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Worthy or not, I wish to live

Amadeus Domitia
Amadeus Domitia
Secrétaire de l'ambassade tévintide
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Amadeus Domitia
Personnage
Illustration : Worthy or not, I wish to live  5d53fe74ccd97a7070dae7daf760e32b

Peuple : Humain - Imperium
Âge : 27 ans
Origine : Tevinter
Occupation : Secrétaire de l'Ambassadeur
Localisation : Près de l'Ambassade, dans les tavernes, au marché
Crédits : Pinterest (artiste : Merwild) / Moi-même
Date d'inscription : 15/04/2022
Messages : 214
Autres personnages : //
Attributs : CC : 17. CT : 10. Mag : 7 End : 10. For : 15. Perc : 14. Ag : 14. Vol : 12. Ch : 16
Classe : Civil - Niveau 3
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https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t958-amadeus-domitia
Worthy or not, I wish to liveCHAPITRE IV

Type de RP FILTRER L'AGUERA ET ÉVITER LA CONTAMINATION
Date du sujet 10 Auguste - Chapitre IV
Participants @Lachlann Vaël et @Amadeus Domitia
TW Racisme, mention de cadavres, émétophobie
Résumé  Lachlann et Amadeus vont unir leurs forces pour purifier tant bien que mal les eaux de l'Aguera et possiblement, discuter des derniers évènements
Pour le recensement


Code:
[code]<ul><li><en3>10 Auguste</en3> : <a href="https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t2023-worthy-or-not-i-wish-to-live#23922">Worthy or not, I wish to live</a></li></ul><p><u>@"Lachlann Vaël" et @"Amadeus Domitia"</u> Lachlann et Amadeus vont unir leurs forces pour purifier tant bien que mal les eaux de l'Aguera et possiblement, discuter des derniers évènements</p>[/code]

Amadeus Domitia
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Quand tu veux que les choses changent, Amadeus, il faut se retrousser les manches.
Te souviens-tu, du pont que nous avons construit ?
Il a fallu beaucoup de travail. Beaucoup d’efforts, pour traverser la rivière.
Les gens, ne sont pas si différents. Il est plus facile, de longer l’eau sans jamais la traverser : de détester et continuer sur un chemin tout tracé. Laisse les te haïr, laisse les, à leur colère, si ça leur permet d’avancer.
N’oublie pas, que la haine et le rejet sont les voies les plus aisées pour se protéger, qu’il est bien plus coûteux, plus douloureux, d’ériger des ponts, s’ouvrir au monde, apprendre à le voir, tel qu’il est et non pas comme tu voudrais qu’il soit.
Tu as été déçu, tu as été blessé, mais n’oublie pas qu’il y aura toujours des raisons pour lesquelles sourire, des causes pour lesquelles se battre. N’oublie pas, ce qui compte pour toi, n’oublie pas, préfères-tu donner ou détruire, aimer ou haïr ?
Je suis inquiet. Car jusqu’à présent, nous t’avons protégé du monde, je croyais que tout serait plus facile pour toi là bas, que tu pourrais vivre de nouvelles expériences, apprendre, t’épanouir. Avons-nous fait les bons choix ? Peut-être aurais-je dû te retenir.
Mais je ne veux pas t’empêcher de vivre. Ces blessures, tu vas les surmonter, ces peurs, tu vas les affronter, Amadeus, ne les laisse pas te priver du sens que tu donnes à ton existence : tu n’as jamais été, pour laisser la haine et la peur gagner.
Sois prudent, mon garçon, mon Amadeus, si tout devient trop difficile, trop pénible, reviens à la maison.
Nous t’aimons, écris-nous, malgré la distance, nous sommes à tes côtés. Si tu as besoin de quoi que soit, nous sommes là.
Et quels que soient tes choix, je sais que tu agis pour ce qui est juste, j’ai confiance en toi.
Ne les laisse pas faire de mal à mon fils, veille sur lui, de toutes tes forces, nos prières l’accompagnent.
Papa.

Quand l’on veut que les choses changent, il faut se retrousser les manches.

Elles sont remontées jusqu’à ses épaules, dévoilant des bras épais. Musculature brute, articulation fine, harmonie étrange, de la rusticité humaine et de la délicatesse elfique, Amadeus a les sourcils froncés sous l’effort. La tête droite, les épaules redressées, à ses bras, sont suspendus plusieurs seaux d’eau. Combien de fois a-t-il remonté ce chemin ? Il n’a pas compté. Mais l’eau, il n’y en a jamais assez.

Il les dépose au sol, laisse les gens se servir, en profite pour masser ses mains. La corne usée, par l’humidité et la pression de la poignée en fer rouillé, il ouvre et ferme ses doigts, les étire au-dessus de sa tête, sourit à un enfant qui en profite pour remplir sa gourde, sa mère qui remplit ses propres seaux, finalement, il l’aide.

_ Vous prenez l’eau d’un Tevintide ? Qu’est-ce qu’il vous dit qu’il ne l’a pas empoisonnée ? Crache une vieille femme. Amère, elle foudroie du regard le jeune homme, Amadeus répond en levant les yeux.

__ L’eau d’un Tevintard hein ? J’ai pas pissé ni craché d’dans, j’suis allé la récupérer dans l’puits là-bas, elle est pure celle là, p’is si vous en voulez pas, z’en p’r’nez pas hein, j’force personne.

Bougon, il détourne les yeux, préfère reprendre ses seaux vides, se remet à l’ouvrage. Combien de voyages sont nécessaires, pour qu’il surprenne l’échange entre plusieurs individus.

_ Ca ne sert à rien de purifier l’eau si personne n’enlève ces corps de là !

_ Allez y, vous ! Moi, hors de question que j’y foute les pieds ! Pour chopper quoi, la même chose qui les a tués ?! Non, non, moi, j’ai des enfants, j’ai une famille, je peux pas prendre ce risque !

Amadeus cligne des paupières. D’un pas lent, déposant ses seaux, il s’approche. Curieux, ses yeux vont du groupe rassemblé, à l’eau sombre de la rivière. Une forme flotte à la surface. De part et d’autres de la rive, les habitants murmurent, grimacent, s’agacent. La tension monte, ça se sent dans l’air et Amadeus hésite, quelques secondes, le temps de réfléchir aux risque, il est déjà dans l’eau, jusqu’aux genoux.

L’eau est épaisse. Elle empeste. Pas seulement la vase ou les déchets habituels, il y a quelque chose qui lui fait tirer au coeur, Amadeus inspire profondément l’air vicié, serre les poings et le soupire, finalement, il se dit qu’il vaut mieux respirer par la bouche. Et ses papilles parviennent encore à se révulser.

