Type de RP Classique
Chapitre concerné Chapitre 4 : Dans les murmures coulera le crépuscule furieux
Date du sujet 29 Voiréale, 5:13 des Exaltés
Participants Vera, Flynn
TW Idéations suicidaires, dysphorie de genre, insultes, crise d'angoisse
Résumé Flynn a quelque chose d'important à dévoiler à Vera. Tout du moins, ça l'est pour lui.
Pour le recensement

Code:

[code]<ul><li><en3>29 Voiréale, 5:13 des Exaltés</en3> : <a href="https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t2194-a-contre-courant-encore">À contre-courant, encore</a></li></ul><p><u>Vera, Flynn</u> Flynn a quelque chose d'important à dévoiler à Vera. Tout du moins, ça l'est pour lui.</p>[/code]

Plus jamais.

Plus jamais laisser quiconque projeter ses plans putrides sur moi. Plus jamais les laisser instrumentaliser mon corps si crassement, mon être si bassement.

Mon corps m'appartient.
Mon identité m'appartient.
Plus jamais ne laisserai-je quiconque bafouer ce principe.

Alors…

Pourquoi suis-je mort de peur ?

Planté là, à quelques pas du bureau de Vera. Pourquoi ce désir brûlant aggrippe-t-il mes trippes ?
Je n'ai pas besoin d'elle. C'est dans la continuité de notre arrangement. C'est tout. Si ça lui pose problème, j'y mettrai un terme. Je retournerai à la rue. J'embarquerai ma clientelle avec moi. Rivière s'est gagné… s'est gagnée, une réputation. Vera serait bien bête de la perdre.

Elle serait bien bête de me perdre.

Je suis trop doué pour qu'elle se passe de moi.

Tu es trop doué pour qu'on t'abandonne.

Félicitations.

Tu as réussi.

Maintenant, combien de jours te reste-t-il à vivre, Flynn ?

…Pas maintenant.

Combien de Rivières, combien d'elles, avant que tu ne la teigne de ton sang, que je ne vienne plus te sauver.

Stop.

Combien de petite traînée sans correction.

Ta gueule.

Combien de fois niera-tu cette solitude de fer qui caresse ton cou sous prétexte de tout garder sous contrôle, petit mage arrogant.

J'ai dit STOP ! Ta gueule, ta gueule, ta gueule !

Pas aussi proche de son bureau. Pas alors que je m'apprête à lui dire.

Calme tes mains. Calme tes mains. Calme tes mains. Calme tes mains.

Un pas après l'autre. Calme tes mains.

Mécaniquement, j'arrive devant la porte. Calme tes mains.

Et…

Toc, toc.

Demi-tour, Flynn.

Avance, Flynn !

Main qui descend. Saisit la poignée. Poignet qui tourne.

Un pas devant l'autre.

Jamais le mot « Entrez » n'avait paru si menaçant.
Si familier.

Maman ? Pourquoi m'as-tu convoqué ?

Je te présente ta juge. Elle est belle, hein ? Je me demande si elle serait assez vieille…

Le reste de la pièce est flou.

Il ferme la porte en appuyant son dos contre.

Pourquoi un tel manque de grâce ? Qu'as-tu à cacher ? Continues-tu d'avoir peur qu'on sache ? Fier comme tu es, tu les laisserait d'atteindre ainsi ?

« Bonsoir, Vera. »

Gorge sèche.

Vera n'aime pas qu'on prenne son temps et elle me déteste déjà. Je dois être direct.

« J'ai quelque chose à te dire. »

…

Continue ! Merde, Flynn, continue donc ! Elle va croire que ça a un rapport avec ta magie, avec sa magie, si tu t'arrêtes là !

Une belle couverture pour te protéger, non ?

Tu peux toujours faire demi-tour.

La plume gratte le papier : courbes sèches, fines, sombres. Crac, crac, crac. Et les lignes s’accumulent, tantôt couvertes de nombres, tantôt de formules - dépenses, patronymes, tâches et prestations -, sous la mine pincée de la greffière à l'œuvre. Voilà quelques heures, déjà, qu’elle s’acharne : enfermé dans son cabinet, le dragon ne souffre pas qu’on l’interrompe. Certains ont bien essayé - Ysna la première -, tout en douceur et prévenance, inquiétés par cette frénésie soudaine… sans succès. Pour tous, la même rengaine, « Cette maison ne va pas tenir toute seule. », glissée entre deux corvées, sans chaleur ni sécheresse. Un simple fait, énoncé comme on lève un bouclier, sans autre intention que celle de se préserver : des souvenirs et des regrets, des hypothèses et des certitudes. Vera n’aime pas le bruit de ses propres pensées.

Crac. Elle annote, cisaille le registre par gestes précis - Maylin, rendez-vous pris, M. Baughn et M. Pembroke, pour réceptions privées -, lorsque des coups, soudain, résonnent. Deux chocs, qu’elle songe un instant ignorer sans toutefois y parvenir. Prudence maladive, ratifiée d’un « Entrez. » qu’elle regrette déjà, et regrette davantage encore lorsque ses yeux se posent sur l’intruse venue la tirer de son labeur.

« ― Bonsoir, Vera.
   ― Je suis occupée. »

Elle ne ment pas, mais nie à Rivière la patience - déjà relative - qu’elle a offerte aux autres, repoussés avec davantage d’égards par affection ou respect. La jeune femme, hélas, ne lui inspire plus ni l’un ni l’autre.

La faute à cet orgueil blessé, et la peur de son propre reflet.
Aujourd’hui plus que n’importe quel autre jour, Vera n’a pas envie de se voir.

« J'ai quelque chose à te dire. »

La plume, repartie maculer ses feuilles et ordonner son champ de bataille, s’interrompt à nouveau. Et les paupières se ferment, le temps d’une inspiration, courte mais nécessaire, pour silencier l’agacement qui monte, monte, monte... « Soit. S’il s’agit là de la seule façon de s’en débarrasser… »

Vera repose sa rémige, mains croisées sous son menton. Ses yeux scrutent Rivière.
Qui se tait.
Silence.
Silence…

« Surtout, ne te presse pas. » La voix traîne, volontairement odieuse. Pourquoi serait-elle la seule à passer un mauvais moment ? « J’aime perdre mon temps. »

Comment ça ?

Est-ce une autre de tes plaisanteries ?

Tu sais, moi aussi à ton âge, j'avais un peu envie de sortir du cadre. Mais l'envie te passe vite.

À ta propre mère…

Après tous les efforts que j'ai fourni pour toi !

C'est si égoïste de ta part.

Tu sais, si tu aimes aussi les femmes, ce n'est pas grave…

Et ta famille ? Y as-tu pensé un seul instant ?

Capricieuse.

D'accord, d'accord, j'arrêterai de te demander de porter des robes ! Alors arrête tes bêtises.

Ma fille est morte. Ma fille est morte, et tu l'as tuée.

Tu connais la suite. Désolé pour le dérangement. Je vais te laisser travailler.
Vas-y. Je suis avec toi.

Regarde-toi. Tes mains sont moites, ta posture déplorable. Adossé à la porte tel un rat piégé.

Tu n'es pas prêt.
Fais demi-tour.
Fais moi confiance.

Cela fait des années que je te protège.

Que nous te protégeons d'elles.

…

…

« Je ne suis pas une femme. »

Silence, démons.

Elle patiente, percluse de ressentiment, pesant chaque précieuse seconde volée. « Qu’on en finisse ! » Une partie d’elle, pourtant, redoute l’issue de ce silence et l’objet de cette visite. Que lui veut-elle ? Un sujet, bien sûr, l’inquiète plus que les autres - qu’elle suppose triviaux, entre solde, linge ou repos -, rendant le tout plus insupportable encore. Qu’elle évite Rivière depuis cette soirée de Floraison n’est pas un hasard ; passées les recommandations et les interdictions, Vera s’est attachée à bannir toute allusion à la magie, fuyant l’apostate comme la peste. Un déni stupide, mais salvateur : ses priorités sont ailleurs, loin de cette malédiction qui les ronge et menace leur - son - futur. Oublier l’incident, alors, l’arrange mieux que de s’y confronter.

