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Ôter le masque des vanités.

Miche
Miche
Garde du corps de l'Acanthe
Garde du corps de l'Acanthe
Miche
Personnage
Illustration : Love is the poison and the antidote.

Peuple : humain
Âge : 48 ans depuis Auguste
Pronom.s personnage : Il/lui
Origine : Névarra
Occupation : Vigie, garde du corps de Vera
Localisation : Laurier Carmin majoritairement
Pseudo : Adamant
Pronom.s joueur.euse : Il/lui
Crédits : Dan Mora pour le vava, Mitch Mohrhauser pour l'illu
Date d'inscription : 30/12/2022
Messages : 144
Autres personnages : Copper, Alzyre de Launcet, Tiaru Tohopka
Attributs : CC : 20
CT : 12
End : 16
For : 18
Perc : 15
Ag : 16
Vol : 18
Ch : 9

Classe : Civil, niveau 2
Feuille
Joueur

 

https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t1524-miche-i-will-do-
Ôter le masque
des vanités
CHAPITRE QUATRE : DANS LES MURMURES COULERA LE CRÉPUSCULE FURIEUX

Type de RP solo
Chapitre concerné Chapitre IV
Date du sujet 8 Vendangien 5:13
Participants @Miche (et le reste de l'Acanthe en arrière-plan)
TW roller-coaster émotionnel
Résumé Une petite soirée mondaine est organisée à l'Acanthe dans le cadre des festivités de Satinalia. Miche observe la foule en hauteur en compagnie de Seamus, avec qui il parle de ses doutes et de ses craintes vis-à-vis de ses sentiments pour Lilley. Suite aux encouragements de son interlocuteur, Miche décide de sauter le pas afin de remettre les choses à plats avec elle, sauf que le plan ne se déroule pas exactement comme prévu.
Pour le recensement


Code:
[code]<ul><li><en3>8 Vendangien 5:13</en3> : <a href="LIEN DU RP">Ôter le masque des vanités</a></li></ul><p><u>Miche.</u> Une petite soirée mondaine est organisée à l'Acanthe dans le cadre des festivités de Satinalia. Miche observe la foule en hauteur en compagnie de Seamus, avec qui il parle de ses doutes et de ses craintes vis-à-vis de ses sentiments pour Lilley. Suite aux encouragements de son interlocuteur, Miche décide de sauter le pas afin de remettre les choses à plats avec elle, sauf que le plan ne se déroule pas exactement comme prévu.</p>[/code]




"Il n'est pas de naissance qui ne rappelle une mort,
pas de victoire qui n'évoque une défaite."

--G. Brooks

Miche s'exprime de rares fois en #666666
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Première partie


- « Je ne sais pas si c’est une bonne idée. »
- « Et pourquoi pas ? »

Du haut d’une rambarde marbrée aux motifs élégants, nos yeux scrutent cette foule civilisée qui se pavane de façon pompeuse dans la salle en contrebas. Une petite soirée, tout ce qu’il y a de plus banal à l’Acanthe, avec son petit orchestre de chambre pour accompagner la souplesse de leurs gestes méticuleux. Des décorations à foison, la lumière danse à leurs côtés, et les rires s’élèvent avec cette retenue qu’impose l’étiquette. Seamus ajuste ses bras, même si d’après le coin de mon œil, il secoue ses épaules de nonchalance pour accompagner son “pourquoi pas”.

- « Elle mérite mieux, non ? »

Aveu amer qui me taraude d’année en année avec davantage de ferveur et de fièvre, aveu si bref, pourtant si dévastateur, pourtant si vrai. Et je la repère dans cette foule, le jupon qui ondule au fil de ses mouvements précipités.

Avant tout ça, elle brillerait de mille feux dans ce décor des plus aristocratiques.

Sa chevelure voltigerait, son sourire passerait de conversations en conversations, son rire danserait avec celui de ses interlocuteurs intrigués. Mais ce masque qu’elle porte lui permet de passer sans attirer l’attention sur elle, ironie acide qui ronge ma conscience. Mais ce masque qu’elle porte la soulage, pour une soirée. Pour une seule. Ses cheveux ne remontent pas en un chignon, ce soir. Sa robe vibre d’un indigo profond, suivant avec fierté et loyauté chacun de ses pas à travers la salle afin de s’assurer que personne ne manque de rien.

Seamus soupire à mes côtés, comme à chaque fois que le sujet revient sur la table.

- « Miche, tu n’es pas une mauvaise personne. Pourquoi ne pas essayer ? »
- « Parce que ça ne peut que mal finir… Tu m’as vu ? »

Mon regard maussade croise le sien brièvement, qui m’observe avec un faux dépit. Puis, son regard la repère également, la suit un temps.

- « Tu ne trouves pas que tu es un peu dur avec toi-même ? »
- « Je ne sais pas. »

Non. Je suis même bien trop clément envers moi-même et toutes les boulettes que je cumule depuis une année déjà.

- « Allons », souffle Seamus dans un rictus. « Tout le monde sait ici pour vous deux, à force. C’est clair qu’elle dirait oui, c’est juste toi qui joues aux têtus à chercher des excuses. »
- « Elle mérite d’être avec quelqu’un de mieux. »
- « Et encore une excuse. Pourquoi ce quelqu’un ne serait pas toi ? »
- « Nous sommes collègues. » Une pause. « Quoi ? »
- « Et encore une autre excuse. Vraiment impressionnant. »

Ses remarques m’arrachent un souffle du nez d’un amusement fade, désabusé. Peut-être a-t-il raison, mais ce n’est pas suffisant.



***

Je passe la porte qui conduit dans une cuisine des plus animées. Tout le monde court dans tous les sens, vaque à ses occupations, nettoyer, préparer, servir, ranger, sortir. J’esquive une Ysna des plus chargée qui – le Créateur sait comment – ne m’avait pas vu sur sa route, salue vaguement Dasyra, et c’est là que je l’aperçois, qui désarme son plateau de quelques flûtes de champagne vides.

Le temps d’un battement de cils, toutes les questions me traversent l’esprit : est-ce une bonne idée ? Maintenant ? Et si elle refuse ? Et si je gâche sa soirée ? Et si elle m’en veut ? Mais à peine le temps de répondre à la moindre interrogation que son clair regard croise le mien, comme une lointaine habitude retrouvée, comme si dans les ténèbres les plus opaques, elle trouverait mon regard sans la moindre hésitation. Et il m’est impossible de reculer, à présent.

Je m’approche avec une lenteur hésitante, incertaine, et me racle la gorge par réflexe avant de prendre la parole.