__ Allez, Amadeus, s’encourage-t-il.

Il s’avance. Tant bien que mal, malgré le courant qui s’oppose à lui, les relents nauséabonds qui le contraignent à s’arrêter, la nausée qui commence à le faire pâlir. La chair de poule recouvre ses bras, lorsque l’eau monte jusqu’à sa taille, il n’est pas bien grand et ne résiste que grâce à sa corpulence trapue. Il discerne davantage le corps, c’est bien un corps, membres boursouflés, blafards, Amadeus attrape un bâton qui flotte à la surface, tant bien que mal, s’en sert pour épingler son vêtement. Il tire le cadavre à lui.

C’est pas comme, porter les seaux ou les courses de la vieille voisine, non.

Le corps est à portée, sa main empoigne le haut trempé et c’est de toutes ses forces, qu’il doit lutter. Le cadavre, le suit mollement, ses membres ballottent selon les caprices du courant. Il sent sa résistance passive, son poids qui le surprend, le corps est imbibé d’eau et d’autre. C’est insupportable.

L’eau froide, moite, épaisse, sirupeuse. Fragrances d’urines, de selles, de viscères qui se vident, pourriture, décomposition, vase, les odeurs, son bras libre se plaque contre son nez. Les yeux rendus humides, le vêtement poisseux collant à sa peau, les hauts le coeur ébranlent à plusieurs reprises sa cage thoracique, il atteint la berge, attrape le corps par les jambes, le tire en dehors de l’eau, la vision trouble, le monde à l’envers, l’estomac qui se retourne, Amadeus n’a le temps que de faire quelques pas, avant de régurgiter un peu de bile.

Pâle, il essuie son front, ses lèvres, reprenant son souffle, il se retourne, est-ce qu’il y en a encore ?

Son corps tremble, le dégoût qui colle à sa peau, il ne se sent pas bien, mais se sent encore pire de laisser la situation dans cet état. Quelques regards stupéfaits s’échangent, un des voyeurs trouve encore l’audace de se moquer.

_ C’est un Tevintard, ça le gêne pas de toucher à un cadavre !

_ Ca m’gêne pas, si c’pour sauver des gens, crache Amadeus, préférant se diriger vers la berge avant de recevoir une autre pique verbale…
Lachlann Vaël
Lachlann Vaël
Enchanteur supérieur du Cercle
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Lachlann Vaël
Personnage
Peuple : Humain
Âge : 39 ans
Pronom.s personnage : il
Occupation : Prince-héritier déshérité | Enchanteur Supérieur
Pseudo : Trèfle
Pronom.s joueur.euse : elle
Crédits : LoveA1n0
Date d'inscription : 29/07/2021
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Autres personnages : Mélisandre O'Hara
Attributs : CC : 18
CT : 10
Mag : 18
End : 10
For : 10
Perc : 9
Ag : 10
Vol : 18
Ch : 18

Classe : Mage niveau 3
Sorts : Désorientation (en ; immobilise)
Drain de vie (en ; moitié mag)
Sommeil (en ; immobilise)
Épouvante (en2 ; immobilise)
Maléfice de vulnérabilité (en2 ; ralentit, def/2)
Réanimation des morts

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Sortir, saluer le templier de garde, échanger un regard avec le mage préposé au nettoyage des eaux – un « bonne chance » silencieux d’un côté et un « où vas-tu » muet de l’autre –, tourner le dos au Cercle et disparaître sans dire où : telle était la routine de Lachlann et par extension de ce mage anonyme au visage changeant, si on pouvait appeler routine ce qui s’effectuait une fois par semaine au mieux et depuis un mois seulement. Aujourd’hui avait suivi le même modèle, seulement les rôles avaient été inversés : mage inconnu à terre inconnue, Lachlann à la rivière.

Il ne savait pas à quoi il s’était attendu ; une eau pure comme l’avenir havenois sous quelques cadavres qui ne parvenaient à la noircir ? La boue caractéristique des régions paysannes autour de Starkhaven ? Une odeur aussi sale que toujours, trop éloignée des parfums du palais, ou un air léger, idéalisé par tous ceux vivant derrière des murs ? Un champ noir, un paysage lumineux constellé de taches ? Il n’y avait pas assez réfléchi pour savoir, mais ce n’était pas exactement ça – tout en l’étant absolument. Peu importe leur nombre, les cadavres étaient tout ce qu’il y avait à voir, malgré les efforts de l’Aguera pour rester rivière sous leur poids, leur insufflant quelques mouvements de son courant, portant des poissons à demi morts dans des filets oubliés – personne ne pêchait plus par choix, ici.

Ainsi, c’était ça, la mort.

Quelques curieux le regardaient comme si c’était lui, s’écartant à son passage, parfois pour reculer vers les eaux souillées – il en aurait souri, si c’était moins insultant. Craignaient-ils toujours plus les mages qui les aidaient depuis des semaines que la mort, la vraie ?

Oh, ils n’avaient pas tort. Les cadavres les attendaient, laissant la soif les pousser à eux… Lachlann, lui, viendrait à eux, et ils ne fuiraient jamais assez vite. Ils pouvaient échapper à la souillure, mais pas à un mage en colère. S’il avait voulu… Mais il ne voulait pas, n’est-ce pas ?

Ignorant les regards apeurés comme reconnaissants, il approcha de la source souillée, une part de lui dégoûtée qu’ils n’aient toujours pas rendu au moins l’apparence de propreté à ce trésor, l’autre déjà occupée à former un plan – ou, plus précisément, à se remémorer et adapter celui légué par le mage de Création qu’il remplaçait.

Avant qu’il ne puisse vraiment s’y mettre, pourtant, les murmures de la foule l’amenèrent, sans que lui ni personne ne s’en rende compte, vers un autre point d’attention : un jeune homme plongé dans l’eau, déterminé, bougon, sombre – un tévintide qu’il détermina aussitôt comme soporati.  Pourquoi serait-il là-bas et pas sur terre ferme, sinon ? Pas que la nuance intéressât ces gens, bien sûr, et même si pour lui elle changeait tout, il n’irait pas prétendre qu’il en allait de même pour eux – deux balances, deux mesures. Mais, mage ou non, havenois ou non, ils n’étaient pas vraiment en mesure de refuser d’aide.

Il approcha un peu plus sans se mettre dans la trajectoire des éclaboussures pour autant, regardant les mains de l’étranger tirer un corps, jusqu’à ce qu’il se retourne enfin pour faire face à son public.

« Ça m’gêne pas, si c’pour sauver des gens. »

Ça aurait plus d’effet s’ils n’avaient pas passé les dernières minutes à le regarder, littéralement, de haut. Définitivement soporati. Autour d’eux l’assemblée était éparse mais encore trop dense au goût de Lachlann ; tout le monde murmurait, regardait, attendait la suite du spectacle, ne demandant que ce qu’il était incapable de donner : être ignoré. Lachlann pouvait lui offrir cela.

« Tu les sauveras en ne les infectant pas, » lança-t-il sèchement.

Où comptait-il se laver, hein ? Dans la rivière maudite ?

