses camarades lâcher leur masque pour goûter de la légèreté du moment. Car ça ne serait pas cela qu'on retiendrait d'elles et eux. On oublierait bien vite les amourettes pourtant passionnées, les étreintes échauffées, on ne se rememorerait que leur devoir, leur sacrifice pour la cause. Pourtant, on retrouverait des bribes de lettres, se souviendrait de quelques phrases paillardes touchant du doigt les sentiments éclos. Seule une poignée saurait, et cet anonymat seyait bien à Leone. Le nuage d'imagination s'évapora, laissant une traînée doucereuse et un arrière goût d'inachevé. Elle en laissait, des points de suspension d'une vie inachevée, déracinée trop tôt.

Les dès s'entêtèrent à lui faire passer un message que la Garde Acolyte ne manqua pas de souligner, étirant ses lèvres dans un sourire amusé. Zéro. Le néant, la fin, le rien. Leone se trouva absorbée et déboussolée par ce résultat si malchanceux, peut-être troquetait-elle cette défaite contre une victoire face à l'Engeance.
« _ L'univers est décidément vicieux. m'augrea-t-elle en guise de réponse, clôturant ainsi cette malchance outrageuse. »

Ce pari lui convenait alors qu'elle regardait les lancés de sa camarade, meilleurs, suffisants pour être gagnants mais pas insolemment chanceux, et que lui traversait l'idée de la questionner un peu plus, sur elle, ses regrets, son passé et cette fin de vie.
A peine la question échappée de ses lèvres qu'elle regretta, voyant l'œil devenir tantôt soucieux, tantôt froncé. Elle ne l'interrogerait pas plus en avant mais choisit de respecter ce moment d'introspection. Leone revint à son verre et se désaltéra en profitant de la musique comme toile de fond. Cela serait bientôt un tout autre chant qui résonnerait à ses tympans. Un optimisme illusoire tapit ses pensées, si le Créateur jugeait qu'elle avait expié ses péchés, la survie était presque une option envisageable. Elle ne savait se décider entre le réconfort de cette idée ou la profonde angoisse dans laquelle cela la plongeait. Survivre, c'était entreprendre de véritables recherches pour retrouver Celeste, c'était le véritable affrontement face à ses fantômes, un combat tout autre. Rendre les armes face aux visages familiers, faire amende honorable et être déçue, sans doute. Mourir est plus simple, jugea-t-elle au moment où Andra s'exprima finalement.

Ces peut-être, Leone les partageaient dans tous les non-dits de son existence. La culpabilité monta au creux de son cœur au fur et à mesure de l'énoncé de la mage. Ses choix, elle les jugeait erronés mais vivait avec, cherchant sa rédemption auprès du Créateur et se cachant derrière le bel étendard du griffon de la garde. La lucidité d'Andra lui semblait utopique et Leone restait persuadée que la fierté de ses décisions lui était interdit. Car on n'abandonnait pas la chair de sa chair. La liste des êtres l'ayant haïe défila, de celle et ceux qu'elle a déçue, celle et ceux qu'elle a laissé derrière elle sans se retourner, jusqu'aux inconnu.e.s déjà mort.e.s qui attendent vengeance auprès du Créateur. Non, elle ne pouvait pas se targuer d'une meilleure conduite que celles et ceux qui avaient croisé son chemin et cela lui fit plisser le front. Quant aux amants, eh bien, elle pouvait estimer avoir été fidèle, jusqu'à la trahison de son propre corps. Et jusqu'à ce que l'un d'eux préfèra sans doute la savoir morte. Copper. Son poing se serra contre sa cuisse.

Andra parvenait à tirer tant d'éléments positifs de sa vie, à côté, Leone culpabilisait d'avoir simplement existé. De n'avoir été là que pour décevoir.
Sa mort serait son ultime fuite. Ainsi, elle ne decevrait plus.

La garde acolyte se tut et ses paroles hantèrent l'atmosphère. Leone déglutit, Andra avait été douce et soutenante, on attendait d'elle quelques réciprocités. La guerrière récupéra les cubes de bois et en fit tourner un entre le pouce et l'index, comme fascinée par les aspérités creusées pour former des points correspondant à des chiffres.