- « Lilley ? Hum… »
- « Oui ? »

Créateur, j’ai envie de mourir. D’embarras ou de désespoir. Un des deux. Mais le ton de sa voix miroite le mien, tandis qu’elle préfère s’occuper ailleurs en débarrassant ses trouvailles vides. Elle a au moins ce luxe. Mes yeux parcourent la cuisine, avant de dévier ailleurs.

- « Tu aurais un instant à m’accorder ? »



***

- « Sérieusement, Miche, qu’est-ce qui t’empêche de tenter ta chance ? …à moins que tu n’aies simplement la trouille. »

Et puis, il commence à ricaner, comme une tentative de me provoquer pour que je réfute son commentaire. Sauf que dans le fond, il a raison, et il semble le comprendre à mesure que son petit rire s’estompe.

- « …Sérieux ? »
- Un soupir, puis. « Je ne suis pas doué pour les serments de ce calibre… »
- « Pourtant je ne connais pas plus loyal. »
- « Je déteste me mettre en cage. »

Je l’ai appris à la dure, et jamais je ne referai cette erreur. Même si je sais pertinemment que Lilley n’est pas comme elle. Que Lilley n’est pas un monstre comme elle. Mais à quoi bon ? L’instinct de survie et la terreur nous font faire bien de stupides raisonnements.

- « Eh. Personne ne te demande de l’épouser, hein- »
- « Oh ça suffit. »
- « Tu lui as parlé de tout ça ? »
- « Pourquoi faire ? »

A quoi ça servirait ? Raviver une flamme éteinte à cause de tant d’attente ? La blesser par mégarde alors qu’elle n’a rien demandé ? Ou pire ? Mais le regard que me lance Seamus, qui souligne ici une évidence, me coupe dans mes réflexions.

- « Oh. »
- « Je rectifie : tu n’es pas une mauvaise personne, mais il faut vraiment que t’apprennes à communiquer avec les gens. Parce que là, tu ne fais qu’assumer qu’elle pense ci et ça, mais dans le fond t’en sais rien. Et je te le dis, ce silence que tu lui envoies en pleine figure fait bien plus mal qu’une discussion à cœur ouvert. »
- « C’est… pertinent. »

Il marque un point, et il le sait. Je soupire, tandis que Seamus essaie tant bien que mal de ravaler son rire derrière son poing. Mais son air change assez vite, comme un éclair de réalisation.

- « … Oh non, vous n’avez jamais reparlé depuis l’incident ? »

Le silence qu’il récolte est sans équivoque, ce qui déforme son visage d’une certaine peine. Mais Seamus est un homme résolu – à se mêler de ce qui ne le regarde pas pour le plus grand bien d’autrui.

- « Alors fais-le. Efface tous les doutes ce soir. Pose toutes les cartes sur la table, et tu verras bien ce qu’elle te répond. »

Puis, me lançant une tape dans l’épaule, il pointe une porte par laquelle Lilley est en train de passer, avant de reprendre sa petite route sur un clin d'œil que son masque que loutre ne dissimule nullement.

- « Tu n’auras pas meilleure occasion que ce soir. Plus vite c’est fait… plus vite c’est fait. »



***

- « Oh, heu… »

Ses mains méticuleuses se sont immobilisées, et le silence, dans cette cuisine pourtant bruyante, revient à nouveau. Évidemment que ce n’était pas une bonne idée, il y a tant à faire, ce soir. Bien joué, Seamus.

- « C’est que… »

Mais telle une sainte, Maylin apparaît et lui prend le plateau des mains. Sans le moindre mot, le moindre commentaire. Un clin d'œil, sans plus. On dirait une immense mascarade, organisée avec fourbe par l’entier de l’établissement. Désarmée, elle me lance un regard confus – le mien n’en est pas loin non plus –, avant de croiser ses bras et de passer une main dans les ondes de sa chevelure.

- « Bon, j’imagine que oui, maintenant… »

Je souffle du nez d’un certain soulagement, et honnêtement, je prends assez rapidement les jambes à mon cou dans un des celliers à l’arrière. Je préfère ne pas m’attarder dans la cuisine, les collègues vont se poser bien trop de questions… si ce n’est pas déjà le cas. Lilley m’emboîte le pas aussitôt également et y entre la première, tandis que je referme la porte derrière nous.

Un certain silence se propage, un peu de calme dans l’agitation constante de l’Acanthe ce soir, mais aussi une certaine gêne. Je ne sais même pas par où commencer, et elle doit bien le voir. Mais d’un autre côté, me voilà à simplement l’observer, dans sa belle robe aux motifs lunaires et stellaires, les fins voiles transparents qui participent à la coupe générale, épousant l’indigo d’un sombre élégant, les vagues qui cascadent de part et d’autres de ce masque d’ermine pourtant si simple, pourtant si efficace, ce broche qui maintient en place et rehausse le tout, brillant de mille feux. Mais mon regard fuit à nouveau, tandis que je réalise le merdier dans lequel je me retrouve suite à une stupide impulsion.

- « Tout va bien ? Qu’y a-t-il ? »

La voix est douce, le ton est bas, le timbre est inquiet. Je passe une main sur l’arrière de mon crâne, cherchant mes mots, sachant même par où commencer. Tant de choses se sont passées. Tant de choses sont à évoquer, à avouer. Tant de choses peuvent ruiner sa soirée.

- « Ça va mieux ? »  qu’elle demande, suite à mon épisode sympathique qui a sûrement fait parler de lui au Laurier.
- « Ça va, je… Lilley. » Une éternelle pause, avant d’enfin admettre. « Je suis désolé pour ce qui s’est passé. »

Je peux entrevoir son regard qui s’agrandit un instant, tandis que ses bras se croisent lentement. Un silence passe une fois de plus, un silence qui interroge, un silence qui désire en savoir davantage.

- « De… de quoi parles-tu ? »
- « De ce qui s’est passé avec le Carta. Je… J’aurais dû être là. Il ne te serait rien arrivé, si… »
- « Miche… »

Elle s’approche, mais retient ses mains d’avancer pour elle. Comme piégée dans l’indécision. Mes yeux ne quittent plus le sol.

- « Mais… mais tu n’y es pour rien. »
- « C’est ma responsabilité de m’assurer que tout le monde va bien, Lilley. J’ai failli, ce soir-là. »
- « Mais tu ne peux pas être partout ! Ne sois pas ridicule… »

Quelque chose bloque sa gorge, lui coupe le souffle. Le silence nous enrobe et nous dérobe, me pousse à faire ce que Seamus me force à faire sans vraiment m’y contraindre : tout déballer.