« Couvre-toi, la prochaine fois. Et brûle ce que tu portais. »

Sa voix semblait avoir brisé un sort invisible et chacun parut se souvenir du mage qu’ils avaient invité, que la Chantrie avait offert, qui prenait de son temps pour les aider, et les visages se firent soudain plus amicaux – autant que possible à côté du rappel de leur détresse, en tout cas. Quelqu’un lui indiqua la réserve de linges et d’eau, une autre résuma l’état des eaux (mauvais), les gamins ne regardaient plus l’expression qu’il donnerait au tévintide mais le bâton dans son dos, l’air beaucoup trop intéressés pour plaire aux chantristes. Un sourire satisfait se fraya un chemin jusqu’à son visage ; voilà comment c’était censé être. Et, puisque le Créateur avait mis sur son chemin une paire de bras volontaires de plus… Qui était-il pour refuser ? D’un regard circulaire, il évalua la situation, la comparant avec ce qu’on lui avait écrit, et quand son regard retomba sur le tévintide sa décision était prise.

« Prêt à les porter au bûcher ? Je m’occuperai de garder la fumée inoffensive. »

Avant tout, il fallait disposer des corps, ce qui ne se passerait ni de muscles, ni de magie. Qu’eux deux, le mage et le paysan, soient réunis en ce lieu devait être un signe de l’approbation divine.
Amadeus Domitia
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La remarque cassante s'abat comme une massue sur son dos.

C'est blessant, rabaissant, tristement habituel, pour un étranger. Les muscles se sont instinctivement contractés, les mâchoires se sont serrées, ses sourcils se froncent sur ses yeux noirs, Amadeus redresse dignement la tête - un mage. Il voit son bâton, avant de tourner les yeux vers son regard. Respectueusement, il courbe l'échine, retient sa réplique, entre ses lèvres serrées.

_ C'pas moi qu'infecte les gens…

Comme si les Tevintides avaient tous les torts, il ne veut pas qu'on en vienne à l'accuser de propager la peste ou autre maladie, qu'on vienne l'accuser d'avoir lancé un sort alors qu'il n'a pas une once de magie dans les veines.

Il écoute pourtant le conseil de l’homme, surprend les échanges, ses yeux vont vers la réserve de linges. Il hésite, s'en approche d'un pas prudent. Les regards s'assombrissent au fur et à mesure que la distance se réduit entre lui et eux. Amadeus sent, leurs yeux plantés sur lui comme la pointe de dagues effilés ; et il sent, son coeur percer sous la pression des dards aiguisés. Ca fait mal, et cette douleur, il n'arrive pas à s'habituer.

Acculé, par la haine et la recherche, d'un coupable, si ça ne sera pas le Mage, ça sera le Tevintide, les imbéciles ne font pas la différence, ne sont pas capables de comprendre, et ne cherchent probablement pas à savoir. C'est plus facile d'accuser, l’Etranger, qu'assumer sa propre responsabilité.

Etranger qui a défendu le dirigeant actuel quand le peuple était prêt à se révolter.

Amadeus récupère une poignée de linge, entoure ses bras, ses mains, son visage, revient sans un mot, les prunelles baissées. Ca l'étouffe. Des fois, il a envie de hurler. De briser ces chaînes avec lesquelles on essaye de l'attacher, d'éclater ces murs où on veut l'étouffer. Il endure, et supporte de moins en moins, l'injustice et leur mépris, s'il s'écoutait, il les enverrait tous chier ! Ses poings se serrent, et lorsque ses mains retrouvent le corps froid et boursoufflé, le dégoût s'unit à la colère, le désir d'en finir au plus vite.

Maman ?
Oui, petit coeur ?
Est-ce que tu détestes les Hommes ?
L'enfant demande, d'une voix faible et prudente, comme les flammes des bougies, prêtes à s'éteindre. Les yeux de la fratrie quittent leurs jeux, se tournent vers leur mère Elfe, au dos courbé par le travail, aux mains parcourues, de cicatrices. Doigts tranchés, peau tailladée, elle caresse les marques sur sa peau, avant de saisir tendrement le visage de son enfant, du plus grand, dont elle embrasse le front.
Je ne déteste pas les Hommes. L'on récolte ce que l'on sème et s'ils ont planté en moi, les graines de leur mépris, les graines de leur haine, je ferai fleurir de l'amour, assez d'amour pour apaiser les souffrances qu'ils m'ont causée. Vous êtes, mes enfants, les plus belles fleurs qu'il m'a été données de voir et sans eux, peut-être ne vous aurais-je pas vous. Je ne veux pas, les laisser détruire ce que je suis, détruire tout ce que j'aimerai vivre, alors je ne les hais pas, pas les Hommes.
Juste quelques uns, ajoutait-elle, le visage éclairé, d'un sourire mêlant malice et implacable réalité.

Juste quelques uns, se murmure Amadeus alors qu'il porte les corps un par un. Les arrache de l'eau, les porte jusqu'au charnier.

Juste quelques uns, chuchote Amadeus. Portant dans ses bras, corps de toutes sortes, visage tuméfié et gonflé, d'eau et de putréfaction. L'odeur, il finit par ne plus la sentir, bien que la nausée persiste dans son ventre. Et son regard finit par s'accrocher davantage, aux visages des morts qu'à ceux des vivants.

Il prie, pour chaque corps qu'il emmène, et la haine est progressivement remplacée, par la tristesse.

Les larmes montent et coulent de ses yeux, sans qu'il ne s'y arrête vraiment, Amadeus a pris l'habitude de pleurer. De laisser cette tension, cette peine, s'évacuer. Il ne veut pas finir, comme eux. Noyés. Le coeur trop plein, de colère, le corps boursouflé par la rage, la peau bleuie, par les coups.

Il n'est pas capable, de perpétuer ce cercle, de laisser tout ce mal, gagner son être, pas lorsqu'il voit tous ces morts, s'accumuler. Et lorsqu'il est à bout de forces, Amadeus se nettoie rapidement les mains dans un peu d'eau propre, une personne le remercie, surpris, il lève les yeux vers elle.

Vieille femme au dos plié en deux, affection maternelle, lovée sous les rides, elle lui sourit, avec une telle tendresse qu'il sent tous ses murs, s'écrouler. Amadeus hoche simplement la tête, renifle un peu alors que les larmes coulent davantage, il a déjà les yeux rougis, l'envie de vomir, ne le quitte pas, il finit par s'assoir à même le sol, pour quelques minutes de repos.

Il y a déjà moins de corps dans l'eau.

Que s'est-il passé ? Qu'est-il arrivé ?

Ses yeux vont vers le grand mage. Il l'a déjà vu, lui, non? Ses prunelles reviennent sur l'eau. Puis sur l'homme. Ca lui revient maintenant.

_ Messer, je… J'espère que z'avez pas été blessé… lors du mouvement d’foule. D'vant l’Laurier.

