Le Couvent des Murmures ne serait rien sans ses discrètes mains, qui s’occupaient des petites tâches comme des grandes et faisaient, quand nécessaire, la liaison entre Sœur Silence et le monde ; chacun de leurs gestes et chacune de leurs paroles portaient en eux la lumière du Créateur, plus que n’importe quelle prière. Récemment, les voix s’étaient faites moins inquiètes et plus étonnées, presque joyeuses, et les mentions d’aides et de progrès étaient devenues trop nombreuses pour n’être que des incidents isolés ; une solidarité à célébrer et une énergie à canaliser, dans un choix que la doyenne se réjouissait pour une fois de faire.

Les correspondances étaient aussi muettes qu’elle, puisque sa plume parlait au nom du Couvent plus qu’en le sien, mais il y avait quelque chose d’elle dans l’odeur du parchemin et dans la rondeur des lettres, posées et régulières malgré l’encre bon marché. Il y avait sa sagesse dans les remerciements, son expérience dans les recommandations, son humilité dans la demande à concentrer les efforts sur l’aile effondrée, avant tout : du moins était-ce ce qu’auraient dit ceux qui la connaissaient – et ce qu’ils ne diraient donc jamais puisque quoique non scellées, les lettres seraient respectées et les messages non lus. Une humilité qui serait à ne pas douter appréciée des principaux destinataires, qui se plaisaient d'ordinaire à dispenser leur charité – ici bienvenue et remerciée – dans l'opulence et attendaient la modestie en retour.

Son écriture finie, Sœur Silence releva la tête vers la fenêtre, encore bien éclairée, et le ciel bleu qu’elle prétendait contenir. Elle glissa soigneusement les enveloppes dans un petit panier, une à une, sans regarder les noms qu’elle y avait tracés – certains prestigieux, d’autres moins – avant d’y laisser tomber autant de framboises que de lettres avec un sourire amusé. Rendre service serait suffisant à faire galoper ses ouailles dans la ville, mais ne méritaient-ils pas un remerciement, eux aussi ?

Sans se départir de son sourire paisible, la vieille femme sortit de sa cellule d’un pas tranquille, comme apaisée par les rires lointains de ses orphelins, seuls ornements du couloir.

Moins discrète que sœur Anna, sa main fit malgré tout sursauter la jeune fille sur l’épaule de laquelle elle s’était posée – choc vite oublié à sa vue. Son regard passa du petit groupe au panier, qui disparut de sa main dans un concert de promesses et d’enthousiasme, pour finir sur les dos des enfants – plus si enfants, mais cessait-on vraiment un jour de l’être ? – alors qu’ils se dispersaient en courant, missions en main.

• Cette réaction d'un.e Chef.fe de Faction fait suite à l'évolution du projet Reconstruire le Couvent des murmures qui a atteint sa Phase de notoriété.
• Si vous souhaitez faire évoluer ce projet (ou d'autres) en faveur de votre Faction, n'hésitez pas à investir !