- « Je comprends si tu m’en veux. Je m’en veux sans cesse depuis que c’est arrivé. »
- « Quoi ? » Son corps semble se réveiller. « Mais qu’est-ce qui te fait penser une chose pareille ? »
- « Je le vois, tu sais… Tout a changé depuis. »
- « Tout a changé parce que tu m’évites sans cesse, Miche. Tout a changé parce que tu as cessé de m’adresser la parole. »

Le ton monte, et je regrette presque mon honnêteté. Je ferme les yeux un instant, pinçant l’arête de mon masque, à défaut de celui de mon nez, avant de lâcher un long soupir.

Le pire, c’est qu’elle a raison.

- « C’était donc ça », qu’elle conclut sur un ton étrange, à mi-chemin entre la tristesse et l’amertume. « C’était donc bel et bien ça… »
- « Lilley, je- »

Tandis que je m’approche à mon tour pour l’attraper par les deux épaules, la porte s’ouvre dans un vacarme sur une Ysna. Qui me regarde. Qui regarde Lilley. Qui évidemment réalise une bourde. Mais Lilley ne rate pas le moindre battement et quitte la pièce d’un pas pressé, bousculant la pauvre Ysna au passage. Et je ne peux que la regarder partir, avalant à mon tour cette bulle qui gonfle dans ma gorge. Ysna ne peut que me regarder dans un choc et un embarras compréhensibles. Pas la moindre excuse ne parvient à franchir ses lèvres.

Je pense qu’elle a envie de disparaître en cet instant, de se faire toute minuscule et invisible. Comme je comprends.



***

Et j’observe Seamus partir, muet comme une tombe. Comme un gamin pris la main dans le sac en train de faire une connerie. Mon regard se perd un instant sur la petite foule privilégiée en bas, pensif. Devrais-je ? Ce soir, tout particulièrement ? Il y a déjà tant à gérer, quel abruti… A moins que Seamus ait pensé à quelque chose auquel je n’ai absolument pas pensé. Mais le voilà qui revient et me lance une clé, que je rattrape sans mal.

- « La salle du fond à gauche n’est pas utilisée, si jamais. »
- « Pour… Pourquoi faire ?? »
- « Bah, pardi : Satinalia ! »

Oh… oh. Mais bien sûr qu’il avait cette idée derrière la tête. Comme il m’énerve parfois avec ses idées lunaires. Mais je contemple la clé un instant, avant de la ranger dans ma poche. De surveiller encore un peu que tout se passe à merveille.

Suis-je vraiment à la hauteur de ce qu’il m’en estime capable ? N’ai-je pas déjà tout fait rater ? N’a-t-elle pas déjà suffisamment souffert à cause de moi ?

Je ne sais pas vraiment quoi en penser. D’une part, il a raison : la meilleure façon de le savoir, c’est de lui en parler, mais… Ce soir ? Ai-je vraiment envie de raviver de si pénibles souvenirs en cette soirée de festivités ? M'apprêté-je à franchir une ligne à ne pas franchir ? Je ne sais pas trop, elle mérite d’oublier toute cette histoire, le temps d’un soir. Mais elle devrait également savoir la vérité, n’est-ce pas. Quoiqu’elle s’imagine depuis près d’une année, maintenant.

Paré d’une certaine détermination, je quitte mon perchoir pour descendre les marches d’escalier avec discrétion.





"Il n'est pas de naissance qui ne rappelle une mort,
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--G. Brooks

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Deuxième partie


- « J’approche de ma cinquantaine. Au mieux, il ne me restera qu’une vingtaine d’années avant de mettre les deux pieds dans la tombe. »
- « Alors offre-lui les vingt plus belles années de sa vie. »



***

Si les murmures voltigent dans la cuisine, chaque mot s’évanouit lorsque je la traverse. Un silence qui parle de lui-même.

Je monte à l’étage pour m’isoler sur un des balcons, qui baigne dans une nuit bizarrement chaleureuse. Je m’assieds contre la rambarde, retire mon masque d’un geste las, attrape ma tête à deux mains et ferme les yeux pour faire le tri.

Que vient-il de se passer ?

Le calme nocturne pour compagnie, j’explore chaque mot de cette conversation. Elle m’en veut clairement pour avoir créé cette distance, moi qui pensais naïvement que ce serait certainement ce qu’elle voulait. Ou alors, y aurait-il quelque chose que j’ai manqué ? Un bête détail, ou une de ces subtilités féminines avec lesquelles je ne suis clairement pas doué ? Un non-dit est évident. Mais comment rattraper le coup ? Allez Mikaal, tu n’es plus un bleu avec les femmes… Ce n’est pas si compliqué, si ? Ou ai-je atteint ce point de non-retour, ou plus rien ne peut être réparé ?

- « Mrraw ! »

Les genoux repliés contre ma poitrine, je relève la tête pour apercevoir Tartuffe, qui s’approche d’un pas élégant, m’observe, renifle ma chemise de son petit museau clair, avant de se frayer un chemin entre mes jambes et mon torse comme si elle rentrait chez elle, ce qui a pour don de me faire souffler du nez d’un certain amusement.

- « Allons, allons… »

Mes jambes se meuvent pour se plier en tailleur, tandis qu’une main vient englober sa petite tête d’une caresse. Sa tête remonte dans un réflexe, tandis qu’elle me piétine de ses petites pattes, passe bien sa queue dressés contre mon visage, avant de faire demi-tour, de trouver sa position convenable, et de s’installer contre moi. Elle m’offre ses grands yeux, avant d’incliner la tête sur le côté, tandis qu’elle commence à ronronner. C’est si mignon, un chat.

- « C’est rien, ma chère Tartuffe. Je suis juste un abruti. »

Mais la voilà qui grogne, ses oreilles se replient en arrière. Evidemment qu’elle n’est pas d’accord avec moi : je la nourris, je ne peux pas être stupide à ses yeux. Je sers au moins à quelque chose, et ce doit être suffisant pour elle.

- « J’aurais dû attendre un autre jour, ce soir n’était vraiment pas idéal. Maintenant Lilley ne pourra pas travailler en étant pleinement dans le bain durant le reste de la soirée. Vera va me tuer à coup sûr. »

Un coup de patte se propulse contre ma joue, ce qui me surprend bêtement d’un mouvement de recul.

- « Tartuffe ! »
- « Mmmmoouuuuuh… »
- « Quoi. Je ne vais pas lui courir après non plus toute la soirée. J’ai déjà causé suffisamment de dégâts, tu ne crois pas ? »
- « Hhhhhhhhhh !! »
- « Oh. Tu n’es clairement pas d’accord. »

Son regard froncé défie le mien pendant quelques secondes. Bon sang, je parle à un chat de mon malheur. Mais Tartuffe continue sa petite chansonnette outrée, tandis que son poil se hérisse.

