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EVENEMENT - [2] S'occuper des survivants

Qu'allez-vous faire ?
Dénoncer les malades
2 (67%)
Cacher les malades
1 (33%)
Sondage clos
Total des votes : 3 
Frère Génitivi
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Frère Génitivi
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Illustration : EVENEMENT - [2] S'occuper des survivants Lgqv

Occupation : Je retranscris vos histoires pour que les ères suivantes s'en souviennent...
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Évènement - Chapitre 2

Observer le mal dans les yeux

Crédits : SPEEDPAINT - Ascenders (ANTIFAN-REAL, DeviantArt)
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Tour 2
Vous avez choisi de...
Vous occuper des survivants.

Vous passez les pans délavés de la tente qui abrite les survivantes et survivants de l’attaque, découvrez cet espace aménagé pour ressembler à un foyer : des femmes, des hommes et des enfants ne sachant pas comment et mais cherchant à retrouver du sens en s'épaulant, se chuchotant, se soutenant ; étrange vision touchant les plus doux des cœurs, trop doux à n'en pas douter. Car, tandis que vous aidez ces voisins venus leur porter assistance, vous constatez rapidement que l’on vous cache quelque chose : il ne faut pas longtemps pour que vous remarquiez que le groupe protège des gens malades et faibles… et qu’en un coup d’œil, vous distinguiez que ces derniers portent dans leurs cous et sur leurs poigner des veines, des veinules, toutes violâtres. La Souillure coule dans leur sang, et avec elle des risques de démence, de contagion, de danger pour toutes les personnes saines les entourant… Ces même personnes bien conscientes et prêtes à les protéger coûte que coûte, vous incitant d’une œillade à faire de même et repartir immédiatement des lieux.

Choix

Le destin des malades dépendra du choix majoritaire des différentes participantes et différents participants au sondage.

Dénoncer les malades : le devoir avant tout, vous en avez bien conscience : ces gens malades sont un danger pour leurs pairs qu'il faut protéger, pour restreindre toujours plus la propagation de la Souillure. La suite se déroule ici...
Cacher les malades : la vie suivra toujours son cours et trouvera sa voie : vous comprenez leur décision, n'êtes finalement aucun dieu pour juger de qui doit vivre et, en pleine conscience de votre acte, resterez silencieux et silencieuses.

Consignes
  • Le prochain tour s'ouvrira le 1er octobre 2022.
  • Pour ce tour 2, vos personnages trouvent parmi les survivants et les survivantes des malades atteints de la Souillure... et doivent décider de leur sort.
  • Observer le mal dans les yeux et les choix attenants s'adressent en premier lieu aux Gardes des Ombres et aux organisations affiliées. Si vous pensez que votre personnage est concerné, n'hésitez pas à contacter @Frère Génitivi.
  • Vous pouvez vous joindre dès ce post à l'event.
  • Vous pouvez poster à la suite pour contextualiser et détailler le choix de votre personnage. Ce post est optionnel et doit être, de préférence, court.
  • N'oubliez pas que les évènements qui se déroulent dans l'event sont, par principe, des secrets avoués, connus des joueurs et joueuses mais pas des personnages.



Durant mes pérégrinations, toutefois, j’ai trouvé un récit commun à toutes les peuplades de cette contrée ; un récit d’orgueil et de damnation qui, malgré quelques variations, reste identique en substance.
Celle de leur combat contre la chute inévitable de notre monde.

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« Tu crois que Maman voudra du gâteau ? »

La voix d’enfant pépia.

« Où se trouve-t-elle ? Ta maman ? »