« _ Ce dernier sera beau. Andra méritait de le vivre, d'en profiter et de connaître le bonheur. Le Créateur serait parcimonieux. Ta place n'est pas encore à Ses Côtés. assura-t-elle brusquement et tant pis si elle ne voulait pas la croire. Elle prirait au moins pour son âme, la sienne était damnée. Tu peux être fière et t'assurer dès à présent de porter cette fierté jusqu'à l'Appel. C'était leur destin le plus enviable de par leur sang souillé. »

Le temps filait mais personne ne semblait vouloir fermer l'œil, il s'agissait de profiter, quoi qu'il leur en coûta plus tard.
Une rumeur traversa l'auberge, les Engeances n'étaient plus qu'à cinq lieues, elles engloutiraient bientôt les remparts, Bastion et cette taverne. Des yeux dardèrent dans leur direction, il leur restait du temps, n'est-ce pas ? Face à cette fatalité, Leone avait l'impression que ces minutes pouvaient encore s'étirer comme des heures entières. Elle saisit la main d'Andra, fixant son œil.

« _ Il est bientôt l'heure. Mais son corps refusait de bouger tout de suite, elle voulait encore et encore goûter tout ça, la simplicité, la vie. Son échine fut parcouru d'un frisson et une barrière céda. Une larme perla au creux de son œil.J'ai été heureuse de partager ce moment avec toi. Et les larmes ruisselèrent sur ses joues. »

Résumé : Leone passe par tout un tas d'émotions, du petit nuage rassurant à la profonde culpabilité. Elle essaye d'avoir des mots sympathiques pour @Andra Valheim avant d'être interrompue par l'annonce de l'approche des Engeances. Elle font en larmes.


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Attablées à attendre la fin venir, Andra aurait pu en convenir avec aisance : oui, l’univers était vicieux. Mais tandis que son œil se portait sur Leone, elle eut, avec cette amertume de mage fatiguée par le rejet des autres, envie de répondre que l’univers était aussi laid que ceux qui l’habitaient. Parce que ses regrets, ou plutôt ses échecs, n’avaient jamais été que la somme de la laideur de ce monde qui ne voulait pas d’elle, et qui corrompait de ses mains noires tout ce qui aurait pu être beau. Se rendaient-ils compte, tous ceux qui invoquaient leur Créateur avec un sourire aux lèvres, de ce qui était fait pour plaire à ce nom qui ne lui évoquait rien d’autre que du dégoût ? Savaient-ils que leurs prières servaient à briser les âmes qui étaient marquées d’un don qui aurait pu être grand, utile, ou tout simplement splendide dans ses créations esthétiques ? Avaient-ils conscience que leurs invocations étaient les fers aux pieds de tant de malheureux ? Elle pouvait en dire autant pour bien des douleurs. A ceux qui choisissaient de répondre à la haine par l’ignominie du contrôle de l’autre, que dire, hormis qu’ils donnaient raison à ceux qui les détestaient, et que l’horreur ne pardonnerait jamais, pour autant, au massacre de la liberté des autres pour obtenir la sienne. Être en paix ne signifiait pas l’oubli et le pardon. Cela faisait bien longtemps que la mage avait renoncé au premier, et avait admis être incapable du second. Pourquoi, alors, s’entêter à demeurer sur ce chemin de crête qu’elle tentait de tracer avec sa seule volonté ? Pourquoi, finalement, partir ainsi ? Parce qu’elle avait le choix. Parce qu’elle voulait prouver – ultime orgueil ? – que les mages et les non-croyants étaient eux aussi capables de songer au bien commun, et que la vertu ne dépendait ni des talents de naissance, ni de la dévotion. Parce que, aussi, le vertige de l’existence la saisissait, encore et encore, et que la mort la hantait trop.
Le silence se fit, et l’œil observait toujours la guerrière. Une amertume brûlante la saisit en entendant ses paroles de réconfort. Ironique, que celle qui, manifestement, avait si peur de mourir, assure à celle qui y consentait entièrement que son heure n’était pas encore venue. Doublement ironique, d’assurer à une mage sa place aux côtés du Créateur. Un bref instant, Andra sentit la bile remonter à ses lèvres, mais se contint. A la place, son regard perçant fixa Leone, comme si elle cherchait à transpercer son corps pour trouver son âme.