- « Mmrrooonononono… »
- « Bon, très bien alors. Je devrais faire quoi, d’après toi ? »

Et elle frotte sa tête contre mon visage en guise de réponse, les ronronnements qui reviennent. Je souffle du nez, non sans manquer de ravaler ce sourire que sa présence me procure.

- « Bon, bon, j’ai compris, j’ai compris… Mais comment je m’y prends ? Je ne sais même pas où je peux la trouver. Elle peut s’être réfugiée n’importe où. »
- « Mrrr ? »

Tartuffe m’offre ses grands yeux, avant de quitter sa position d’un bond. Elle m’offre ses grands yeux une fois de plus, les oreilles des plus droites, et commence sa cacophonie féline.

- « Maaaaaah ! Maaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !! »
- « J’arrive, j’arrive… ? »

Tandis que je me relève, je ne peux que rire de cette drôle de situation digne d’un roman. Je suis en train de demander conseil et de l’aide à un chat. Mais Tartuffe ne s’arrête pas, loin de là, et lorsque j’atteins sa position, la voilà qui démarre son petit trot. Je fronce les sourcils d’une certaine confusion, presque certain qu’elle compte me conduire à sa gamelle, mais joue tout de même le jeu. Cependant, ce n’est pas l’escalier qu’elle prend, mais bien le couloir. De fil en aiguille, nous arrivons devant une porte mal refermée, devant laquelle Tartuffe s'arrête et s’assied, de grands yeux brillants posés sur moi.

Je m’approche lentement de cet infime rayon de lumière qui provient de l’intérieur pour y glisser un œil, et à ma plus grande stupéfaction, elle est bel et bien là. Allongée à moitié contre le matelas, les bras repliés autour de sa tête, immobile. Cette fraction de vision me compresse la poitrine. Puis, je sens Tartuffe se faufiler derrière mes jambes, comme pour me faire passer le message évident que je devrais entrer. Mais devrais-je ? Mais évidemment, Tartuffe ne s’en arrête pas là. Nos regards se croisent une fois de plus, et comme si elle savait pertinemment le chaos qu’elle s’apprêtait à déclencher, m’observant une dernière fois avec sa petite bouille des plus adorables, Tartuffe commence à miauler. Très fort. Saloperie. Puis elle me mord le mollet avant de partir en courant. Mais je n’ai pas le temps de pousser le moindre juron contrarié que la porte s’entrouvre.

Chaque pupille transmet à son interlocutrice silencieuse cette surprise teintée d’imprévu qui s’y consume. Je reste bêtement au seuil à l’observer, empêtré dans mon dépourvu, mais lorsque Lilley menace de refermer la porte, je ne manque nul battement de cil et place une main contre le bois sombre.

- « Attends. »

Évidemment de ma mauvaise main, ce qui ne manque pas de me faire grimacer légèrement. Mais dans l’urgence, et malgré toutes les pensées et autres décisions s’y croisant dans une frénésie surhumaine, je tiens bon.

- « Laisse-moi au moins finir, je t’en supplie. »

Ses mains hésitent, mais après le temps de certainement envisager chaque possibilité, pour en choisir la plus – la moins ? – raisonnable, Lilley cède, et la porte s’ouvre à nouveau. J’entre sur un pas léger, comme si j’étais entré par effraction, et la porte se referme derrière moi.

La flamme de sa bougie danse, projette ses courbes et ses ombres contre sa silhouette qui me toise, les bras croisés. Malgré l’obscurité, il est évident que ses yeux sont rouges, que ses joues sont taillées d’humidité. Quel enfer…

- « Je sais que j’ai merdé et que je n’aurais pas dû agir de la sorte. Je ne savais pas vraiment comment gérer tout ça… J’ai cru que tu m’en voulais de ne pas avoir été là. »

Son soupir est lourd, secoué, mais Lilley est une femme qui a vu bien des choses, et affronté bien des brutes. Son regard se baisse, s'égare ailleurs dans la pièce.

- « Tu ne vois donc pas où est le vrai problème. »
- « … Parce que manquer à ta sécurité n’est pas un vrai- »
- « Regarde-moi. » Sa voix craque. Ses yeux se referment. « Re-gar-de-moi ! »

Et ses mains, dans une frénésie fatiguée, accompagnent la demande en encadrant son visage de grands gestes circulaires. Et je l’observe, la Lilley, comme je l’ai toujours fait. Comme je le fais depuis la première fois que je l’ai vue descendre ce grand escalier, la posture fière, la chevelure qui ondule, le sourire divin, la main gracieuse qui glisse le long de la rambarde.  

Je m’approche un pas après l’autre, ne quittant nullement ce doux visage désormais partiellement meurtri des yeux, attrape ce doux visage désormais partiellement meurtri à deux mains, cherchant ses yeux abattus des miens téméraires. Ses azures iris remontent dans les miens, la colère amoindrie, et l’espace d’un temps, c’est bien tout ce que nous faisons. Pourquoi prétendre à davantage ?

- « Et je te regarde. »
- Ses yeux se ferment, ses mains quittent mes avant-bras. « Arrête… »

D’un geste plutôt brusque, ses mains chassent les miennes, et la voilà qui se retourne, qui croise les bras, davantage pour se consoler que pour se montrer résiliente.

- « Tu es doué avec les excuses raisonnables », se reprend-elle. « Tu n’as pas à me mentir sur les raisons pour lesquelles tu ne veux plus de moi. »
- « … hein ? »
- « N’est-elle pas évidente ?! »
- « Mais je n’ai jamais dit que- »

Oh. Oh merde j’ai compris.

“Ce silence que tu lui envoies en pleine figure fait bien plus mal qu’une discussion à cœur ouvert.”

Oh non…

- « Lilley, je n’ai jamais dit que… je ne voulais plus de toi ? D’où tu tiens une idée pareille ? » La question feint l’ignorance pour la pousser à parler.
- « C’est pourtant évident. »
- « A croire que ça ne l’est pas pour tout le monde. »
- Un énième soupir, avant qu’elle n’incline la tête dans ma direction. « Mon visage ne sera jamais plus comme avant. Je suis hideuse… Hideuse, Miche. Tu peux le voir. Tout le monde peut le voir. Et tout le monde a compris. Vera ne me garde à ses côtés uniquement car elle a pitié de ma laideur. Car elle sait que je n’ai nulle part où aller avec ma nouvelle trogne. Qui voudrait de moi ? Même le métier le plus bas et le plus cruel dans lequel on peut forcer une femme pour survivre ne veut plus de moi. Me marier ? Avec quel fou, suffisamment stable pour se permettre une véritable poupée sur mesure, et qui lui convient mieux qu’une sotte insortable ? Qui s’infligerait ma repoussante apparence, moi femme de misère, moi femme qui vient de perdre la seule chose – superficielle, je confesse – qu’elle possédait vraiment ? Je n’ai plus rien à offrir au monde, si ce n’est la pitié et la honte. Et mes enfants, si le Créateur trouve l’ultime miracle qui oserait porter ce fardeau que l’on appelle “mon époux” ? Cette petite bille de lumière que je verrai grandir, et qui, lorsqu’il ou elle me regardera, commencera à pleurer, à gémir de terreur ? Mes enfants qui se demanderont, dans toute l’angoisse que cette terre ait connu, si un jour ils développeront aussi ce cauchemar qui a brûlé ma peau et m’a déformée ? Comment peux-tu ne pas voir, quand tu affirmes me regarder ? Pourquoi ne pas m’éviter ces hauts-le-cœur ridicules, ce faux espoir impossible à atteindre, ces rumeurs incessantes et superfétatoires sur une issue dont tu ne veux même plus, en admettant simplement la vérité, Miche ? Pourquoi faut-il que tu prennes des pincettes avec moi ? Tu penses que j’ignore que je suis affreuse ? Que je ne me regarde plus dans le moindre reflet, jour après jour, quand j’applique ce foutu baume qui ne fera jamais rien, si ce n’est me rappeler chaque matin, chaque soir, que l’acide a creusé ma peau et m’a laissée pour disgracieuse jusqu’à la fin de mes jours ?! Pourquoi faut-il que TOUT LE MONDE me sorte sa foutue charité et me traite comme une idiote ?! Pourquoi faut-il que tout le monde me mente, dans cette foutue maison ?! »

Lilley reprend son souffle, tandis que la rougeur de sa rage se répand sur son visage ; et je ne peux que la regarder, au pied du mur. Quelle honte que de l’avoir laissée aussi seule depuis tout ce temps.

- « Pourquoi persister à me faire avaler tes mensonges ? Pourquoi persister à me courir après, quand toi comme moi savons qu’il n’y a plus rien ? Ce serait prétendre vouloir se jeter dans les ruines d’un bien terrible incendie, alors que tout, absolument tout, est réduit en cendres. C’est stupide. Alors arrête de me mentir. Car je sais comment les hommes fonctionnent, j’en ai vu suffisamment dans ma vie, dans ma carrière. Une femme n’intéresse qu’à la fleur de l’âge, qu’avec un physique des plus plaisants, une gentillesse digne de la plus soumise des esclaves, et une patience à rude épreuves. Les hommes se fichent des promesses, n’est-ce pas ? Les hommes se fichent de ce “grand amour” dont on nous abreuve depuis la naissance, n’est-ce pas ? La courtoisie, le romantisme, toutes ces belles choses, pourquoi s’en soucier ? Du moment que la demoiselle est suffisamment bonne, suffisamment stupide, suffisamment soumise, et porte ses enfants. N’ai-je pas raison ? N’est-ce pas ainsi que le monde a marché ces premières ères ? Mais lorsque la femme est défigurée, intelligente, pire : vieille ; tout homme raisonnable se doit d’arrêter ses avances pour tourner la tête le plus rapidement possible vers une meilleure proie, n’est-ce pas ? Tu penses que j’ignore les règles du jeu ? Tu penses être si différent de tous ces clients rustres, qui se croient tout permis, qui insultent, qui jurent, qui s’en prennent à nous comme si nous étions remplaçables ? Tu te crois meilleur que ces brutes, à venir t’excuser pour ton comportement pour je ne sais quel espoir de reconstruire ce que je ne peux plus t’offrir ? Il y a tant d’autres femmes à Starkhaven, Miche. »

Sur ces paroles, Lilley s’effondre sur le lit, complètement vidée par un tel flot de pur désarroi et de douleur. Sans un mot, je m’approche encore, et pose un genou à terre, en quête de ces yeux qui débordent de tristesse. Mes deux mains se posent paisiblement sur les siennes, les enrobent sans grande difficulté.

- « Il y a tant de femmes à Starkhaven, comme partout à Thédas, et pourtant c’est ici, c’est avec toi que j’ai décidé de lutter. Je pourrais pourtant continuer à sauter de lit en lit, regarder ailleurs, si tant est que je recherche uniquement la surface. Penses-tu que j’aurais hésité tant d’années, à repousser une échéance qui me terrifie de bien futiles excuses, sans avoir pourtant le cœur à simplement laisser les choses là où elles étaient il y a déjà quatre longues années ? Penses-tu que la seule étincelle d’intérêt que je te porte vient de cette beauté que tu crois perdue ? J’ai conscience que je ne saurai jamais vraiment te convaincre de ce que je m’apprête à dire, mais je le dirai tout de même : tu es la femme la plus magnifique que j’ai eu l’honneur de rencontrer dans ma très longue et morose vie. Cela me peine que tu ne parviennes plus à voir ce qui pour moi est une évidence. J’imagine que je ne saurai jamais vraiment comment c’est, de vivre avec tout ça. Mais je te regarde, Lilley, je te dévore des yeux, même, chaque instant où l’opportunité ose se présenter, et je ne trouve pas que cette blessure te rende hideuse. Mais malheureusement, je sais que tu préféreras te convaincre que je mens, car c’est plus facile ainsi. Donc, en dehors même de mon avis sur ta brûlure, penses-tu que la beauté se limite à ton visage ? A ton physique, même ? Te crois-tu si superficielle, au point de songer à mon plus grand regret que ta seule valeur se trouve dans près de 10% de tout ce qui constitue ta personne ? Et encore ? Tu es sublime, d’une douceur incomparable, j’adore t’entendre rire, quand tu me parles de ces petites choses qui occupent ton quotidien avec diligence et passion, j’adore découvrir chaque jour une nouvelle facette de ta personne, j’adore ta simple compagnie dans une journée ordinaire, même ennuyeuse. Ne te réduis pas à ce que la société attend des femmes, tu vaux tellement plus que de bien arbitraires standards pour contenter ces “hommes” que tu dis connaître. Quelle idée stupide, que de vouloir plaire à tant d’autres. Tu n’as pas à le faire, tu n’as pas à t’y forcer. Je sais que de considérer que je mens est plus facile, sauf que je ne mens pas. Cette dernière année qui vient de passer a été difficile pour toi comme pour moi, et je n’aurais pas dû m’isoler comme je l’ai fait. Mais chaque mot crie le vrai à pleins poumons, chaque mot te supplie de l’écouter. » Une pause. Mon regard dévie, incertain. « J’ai longtemps pensé que tu trouverais mieux que ma présence grisâtre et chiante. Je suis vieux, je suis fatigué, je suis aigri par la vie, je traîne sur mon dos de nombreuses erreurs qui me suivront jusque dans la tombe, et pour être honnête, si on enlève l’Enclin de l’équation, je ne me donne pas plus de vingt ans à vivre. Tu sais quoi ? Finalement, je me dis que j’ai une chance de t’offrir les vingt plus belles années de ta vie. Si le cœur t’en dit toujours, bien sûr. »

Le voile transparent du silence retombe dans la chambre, tandis que nos yeux se croisent, encore et toujours. Une main monte vers sa joue meurtrie pour y effacer un fil de larmes du pouce, son visage s’incline comme pour loger au creux de ma paume. Et durant ces prochaines minutes, c'est tout ce dont nous avons besoin, jusqu'à ce qu'elle brise enfin le silence.

- « J’ai besoin de réfléchir… » souffle-t-elle dans un murmure tremblant.
- « Je comprends. Tu veux que je retourne à la soirée et te laisse tranquille ? »

Lilley hoche de la tête, les yeux clos, et je me relève. Ma main quitte à regret la chaleur de sa joue creusée. Je l’observe une dernière fois, avant de reculer un peu et de prendre le chemin de la sortie.





"Il n'est pas de naissance qui ne rappelle une mort,
pas de victoire qui n'évoque une défaite."

--G. Brooks

Miche s'exprime de rares fois en #666666
Miche
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Garde du corps de l'Acanthe
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Ôter le masque
des vanités


Troisième partie


La soirée continue à son rythme réaliste, malgré cette envie envahissante qu’elle disparaisse pour de bon de notre mémoire collective. Une soirée toujours aussi détendue, toujours aussi ennuyeuse, toujours aussi pompeuse. De retour à mon perchoir, j’observe sans voir, entends sans écouter.

La conversation défile encore dans ma tête, même après plusieurs heures de silence. Surtout après plusieurs heures de silence, à vrai dire : il faut bien combler tout ce vide de quelconque songe parasitaire.

De toutes les personnes qui foulent le pied sur cette terre, comment Lilley peut-elle songer un instant qu’elle est si laide ?

Question sotte, vis-à-vis des circonstances de Tollecourse. Question sotte qui pourtant a persisté tout au long de cette infernale soirée. Même si les réponses que m'offre la logique sont bel et bien présentes, je n’arrive pas à m’en satisfaire. Évidemment que de se faire défigurer peut amener à quelques conclusions. Evidemment. Mais comment quelqu’un d’aussi radieuse que Lilley, et ce en tant de différents aspects, peut-elle sombrer dans un tel étroit tunnel de pensée ? Se limiter à ce seul détail pour définir l’entier de sa personne ? J’observe mes mains, referme la gauche avec bien plus de prudence – pour ne pas dire bien plus de peine – que la droite, soupire.

Attendre. La patience est une bien douloureuse vertue. Alors attendons.

Il n’y a pas grand-chose à faire, ce soir, pour se distraire, n’est-ce pas ? Je ne peux pas non plus me permettre de retourner la voir, pour prendre de ses nouvelles, n’est-ce pas ? Alors que faire ? Comment tuer cet imposant monstre invisible que l’on nomme “attente” ? J’ajuste mon col, avant de repérer une tâche bleue se mouvoir dans la foule. Si mon cœur rate un battement, il le récupère bien assez vite lorsqu’il réalise que ce n’est pas Lilley. Difficile de ravaler mon renfrognement, pour ne pas parler de déception.

- « Alors ? »
- Je ne manque pas de sursauter. « Comment ça, “alors” ? »

Le regard que me lance Seamus déborde de mystère, mais surtout d’intérêt. Mes sourcils se froncent, et j’attends sa réponse qui semble, j’imagine, évidente dans le haussement des siens.

- « Je préfère ne pas en parler. »
- « T’as dit le fond de ta pensée ? »
- « Oui. » Et quelque part, j’ai l’impression de le regretter.

Seamus s’accoude à la balustrade, le regard dans le lointain. Et bien assez vite, je fais de même.

- « Laisse-lui du temps, je suis sûr que ça va aller. »
- « On verra bien. C’est pour ça que tu viens me déranger ? »
- « Non, rassure-toi. J’ai besoin d’un coup de main pour transporter quelque chose, ça ne prendra pas longtemps. »
- « Parfait, je te suis… »

Quelque chose pour m’occuper l’esprit. Parfait.

Je suis donc Seamus, et nous redescendons dans la cuisine, croisons une fois de plus les filles – les commères –, et empruntons le chemin de la cave.

- « Voilà, c’est le- » Il s’interrompt, tapote ses diverses poches. « Mince, j’ai oublié la clé de la cave, je reviens. »
- « Je t’attends. »

Quelque chose de bizarre se passe ce soir, non ?

Mais Seamus s’est déjà sauvé, et avec son départ, les questions reviennent. Je souffle du nez et me masse la nuque, comme si ça allait changer quoi que ce soit, et j’attends bêtement qu’il revienne. Après quelques minutes, je commence à faire les cents pas dans le couloir, les mains repliées dans le creux de mon dos, à observer les alentours pour me distraire.

Et puis, une petite cacophonie féminine me parvient au loin, certainement pour se répartir certaines tâches à la va-vite car du champagne manque, ou une bêtise comme ça. Sauf que j’entends la voix de Lilley au cœur de cette timide et lointaine tempête. Je m’approche avec prudence, et je peux enfin apercevoir le petit groupe sortir de la cuisine, les bras chargés. Mais Lilley est revenue. Ce qui veut dire…

J’aperçois également Seamus sortir de la cuisine, ce qui fronce mes sourcils de perplexité. A quoi joue-t-il ? Cette question prend davantage de poids lorsque je constate l’éclat de malice qui danse dans ses prunelles.

- « Alors, cette clé ? »
- « Oh, heu ouais » – il fouille dans sa poche pour me montrer la clé –, « mais en vrai je pense que je vais réussir à m’en sortir. Il y a besoin de moins de caisses que prévu, c’est une bonne nouvelle. »

Les bras croisés, je me contente de le toiser du silence du jugement quelques instants, pour vérifier s’il ne se paie pas ma tête, ce soir. Mais son regard ne vacille nullement, bien au contraire. Et tout sourire, Seamus me tend un morceau de papier plié avec soin.

- « T’as plus urgent sur le feu, je crois », qu’il annonce avec fierté.

La surprise dans mon regard agrandi ne doit pas lui échapper, tandis qu’il glisse le papier dans une de mes mains, avant de prendre la direction de la cave. Pas le temps de poser la moindre foutue question, évidemment. Je reporte mon attention sur ce petit mot, que j’ouvre méticuleusement.

Je crois qu’il faut que nous reparlions de tout ça. Seamus m’a dit que tu aurais un endroit à l’abri des regards ?

J’espère que je ne te dérange pas au milieu de quelque chose.

– Lilley



Seamus, mon beau salaud.

Le soudain stress que me procurent ces quelques mots me force à soupirer, tandis que j’enfouis le message au fin fond d’une de mes poches. Je prends la direction des cuisines à pas de loup, n’ayant certainement pas envie d’attirer davantage l’attention. Seamus avait bien une idée derrière la tête tout ce temps, et j’en suis à me demander s’il est le seul dans le coup. Connaissant les filles, j’avais raison d’avoir quelques réserves sur la question. Et c’est là que je la vois, occupée à remplir quelques coupes, à arranger quelques petits fours sur un plateau, visiblement distraite. L’épaule appuyée contre le cadre de la porte, je croise les bras, et attends. Elle doit certainement relever les yeux très fréquemment pour guetter une réponse, ou en l’occurrence ma présence, et c’est exactement ce qui se produit. Je lui fais un signe de la tête pour indiquer l’étage, avant de détaler d’un pas pressé. Je n’ai pas envie de rester dans les alentours de cette foutue cuisine davantage.

Créateur, ces fourbes…

Je gravis les marches deux à deux, et attends dans le couloir. J’observe cette clé que Seamus m’avait refilée en début de soirée, pensif.

Je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre.

Quand une dame vous lâche le “il faut qu’on parle”, même si elle a fait au mieux pour éviter cette formulation précise, c’est rarement bon signe. N’est-ce pas ? Que s’est-il passé, ces dernières heures ? A quelle conclusion a-t-elle finalement abouti ? J’inspire longuement pour tenter de maintenir la cadence des rafales qui pleuvent dans ma cage thoracique, et souffle tout aussi longuement.

Mais à l’opposé du couloir, la silhouette timide de Lilley commence à se dessiner, à la lueur des rares flammes qui s’y promènent à cette heure et en ce jour. Les mains jointes, elle avance avec une certaine prudence, ce qui me paraît étrange. Difficile à dire comment elle se sent, avec son masque, mais j’espère qu’elle va mieux.

Sans un mot, je glisse la clé dans sa serrure pour ouvrir la porte, et m’y faufiler. Une salle assez grande s’offre à nous, éclairée par la seule force de la lune. Quelques tables et chaises sont poussées sur le côté avec négligence, ou recouvertes d’une grande couverture blanche pour les protéger de la poussière, et certainement de la lumière. Je m’avance, chaque pas résonnant contre le parquet, jusqu’à ce que j’entende la porte se refermer.

Nous nous regardons sans un mot d’abord, et je sens que la pression de briser la glace est bien tombée sur mes épaules, pour ce soir.

- « Hum… ça va mieux ? »
- « Oui. Je suppose… »

Il faut dire que notre échange dans la chambre était des plus émotionnellement chargés. Comment lui en vouloir d’être incertaine ? Je hoche de la tête en signe de compréhension, tandis que je prends appui contre une des tables, les bras croisés. Les mains de Lilley s’entremêlent, frottent son bras, se joignent, se quittent.

- « Je- J’ai été dure avec toi toute à l’heure. Je voulais m’excuser. » L’hésitation danse dans ses yeux, mais la frustration l’autorise à déverser ce trop plein. « Je me suis emportée sur toi alors que tu n’as rien fait pour mériter ça, et… Je ne pensais pas tout ce que j’ai dit. Enfin… Enfin quelque part si, mais certainement pas à ton sujet, je… »

Tandis que j’écoute avec patience, son visage s’incline, et je devine sans peine la confusion et la douleur qui serrent sa gorge.

- « Je ne comprends pas pourquoi tu » – sa voix se brise, ses mots tremblotent. « Pourquoi ? »

Je retiens ce “pourquoi pas” flegmatique que j’aurais répondu sans hésiter, conscient que mes habitudes purement pragmatiques ne nous seront d’aucune aide. Ce silence de ma part, certes involontaire, la contraint à poursuivre dans le cheminement de sa pensée.

- « Pourquoi, même malgré » – sa main gesticule autour de ce masque qui dissimule la douceur de son visage meurtri – « malgré tout ça ? »

Réfléchissant à la bonne manière de répondre – de compatir, de la réconforter –, un sourire fleurit sur mes lèvres. Un sourire de tristesse, un sourire de regret, un sourire de vieille amertume.

- « Je sais que ça en choquerait plus d’un, voire en repousserait plus d’un, mais ce n’est pas mon cas. D’une façon un peu alambiquée, je sais ce que c’est. A défaut de réussir à te convaincre ce soir de ta joliesse, je vais te montrer quelque chose qui peut-être t’aidera à comprendre. »

Tandis que je commence à déboutonner la manche gauche, je commence mon petit récit.

- « Ce n’est plus vraiment tant un secret que ça désormais, à mon grand regret, mais durant une majeure partie de ma vie, j’étais un guerrier. Un sacrément bon guerrier, j’ajouterai même. Sauf qu’un jour, ma désillusion a heurté plus grand que moi, et… »

Je retiens mon souffle, tandis que je retire mon gant sombre, avant de retrousser la manche au niveau du coude, laissant apparaître cette part de moi que j’essaie de fuir depuis une quinzaine d’années. Mes yeux parcourent chaque claire et difforme zébrure avec un certain dégoût, lorsque j’entends le souffle de son choc. Mes doigts sont écorchés, mon poignet semble disloqué, et mon avant-bras paraît soudainement si frêle, malgré ce qui demeure de sa carrure. Une boucherie, même après tant d’années.

- « De la foudre », j’explique à mi-mots. « Il m’a fallu au moins une bonne décennie avant de regagner le maximum de ma mobilité, et j’en garde encore bien des dégâts nerveux. Si j’ai pu reprendre un certain contrôle de mon bras, je suis presque incapable de me battre comme je le faisais à l’époque. Et ça, pour un combattant qui ne connaît que ça, … »

Dévastateur. Une perte de soi, de qui l’on est. Oh, ça parmi tant d’autres horreurs qui ont sculpté ma vie morose depuis. Mais quelque part, nos histoires se rejoignent, n’est-ce pas ? Une bien laide blessure qui réduit à néant notre vie d’antan.

Je tends les deux mains devant elle, que je fixe sans vraiment les voir. Sans vraiment la voir.

- « Donne-moi tes mains, et constate. »

Avec une prudence inédite, les doigts délicats de Lilley épousent les miens plus rustres. D’abord en douceur, je les replie, avant d’augmenter la pression que j’y exerce. La pression exercée par la gauche est ridicule en comparaison de sa jumelle intacte, ce qui agrandit les yeux clairs de la douce.

- « Tu sens ? »
- « Oui », répond-elle dans un souffle confus, « c’est… C’est fou. »
- « Personne, et je dis bien personne ne le sait. Parce que je prends garde à ce que personne ne le sache. Si le moindre client au Laurier l’avait remarqué, penses-tu qu’on me prendrait au sérieux ? Je passerais un sale quart d’heure, je ne vais pas mentir. Et pourtant, malgré cette faiblesse inévitable, j’ai montré aux fauteurs de trouble que j’étais bien plus fort qu’eux. Et en toute honnêteté, c’est le cas. Parce que la puissance ne réside pas que dans la force brute : c’est un état d’esprit, une attitude, une confiance en soi inébranlables. Et puis, mes crochets du droit font toujours foutrement mal, à défaut du gauche. Tu vois où je veux en venir ? »

Son regard croise le mien un instant, tandis qu’elle écoute dans un silence troublant. Puis, elle hoche de la tête lentement, absorbant encore mes explications. Sa main se délie de la mienne, ses doigts fins parcourent les tracés avec tendresse et attention. Et je ne peux que la contempler, le souffle coupé dans un tel instant de vulnérabilité. Si seulement je pouvais sentir ce toucher avec davantage de certitude…

- « Ta blessure est récente, Lilley, tellement récente. Il faut du temps pour l’oublier. Un jour viendra où tu n’y feras même plus gaffe, que tu me croies ou non. En attendant, sois patiente avec toi-même, et prends soin de toi. D’accord ? »
- « Je vais essayer… »

Une victoire. Une maigre victoire certes, mais dans une guerre, chaque bataille compte, insignifiantes comme majeures. Ce constat me fait sourire plus franchement qu’avant, et ce sourire, elle me le rend avec timidité. Je remets mon gant, rabaisse ma manche et la remets en place habilement.

- « Bien, nous devrions- »

Je m’interromps. Observe le salon dégarni un instant.

“Bah, pardi : Satinalia !”

Serait-ce raisonnable d’être trop raisonnable ce soir, avec la bien confuse tempête que nous venons de passer ? Le regard que je lui porte semble lui vendre une certaine mèche.

- « Oui ? » Je souris. « Quoi ? » Je tends une main dans sa direction, le corps légèrement incliné. « M-Miche, mais- »

Si elle ne portait pas de masque, je jurerais que son visage irradiait d’un rouge vif. Ses mains se replient devant sa bouche pour étouffer un soupir de surprise, et des syllabes se bégaient.

- « Mais ? » je répète avec un certain malice.
- « Mais enfin » – elle calme ses ardeurs, pour murmurer comme si nous étions sur le point de faire gronder pour une bêtise – « on est de service ! »
- « Et tu es toute aussi douée que moi pour les excuses raisonnables, il semblerait. Une danse ne se refuse pas, très chère. »
- « Ahah, je ne sais même pas danser », râle-t-elle tandis que sa main embrasse la mienne.

Tout en douceur, je l’invite davantage au cœur de la pénombre en reculant de quelques pas. Et elle me suit, incertaine mais confiante en mes manigances. Heureusement que le lourd manteau de la paranoïa ne repose pas avec nonchalance sur mes épaules, ou j’aurais juré que Vera ne m’a appris à danser que dans ce but, se servant du bal au palais comme prétexte. Je l’attire davantage à moi, et attrape son autre main pour la caler contre mon épaule, avant de reposer la mienne dans le creux de son dos.

- « Tu verras, ce n’est pas si compliqué. »

C’est en réalité très compliqué. Je veux dire ; je n’ai jamais pris la peine d’apprendre, car honnêtement, les bals dans la haute ça m’emmerde. Et puis, je suis un homme efficace : si je veux une dame, je l’entraîne sous mes draps, je ne vais pas perdre de précieuses heures à la faire tournoyer stupidement par souci d'étiquette.

Mais tout est toujours si spécial lorsque c’est elle, n’est-ce pas ?

L’écho de la musique nous parvient comme une espèce de souvenir vague d’un temps heureux qui surgit de nulle part, et nous envoûte à nouveau.

- « C’est une valse, les pas vont par trois. Comme ça… »

Et à l’unisson, notre concentration plonge sur nos propres pieds. Si les premières tentatives sont des plus biscornues – non sans manquer de nous amuser –, au fil des mesures, la maladresse s’évanouit petit à petit. Et puis, je tente l’audace : libérant le creux de ses reins, je relève la main encore occupée au-dessus de sa tête pour la faire virevolter sur elle-même. Le drapé de sa robe s’envole en une ellipse parfaite, et son rire inonde la pièce. Et puis, avec une relative souplesse – très relative, que ce soit de par mon âge ou mon manque clair de maîtrise –, je poursuis nos pas comme si de rien n’était, ce qui m’attire un nouveau petit joli rire.

La seconde ne se passe pas exactement aussi bien que la première. Lilley positionne mal un de ses pieds, et ne manque clairement pas de tomber. La surprise et le manque clair de talent nous tire un rire à tous les deux, mais au final, avons-nous réellement envie d’une danse parfaite et irréprochable ? De s’emmerder à viser l’excellence, alors que son rire me bénit de sa lumière ?

L’espace d’un instant, il me semble entrevoir cette Lilley radieuse qui fleurissait entre les murs solides du Laurier Carmin. Cette Lilley qui n’avait peur de rien, cette Lilley qui n’avait qu’à apparaître au sommet de la balustrade pour que l’entier de l’établissement l’admire religieusement – et moi avec. Une Lilley qui sommeille au plus profond d’elle-même, depuis l’incident. Une Lilley qui n’attendait qu’une étincelle pour s’embraser à nouveau. Et je la vois encore, lorsque la musique se termine, lorsque son regard dévore le mien, lorsque ses chaudes mains enveloppent ma nuque. Lentement, de la main meurtrie, je défais le ruban de son masque. Elle ne s’en rend compte que trop tard, lorsque mes doigts en attrapent le bord pour le pousser de ma route. Mais Lilley a ce besoin d’égalité, alors elle fait de même. Et nous nous observons un temps, éclairés par cette douce lune voyeuriste, avant qu’une impulsion ne rapproche nos visages ; qu’une impulsion ne mélange nos souffles retenus ; qu’une impulsion ne cède à ces années d’attente, à ces années de doutes, à ces années regrettables et certainement regrettées.

Et que cette impulsion, une si bête et insignifiante impulsion, ne lient nos lèvres pour la première fois.





"Il n'est pas de naissance qui ne rappelle une mort,
pas de victoire qui n'évoque une défaite."

--G. Brooks

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