Silencieusement, la gamine glissa sa menotte tremblotante dans les longs doigts osseux d’Andra, non sans avoir sécurisé sa poupée contre son autre bras qui tenait un bout de gâteau survivant et la tira comme seuls savaient le faire les enfants. La guérisseuse la suivit, tassant un peu sa haute stature pour conserver le contact avec la paume de la petite fille. L’âcre senteur d’un pressentiment putride vint effleurer ses narines et son cœur. Elle regarda les cheveux bruns de la môme, ses vêtements sales, s’attarda sur ses traits et ses joues sans les rondeurs attendues. Les souvenirs d’un autre temps lui parvinrent. Et elle sut ce qui l’attendait, derrière les bâches et tentures, dans les lits, sous les regards vides et si déterminés de ceux qui épongeaient tendrement la sueur perlant au front de l’être aimé, lui chuchotant que tout irait bien, que tout se finirait bientôt. Oui, tout se finirait. Non, tout irait mal. Ils le savaient. Elle le savait. Elle savait, en posant son regard sombre sur les corps avachis, sur les extrémités noircies, sur les veinules déjà pourries par la souillure. Elle entendait les murmures, et n’avait pas besoin de parler l’antivan pour les comprendre. Certaines phrases étaient universelles. La mort aussi l’était. Ils le savaient. Elle le savait. Elle le savait, en se souvenant de tous les visages aux yeux vitreux, révulsés, qui avaient émaillé son existence, depuis l’enfance jusqu’à ces dix années au sein de la Garde des Ombres. Le premier devoir d’un guérisseur au sein de la Garde n’avait jamais été de maintenir ses camarades en vie, ou si peu. Ils le savaient. Elle le savait. Elle le savait, en songeant à d’autres villages, d’autres tentes, d’autres visages fermés, d’autres désespoirs ravalés. Son devoir avait toujours été de déterminer ceux qui vivraient, et ceux qui mourraient. D’emporter leurs ultimes soupirs, ou de précipiter ceux qui le supporteraient dans une vie de servitude – mais une vie, au moins pour quelques années encore.

Plus jeune, au Cercle, son premier ouvrage avait été sur l’éthique des soins palliatifs. L’ironie de sa situation ne lui avait jamais échappé. Heureuses, les âmes qui pensaient que la magie triomphait de tout, et que la Création était un refuge pour ceux qui tremblaient si fort de ce que leurs pouvoirs pouvaient générer. Soigner, parfois, c’était atténuer. Soigner, souvent, c’était renoncer. Parce que l’hubris venait avec le pouvoir de se croire supérieur à la mort, cette ultime maîtresse, cette grande égalisatrice du malheur. Malgré ses recherches, en dépit de ses talents, la corruption de l’engeance restait hors de sa portée, surtout face à tant de victimes. Soigner, toujours, c’était prévenir. La contagion viendrait, sournoise. On le savait, dans les Anderfels de son enfance. Combien de villages avaient succombé, non pas à une attaque, mais à l’après ? La pitié, si tentatrice, était mauvaise conseillère face à la démence et à la souffrance. Il arrivait que le mieux, aussi douloureux que ce soit, était d’accompagner jusqu’à la mort, et non de croire éperdument en la vie. Parce que les deux marchaient main dans la main, et que privilégier l’une amenait toujours à ce que la seconde revienne, encore plus terrible. Telle avait été sa conclusion, à l’époque, abondamment discutée dans les milieux fermés des mages, et plus encore adeptes de philosophie de l’éthique. Telle était son constat, aujourd’hui et hier, face aux décombres de ce qui avait été, et ne serait plus.

« Maman … »

La voix aigüe, traversée par un sanglot silencieux et ténu, la tira de ses pensées. Son œil se posa sur l’enfant, qui tendait la sucrerie près des lèvres desséchées qui râlaient. Elle sentit le regard dur de la femme en face, au chevet de la condamnée, sur sa personne. Compagne, sœur, cousine, amie, voisine ? Peu importait. Il y en avait d’autres. Elle les voyait. Elle lâcha la main de la gamine et s’approcha, longeant lentement les paillasses, droite et minutieuse, sous les poignards de ceux qui glissaient dans la souffrance en raison de la douleur des autres. Cela faisait bien longtemps que les démonstrations d’hostilité ne lui faisaient plus grand-chose. Elles étaient là, les veines boursouflées, les lèvres noircies et les commissures ensanglantées, les toux et les souffles heurtés. Celui-là mourrait bientôt. Il avait de la chance. Celle-là semblait combattre la souillure avec plus de force. Deux jours, peut-être trois. Une image immonde, tapie dans l’obscurité de sa conscience et dans les pires recoins des Tréfonds, émergea dans son esprit. On disait que les hommes devaient redouter les engeances. C’était ignorer ce qu’il advenait des femmes. Elle sentit sa paume la démanger, comme si elle tentait de guider sa main vers sa ceinture pour y saisir la dague qui s’y trouvait afin d’abréger l’innommable. Elle se retint. Plus tard. Son inspection sommaire effectuée, Andra retourna sur ses pas.