« Ma place n’a jamais été à Ses côtés. »

Parce qu’elle n’en avait aucune envie. Parce qu’elle rejetait l’être dont la doctrine la damnait.

« Mais j’ai toujours essayé d’être fière de ce que je suis, et cela ne devrait pas changer. »

Une pause se fit, et la mage étira ses lèvres en un sourire sardonique, avant de lâcher :

« On ne m’a pas laissé le choix. »

Garder la tête haute, ou mourir. Baisser le regard, ou continuer à marcher. Il avait bien fallu apprendre à supporter les yeux fuyants et les murmures dégoûtés. Et en apprenant à accepter ce qu’elle était devenue, elle avait appris à être fière de ce qu’elle était. Puisque la magie avait irrémédiablement marbré son être entier parce qu’elle avait le malheur d’exister, elle devrait la porter en étendard, au vu et au su de tous. Et ainsi, elle pouvait regarder les démons qui peuplaient ses rêves sereinement. Leurs murmures n’auraient pas d’emprise, parce que ce qu’ils chuchotaient n’avait pas d’importance. Leur jugement était comme celui des autres : inconséquent. Oui, elle avait dû être fière, pour survivre. Personne ne le lui enlèverait. Et elle n’avait besoin d’aucune récompense, et d’aucun être supérieur, pour s’en assurer. Elle vivrait pour elle-même, jusqu’à son dernier souffle. Et si ce devait être en l’offrant pour les autres, advienne que pourra, pourvu que ce soit son choix. Le reste n’avait pas d’importance.

Leone ne voulait pas mourir. Andra le sentait, dans le frisson face à l’ultime annonce, dans ses doigts qui empoignaient les siens, dans les larmes qui perlèrent. Elle ne retira pas sa main, la serrant doucement contre elle, et répondit avec douceur à l’ultime assertion :

« Moi aussi, Leone. »

Son autre main vint effleurer l’une des joues de l’autre femme, et elle entreprit d’en chasser les larmes, tendrement. Et quand ce fut fait, elle se rapprocha, et déposa un baiser délicat sur la joue encore un rien humide : geste doux d’humanité, grotesque chez une femme comme Andra, dont la chasteté amicale paraissait déplacée chez la séductrice grossière qu’elle avait si souvent été. Point de cela, néanmoins : juste une dernière gentillesse, et peut-être ce qui serait l’ultime chaleur humaine avant la fin. Finalement, la mage se détacha, et reprit son expression habituelle, sobre et mesurée, tandis qu’elle déclarait finalement :

« Tu devrais partir rejoindre Turab. »

Et avoir une chance de survivre.

« Je vais rester aux remparts. »

Et mourir.

« Mais toi, tu es vivante, Leone. Et tu as quelqu’un qui t’attend. »

Moi non plus.

Moi aussi.


L’aube s’avançait, et l’odeur de pourriture emplissait le ciel d’un mauve nauséeux. Andra balaya d’un regard les visages fatigués, déterminés ou hagards. Elle observa les prières muettes, les dernières lampées d’alcool avalées, les étreintes furtives et les baisers désespérés. Elle sentit la peur et la résolution. Elle entendit Antiva respirer, lourdement, et ce râle maladif s’étendit sur toute la ville condamnée, expirant par les bouches de ses habitants captifs, comme le long chœur d’agonie de mille voix suppliciées. Elle se sentit à sa place. Son œil, à nouveau, se posa sur Leone.

Toi non plus.

On s’armait, on s’étreignait.

Toi aussi.

La mage déplia enfin sa haute stature, et avec un dernier sourire de défi, reprit son cri de colère :

« Au cul l’Enclin ! »

Elle espérait que Leone le hurle avec elle, et que l’expression si triviale devienne leur cri de ralliement, comme un ultime pied-de-nez au sort qui les attendait, à la mort qui arrivait.