Jusqu’à aujourd’hui.
Oh ! Comme elle regrette déjà… Et, n’y tenant plus :

« ― Je vois. Si c’est à propos de-
   ― Je ne suis pas une femme. »

L’affirmation la musèle sur le coup, dissipant par la même les angoisses récentes. Laborieusement, car l’esprit peine à chasser le conflit anticipé pour considérer pleinement le sujet amené - et inédit, s’il en est. « Je ne suis pas une femme. » Au tour de Vera, désormais, de se borner au silence. Appuyant son dos contre le dossier de son siège, la matrone considère d’un regard intrigué la fem… Non ! Non, l’homme qui lui fait face. Et ses pensées s’entrechoquent, mêlées à d’autres souvenirs plus lointains, alors que Rivière reste là, debout au milieu du bureau.

Un homme donc.

« D’accord. » Elle ignore son rôle dans tout cela : doit-elle le rassurer ? L’encourager ? Lui offrir son indifférence ? Juger, en tous cas, ne lui vient pas à l’esprit ; une tolérance construite par des années de retape, d’amitiés diverses et d’une attraction franche pour les femmes. Qui serait-elle pour le réprouver ainsi ? Et de quel droit ?

« Est-ce que… Rivière est un nom qui te convient toujours ? »

Et puis, avisant l’apostat d’un regard plus grave :

« Tu sais que l’Acanthe ne compte plus d’hommes dans ses rangs, n’est-ce pas ? Nos collaborateurs sont désormais extérieurs à notre salon. Si… tu souhaites demeurer parmi nous, il te faudra trouver une place en coulisse. »

Auprès de Miche, peut-être, ou des domestiques.
Ou partir…

Elle soupèse en silence les issues présentées, trouvant dans l’une comme dans l’autre son lot d’avantages et de difficultés. Réemployer Rivière l’arrange moins que de perdre le jeune homme, encore que le savoir loin - de ses yeux, de sa garde - l’inquiète peut-être plus que le retenir près d’elle. « Qui sait ce qu’il pourrait bien raconter là, dehors ? Un mot, ils n’ont pas besoin de plus. » Alors quoi ? Le convaincre de rester ? Probablement… Ah ! Elle en rirait presque, si  son cœur n’était pas si vide.

« Je m'appelle Flynn. » Lentement, il se laisse glisser contre la porte, arrachant à la matrone une secousse entre empathie et gêne. « Je souhaite continuer de présenter Rivière à la clientèle. Mais auprès du personnel, c'est Flynn, maintenant. C'est il. »

Vera le considère depuis son siège.
Et pourquoi pas ?

L’alternative est raisonnable, et même arrangeante : pas besoin de remplacer Flynn - elle y a songé, pourtant, anticipant, non sans lassitude, le tombereau de démarches à venir -, ni de former le garçon aux tâches de Miche, ou des domestiques. Pas besoin, non plus, de le laisser s’égarer au hasard des rues, son nom sur ses lèvres. « C’est pour le mieux. » Elle en est désormais convaincue.

« Je veillerai à en informer le personnel. »

D’un bond agile, félin, elle se lève de sa cathèdre, arrange les plis de sa robe du plat de ses mains. Contournant finalement son bureau, il lui suffit de quelques pas pour se hisser au-devant du jeune homme, qu’elle avise d’un regard haut, sévère.

Vera lui tend sa main.

« Lève-toi, Flynn. » La paume offerte attend patiemment la sienne. « Tu n’es pas venu ici pour ramper, alors lève-toi. »

…

…

…

Il s'entend penser. Ça lui fait tout drôle… il n'a plus l'habitude.
C'était donc bien tout.
Comme si quelque chose clochait quand tout allait bien, il ricane.
L'injonction de Vera lui rappelle, lui confirme, qui il est.

« Oui… »

Il agrippe la main tendue et se hisse au niveau de sa patronne.
L'esquisse d'un sourire sur ses lèvres.

« En effet. »