« Tu ne peux pas la soigner ? »

A nouveau, la voix aigue et fluette retentit, écorchant ses oreilles. Et résonna une autre voix, si similaire et si différente.

« Tu ne peux pas le soigner ? »

Comment expliquait-on la mort à une enfant ?

Andra s’accroupit pour être au même niveau que la petite fille. Sa propre voix d’adulte, si différente de l’écho de ses souvenirs, avec son contralto si chaud, si grave, si douloureusement sincère en ce moment, retentit. Les adultes, vraisemblablement, l’entendraient aussi.

« Je peux l’aider. La soulager. »

Comment expliquait-on la mort à une enfant ?

La gamine la regarda, de ses yeux un peu trop vifs, et un peu trop bruns. Les mots avaient un sens, et jouer sur ces derniers n’avait jamais trompé celle qui sait déjà, mais ne peut se l’avouer. Parce que la mort, même les enfants la sentaient.

« Mais … »

« Mais … »

Comment expliquait-on la mort à une enfant ?

Comme sa propre mère l’avait fait, Andra caressa doucement la joue trempée de l’enfant aux yeux brouillés, et le même sourire triste se peignit sur son visage.

« Le plus important, c’est que Maman ne souffre pas, tu ne crois pas ? »

« Le plus important, c’est que ton frère ne souffre pas, tu ne crois pas ? »

Comment expliquait-on la mort à une enfant ?

On ne pouvait pas. Parce que les enfants la comprenaient, à leur hauteur. Et bien souvent, ils en tiraient les mauvaises conclusions. Elle le savait. Parce qu’Andra avait tenté de défier la mort, et la punition avait été infiniment cruelle.

Lentement, elle se releva, dépliant sa haute taille. Elle sentait la tension, la douleur, l’hostilité. Son œil coula vers Saam, vers le Prince héritier qui les avait suivis. Elle n’avait guère besoin de les observer pour sentir la souffrance, la compassion, émaner d’eux. Dans la Guerre, la Victoire. Dans la Paix, la Vigilance. Dans la Mort, le Sacrifice. Mais la devise n’avait jamais précisé quels sacrifices, et quelles morts.

« La Garde peut accompagner les vôtres, jusqu’au destin que le Créateur leur a choisi.

Il n’a pas voulu leur souffrance du poison de l’engeance. »


Funeste consolation que la religion. Peut-être que pour une fois, elle aurait son intérêt. Andra sentit les ongles de la fillette rentrer dans la chair de sa main, et serra doucement les doigts menus dans les siens.

« La Garde peut accompagner votre fils, jusqu’au destin que le Créateur lui a choisi. »

« Il n’a pas voulu la souffrance de ton frère du poison de l’engeance. »

Foutaises. Ce n’étaient pas les mains d’un dieu inexistant qui refermeraient les yeux des victimes. Ce n’étaient pas ses doigts qui tenteraient de verser une potion de sommeil profond pour rendre la fin plus douce. Ce n’étaient pas ses lèvres qui prononceraient les paroles du Rituel de l’Union et verraient la fin arriver, d’une manière ou d’une autre.

C’étaient les hommes qui décidaient des hommes. Et c’était à chacun de vivre avec les sacrifices qu’il était prêt à commettre pour protéger le plus grand nombre.

Même si c’était au prix d’un frère aimé ou d’une mère adorée.

Résumé:
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S'occuper des survivantsTW : Descriptions de blessures, désespoir

« Waiting between worlds that divide through a choice undefined
A break in the line where all paths intertwine
An no roads lead or progress behind
And all the signs read "Know the way. Decide."
They say all things never truly die
But change in existence and switch design
Like a drain to an ocean in which we're blind
We remain set in motion from worlds combined. »


- Zack Hemsey, Waiting Between Worlds.

Je naviguais parmi ces silhouettes brisées comme au milieu d'un rêve, comme au tumulte d'un cauchemar : j'avais la sensation qu'une autre entité, un autre pouvoir manœuvrait mon corps, cependant que mon esprit était contraint d'observer, impuissant, ce qu'il ne pouvait sauver. Je sentais mes yeux, ouverts, secs, s'attarder sur les mains tremblantes, ici de fièvre, là d'appréhension, les bouches meurtries tantôt par les mots, tantôt par les maux, les visages pâles, rendus méconnaissables sous la souffrance, et bientôt, pour certains, dévorés par la corruption ; au début, j'accrochais les premiers signes avec stupeur, avec effroi. Et puis l'ombre anguleuse d'Andra sursauta à la périphérie de ma vision, comme un rappel au calme dont elle se caparaçonna lorsqu'une enfant vînt s'enquérir de l'insoutenable.

Je ne devais pas faillir. Pas face à Andra, pas face aux victimes. Pas maintenant.

Et mes yeux secs restèrent secs, et mon regard horrifié se pétrifia pour ne pas infliger aux mourants le reflet de leur agonie.

« Tu ne peux pas la soigner ?
— Je peux l’aider. La soulager. »

Pas maintenant, soufflait mon cœur serré.

« Mais…
— Le plus important, c’est que Maman ne souffre pas, tu ne crois pas ? »

Pas maintenant, trahissaient mes épaules raidies pour encaisser.

Je me souviendrais de la hauteur sévère d'Andra, ramenée à celle de la fillette à ses côtés, qui déplia un bras pour accueillir au creux de sa paume des larmes innocentes ; je me souviendrais de la douceur de ce geste qui me heurta, de la plus triste des façons, avec la violence d'une gifle ; mais je ne le vis pas, ou du moins crus-je ne pas l'avoir vu, car j'y assistais mille lieues en arrière, derrière le froid de l'incrédulité, le voile de la déraison, la frontière étrange et fluctuante entre les perceptions et l'entendement. Cette transe, ce vide, c'étaient les contours diffus de la réalisation ; c'était ainsi, non plus justement, non moins cruellement, que je compris une chose sur laquelle je peinais encore à mettre des mots, propulsé que j'étais par ce que mes sens percevaient sans que ma conscience parvînt à suivre. À accepter.

Devant moi se présentait, pour la première fois, la véritable apparence du devoir. Elle se présentait escortée d'un cortège de veines noircies, boursouflées, qui continuaient pourtant de battre, sur les cous engoncés et les poignets frêles, la mesure d'un temps désormais compté ; fanfare de la mort, tambour d'une guerre perdue d'avance, glas des jours frivoles. La racine d'un mal qu'il fallait - que je devais - arracher.

Mais il n'y avait pas de racines à couper sans arbre à coucher.

Soudain Andra se releva ; soudain elle s'avança, inexorable comme le destin, et j'aurais voulu la retenir, l'empêcher un petit peu plus, repousser quelques secondes encore ces froissements d'uniforme qui nous rapprochaient de l'impensable, mais je ne fis rien, ne mus pas un doigt, ne clignai pas un cil. Auréolée d'une funèbre couronne de regards incertains, anxieux, furieux, tous à refuser l'évidence, elle proféra l'ignoble vérité, une vérité adoucie, peut-être, par cette délivrance dont elle se faisait la messagère, par cet appel au Créateur qui, dans sa bouche, exprimait plus la tragédie que n'importe quelle litanie, mais une ignoble vérité néanmoins, presque plus atroce ainsi parée des atours de la compassion. Une vérité qu'elle représentait pour eux plus sûrement que n'importe quelle tache putride sur un corps familier ; car elle était la promesse qu'un couteau s'abattrait, trop juste, trop ferme, trop inévitable, là où la maladie offrait une bien perfide échappatoire.

Le temps.

L'espoir.        

Et qui suis-je pour éteindre... l'espoir de ces gens ? Notre mission, notre cause - n'est-elle pas de leur donner espoir en ces sinistres moments ? Comme une lumière dans les ténèbres ?

Mais quel espoir leur resterait-il, quand leurs frères, leurs pères, leurs fils s'étioleraient le long des aubes, chaque lever du soleil les révélant plus difformes, les faisant moins humains, quand la corruption prélèverait son dû sur leur belle vigueur, et qu'ils étoufferaient, pourris de l'intérieur à l'extérieur, sous leurs propres chairs et leurs propres humeurs ? Quel espoir leur resterait-il, quand leurs sœurs, leurs mères et leurs filles se relèveraient, après des nuits de souffrance, pour projeter dans l'obscurité des illusions de guérison, quand leurs proches s'approcheraient, l'allégresse au cœur, et découvriraient alors, à la lueur de la bougie, de la folle envie d'espérer, les joues creuses et les yeux caves, les pustules purulentes, les rides flasques ? Et que celles qui leur avaient été si chères se jetteraient à leurs gorges pour s'y abreuver à grand trait ?

Quel espoir pouvait-on éprouver à prolonger pareille existence ?

Brusquement, la réalité se rappela à moi ; j'eus une conscience aigüe de toutes ces individualités pressées à mes côtés, de leurs respirations sifflantes entre les dents crispées, de leurs sanglots plus fracassants qu'ils restaient muets, de ces étincelles dans les prunelles ternies par le malheur qui fut, et celui qui adviendrait ; je sentis la chaleur de leur fébrilité et la froideur de leur hostilité, mais pis encore furent les expressions éperdues des condamnés, que nous, les Gardes, ces prétendus sauveurs, venions de sentencier. Toute cette confusion de détresse s'infiltra en un coup dans ma poitrine, et ces larmes que je tenais toujours en respect piquèrent de sel mes paupières figées.

Pas maintenant, pas maintenant, paniquait mon esprit alors que mon corps tout entier suppliait d'abandonner.

Gagne la guerre signifiait aussi se vaincre soi-même.

Un mouvement discret près de moi me révéla la présence du jeune prince, Tiarnan Vaël, qui nous avait rejoint pour soulager les blessés, sans qu'il n'eût songé à ce que ce choix portait comme sens et comme fardeau ; et sa réticence le trahit. La réprobation flotta dans l'air, pesa plus lourd au fil des secondes passées dans l'indécision. Les familles menacées d'amputation se nourrissaient de la fausse grâce accordée par la suspension, trame de si et de peut-être, s'engorgeaient de se découvrir un soutien fidèle, une main tendue, une compréhension auprès du doux héritier havenois. Et je sus, que le Créateur me vînt en aide, je sus que c'était à moi de prendre l'ultime décision. Avant que l'hésitation ne l'emportât. Avant que la souillure ne l'emportât.

Préserve la paix signifiait aussi s'opposer pour le bien du plus grand nombre.

Je tournai un regard douloureux vers Tiarnan le prince - si jeune, plus encore que moi. Je vis en lui ce que je devais être aux yeux d'Andra et de tant d'autres. Compatissant. Enrobé d'idéaux et de bonnes intentions. Ignorant encore des horreurs contre lesquelles je devrais lutter.

Et de celles que j'aurais à perpétrer...

« Je suis désolé, » furent les premiers mots à émerger de ma gorge éraillée. Les larmes, si elles avaient brillé, n'avaient pas dévalé le vallon de mes joues - et je parvins à maintenir une diction claire, une voix blanche de toute émotion, si ce n'était ma résolution... et mes regrets. « Je comprends votre douleur, et la tendresse de la pitié qui vous incite à les épargner, à espérer encore, » poursuivis-je un ton plus haut, embrassant la misère et la rancoeur assemblées là d'un regard sincère, sans flancher face à la vision des blessures, de la putrescence qui s'étendait presque aussi vite que la désolation sur les figures fatiguées. « Mais je vous en prie. Ne laissez pas les engeances gagner cette bataille une seconde fois. » Aucun remède, il n'y avait aucun remède à la souillure de l'Enclin. Quels qu'ils fussent, et aussi divergents pussent-ils être en bien d'autres aspects, tous les livres traitant du sujet étaient formels. Fatalistes. « Ne les laissez pas priver de paix vos proches, alors que le Créateur leur a fait retentir ses cloches. Vos histoires touchent peut-être à leur terme aujourd'hui, » fis-je alors à l'attention des malades assez forts pour tendre une oreille à ma plaidoirie, « mais vous pouvez encore choisir quelle fin vous voulez vous écrire. »

Je fermai les paupières, le souffle aussi tremblant que mon échine. Je pensai au prince non loin de moi. Lui aussi, un jour, aurait à tenir le destin d'autrui entre ses mains, et à trancher pour eux, peut-être.

Mais pour l'heure, cette responsabilité nous incombait. À serah Andra. Et à moi.

Ne recule devant aucun sacrifice signifiait aussi agir là où d'autres pouvaient pleurer.   

Résumé:

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