Elles étaient prêtes, et c’était tout ce qui comptait.
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On ne la changerait pas et les paroles de Leone, quelques heures (minutes ?) avant cette mort préméditée y changerait encore moins qu’à l’habitude. Andra n’avait jamais perçu la lumière du Créateur. N’avait jamais cru en Andraste, à raison ou à tort, elle rejetait tout cela et sa posture en disait long sur l’effort qu’elle faisait pour ne pas l’envoyer balader. Croire n’était pas qu’une habitude. Oui, Leone avait été élevée dans les préceptes Chantristes et on l’avait guidée dans cette voie. Non, ce n’était pas un apparat, quelque chose qu’on régurgite car on nous l’a gentiment appris. C’était quelque chose de plus fort que cela, reposant sur pas grand chose, l’envie de justement pouvoir s’y reposer aisément, sans doute. C’était un lien émotionnel fort, un lien de confiance, une relation à double sens. C’était trouver une réponse à l'inexplicable, se donner une motivation pour avancer, acquiescer face à ses choix, avoir une autre personne pour la pardonner. Un refuge. Comme l’était sa famille souillée. Maison imparfaite, peut-être injuste, mais c’était la première lui ayant ouvert une porte aux heures les plus sombres. Cela, personne ne pouvait le lui retirer. Leone se retint d’ajouter une petite phrase, elles n’avaient pas besoin de s’entendre sur ce point pour se comprendre.

Créateur, quelque soit les affronts, gardez une précieuse place à vos côtés pour les frères et sœurs souillé·e·s. Nous ne sommes pas sacré·e·s mais nos actes propagent votre Lumière contre la Souillure. Soyez clément, comme vous nous intimez de l’être dans nos jugements et nos actions.

Leone répondit par un sourire, leurs mondes s’entremêlaient à cette table par un sang qu’elles partageaient mais leur idéaux variaient. Ainsi va la Garde des Ombres. Elles se battraient ensemble aujourd’hui.

Andra s’était construite en opposition à tout, avait rejeté ce qu’on attendait d’elle pour trouver sa place, qu’elle continuait de questionner à chaque instant. Rejetée, cela faisait pourtant longtemps qu’elle avait abandonné la colère de cette plaie, de cela résultait sa force implacable. Il était rassurant de la savoir à ses côtés. Sa fierté, son indépendance de cœur et d’esprit, sa ténacité, c’est ainsi que Leone voulait qu’on se souvienne de sa camarade. Quant à elle, elle ne préférait pas imaginer ce qu’on dirait d’elle. Dirait-on quoi que ce soit ? Elle déglutit en imaginant Senaste devoir se prêter à cet exercice. Elle ne lui ferait pas cet affront.

Sa main dans la sienne, les joues humides, les dernières paroles s’échangent. Un pouce léger récolte les larmes salées. Leone ferme les yeux et profite de ce contact. Il y a quelque chose qu’elles ont partagé cette nuit. Quelque chose que personne ne saura leur retirer. Une humanité bienveillante, respectueuse et douce. Cela n’arrête pas les larmes, bien au contraire. Un baiser sur sa joue, de la chaleur au milieu d’un flot d’émotions contradictoires. Et Leone pense Comment peut-elle rester si sobre dans un moment pareil ? Est-ce ce reflet que l’on renvoie quand on s’apprête à mourir ? Comment fait-elle pour être si sûre à cet instant ?

Inflexible.
Elle lui dit de rejoindre Turab, pendant qu’elle sera aux remparts. Leone a un sourire triste. Peut-être est-ce plus simple d’aller au devant du danger ? De mourir tout de suite ? Que d’attendre la fin si loin des premiers éclats ?

« _ Bien. Tu sais où me trouver, alors. »

C’est pour ne pas dire adieu, car elle n’en a pas la force.

« _ Vit, toi aussi. Ne pense pas que personne ne t’attend, c’est faux. »

Amante ou pas. Sa famille toute entière compte là-dessus.

Surréaliste. C’est l’image que renvoient ces deux guerrières marchant vers leur fin. L’aube n’existe plus vraiment, elle est bariolée d’une teinte allant du violacé à l’ocre. Tout semble prêt pour les accueillir, il ne manque que le clou du spectacle.

« _ AU CUL L’ENCLIN ! qu’elle crie après @Andra Valheim »

Hymne qui se répercute de proche en proche et qui gagne les rangs de tout un peuple prêt à défendre une cité.
Bastion ne tombera pas.


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Le dernier jour du reste de ta vie - Leone