Glisse soudain le jeune Tevintide, après s'être assuré, à ce que personne ne pouvait les entendre.

Il a levé ses yeux noirs. Réellement inquiet, le dévisage.

_ Et j'espère qu'le Seigneur, va bien…

Ses prunelles se détournent.

_ Et j'espère qu'tout ça, ça s'finira… bien.

Souffle-t-il en observant les eaux souillées. Les coudes reposées sur ses genoux. Les épaules toujours, écrasées par ce fardeau qu'il s'efforce de porter, il n'y a plus traces, de haine ou de colère, non, que cette tristesse, et ces fleurs d'amour, qui ne cessent sans cesse, de germer.

Ces fleurs, que ses parents ont su planter, dans une terre souillée, par tout ce qui fait le mal de l’Humanité.
Lachlann Vaël
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L’homme – jeune certes, mais plus assez pour être garçon – fait un effort pour parler bas, mais ou qu’il ait la voix trop forte, ou que l’effort ait été trop faible pour surpasser l’envie de se défendre, Lachlann l’entend quand même. Tentative louable, exécution médiocre, si ce n’est défiance bien masquée. Il fait néanmoins l’effort de parler de haut certes, mais aussi assez haut pour que tout le monde l’entende – ce serait dommage qu’on accuse les tévintides à cause de lui… sans preuves.

« Tout le monde infecte. »

Ce n’est pas parce que, contrairement aux rumeurs, on ne naît pas maudit qu’on ne peut pas très vite le devenir – même lui, s’il se roulait dans la souillure, n’en ressortirait pas propre. L’inconnu, sans apprécier ses conseils pour autant, a au moins le bon sens de l’écouter, et se couvre un peu mieux cette fois. Trop peu, mais qui est Lachlann pour le reprendre ?

Le fils du Prince.

L’héritier déshérité sans trône mais plein de responsabilités.

Si la souillure se répand parmi les havenois parce que cet idiot se laisse tenter par une bière avant une douche, ou oublie seulement d’éviter les artères peuplées et battantes de la cité, ce sera de sa faute – et ce sera la fin. Les spectateurs savent qu’il faut l’esquiver de dix bons pas, mais quid des innocents de la ville ? Ni sa conscience, ni son instinct de survie ne veulent le voir semer le mal auquel il se prétend immunisé, alors il décide – non sans un soupir de fin du monde, porteur de tout le jugement de son âme – de s’en assurer lui-même, quand ils auront fini. Ça attendra bien, il ne peut pas se mettre dans un état pire que maintenant.

L’odeur, qu’il trouvait étrangement agréable jusqu’ici, devient insupportable au fur et à mesure des corps remués et réveillés, et il recule d’un pas, officiellement pour laisser au tévintide la place de manœuvrer, en remontant son foulard sur son visage.

(Une femme s’approche pour allumer un feu sous les rondins, et il pousse la reconnaissance jusqu’à la remercier. Moins il gâchera de mana sur les sorts inutiles…)

Un moment il le regarde porter les corps, un à un, gêné par les larmes mais reconnaissant pour la main d’œuvre, passant le temps en priant. Qui le fera, sinon ? Qui, hormis Andrasté, priera pour les âmes de ceux qui n’ont plus personne, pas même eux-mêmes, privés de noms et de visages par la mort ? Il accompagne chacun d’un regard absent et d’une prière murmurée, invisible derrière le tissu, jusqu’à ce que ça s’arrête.

Le tévintide est encore plus sale maintenant, larmes mêlées à la poussière, mais Lachlann soutient son regard sans ciller. C’est vrai que, maintenant qu’il parle, sa voix et sa tête lui disent quelque chose…

« HEY ! V’VOYEZ PAS QU’LE PRINCE VA PAS BIEN ? C’PAS QU’UN BORDEL ! C’EST UN ENDROIT OU DES GENS VIVENT, TRAVAILLENT, C’EST UN ENDROIT OU ON PROPOSE UN REFUGE A VOTRE PRINCE ! »

… Il se souvient.

Les regards autour d’eux le dissuadent de rappeler que le Prince a le soutien d’un tévintide, pourtant, alors il a très envie de se taire et aucune de parler – ils sont un peu à l’écart, protégés par la fumée et le désintérêt général pour les cadavres, mais est-ce vraiment privé ? – mais il se souvient aussi que c’est lui qui a encouragé Isbeil à explorer sa magie, alors il lui doit au moins une réponse ; en plus, cracher sur un visage amical en ces temps ne serait pas bien sage.

« Ça va, dit-il finalement. Inutile de t’en faire pour les seigneurs, ils ont les moyens de se soigner. »

Et lui n’a pas ceux de le rassurer, évidemment, mais l’expérience du mensonge suffit à compenser.

« Le soutien de certains a évité le pire, il en sera de même face au reste. » Pour la première fois, sa voix se teinte de commisération. « Ton rétablissement se passe bien ? »
Amadeus Domitia
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La réponse de l'homme n'est pas celle attendue, pourtant, elle le soulage un peu.

Amadeus, il fait partie de ces boucs émissaires parfaits : il n'a pas de titres pour le protéger, il n'est pas assez puissant pour vraiment menacer, en plus de ça, il est étranger. Son accent à couper au couteau, trompe les vigilances : on le croit incapable de comprendre ce qu'on lui raconte, incapable de s'adapter à la culture pourtant bien différente de la sienne. Oh, Amadeus pourrait mettre en avant son rôle. Secrétaire de l’Ambassade. Se servir de ce poste comme d'un bouclier, brandir le drapeau Tevintide, pour ne pas être pris pour cible : car l'attaquer lui, serait défier l’Empire.

Mais Amadeus ne se sert de cette arme qu'en dernier recours, et qu'avec les personnes capables de comprendre la portée de leurs actes. Autant, le malotru sans éducation, l'ivrogne de l'auberge, le brigand assoiffé de sang ou d'argent, n'y verra que l'occasion d'évincer un “parasite”. Une personne plus éduquée, aura conscience qu'il s'agit d'un feu sur lequel il ne faut pas se brûler.

Et les morts qu'il récupère, sont comme lui. Inconnus, méprisés, réveillant le dégoût et le rejet, de ceux qui ont été peut-être amis, voisins, collègues. Celle qui détourne les yeux dans un haut le coeur, a peut-être souri à l'homme qu'il vient de poser, peut-être a-t-elle espéré fondre avec lui, son avenir. Cette vieille femme qui crache au sol, détourne finalement les yeux quand elle voit le corps d'un enfant. On repousse, tout ce qui est différent - et lorsqu'on réalise, qu'ils nous ressemblent, finalement, l'on est incapables d'endurer la vue de ces cadavres. Car la Mort ne tient compte, ni de l'âge ni de la race, elle n'accorde aucune attention, au statut et au pouvoir, traite de la même manière, innocents et coupables.

Quand tout est fini, qu’Amadeus est assis à même le sol, il adresse une prière. A toutes ces âmes. Espère qu'elles trouveront le repos.

Ses efforts ne rachèteront jamais les erreurs et le mal causés par ses ancêtres. Mais peut-être réussira-t-il un jour, à semer les graines d'un monde meilleur. Les coudes sur ses genoux, les yeux un peu ailleurs, il pense à ces personnes qui ont progressivement changé les regards qu'elles lui adressent. Plus de compassion, un peu de reconnaissance, parfois même un peu de gentillesse.

Ses aller-retour l'ont fatigué. Il a l'impression d'empester, mais ce n'est rien comparé au poids dans sa cage thoracique. Il est dur pour lui, de tenir avec tout ce qui vient peser. La tristesse, le désespoir, sauf que lui, ne peut pas vraiment compter sur l'appui de ses paires. Ils sont discrets, évitent son contact, pour ne pas attirer les méfiances. Et l’Ambassadeur est très occupé.

Ses bras se joignent autour de son torse, en une étreinte qui ne suffit pas à le réconforter.

Il aurait envie d'un bon bain chaud, parfumé par les huiles essentielles de maman. Un baiser sur son front, se réfugier dans sa chambre, retrouver les odeurs familières de cuir et de poussières. Entendre les rires de ses parents.

Les larmes continuent de couler, il n'essaye plus de les effacer et se contente de renifler un peu.

Mais les bonnes nouvelles apportées par le mage relâchent ses épaules développées. Le jeune homme cligne des paupières, lui adresse un regard. Un sourire sincère, un peu maladroit, éclaire son visage usé.

_ Tant mieux… C'est déjà ça de pris.

Ca de gagné. Comme un pied de nez, à tous ces malheurs qui menacent de s'abattre. Une manière de dire, que Starkhaven tient encore un peu. Bien qu'au fur et à mesure des mois, Amadeus s'interroge. Les dangers, les menaces, proviennent ils vraiment de l'extérieur ? La tentative de trahison du Conseiller ne lui a pas échappé. Et bien que citoyen de la Cité, il endure quotidiennement le rejet des autres, malgré toute l'aide qu'il veut leur apporter.

La compassion de l'homme à son adresse le touche. Et, amusé, il laisse échapper un rire bref. Retrouve un sourire plus franc.

_ … Merci M'sser. Pour votre considération. Savez, ça d'vient rare… nan, ça a toujours été rare… Qu'les gens s'en fassent pour les autres.

Surtout pour lui.

Le regard sombre, dirigé vers la surface de l'eau croupie.

_ J'pensais pas… Qu'ça s'rait comme ça, ici. J'veux dire que… Quand les choses vont mal, on s'attend à c'que les gens s'serrent les coudes. J'sais qu'pour beaucoup, j'ai pas ma place ici, Starkhaven, c'pas ma ville qu'y disent.

Il hausse les épaules.

_ J'y vis tous les jours, d'puis des années. J'y suis attaché aux gens, y'a des gens qu'j'aime ici, p'is j'pense à tout c'qu'y a d'beau ici. Les jardins, les maisons, tout ça…

Il repose son menton contre ses genoux.

_ C'peu une deuxième maison, ‘savez ? Pour les autres, ça s'ra jamais mon chez moi, on veut pas d'moi… mais bon. Mon coeur, y parle pour lui, et tant pis c'que les autres diront. Alors ouais. Je soutiendrai Starkhaven, du mieux qu'j'peux. Même si on veut pas d'mon aide. Même si on veut pas qu'j'sois là. Tant pis. C’la place qu'j'ai choisie et j'espère juste qu'un jour, les gens y verront…

Il redresse les yeux vers le mage.

_ Y verront qu'parfois, y'a pire qu'un étranger… Mais bon. C'pas comme ça qu'fonctionne l'monde, hein ? Faut toujours des gens en bas, et des gens en haut. Faut toujours, des défouloirs, pour qu'le peuple reste soudé. Des fois, j'arrive à m'faire à l'idée, qu'c'pas si mal, d'aider les gens à s'unir… Mais des fois, j'en ai juste marre d'servir de bouc émissaire. Qu'mes efforts, ça fait rien.

Il sourit légèrement.

_ … Merci pour vos mots. Ca m'aide à voir, qu'ça sert ce que je fais. Au moins un peu. Et que tout l'monde m'voit pas forcément comme un…

Aucun mot, dans aucune langue, ne lui vient à l'esprit. Pour définir ce qu'il ressent. Pour décrire ce qu'il vit. Il marque un silence.

_ Enfin tout c'blabla pour dire que physiqu'ment, ça commence à aller mieux. C'pas la joie, mais c'est d'mieux en mieux. Moralement, ça bat un peu de l'aile…

Qui serait heureux, dans un tel contexte ? Mais pour Amadeus, c'est différent. Car lui a toujours le sourire, toujours l'espoir, car Amadeus veut toujours croire. Mais sa foi défaille un peu, depuis quelques mois.

_ Et vous même ? Comment vous allez ? Pas trop d'travail ?

Il a envie de demander, pour la jeune Isbeil. Mais il n'ose pas.

Être ami avec un Tevintide, même une simple connivence, c'est pire que côtoyer un pestiféré.

_ Est-ce que y'a eu euh… des nouvelles du mec qui a voulu mettre du bazar, la dernière fois ? Il a été arrêté ?
Lachlann Vaël
Lachlann Vaël
Enchanteur supérieur du Cercle
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« Tant mieux… C'est déjà ça de pris. »

Ce n’est pas vraiment à lui qu’il faisait référence, même si le remerciement sous-entendu s’étend à lui en intention comme en mots ; il pensait plus à Alzyre, d’avoir diverti l’attention, à Vera, d’avoir ouvert sa porte, à la foule dont le tévintide faisait partie, de ne pas avoir rejoint Ardal… Sans compter les mages, Katriel et Isbeil en tête de liste, d’avoir contenu la liste de victimes. S’il faut rester près de ses propres mots, les seigneurs n’ont que leurs propres coffres à remercier pour leur vie. Les cris du garçon n’étaient qu’une goutte dans l’océan là où d’autres ont été vagues. Alors pourquoi sourit-il comme s’il y était pour quelque chose ?

Face aux larmes, entre la gêne et la compassion, il choisit et fonce sans hésiter vers l’ignorance, les laissant se mélanger et se confondre avec les autres saletés sur le visage sombre comme la mort et gris comme la poussière. Consoler n’a jamais été son point fort, or l’impression que le garçon en a plus besoin que d’eau se renforce encore et encore… Diantre.

« … Merci M'sser. Pour votre considération. Savez, ça d'vient rare… nan, ça a toujours été rare… Qu'les gens s'en fassent pour les autres.
– Là d’où tu viens, peut-être. Starkhaven n’est pas peuplée de monstres. »

Ce qui est moins une insulte envers Tevinter – il ne se permettrait pas, et Andrasté seule sait dans quelle contrée le gamin a construit sa vision du monde – qu’une défense de Starkhaven. De sa cité, de ses gens ; de son chez lui.

Mensonge, mensonge, MENSONGE, mais tu as le pouvoir de le rendre réalité, laisse-nous –

« Regarde l’organisation du monde autour de toi. Tu penses vraiment que la moitié de tout ça serait possible si chacun ne pensait qu’à soi-même ? Mes mages ne se déplacent pas jusqu’ici pour être accusés de n’en avoir rien à faire. »

Ce qu’il pense, c’est qu’il n’a qu’à partir s’il n’est pas content. Que s’il a du mal à s’intégrer, il a un problème, puisque d’autres y arrivent bien. Que s’il n’aide que pour pouvoir pleurnicher en bonne conscience, il peut le faire ailleurs : et puis pourquoi est-il ici s’il ne voit que des défauts aux hommes qui l’entourent ? Mais ce serait malpoli de le dire alors même que Lachlann profite si allègrement de cette aide, alors il le laisse parler, ce garçon qui a découvert hier que s’il voulait être heureux, il allait devoir faire plus qu’exister. Peut-être a-t-il raison – Andrasté n’a-t-elle pas dit aimez-vous, amis ou inconnus, dans la paix ou dans l’urgence ? – mais quand le monde a-t-il été si douillet ?

Le Voile. Les oscillations autour de chaque tête. La souillure purifiée qui s’envole. Ne regarde pas l’odeur. Ne touche pas l’odeur. Ne sens pas l’odeur.

Il acquiesce au « C’est ma deuxième maison » avec le début d’un sourire, pourtant. L’hypocrisie lui manque pour le contredire, même s’il ne peut nier que certains étrangers sont plus malvenus que d’autres, par des préjugés hors de sa volonté : est havenois qui le veut, quand bien même il le serait pour deux personnes seulement. Le brun l’est-il pour ces deux, pourtant ?

« On ne peut pas être gentil avec tout le monde, mais Starkhaven est ouverte à tous, promet-il.
» Difficile de leur reprocher de ne pas te vouloir ici alors que tu as une maison ailleurs, quand on est submergés par ceux qui ont perdu la leur. Ce n’est pas une question de qui tu es ou ce que tu fais, mais de ce que tu as. »

Il dirait bien de bien mériter sa place, mais ça ne suffirait pas, n’est-ce pas ? Et puis on ne peut pas mériter sa place quand on n’en a pas besoin, en ce moment.

Ne pense pas à l’odeur.

« Tu peux arrêter tes efforts de temps à autre, tu sais. Les parangons de bonté ne sont pas plus appréciés que les hommes normaux. »

Preuve en est, Lachlann le connaît depuis une heure à peine et sa morale l’insupporte déjà. Si défaitiste. Isbeil, au moins, jugeait sans cesser de pointer du doigt La Bonne Voie, prête à y tirer de force ceux qui approcheraient d’un peu trop près ; lui, qu’espère-t-il atteindre ? Sûrement pas à éveiller quelque culpabilité dans le cœur de l’enchanteur.

À force de ne pas penser à l’odeur il n’arrive plus à penser tout court, une nausée légère mais persistante installée entre son ventre et sa gorge, et il est reconnaissant quand la conclusion du petit discours arrive, le libérant de l’obligation de répondre à plus, avec une façade de bienveillance de plus en plus difficile à maintenir.

« Tiens. Nettoie-toi un peu le visage. On reprendra dans cinq minutes. »

Ils ne sont pas assez à l’écart pour échapper à quoi que ce soit exceptée la vue des cadavres, mais même ce répit vaut de l’or. Le nettoyage avait bien commencé pourtant, et il avait cru le boucler en une fois, mais la pause, dont le principe même lui répugne – parce que par définition elle implique un retour – est nécessaire. Une chance que le tévintide soit une excuse vivante de la faire. La fatigue, des aller-retours et des sorts inhabituels, pèse plus que le décor, et quelques minutes suffiront à rendre l’air respirable à nouveau… Tant que personne n’alourdit la pause de pensées encore plus pénibles.

« Et vous-même ? Comment vous allez ? Pas trop d'travail ?
– Si. » Il hausse les épaules. « Mais on apprécie l’occasion d’être utiles à la Cité.
– Est-ce que y'a eu euh… des nouvelles du mec qui a voulu mettre du bazar, la dernière fois ? Il a été arrêté ?
– Il va bien. » Combien peut-il en dire ? Apprendre qu’il est sorti devant les citoyens qui ont toutes les raisons de lui en vouloir ne paraît pas une très bonne idée. « Il a été arrêté et remis aux mains de son Ordre. Je suis sûr qu’il a reçu le châtiment qu’il mérite au coup près. »

Bien sûr qu’il en est sûr : le templier dissident n’a-t-il pas purgé sa peine à deux murs de lui à peine, à portée d’oreille s’il avait voulu l’aide du Voile ? Il connaît exactement la sanction, légalement, même s’il ne peut jurer qu’aucun geôlier n’a fait preuve de trop de zèle – sa sortie atteste au moins que le sale mois passé, il devrait s’en sortir.

« Tu le connais ? Amadeus, c’est ça ? »
Amadeus Domitia
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Secrétaire de l'ambassade tévintide
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C'est pourtant ici, qu'il a vu ses premiers monstres.

Ce n'est pas chez lui.

Papa, qui caresse sa tignasse d’une main bourrue, qui recueille les esclaves et soigne leurs blessures. Maman, qui cuisine et donne toujours aux petits, un petit biscuit à grignoter, un doigt levé devant ses lèvres, dans une invitation au silence, connivence toute maternelle. Son autre Maman, qui s’amuse à courir dans la rivière, la robe retroussée sur ses jambes, à rire à pleines dents.

_Z’avez raison. J’comprends mieux. C’vrai que j’ai… j’ai des choses qu’les gens ont pas. Et là d’où je viens… J’y ai vu, beaucoup d’bon d’l’Humanité.

Et ce type, ne peut pas savoir. Il peut pas savoir, que ses parents ont bravé les interdits, par amour. Qu’au sein de leur atelier, cachés, ils ont offert à leurs enfants une vie idéale, un vrai paradis sur terre, coupé du monde, si détaché de la réalité, qu’elle l’a frappé en plein fouet. Les injustices sociales, la haine, la xénophobie, tout ce qui déchire, alors qu’eux faisaient tout, tout pour effacer, les distances et faire s’effondrer, les murs.

Il préfère ne pas dire, que c’est ici qu’il a vu beaucoup de mauvaises personnes, plus que chez lui. Mais le jeune homme n’a jamais été dans les grandes cités, n’a jamais côtoyé d’autres Tevintides ; il ne parle, que de ce qu’il connaît. Et le Mage a raison. Il a tant de choses qu’ils n’ont pas. Il le voit, quand il constate la tristesse dans les regards, le désespoir, la solitude, quand il voit, tout ce mépris, cette haine et ces coups bas.

A croire qu’ils n’ont appris à vivre, qu’au travers de ces actes mauvais. Survivre, quitte à pourrir son âme, devenir si vénéneux et venimeux, qu’aucun.e ne prendrait le risque de faire couler son sang ou d’y planter ses dents.

Lui, il a connu une vie où il était aimé, pour ce qu’il était. Où les conflits se réglaient dans la discussion, malgré quelques oppositions, des disputes et des éclats de voix, mais il y avait toujours un moment, où l’on cherchait à renouer, pas à briser, pas à casser, pas à détruire.

_Je suis désolé, si j’ai donné l’impression d’vouloir vous accuser vous ou vos mages, ou si j’me suis mal exprimé… Au contraire, z’êtes présents, c’est une bonne chose. Sans vous, ça serait compliqué...

Enfin, à regarder autour d’eux, il y en a quand même plus en dehors de l’eau que de types qui vont mettre leurs pieds dans l’eau souillée ! Amadeus n’en a pas vu beaucoup s’enfoncer dans ces eaux putrides. Les mages qui offrent leur aide, sont l’exception qui confirme la règle.

_ Et vous ?... Servez pas trop d’bouc émissaire, vous et les aut’ mages, ici ?

Il s’essuie docilement le visage, lui adressant une œillade avant de baisser songeusement les yeux.

_ C’vrai… J’ai l’droit d’prendre des pauses…

Il cligne des paupières, avant de sourire, comme pour lui-même.

_ J’ai longtemps dit, pensé, qu’j’devais payer les fautes d’mes aînés. Fallait rattraper leurs erreurs. J'me croyais responsable, mais en fait, j’y suis pas pour grand-chose… Avant d’être Tevintide, j’suis Amadeus, et j’crois que j’vais essayer d’me focaliser sur ça.

Il finit par se redresser et s’étirer de toute sa petite taille, jusqu’à reposer ses mains sur ses hanches, revigoré. Sa nature optimiste, revient petit à petit, l’aigreur craché, lui aussi a dégueulé son venin. Ca lui fait du bien. De vider un peu son cœur, de sa colère, de son impuissance, ça laisse la place, pour toutes ces bonnes choses auxquelles il se raccroche.

_ Euh…Oui j’le connais un peu…

Gêné, il frotte son nez du dos de ses doigts.

_ Lui et une mage… m’ont sauvé d’la foule… Sans eux, j’serais sûrement pas là. Je… J’sais plus son nom, mais elle avait l’air vraiment gentille je… si… si c’possible, si vous la voyez, je… j’aimerai lui dire merci… J’ai pas pu l’faire, on a été séparés très vite et.. j’veux pas lui attirer des problèmes, savez, elle sait sûrement pas qu’j’étais un tevintide mais je… voilà, juste que j’vais bien et que j’lui dis merci… pour tout…

Il pose ses poings sur ses hanches.

_ On s’y r’met quand vous êtes prêt… Ca commence à aller mieux ! P’is ça m’soulage de pas faire ça tout seul ! M’ci pour votre aide !

Oui, ne pas oublier, la reconnaissance. Maintenant qu’il est déchargé, de ce poids sur les épaules, qu’il a lâché un peu du lest, il s’est débarrassé d’une responsabilité qui n’est pas la sienne : les pêchés de ses « ancêtres », peut-être a-t-il eu bien assez de sang versé pour les purger.

Lachlann Vaël
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Non, bien sûr qu’il ne voulait pas les accuser ; mais il l’a fait, indirectement ou aux yeux d’un enchanteur trop fier ou trop impatient. Même s’il approuvait ses intentions – ce à quoi il ne peut se résoudre, en souverain qui apprécie les citoyens prudents qui fuient souillure et danger –, comment passer outre la forme ? Le cœur est peut-être bon, mais autour rien ne va, sauf le corps qu’ils parviendront bien à mettre à profit. Il hausse les épaules sans rien dire, gardant pour lui qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’être présents.

La question sur les mages l’interpelle un instant, et si le « non » est naturel, il n’est pas réellement évident. Sont-ils accusés ou craints ? Leur reproche-t-on le passé ou les évite-t-on pour le futur ? Difficile à dire à partir de simples regards ; rares sont ceux qui vont plus loin, en sa présence, contents de laisser la Chantrie porter leurs sentiments ; mais en personne ou par institution, bouc émissaire ?

« Pas trop. »

Et il ne pense pas que les Tévintides le soient non plus, du moins pas en première place : tout simplement, on ne les aime pas (et, Andrasté sait qu’il adore Sertoria, mais les rares qui s’aventurent à Starkhaven n’aident pas leur cas). On n’en a même pas accusé dans l’affaire de la Corneille !

« C’vrai… J’ai l’droit d’prendre des pauses… »

Mais de quoi il parle ? Que diable lui ont appris ses parents ? Même Lachlann permet des pauses aux apprentis – qui ne les méritent pas – et aux apaisés – qui n’en ont pas besoin. Qui paie ce gosse ? Et qui lui a donné l’idée absurde qu’il doit racheter à lui tout seul l’humanité entière ?

« … Tant mieux pour toi. »

Lachlann n’est pas là pour expier les crimes de tous les mages nés depuis la nuit des temps non plus, refuser la culpabilité des autres relève du bon sens : s’il aide, c’est pour son propre bien et à ses propres fins.

Alors pourquoi collectionnes-tu les erreurs de ton père ?

Pas le moment – ce n’est jamais le moment – et il préfère écouter, avec une moue désapprobatrice, les exploits des enfants du Cercle. Connaissance de taverne, complète-t-il mentalement l’explication timide d’Amadeus, rassuré quand il en dit encore moins d’Isbeil.

« Oublie-la. »

La fierté, enfin, pour premier sentiment positif ; un sourire partagé, un visage pâle éclairé par la conscience d’avoir répandu la lumière à Son image ; des yeux noisette qu’il aimerait voir plus vivants.

« Ton tévintide va bien, Isbeil. Ce n’est pas le plus intelligent, mais il court déjà partout en essayant de réparer la crise à la force de ses bras. »

Et elle sourira. Et il la prendra dans ses bras. Et, en même temps que la magie, la douceur reviendra dans leur vie, grâce au hasard de la bêtise humaine.

« Elle a lancé le sort, elle sait comment tu vas. C’est tout le remerciement que la piété demande. »

Avec n’importe quelle autre, ça n’aurait pas de sens, ce serait insultant même, mais Isbeil ? Isbeil… voulait être sœur. Ça n’aura pas de sens aux yeux du tévintide, qui le trouvera sûrement trop dur et chantriste, mais ce sont les paroles qu’Il dicte autant que sa belle-sœur les aime.

Il secoua la tête dans un soupir pour la dernière phrase qu’il voulait prononcer : la conversation était au moins un peu moins déplaisante que l’odeur…

« Allons-y. »

Et au foulard de remonter, et au travail de reprendre.
Amadeus Domitia
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L’ordre s’assène comme un couperet.

Le tranchant de sa voix, la dure réalité, s’abattent et ne laissent pas place, à l’espoir : le lien coupé à la serpe, car leurs racines ne sont pas du même champ, pourquoi laisserait-on leurs branches s’entremêler ? Et c’est ainsi, pour tant de ces liens, tant de ces relations.

Oublie la, c’est une nécessité, comme il doit baisser les yeux face aux visages qu’il croise, face aux personnes connues qu’il doit ignorer. Pour leur sécurité. Faire comme si, il n’y avait rien, pour s’assurer à ce qu’on ne les accuse pas d’hérésie, de traîtrise ou autre infamie.

La solitude pèse davantage sur ses épaules, Amadeus se demande, vers qui se tourner, de qui s’entourer. Aerontus a pris de la distance par rapport à lui, Alzyre est emprisonné, il n’a personne d’autres sur qui compter. Lui qui a vécu si bien entouré, se sent soudain très seul au sein de ces rues.
Il aurait bien voulu la connaître, cette mage.

Il était sûr qu’ils se seraient très bien entendus. Si elle était proche d’Alzyre, il en était même sûr. Il l’a senti, dans la vie qu’elle lui a insufflé, dans ses encouragements murmurés, ses mains si proches de son corps, sa magie qui l’a enveloppé. Son regard, qui a finalement cherché le sien, sa voix qui s’étranglait parfois, qu’aurait-il donné pour l’enlacer ? Pour la remercier, lui offrir, sourires et beignets, lui raconter, tout ce qu’il ferait, pour rendre utile, cette nouvelle vie, qu’elle ne regrette pas son geste.
Il finit par se redresser, pour offrir de nouveau son aide. Tâches répétitives, usantes, au moins utiliser son corps, occupe son esprit, l’empêche de trop réfléchir. Il essaye de ne pas penser à tous ces morts qu’il véhicule, à ces corps qu’on fait brûler, cette eau souillée, le risque de maladie.

Et parfois son esprit s’égare sur les mots du mage, reviennent s’ancrer au souvenir de ce regard uni au sien, de ces mains qui tenaient sa vie au sein de ces paumes, la douleur qui se résorbe, la peur qui reste, le désir de se réfugier dans ses bras. Il pense à Alzyre, à cet ami si loin, prisonnier, qui endure peut-être, quelques châtiments pour avoir tenté d’aider. Dire que lui aussi, l’a sauvé.

Reconnaissance, comment faire, pour racheter les gestes qu’on lui a offert ?

Il pense aussi, aux mots de Lachlann, cette condition de « martyr », un terme qu’on lui crache souvent, comme une insulte. Il n’a pas l’impression de se sacrifier pour une cause : il souhaite faire le bien, et s’agace seulement de recevoir en récompense, violences, mépris, médisance, il y a bien quelques exceptions, mais le sentiment profond d’injustice le prend parfois aux tripes.

Au final, il est peut-être préférable de se réfugier dans ses pensées, plutôt que s’attarder sur la réalité. L’odeur, il finit par s’y habituer, le contact poisseux des cadavres, deviendra un mauvais souvenir, un rêve qui reviendra le hanter (se voir s’enfoncer, dans les eaux noires, traîné, par des mains boursoufflées d’eau)(les yeux blancs des corps, les chairs gonflées, bleuies et noircies, par la putréfaction)(tout ce qui se fend, sous la pression, libérant, viscères, non, là, Amadeus vomit, Amadeus trébuche, Amadeus à grand peine, finit par arrêter, prendre une pause).

Prendre une pause.

Pour quoi faire.

Pour regarder, ce spectacle qui le désole, pour sentir, l’angoisse et le désespoir monter, pour se demander, qu’est ce qu’il fait là, avec l’impression d’être, une gêne supplémentaire, comme une pustule sur le visage de Starkhaven. Ce n’est pourtant pas contre lui, ce n’est pas contre les mages, Lachlann a raison, c’est comme ça, entre les autres, c’est comme ça, que tourne le Monde.

Dans l’ignorance, le mépris, la distance et la solitude, avec de rares personnes, qui acceptent de se lier.

Quand vient la fin de la journée, Amadeus prend soigneusement le temps de se nettoyer. Epuisé, il s’accorde un moment de repos, assis contre un mur, les jambes songeusement ramenées contre lui. Il va falloir rentrer.

Lachlann Vaël
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Pronom.s joueur.euse : elle
Crédits : LoveA1n0
Date d'inscription : 29/07/2021
Messages : 908
Autres personnages : Mélisandre O'Hara
Attributs : CC : 18
CT : 10
Mag : 18
End : 10
For : 10
Perc : 9
Ag : 10
Vol : 18
Ch : 18

Classe : Mage niveau 3
Sorts : Désorientation (en ; immobilise)
Drain de vie (en ; moitié mag)
Sommeil (en ; immobilise)
Épouvante (en2 ; immobilise)
Maléfice de vulnérabilité (en2 ; ralentit, def/2)
Réanimation des morts

Feuille
Joueur

 

https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t243-lachlann-vael

Toute tâche monotone s’efface quand l’esprit s’égare, mais celle-ci ancre trop bien pour bien penser à autre chose ; les rêveries ne se lancent pendant les clignements d’yeux un peu plus longs que pour s’éteindre dans un sursaut dès que l’œil se rouvre et que la brûlure de la fumée et l’assaut de la saleté reviennent le rappeler à l’ordre. Fatigante journée, finalement passée en pensant le moins possible, concentré sur le travail seulement, sans échanger d’autres mots que les plus nécessaires avec Amadeus.

Intérieurement, Lachlann apprécie la compagnie – il a moins l’impression de servir de spectacle, éclipsé par le tévintide couvert de boue, et ils finissent par trouver un bon rythme, malgré les pas sur le côté qu’il doit régulièrement faire pour esquiver le travailleur. C’est loin d’une chorégraphie, et heureusement, mais comme ce jour devant le Laurier, si la forme n’y est pas, l’efficacité si : quand il se tait, Amadeus est bien utile.

Même s’il faut des pauses.

« Ça suffit pour aujourd’hui, » déclare-t-il finalement en se campant sur ses jambes pour signifier que la journée est finie – puisqu’il n’a pas d’outils à déposer –, l’Aguera assurément pas propre, mais déjà plus qu’avant. Il ne transformera pas de boue en cristal en une après-midi, fusse-t-il aidé de dix tévintides, et très sincèrement il n’a pas envie de rester une minute de plus. « Bon travail, » concède-t-il encore à Amadeus en guise d’au revoir (et de merci), avec un signe de tête appréciateur – pas de sourire, mais au moins un visage pas totalement fermé.

Fin du RP
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Worthy or not, I wish to live