La joie venait toujours après la peine - Vera

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La joie venait toujours après la peineCHAPITRE TROIS : ILS S'ELEVERONT QUAND S'ANNONCERA LA CHUTE

Type de RP Classique
Chapitre concerné Chapitre Trois
Date du sujet 17 Justinien
Participants Andra Valheim, Vera
TW Prostitution, violences, sexualité
Résumé Pour l'anniversaire de Vera, Andra organise une journée romantique en dehors de Starkhaven.
Pour le recensement


Code:
[code]<ul><li><en3>5 : 13, 17 Justinien</en3> : <a href="https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t1757-la-joie-venait-toujours-apres-la-peine-vera#20655">La joie venait toujours après la peine</a></li></ul><p><u>Andra Valheim, Vera</u>Pour l'anniversaire de Vera, Andra organise une journée romantique en dehors de Starkhaven.</p>[/code]

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Il était des paris risqués dans la vie d’une femme. Inviter Vera pour une sortie en dehors de Starkhaven en recommandant de ne pas mettre de robe était, à n’en pas douter, l’une des initiatives les plus audacieuses jamais entreprises par Andra – certes, on aurait pu compter dans le lot le fait de tenter de s’enfuir face à un Archidémon, mais objectivement, elle n’était pas certaine que la comparaison tienne. L’Archidémon était bien moins menaçant qu’une Vera privée de ses pendeloques préférées et contrainte à mettre un pantalon et des bottes de voyage. Alors bien sûr, elle aurait pu choisir la facilité, réserver une table dans une auberge chic, ou même cuisiner elle-même un dîner romantique. Mais Andra n’était pas femme à choisir la facilité – comme en attestait la plupart de ses choix de vie, notamment le fait d’aller mourir à Antiva – aussi elle avait cherché, un peu désespérément, de quoi surprendre sa compagne. Était-ce futile, à bientôt quarante ans ? Peut-être. Mais si elle avait retenu quelques leçons des derniers mois, c’était qu’il fallait vivre, plus intensément que jamais, car l’Enclin arriverait, fatalement. Et que ce jour-là, il faudrait qu’il n’y ait aucun regret. Alors, durant les dernières semaines, elle avait fait de son mieux pour s’habituer à cette étrange nouvelle vie qui se tissait lentement, partagée entre la Commanderie et le Laurier. Curieusement, elle avait eu la sensation que les choses s’étaient faites en douceur. Certes, Senaste avait haussé un sourcil interrogateur quand sa Garde de Rang avait demandé la permission de vivre à l’extérieur du quartier général de leur Ordre, et encore plus quand elle avait donné la localisation. Encore aujourd’hui, la mage se demandait furtivement si elle bénéficiait d’une certaine mansuétude comme survivante meurtrie d’Antiva, ou tout simplement d’une confiance relative, parce qu’en dépit de son caractère parfois difficile et de ses écarts une fois le soleil couché, cela n’avait entaché son travail au sein de la Commanderie, ni mis en péril son sens du devoir. Qu’elle apprécie ou pas sa hiérarchie n’avait pas d’incidence : naître dans les Anderfels avait tendance à rendre pragmatique vis-à-vis de la lutte contre l’engeance. Être témoin d’un nouvel Enclin ne pouvait que raffermir sa détermination. Le reste de la Commanderie avait peut-être un peu ricané, ou cancané, mais elle ne s’attendait pas à autre chose. Et lorsqu’elle avait pu reprendre un rythme de travail convenable, une fois ses dernières plaies pleinement cicatrisées, le rythme avait été rapidement trouvé. Elle partait tôt le matin, revenait relativement tard, mais les horaires de Vera étant ce qu’ils étaient, elles étaient plutôt bien accordées, de son point de vue.

Le changement principal, finalement, dans sa vie, avait été de se coucher et de se réveiller avec la même personne dans ses bras, et d’apprendre à partager un espace avec une autre personne au-delà de rencontres ponctuelles. C’était sans doute idiot, vu son âge mais … elle n’en avait jamais eu le loisir. Au Cercle, elle avait conservé sa chambre individuelle, et à l’extérieur, tout avait toujours été fait de rencontres ou d’escapades aux bornes bien circoncises. Vivre avec une autre personne était une nouveauté un peu étrange, aussi frustrante que douce, parce qu’il fallait composer avec deux personnalités solitaires et habituées à l’être, dont les habitudes et les caractères étaient bien différents. Vera aimait les choses bien ordonnées, Andra avait une préférence marquée pour le bazar organisé, selon sa propre expression – comprendre : un champ de bataille. Vera aimait son confort patiemment acquis, Andra avait toujours apprécié les intérieurs spartiates et pratiques. C’était une myriade de petits riens avec lesquels elles apprenaient à composer, parfois avec facilité, parfois avec une mauvaise foi prononcée. Et puis, il y avait, en dehors de cette timide vie commune qui s’esquissait, l’apprentissage encore plus étrange d’une existence reconnue à l’extérieur comme se conjuguant désormais au pluriel, et non plus au singulier. C’était peut-être le plus déroutant, pour Andra. Parce que désormais, le Laurier Carmin savait, et pas uniquement dans des bruits de couloir, mais par la volonté de la maquerelle et la sienne. Leurs proches, aussi. Ils étaient peu nombreux, mais l’entendre parfois dans la bouche d’un autre demeurait une expérience singulière, comme elle l’avait constaté avec Karl.

Alors, bien sûr que la mage aurait pu préparer une jolie surprise pour l’anniversaire de sa compagne, et s’en tenir là. Mais parce qu’elle avait, un peu bêtement, un peu timidement, assurément follement, l’envie de marquer les choses, elle avait décidé d’être un peu plus créative. Même si, en attendant sur ce bout de lande à proximité de Starkhaven, dans la brise douce du matin, elle n’était plus si certaine de son coup. Peut-être que Vera n’apprécierait pas ? Peut-être qu’elle aurait préféré autre chose qu’être réveillée aux aurores le jour de son anniversaire par un baiser doux, mais rapide, avant de se voir donner rendez-vous avec de telles consignes dans un endroit connu, avec seulement la promesse d’un moment agréable à passer – qu’elle aurait pu avoir en restant dans leur lit, certes ?

Un coup de patte la tira de ses pensées. Avisant son accompagnateur emplumé, celui-ci parut lui faire un sourire narquois – en version griffon – et Andra répliqua donc tout naturellement en collant une tape sur le bec de la volaille géante, qui eut l’air de n’en avoir strictement rien à faire, se tournant pour lui présenter son derrière avec magnanimité. Soupirant, la mage se demanda une nouvelle fois pourquoi elle avait cru que tout ceci serait une bonne idée, et pourquoi elle avait hérité de la bestiole la plus acariâtre possible. Evidemment, la possibilité que la tête de pioche lui servant de monture lui corresponde parfaitement n’était pas envisageable. Soupirant pesamment, la garde grommela :

« D’accord, je m’excuse, même si je ne vois pas comment j’aurai pu te faire la conversation. »

Le griffon parut soupeser l’argument, puis se décida à revenir dans sa position initiale, avant de lâcher un piaillement circonspect.

« Par pitié, sois à peu près aimable pour une fois. »

La bestiole parut singulièrement offensée.

« Grincheux … »

Piaillement digne.

« Sois extrêmement aimable, voilà, tu es satisfait ? »

Piaillement tout à fait content, tandis que la créature dodelinait de la tête avec un plaisir non dissimulé.

« Ce qui exclut les morsures. »

Le griffon parut très marri d’une telle assertion et protesta immédiatement.

« Non, vraiment, je t’assure qu’elle n’appréciera pas. Et le but n’est pas que je dorme sur un des canapés du Laurier ce soir. »

Œil intéressé.

« Tu fais ça, je dis à la jolie griffone du fond de la volière que tu ronfles. »

Le séducteur exprima son désaccord vigoureux face à une telle menace en tentant de lui donner un coup d’aile, qu’Andra évita avec adresse – et un sourire goguenard.

« Nous avons un accord. »

La trêve humaine-griffon ayant été établie, le duo pouvait attendre sereinement leur visiteuse … qui arriva finalement. Pressentant quelques récriminations, Andra les prévint d’une manière aussi adroite que possible, à savoir accueillir Vera par un baiser rapide avant qu’elle ne puisse ouvrir la bouche pour se plaindre.

« Navrée pour la marche Béa, mais c’est plus facile pour ce que j’ai prévu. »

Son œil pétillait, et il y avait un rien d’excitation dans sa voix, la rendant plus jeune qu’elle ne l’était, tandis que le surnom réservé à leur intimité était venu naturellement – elles étaient seules à des lieues à la ronde, après tout. Enfin seules … Grincheux, manifestement outré d’être tenu à l’écart, venait de s’avancer, donnant un coup de bec dans le dos de sa comparse, qui réussit à ne pas perdre l’équilibre. Reprenant une posture à peu près digne, elle se râcla la gorge et expliqua :

« Oui, donc … Je cherchais un cadeau à t’offrir pour ton anniversaire et je me suis dit que … enfin, tu aimerais peut-être avoir l’occasion de voler. »

Son sourire était revenu, et pointant sa monture, elle fit les présentations :

« Voici Grincheux, mon griffon. »

Silence.

« C’est son nom. »

Hum.

« Parce qu’il est … grincheux. »

L’œil emplit de pitié que l’animal lui lança la convainquit d’arrêter là son introduction. Toussotant, elle continua :

« Et donc, Grincheux, je te présente Béatrice. »

Œil noir jaugeant la nouvelle venue.

« Enfin Vera. »

Le griffon afficha un air très circonspect.

« Parce qu’elle est … orlésienne. »

C’était une explication comme une autre, non ? La créature observa longuement Vera, et Andra eut l’impression de voir deux prédateurs se jauger.

Et pour être honnête, elle n’était pas certaine de qui allait vaincre l’autre.
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Peuple : Humain
Âge : 36 ans
Pronom.s personnage : Elle
Occupation : Ancienne prostituée, désormais propriétaire d'un salon
Localisation : Vera passe l'essentiel de son temps dans son établissement, l'Acanthe
Pseudo : Velvet
Pronom.s joueur.euse : Elle
Crédits : Nightingale, Anastasiia Horbunova ; Delilah Copperspoon, Dishonored 2 (winterswake & Sergey Kolesov & coupleofkooks & KOHTLYR) ; Nathie (signature)
Date d'inscription : 09/07/2021
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Autres personnages : Marigold
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La joie venait toujours après la peineFt. Andra Valheim


Sa nuit avait été douce, comme la soirée avant elle. Un repos tendre, à l’image de l’étreinte nocturne. Un peu de calme, en somme, mérité et apprécié, dans l’océan tumultueux des affaires, entre rendez-vous et projets. Le matin, tôt, trop tôt, il y avait eu un baiser - doux, lui aussi, en dépit de l’heure. Et puis… un drame.

Pantalon et bottes de voyage.

Elle n’avait pas eu le temps de protester : piégée dans les limbes de son sommeil, Vera émergeait à peine qu’Andra avait déjà filé, la laissant là, seule, perplexe et sensiblement scandalisée par la directive sournoisement glissée au creux de l’oreille. La suite n’avait été qu’un enchaînement de contrariétés, ruminées avec une mauvaise foi proportionnelle à son agacement. Un pantalon et des bottes de voyage… « De tous les jours, il a fallu qu’elle choisisse celui-ci ! » Tout ça pour quoi ? Une balade matinale ? Imposée à une citadine ? Ah, la belle affaire !

« Pas un commentaire. » Avait soufflé Vera à ses gens, tandis qu’elle se coulait dans la cuisine pour avaler un semblant de pitance : du café Kahudi, aussi noir que son humeur, et quelques amandes. Pas un commentaire, non, malgré les yeux brillants d’amusement et les sourires difficilement camouflés. Autant d’affronts auxquels Vera s’était jurée de faire répondre Valheim.

Et maintenant ?
Elle marche. Dans son pantalon et ses bottes de voyage. Elle marche aux abords de Starkhaven, le pont de la cité sur les talons et des malédictions au bout des lèvres. Et elle continue de marcher, encore et encore, jusqu’à retrouver l’objet de ses tourments, qu’elle finit par apercevoir au loin, aux abords de la plaine indiquée, longue silhouette sombre flanquée d’une autre, plus robuste, plus large, plus grande encore. Tache blanche sur le jaune des cultures voisines. Andra et… ?

Un griffon. Elle en perçoit désormais plus distinctement la gueule, plumes et bec, tandis qu’elle s’approche, son regard glisse de l’animal à sa maîtresse, de sa maîtresse à l’animal, dans un ballet intrigué où la colère, si elle s’efface quelques instants - la rançon de la surprise -, ne diminue pas tout à fait. Aussi les mots, une fois Andra à portée de son courroux, lui viennent-ils sans effort… sans que la garde ne lui laisse l’opportunité de les prononcer. Un baiser pour bâillon.

« Navrée pour la marche Béa, mais c’est plus facile pour ce que j’ai prévu. » Il y a de l’excitation dans sa voix, un brin de malice qui manque d’attendrir la maquerelle - sans réellement y parvenir. Vera n’oublie pas les bottes à ses pieds, ni le griffon qui la guette. Horrible créature. « Oui, donc … Je cherchais un cadeau à t’offrir pour ton anniversaire et je me suis dit que … enfin, tu aimerais peut-être avoir l’occasion de voler. »

Voler.

« Voici Grincheux, mon griffon. C’est son nom. Parce qu’il est … grincheux. »

Grincheux.

« Et donc, Grincheux, je te présente Béatrice. Enfin Vera. Parce qu’elle est … orlésienne. »

Béatrice.

Un silence.
Ses yeux quittent celui, unique, de la garde, pour affronter le regard autrement moins enjoué de son volatile. Duel mutique, entre admiration et terreur. Jamais Vera n’a eu l’occasion d’approcher semblable chose. « Il est beau. » Elle le pense sans le dire, alors que lui reviennent les mots d’Andra, glissés sur le ton de la banalité. L’occasion de voler.

Voler.
Hahahaha.

« Non. » Le verdict claque dans la fraîcheur de la lande. Conclusion brutale, mais évidente : à quoi diable s’attendait-elle ? Vera n’a jamais eu l’âme d’une aventurière. « Tu l’as eu, il y a longtemps. » Oui, peut-être. Mais une éternité en arrière, lorsque son cœur était encore vert. Les toits de Starkhaven, alors, ne paraissaient pas si haut.

« C’est hors de question. »

Elle aime voir cet œil pétiller, pourtant. Mais assurément pas au prix de ses vieux os.



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Sa présentation originale et indubitablement réussie ne semblait avoir séduit ni Vera, ni Grincheux, qui se jaugeaient à présent comme deux chiens de faïence. Et la maquerelle commit l’irréparable : vexer le griffon. Si Andra s’était – honnêtement – un peu attendue à la première rebuffade de l’orlésienne, rien que pour avoir commis le crime de l’avoir tiré du lit à une heure indécente pour abandonner ses précieuses pendeloques et robes de prix, son compagnon à plumes n’était pas encore habitué au caractère irascible de sa compagne aux ongles impeccablement manucurés. Le souci, c’était que l’inverse était vrai. Le griffon plissa ses yeux, passant de l’une à l’autre femme, avant de reporter son attention sur Vera. Il s’approcha, dodelinant légèrement, avant de planter son bec à hauteur de Vera et de la fixer, comme s’il cherchait à lui passer un message. Par prudence, la garde se coula immédiatement à ses côtés, lissant les plumes de l’animal en une caresse lente. Le griffon huma l’air, puis sa maîtresse, et à nouveau devant lui, avant de laisser échapper un piaillement de contentement. Andra en fut légèrement perplexe, avant de comprendre qu’il devait avoir reconnu son odeur sur son amante et qu’il l’avait donc identifiée comme … une amie ? Bref, quelqu’un qu’il n’allait peut-être pas mordre ou pincer. Normalement.

En attendant, elle se retrouvait face à une mission à la hauteur de sa détermination inébranlable : convaincre Vera. Ce qui, dans un certain nombre de cas, pouvait ne pas poser de soucis, mais elle avait alors des arguments difficilement utilisables au milieu de la lande – et en dehors d’un lit. Il ne lui restait donc que deux options : la tendresse … ou la coercition. Vu le regard noir qui continuait à peser sur elle, Andra pariait plutôt pour la seconde option. S’approchant à son tour de l’autre femme, elle tenta quelques approches sur des variantes de « Tu es sûre ? » ou bien« Je t’assure que je ferai attention », qui récoltèrent leur lot de récriminations, à base de « Andra c’est ridicule » et autres « J’ai passé l’âge de telles idioties. »La mage tenta de ne pas sourire à cette phrase, et chuchota :

« Tu es vieille. »

« Je suis vieille. »

Air de défi.

« Moi aussi. Et je suis sourde. »

Avec dextérité, la garde posa ses mains dans le dos et contre le bas des reins de Vera et la souleva de terre – ce qui amena beaucoup de protestations outragées, et un piaillement très satisfait de la part de Grincheux, qui accueillit sa nouvelle cavalière avec un plaisir non dissimulé. La bête était suffisamment charpentée pour accueillir deux femmes adultes. Grimpant derrière Vera, Andra l’encadra doucement de ses bras pour saisir les rênes du griffon et elle chuchota à son oreille :

« Fais-moi confiance, s’il te plaît. »

Bien entendu, la mage n’aurait pas insisté de la sorte si elle avait le moindre doute quant aux raisons du refus de Vera, et ne se serait pas permise autrement de prendre les devants ainsi. Et bien entendu, si à cet instant, sa compagne exprimait un refus absolu, elle n’insisterait pas. Ce ne fut néanmoins pas le cas, aussi Andra donna une inflexion sur les rênes de Grincheux, qui poussa un cri – plein et entier cette fois, comme le noble prédateur qu’il était, et qui résonna longuement dans la lande abandonnée à cette heure. Le griffon s’ébroua, et elle-même passa une main contre la taille de Vera pour la tenir, les jambes fermement plaquées contre la large selle de la créature, tandis que son autre main continuait à manier les rênes avec poigne. Ses puissantes pattes arrière le propulsèrent vers l’avant, et les ailes sur les côtés commencèrent à battre. Bientôt, le corps massif décolla de terre, après une flexion et un bond en avant, tandis que les ailes battirent avec vigueur pour prendre de l’altitude. Les muscles du griffon ondulaient avec force, traçant des sillons proéminents aux articulations pour en souligner la majesté. Ses immenses ailes blanches fouettaient l’air à grands mouvements profonds, les propulsant vers le ciel avec efficacité. Il était aisément possible de sentir les contractions de chaque partie de l’animal sous leurs jambes, d’en mesurer la vigueur, et de contempler la puissance de la traction vers l’avant, de la lutte contre la gravité et les courants qui ballotaient le griffon et ses cavalières.

L’air frais entra dans les poumons d’Andra comme un ouragan – comme à chaque fois qu’elle quittait le sol. Elle le respira avec passion, dans son parfum si particulier d’altitude et de liberté qu’il charriait. Encore quelques mouvements et une légère torsion de son poignet fit signe à Grincheux qu’il pouvait se stabiliser. Le griffon stabilisa son vol, et ses ailes ralentirent leurs battements pour pratiquement se maintenir planes, sauf lorsque l’impulsion le nécessitait à nouveau pour avancer doucement à travers les nuages du petit matin. La main d’Andra contre le ventre de Vera cessa d’y tracer les arabesques qu’elle y avait dessinée depuis leur décollage, en sentant sa crainte et en la voyant fermer les yeux, pour l’accompagner et la rassurer dans cette expérience qu’elle savait étrange. Le bras toujours ferme pour la maintenir, la garde chuchota à sa compagne :

« Tu peux rouvrir les yeux. »

Sous leurs pieds, la lande autour de Starkhaven, la Minandre au loin qui s’écoulait paresseusement, et la ville qui paraissait soudain si petite, point aux tours lointaines, fétus dressés contre l’immensité des cieux. Devant elles, le soleil qui se levait doucement, dont les doigts roses caressaient les flancs du griffon tandis qu’il avançait, commençait à se pencher sur Thédas encore endormie. Andra laissa Vera découvrir ce monde – son monde, leur monde, celui qu’elle voyait, où rien n’avait d’importance, hormis la force du vent et la liberté qui tenaillait les côtes – qui s’offrait à sa vue.

« Je te tiens. »

Mots rassurants, murmurés contre son cou, agrémentés d’un baiser aérien, son corps enveloppant le sien, tandis qu’elles étaient seules au milieu de l’immensité du ciel orangé.





Les dialogues ont été faits avec @Vera I love you
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« ― Tu es vieille.
   ― Je suis vieille.
   ― Moi aussi. Et je suis sourde. »

Elle flaire l’élan d’audace sans parvenir à l’esquiver. Ne lui reste que le verbe pour lutter contre la garde qui, déjà, la soulève du sol : « Andra, non. » qu’elle piaille, sans grand succès. « Repose-moi tout de suite ! » Mais la voilà déjà installée sur le dos du griffon, qui s’ébroue entre ses cuisses. Réponse immédiate : Vera se crispe sur la selle, tandis qu’Andra se hisse derrière elle. « Fais-moi confiance, s’il te plaît. » lui intime-t-elle en l’encadrant de ses bras. Elle sent ses épaules contre son dos, devine son grand corps ramassé près du sien, sans oser se retourner pour croiser son œil orphelin mais pétillant de malice.

« Tu vas me tuer. » murmure la maquasse entre ses dents, sans oser protester davantage. Les muscles sont figés à présent, mains crispées sur le pommeau de la selle. Et cette maudite volaille qui s’ébroue… jusqu’à s’élancer dans la lande. Horreur. Angoisse. « Je suis trop jeune pour mourir. » Par réflexe - d’auto préservation, sans doute -, Vera ferme les yeux, paupières férocement closes, alors que le monde vibre autour d’elle : bête qui s’étire, air qui fouette les plumes, s’engouffre dans la tunique, gifle les visages, emmêle les cheveux. Il siffle à ses oreilles, chassant par là même les voix en train de se jouer d’elle. Parenthèse infernale, qui lui semble durer une éternité.

Les battements d’ailes, finalement, ralentissent.
« Tu peux rouvrir les yeux. »

Elle n’en a pas envie, bien à l’abri dans sa capsule d’obscurité relative : il y a des éclats à travers les paupières, halos ocres et ambrés - le soleil qui la nargue, et dont elle sent la morsure contre ses joues froides. « Je te tiens. » Andra murmure la promesse, sans relâcher sa prise autour de sa taille, que Vera redécouvre à mesure que s’apaise la tempête dans sa poitrine. « Je te tiens. » Elle a envie d’y croire.

Les yeux s’ouvrent timidement, prudemment. Vision floue qui se précise, panorama qui se révèle : les cieux, d’abord, violet tirant sur l’orangé, grande toile piquée de nuages ; puis les terres alentours, l’humanité sous leurs pieds, hameaux et cités ; des forêts aussi, courant à perte de vue, comme les champs, et la Minantre qui serpente, s’enroule, ondule doucement jusqu’aux frontières de l’horizon qui se dessine.

Si ses muscles ne se décrispent pas, son humeur, elle, s’égaille.
Un soleil dans la poitrine.

« C’est… » Beau ? Le mot sonne creux, trop loin des sensations qu’elle appréhende doucement, par touches sages. Des tâtonnements : desserrer l’étau de ses jambes sur les flancs du griffon, tourner son regard sur le monde qui les entoure. Un coup d'œil en haut - vertige -, un coup d'œil en bas - double vertige. Qu’importe. « Je te tiens. »

Trente-six ans.

« Merci. » Elle le souffle, sans savoir si l’altitude avalera ou non l’élan de gratitude adressé à la garde. Sa reconnaissance jetée au milieu des nuages.

Trente-six ans.
« Moi, je mourrai jeune. » se souvient-elle avoir un jour annoncé à ses collègues de chambrée, comme une évidence. Celle commune à toutes les choses brisées. « Vingt-cinq ans, pas plus. » Furieusement consumée par la vie, comme un fétu de paille. Comme toutes ces autres filles dont elle a désormais oublié le nom. Toutes ces poupées englouties par le temps.

Et pourtant…

Trente-six ans.
« Onze de plus. Et tu voles. »

Absurde revanche.
Doigt d’honneur dressé à la face du destin.

Tête en arrière, le sourire de Vera éclate dans un rire franc.



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TW : Ce RP évoque des pensées suicidaires

Il était beau, ce rire. Il avait le parfum de la gratitude, entendue alors que les mots s’étaient perdus dans les nuages. Il était beau, ce rire. Il avait la délicatesse des secrets qui ne se chuchotaient qu’à la nuit tombée, parce qu’ils étaient trop rares pour être partagés. Il était beau, ce rire. Il avait la certitude de vouloir être entendu à nouveau, et l’envie d’être défendu. La prise d’Andra, toujours ferme, se fit plus tendre, et elle se demanda, avec un rien de douleur, si elle n’avait jamais entendu Vera rire aussi librement. Elle l’avait vue sourire, de ce sourire en coin un peu moqueur qui lui plaisait tant, en réponse à ses facéties. Ou de ce sourire lointain, dont les ombres ourlées n’appartenaient qu’à elle, et que la mage n’osait percer, de crainte de voir le sourire se tapir dans la noirceur d’un monde que leurs soupirs contenait à peine à l’extérieur de leur chambre partagée. Elle l’avait entendu rire brièvement, jappement pour exprimer l’affection ou l’agacement teinté de tendresse. Elle l’avait entendu rire, oui, de ces rires contenus entre les murs d’un bordel, entre les barrières d’une vie, érigées pour se protéger d’un monde qui ne voulait pas d’elle. D’elles. Et la garde dont le rire rauque, chaleureux, se donnait si aisément, pour masquer ses failles et ses incertitudes, pour rassurer et habiller son visage hideux des oripeaux si laids d’une beauté contrefaite, se trouva pudiquement à se taire pour contempler chaque note de ce rire qui éclatait à ses oreilles et autour d’elle. Le vent sifflait, mais elle n’entendait rien d’autres. Dans ce monde aux contours épars, au milieu des cieux, à la liberté immense, elle sentit son univers de réduire à la chaleur du corps contre le sien, à sa présence contre elle.

« Tu as un rire magnifique. »

Comme toi. Elle n’osa pas le dire, le rappeler. Elle ne voulut pas énoncer l’évidence, qu’elle aimerait l’entendre plus souvent tinter, parce que cela en aurait sans doute amoindri la valeur, parce qu’il était des choses qui ne s’offraient pas si aisément, qui se gagnaient doucement, et qui se savouraient comme une obole, jusqu’à n’être plus qu’un souvenir qui s’évaporerait lentement, mais dont elle pourrait dire qu’il avait existé, un jour. Au seuil de la mort, si l’Enclin ne la prenait pas avant, quand elle devrait descendre dans les Tréfonds, Andra aurait sans doute ce jour en mémoire, et les variations de ce rire en tête pour l’accompagner dans son dernier voyage. Peut-être que c’était cela qui rendait certains départs de Gardes si tranquilles. Elle s’était toujours questionnée sur leur calme apparent, sur leur absence de tremblements face à l’inévitable, à cette vie qui se brisait soudainement par l’Appel. Était-ce le même trouble latent qui les emportait, comme il l’avait saisi avant Antiva ? Elle se l’était demandé. Et maintenant, dans la joie qui vibrait, elle s’interrogea. Et si le malheur n’était pas la solution ? Et si cette nauséeuse envie de mourir laissait place, plutôt, à la croyance un peu naïve, un peu bête, et pourtant si réconfortante, qu’il y avait eu, au milieu du gris morbide de l’existence, des jolies couleurs pour en peindre les murs qui se fendillaient au contact des autres ? Doucement, la main qui tenait les rênes glissa vers celles de Vera et elle les noua. Avec précision et patience, elle la guida pour comprendre comment le griffon répondait. En vérité, il ne fallait que des impulsions, et encore. Leur compagnonnage était suffisamment ancien pour que Grincheux réponde quasiment instinctivement à sa cavalière. L’intelligence des compagnons de la Garde des Ombres n’était pas un mythe. Dans les mains d’une autre personne, c’était plus compliqué, et Andra s’appliquait à accompagner chaque mouvement, pour ménager la susceptibilité du prédateur qui n’aimait guère être considéré comme une simple monture que pour rassurer Vera. Elle la laissa appréhender l’altitude, les changements de direction, les accélérations et décélérations, autant qu’elle le voulait, quand elle le voulait. Bientôt, Starkhaven disparut tout à fait, à mesure que les couleurs se confondaient, et qu’elles se retrouvaient englouties par les hauteurs, à dériver au gré de leurs fantaisies. Puis Andra reprit délicatement les rênes, et permit à Grincheux de se reposer tout en amorçant lentement une descente qu’elle voulait la moins abrupte possible. Son œil dériva sur la terre sous leurs pieds, là-bas, en bas, et sur Vera.

Elle se souvint de la première fois qu’elle était montée sur Grincheux, un peu plus d’un an après son entrée dans la Garde, le temps qu’il soit suffisamment développé pour la porter … et qu’elle-même trouver le courage de s’élancer dans les airs avec. Elle n’avait pas le vertige pourtant, pas exactement. Ni peur des bêtes. Elle avait été fille de ferme, après tout. Et si un griffon était incomparable avec un cheval de labour, au moins, elle avait quelques réflexes salvateurs face à une créature non-humaine. Mais quelque chose la retenait, et elle avait mis longtemps à comprendre ce dont il était question. Puis, quand elle s’était élevée dans les airs, librement, elle avait compris. Il y avait dans son œil l’ombre de l’unique voyage en griffon avant son entrée dans la Garde, celui qui avait emmené son corps brisé de son village jusqu’au Cercle. Celui qui lui avait sauvé la vie, et l’avait privé de sa mort. Celui qui l’avait conduite en sûreté, et réduite en servitude. Son imagination avait reconstitué ce qu’elle n’était pas capable de se souvenir, mais qu’elle avait contemplé, le premier soir, devant la première fenêtre, au Cercle, à son réveil. Elle avait vu regardé le ciel désormais interdit qui la jugeait depuis son immensité, et le bas, très loin, perdu.

Elle s’était souvenue avoir eu envie de s’y écraser.

En bas, elle n’aurait plus de visage à regarder, plus de souvenirs à contempler, plus de voix pour la hanter. Il n’y aurait eu que le néant dans lequel elle avait hésité à se réfugier. Oh, elle l’avait vu. Pourquoi s’y était-elle dérobée ? Était-ce la furieuse volonté de vivre d’une enfant de douze ans ? La rage face à l’injustice ? L’absurde espoir qu’il y avait un ailleurs, meilleur ? En bas, elle n’existerait plus. Oh, il y avait des barreaux à tordre, entre lesquels se faufiler. Mais ce serait simple, et après, elle serait en paix. Parce qu’en bas, les autres n’existeraient plus. Elle aurait, pour quelques brèves secondes, la liberté la plus exquise, pour se libérer de ce vide béant qui lui dévorait la face, et s’engloutir tout entière dans celui, définitif, qui l’appelait de ses murmures langoureux, suppliants, comme une mère aurait accueilli son enfant. Comme sa mère aurait dû le faire, plutôt que de lui asséner sa haine et plus encore au visage.

Pourquoi les Cercles avaient des barreaux, aux fenêtres ? Pour la même raison qu’il y en avait, parfois, dans les soupentes des bordels. Ce n’était pas pour enfermer, ou pas entièrement. Pas pour empêcher de rêver, ou pas entièrement. C’était pour empêcher le ciel d’écraser, et le sol d’engloutir.

Elle se souvenait des cicatrices, sous ses doigts, en tenant Vera dans ses bras. Il y avait des fantômes, dans son ciel comme dans le sien. Elle ne pouvait pas les voir. Mais il y avait le soleil qui se levait pour les chasser, portées par les nuages qui s’ouvraient maintenant sur leur passage. Il y avait le vent qui soufflait à leurs oreilles, et le monde à leurs pieds.

Elle voulait se souvenir avec Vera de la liberté à leurs côtés.

Tandis qu’elles descendaient, Andra la prit dans ses bras à nouveau, cocon protecteur, et chuchota à son oreille :

« Quand j’étais enfant, le ciel n’était que le rappel qu’il y avait un monde, loin, que je ne verrai jamais. Et un jour, le ciel est devenu noir. »

Un jour, son œil n’avait plus vu le ciel.

« Au Cercle, le ciel n’était que le rappel qu’il y avait un monde, loin, que j’avais perdu. Et un autre que je ne verrai pas non plus. »

Son œil ne verrait plus, ni son reflet, ni ce qu’il était devenu.

« La première fois que j’ai volé, j’ai vu le ciel pour ce qu’il était : l’étendue des possibles. Parce que plus rien ne m’était interdit. Au moins pour quelques instants. Et que je pouvais vivre au-delà de la place qu’on s’est efforcé de m’assigner»

Le temps d’une liberté au goût de folie.

« Je ne peux pas chasser les fantômes qui te gardent au sol, comme tu ne peux m’épargner les miens. Mais je voulais que tu saches qu’il y avait un endroit où ils n’avaient plus d’importance. Ou tu pouvais être libre. »

De rire. De rêver. D’être à ses côtés.

« De préférence dans mes bras. »

Sourire flottant dans le vent tourbillonnant.
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Peuple : Humain
Âge : 36 ans
Pronom.s personnage : Elle
Occupation : Ancienne prostituée, désormais propriétaire d'un salon
Localisation : Vera passe l'essentiel de son temps dans son établissement, l'Acanthe
Pseudo : Velvet
Pronom.s joueur.euse : Elle
Crédits : Nightingale, Anastasiia Horbunova ; Delilah Copperspoon, Dishonored 2 (winterswake & Sergey Kolesov & coupleofkooks & KOHTLYR) ; Nathie (signature)
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La joie venait toujours après la peineFt. Andra Valheim


« Tu as un rire magnifique. » glisse Andra à ses oreilles, tandis que le soleil, dans sa poitrine, palpite. La pudeur, toutefois, étouffe la fougue nouvelle, que Vera ravale d’un sourire gêné :  si la garde a sa confiance, il est des choses, encore, que la maquerelle ne parvient tout à fait à livrer. Son rire et ses larmes ; ses ambitions et ses doutes. Accorder ses soupirs lui coûte moins que dévoiler quelque éclat espiègle, ou une fragilité. Vingt années de retape lui ont appris à protéger ce qu’elle possède de plus précieux : non pas son corps, mais les recoins sinueux de son esprit et les ombres tapies au fond de son cœur.

Rire pour séduire ne l’a jamais dérangée ; la vipère est même généreuse en sourires d’apparat, parce qu’elle ne rougit en aucune façon de l’orgueil qu’ils dissimulent, ou de ses appétits - pour un nom, des courbes, des ressources ou de l’influence. Offrir les autres, en revanche… Vera les redoute pour ce qu’ils révèlent d’elle. Une fenêtre vers son âme, dont elle ne tient pas à révéler la couleur.

Pas encore.

Une pression sur ses mains glacées. Vera sent les doigts d’Andra se nouer doucement aux siens, le cuir des rênes caresser la chair de ses paumes, qu’elle ouvre malgré elle. La maquasse inspire, d’angoisse et d’excitation mêlées, alors que le griffon maintient l’altitude. Il faut plusieurs longues minutes à Vera, et l’assurance du buste contre son dos, pour oser entreprendre de discrètes manœuvres : orienter prudemment la créature d’un côté, puis de l’autre ; amorcer une légère descente, pour reprendre en hauteur quelques instants plus tard. La liberté au creux des doigts, dont elle cède finalement le cap à la garde, soulagée - sans le dire - de leur avoir épargné quelque terrible chute. Peut-être a-t-elle mal jugé ses lointains talents de cavalière.

« Quand j’étais enfant, commence soudain Andra, tirant sa compagne du souvenir de ses leçons d’autrefois, le ciel n’était que le rappel qu’il y avait un monde, loin, que je ne verrai jamais. Et un jour, le ciel est devenu noir. Au Cercle, le ciel n’était que le rappel qu’il y avait un monde, loin, que j’avais perdu. Et un autre que je ne verrai pas non plus. »

Mages. Ce destin, aussi, aurait dû être le sien. La peur des chaînes l’avait néanmoins menée plus loin, au hasard des routes d’Orlaïs. Peur des chaînes et des armures, et l’effroyable certitude que sa perte l’attendait au bout du chemin - de Ghislain ou de Montsimmard.
Sa fuite l’avait livrée à d’autres bourreaux. D’autres horizons, aussi.
D’autres épreuves. D’autres limites.

« La première fois que j’ai volé, j’ai vu le ciel pour ce qu’il était : l’étendue des possibles. Parce que plus rien ne m’était interdit. Au moins pour quelques instants. Et que je pouvais vivre au-delà de la place qu’on s’est efforcé de m’assigner. Je ne peux pas chasser les fantômes qui te gardent au sol, comme tu ne peux m’épargner les miens. Mais je voulais que tu saches qu’il y avait un endroit où ils n’avaient plus d’importance. Ou tu pouvais être libre. De préférence dans mes bras. »

Plus d’importance… La chose résonne drôlement alors que la silhouette d’Antoine rôde toujours dans son esprit. Plus d’importance… Vera ne répond pas, mais laisse plutôt courir son regard le long des coteaux, en contrebas. Sur ces contrées jusqu’ici hors d’atteinte, désormais à portée de main - ou d’aile. Sur ces possibles qui ne l’étaient pas. Il n’y a pas de chaînes, ici. