Type de RP classique
Date du sujet 2 Auguste, 5:12 des Exaltés
Participants  @Lachlann Vaël @Eibhlin Byrne
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Résumé Eibhlin vient rendre visite à son grand frère, des visites qui autrefois furent plus régulières et plus fréquentes.

L'orage, enfin, avait ramené un peu de fraîcheur sur la cité de marbre et de pierres et chassé les odeurs nauséabondes que la chaleur faisait remonter jusque dans le Mealluaine. Sa violence l'avait tenu éveillée une grande partie de la nuit alors que son époux avait dormi comme un loir. Elle avait fini par profité de ce temps pour écrire quelques lettres à la lueur d'une bougie. Malgré l'air frais et dégagé, elle avait eu la nausée ce matin là encore et avait refusé d'avaler quoique ce soit malgré l'insistance de son époux et de sa servante. Les odeurs de la veille étaient bien trop imprégnées dans son esprit et elle se surprenait à penser que Corintamh lui manquait au bout de quelques jours ; même si Starkhaven n'aurait jamais d'égale à ses yeux et lui manque tout autant lorsqu'ils sont chez eux.

Tous n'ont pas la chance de vivre au Palais ou au Downnoc cependant...

« Ces reflux estivaux font-ils partis des préoccupations du Conseil ? »
« Oui, nous en avons discuté hier, mais c'est un sujet plus complexe qu'il n'y paraît. Nous n'allons pas chasser les cochons hors de la ville et d'autres solutions demanderaient des travaux pour lesquels nous n'avons pas de fond. Mais tu sais déjà tout ça. » Eiric sourit tendrement à sa femme.
« Je serais curieuse d'en apprendre plus sur ces autres solutions à l'occasion. J'ai aussi entendu beaucoup de plaintes au sujet des griffons, ne pourraient-ils pas être logés en dehors de la ville ? »
« Je me renseignerai. Que comptes-tu faire de ta journée ? » Conclut Eiric qui s'était levé et s'était rapproché de sa femme.
« Un tour dans les jardins d'abord, puis j'irais rendre visite à mon frère. Ensuite j'irais sûrement à Mirestreet, au couvent et à la Cathédrale... et je me reposerais, » finit-elle par abdiquer sous le regard entendu de son époux. Une main sur sa joue, il embrassa son front avant de prendre congé, lâchant avec une expression amusée : « Je compte sur vous pour inspirer un peu de sens à cette femme, Eloren. » Il devine, sans même avoir besoin de la voir, la moue contrariée de la jolie brune qui partage sa vie et c'est sans doute ce qui l'égaye le plus.

Eibhlin, qui avait fini par avaler quelques grains de raisin pendant leur conversation se force à manger un oeuf et un peu de pain avant de se lever à son tour, quittant sans plus tarder le manoir pour aller se promener à quelques pas, dans l'unique parc de la ville sur lequel donne leur chambre à coucher. Elle sait sa chance, et c'est pour ça qu'elle n'arrête jamais, qu'elle est partout à essayer d'aider ou à recueillir les problèmes pour les donner à Eiric, néanmoins son mari a raison, elle doit ralentir le pas pour sa propre santé. Elle s'y efforce, là, sous la canopée, mais ce n'est pas chose aisée. Pour ça peut-être doit-elle arrêter quelques instants de penser aux problèmes de la ville et de ses habitants, arrêter aussi de ruminer qu'elle n'en fait pas assez, que beaucoup de choses sont hors de sa portée. Elle se concentre sur sa respiration, puis sur le parc autour d'elle : ses grands arbres au port majestueux, les restes ici et là des festivités de la veille que des elfes sont occupés à ramasser. Et très vite, elle repense aux bas-quartiers qui ne doivent pas avoir droit au même traitement. Là se termine donc sa balade, et étant donnée l'heure, la cadette Vaël décide de passer prier à la Chantrie avant de se rendre au Cercle.

C'est en fin de matinée qu'elle passe enfin les grilles qui séparent les mages du reste du monde, laissant Eloren libre de vaquer à ses occupations pendant quelques heures. Elle n'a jamais questionné ce système de Cercle, faisant pleinement confiance à la Chantrie et à son organisation, et qui ne pourrait connaître plus fidèle servante, bien qu'elle soit critique au sujet des Marches Exaltées. Les templiers la connaissent et la laissent passer sans encombre, elle qui n'est pourtant pas pas venue depuis deux mois. Elle qui plus jeune passait voir son cher frère au moins une fois par semaine. Les temps changent, ils grandissent et sa vie est à Corintamh désormais.

Lachlann. Un sujet si délicat. Sa famille et son sang avant tout, et si elle l'aimait profondément, ça avait été d'autant plus dur de réaliser à quel point il pouvait être aigri et méprisant. Peut-être n'auraient-ils pas été aussi proches si elle avait ouvert les yeux  plus tôt. Parfois elle se demandait s'il était devenu comme ça parce qu'il avait été enfermé ici, parce qu'il avait tout perdu du jour ou lendemain, ou bien s'il l'aurait été quoiqu'il arrive. Et dans le second cas, malgré tout son amour, elle ne pouvait voir son sort que comme une bonne fortune. Pour leur bien à eux deux, elle éviterait sûrement d'aborder les sujets qui les opposent.

Elle trouva sans difficulté ses quartiers, sans même avoir besoin de demander au templier qui l'accompagnait, et frappa délicatement à sa porte.

« Lachlann ? C'est moi, Eibhlin. »

Lui en voudra-t-il de ne pas être venue depuis plus de deux mois, de ne même pas lui avoir envoyé un courrier pour s'excuser ? Lui qui la connait si bien - alors qu'ils auraient pu grandir dans l'indifférence la plus totale - pourrait remarquer ses traits légèrement creusés et sa mine plus fatiguée que d'ordinaire quand bien même le pourpre de ses vêtements rehaussent son teint.

La cadette tourna la poignée et poussa la porte de bois massif, toujours aussi vieille et aussi mal huilée. Elle présumait le connaissant qu'il n'en aimait pas le bruit mais qu'il n'avait trouvé personne pour lui arranger. Elle était contente de le trouver, car elle s'était déjà retrouvée face à son bureau vide, obligée de repasser plus tard, et c'est avec tendresse qu'elle lui offrit un regard et un léger sourire alors qu'il râlait à sa façon bien à lui de sa longue absence.

« Tu es trop faché pour recevoir un baiser ? » fit-elle en s'asseyant, sur un ton réthorique car elle ne se relèverait que pour partir et peut-être alors serait-il plus disposé à recevoir son affection. Peut-être. Tout dépendrait de la tournure de la conversation. Elle caressa le tissu précieux qui recouvrait ce coussin qu'elle ne reconnaissait pas, admirant le bon goût de son aîné. Elle ne dit rien car son frère posait des questions qui méritaient des réponses et non des interruptions, néanmoins tout dans son regard semblait dire : « Très joli. Un cadeau ? »

Eibhlin le regarda sévèrement alors qu'il continuait. Un problème en cuisine ? Réellement ? Autant couper court tout de suite à son imagination débordante en lui donnant la raison sans plus attendre. Parfois elle se disait que c'était une aubaine qu'il ne puisse pas se marier, elle aurait été obligée d'être amie avec sa femme pour la soutenir moralement. A moins qu'il en eût trouver une qu'il aurait respecté. Etait-ce seulement possible ou cela relevait-il du miracle ?

« J'ai été malade plusieurs semaines. Je ne suis simplement pas venue à Starkhaven de tout réconfort, et très peu le mois précédent. Cela fait plusieurs mois que ça dure en réalité. Je vais mieux, je l'espère. Je ne t'ai pas écrit, pas plus que j'en ai informé mère ou qui que ce soit d'autre. Je n'avais pas envie que ça se sache et je me méfies des courriers au Cercle, tu le sais bien. » Avouer une faiblesse n'était que rarement dans ses cordes, Lachlann était donc presque un privilégié aujourd'hui. Presque, parce qu'elle n'avait pas envie de tout lui dire. Ce sans doute parce qu'il n'avait pas la même relation avec leur mère et qu'Eibhlin avait tout sauf envie de voir Eugénie en ce moment. Elle n'en avait pas la force. « En fait, je pensais que tu l'aurais su puisque je fais venir un mage de création toutes les semaines. Et je ne doute pas qu'il murmure aux oreilles de ton Premier Enchanteur... » Elle avisa de sa réaction avant de reprendre. « Par ailleurs, mon meilleur frère est toujours le bienvenu chez nous s'il souhaite me rendre visite. Je crois qu'en tant qu'enchanteur supérieur tu as ce droit. A moins que mon mari t'insupporte tant que ça ? Je croyais que tu appréciais les Byrne, des gens loyaux envers nous et Eiric est un bon conseiller. »

Elle avait bien senti la pointe de mépris quand il avait évoqué son mari dans la liste de ses problèmes. Peut-être était-ce alors simplement du second degré ou une autre forme d'humour sans fond, chose que la cadette n'avait jamais su déceler, quelque soit l'interlocuteur, dans tous les cas, elle se devait de vérifier : Son approbation était une chose importante à ses yeux.

Il était vrai qu'elle aurait pu utiliser un code, elle aurait pu y penser si elle n'avait pas été aussi mal pendant plusieurs semaines. Mais elle ne l'aurait pas fait durant les mois précédant, simplement car elle n'aurait pas voulu qu'il débarque à l'improviste.

« J'y songerais si cela se reproduit. »

Elle croisait bien fort les doigts que ses problèmes soient derrière elle, tout était déjà assez compliqué comme ça. La jeune femme s'enfonça dans le fauteuil si confortable de son enchanteur de frère, elle était si fatiguée au fond d'elle qu'elle pourrait presque s'endormir. Là. Maintenant. Ça avait déjà dû arriver d'ailleurs, elle s'était toujours sentie bien en compagnie de son grand-frère, comme si elle avait l'intime conviction qu'il la protégerait envers et contre tout. Une certitude basée sur absolument rien, totalement infondée mais qui n'avait jamais été remise en question, ni même évaluée lors de cas concrets. Elle fut soulagée qu'il n'insiste pas plus sur sa condition, elle n'avait pas envie de s'étendre sur le sujet, pas maintenant en tout cas, car cela lui coûtait de ne pas tout lui dire. Lachlann était trop proche de leur mère, elle ne pouvait pas prendre le risque.

Elle l'observa prendre confortablement place sur le second fauteuil, et se laissa aller un peu plus, tout en gardant, de façon bien mystérieuse, une allure élégante. Même lorsqu'elle se laissait aller, la cadette semblait se tenir droite et fière, comme une nature profonde qui ne connaissait pas le repos.

« Je t'ai dit ça mais je n'ai aucune preuve. Ce mage est peut-être une personne de confiance. C'est juste que l'on dit que le Premier Enchanteur est un homme curieux... Enfin, il est Antivan... Peu importe. C'est plutôt une bonne nouvelle. »

Elle acquiesça pour la suite. Il était évident qu'elle était désormais la Byrne la plus fiable et la plus loyale qu'il puisse trouver, puisqu'elle se sentait d'avantage Vaël que Byrne d'ailleurs. En tous les cas, elle avait été agréablement surprise de découvrir la famille Byrne de l'intérieur et heureuse de ne pas avoir troué le moindre cadavre dans les placards. Une famille honnête et respectable donc, mais sans doute pas assez intéressante de ce fait. Ce n'était pas la peine de continuer dans cette direction, autant mettre les pieds dans le plat car elle était venue avec une question bien précise en tête. Et puis sa réponse constituait une approbation suffisante.

« J'ai tenté d'aller rendre visite à notre Père, hier... » Elle resta pensive un instant puis posa son regard le plus inébranlable dans celui de son aîné. « Tu n'aurais pas quelque chose à boire s'il-te-plait ? » Fil-elle soudainement alors qu'il avait oublié son devoir d'hôte ; avant de reprendre, toujours sur le même ton très sérieux. « Évidemment il n'a pas répondu et les gardes ne m'ont pas laissé passer. Rien de fructueux pour changer. Je n'arrive pas à croire que cela fait un an et demi que cette histoire perdure... T'es-tu déjà demandé Lachlann ce qui se passerait lorsque notre père mourra ? » Elle le fixait toujours, épiant la moindre de ses réactions. C'était un sujet essentiel et sensible qu'ils n'avaient jamais vraiment abordé ensemble et aujourd'hui elle avait besoin de savoir où il se situait.

Il semblerait qu'elle ne se ferait pas servir cette fois. La cadette se leva doucement pour prendre le verre qu'il lui tendait puis se dirigea vers la desserte, elle souleva la théière et remplit son verre qu'elle porta immédiatement à ses lèvres. S'il avait voulu qu'elle le serve, il ne se serait pas gêné pour se manifester.

De là elle le jaugea un instant, son regard se faisant incisif, puis fit quelques pas à travers son bureau.

« Tu sais lire entre les lignes Lachlann, tu sais bien quelle est la véritable question. »

Un air sérieux et sévère sur le visage, elle ne reprit pas place dans le fauteuil, par crainte de se laisser endormir, et s'appuya simplement sur son bureau. « Lorsque Père a décidé de s'intéresser à ma vie, ou juste pour ruiner mes ambitions et mes rêves - raye la mention inutile - je lui ai bien dit ce que je pensais. Évidemment, il n'en a pas tenu compte et je devrais avoir l'habitude pourtant j'ose y croire à chaque fois... Ça ne m'a pas empêché hier de lui dire le fond de ma pensée, en espérant qu'il m'ait entendu, car se terrer comme il le fait n'est pas digne d'un Vaël. » Il connaissait cette histoire d'Eibhlin en route pour Val-Royeaux que Kendric avait ramené avant qu'elle ne passe la frontière, non ? Mais peut-être pas ce qu'elle lui avait dit, et encore moins l'accord qu'ils avaient passé à l'époque. Un accord qui ne les aidait pas vraiment de toute façon.

Elle but une nouvelle gorgée, regarda un instant par la fenêtre avant de revenir sur son cher frère. Es-tu assez fou Lachlann pour vouloir reprendre ta place ? Se demandait-elle à nouveau, une question qui l'obsédait mais dont elle n'avait pas besoin de connaître la réponse tant qu'elle posait la sienne en premier.

« Il n'y a pas de si non plus. C'est maintenant, ça a déjà commencé. » Elle reposa son verre vide, et si cela était possible, son regard se fit plus intense, plus grave encore et son visage, confiant et résolu n'affichait plus aucun doute, ni faille. Elle s'était levée, droite et fière comme l'on attendait d'une Vaël et s'était penchée à ses côtés pour reprendre plus bas, une main sur l'accoudoir, de sorte que personne d'autre que lui ne puisse entendre.

Elle se tenait devant lui avec tout le sérieux dont elle était capable, d'un calme presque terrifiant. Il n'y avait pas une once de doute ni dans son regard, ni dans son attitude, ni dans son cœur. Comme elle pouvait s'y attendre, il s'était levé pour lui faire face, si ce n'était la dominer. Il pouvait tenter, elle ne tremblerait pas. Elle scrutait  attentivement sa réaction car c'était ce qui l'intéressait avant tout, et bien qu'elle ne fut pas totalement servie, l'effet de surprise lui permit néanmoins de récolter le fruit escompté : elle discerna ce qu'elle redoutait.



Elle n'était plus la petite fille qu'il avait vu grandir, et le peu qu'il apercevait d'elle à travers leurs entrevues ne lui permettait pas de la connaître vraiment. Elle avait été malléable certes, manipulable un temps, en particulier pour se venger sur le pauvre Tiarnan qui n'avait fait que l'erreur de venir au monde. Ça n'avait pas duré aussi longtemps qu'il le croyait, même si cela avait été suffisant pour détruire le peu de relation qu'Eibhlin aurait pu avoir avec son jeune frère. Aussi parce qu'elle n'avait jamais vraiment eu le moindre remord, ni n'en avait voulu à son aîné. Une fois qu'elle eut compris ça, elle avait simplement arrêté de suivre ses idées et commença à penser par elle-même : ce fut sans doute la leçon la plus profitable de sa vie. Mais Lachlann était resté Lachlann, simplement plus cynique chaque année, cultivant son amertume au lieu d'accepter son sort. Pourtant, elle n'avait jamais cessé de croire en lui, ni de l'aimer comme elle se l'était jurée. La famille, aussi dysfonctionnelle soit-elle, resterait toujours plus importante que tout.
Parce qu'elle chercherait toute sa vie cette reconnaissance qu'elle n'aurait jamais ?

Elle s'écarta enfin, le libérant de son regard pour se resservir un peu de thé et se rafraichir la gorge après cette longue discussion. Elle tapota du doigt sur le verre, indécise.

« Sur ce, mon cher frère, veux-tu discuter d'autres sujets ou m'as-tu assez vu pour aujourd'hui ? »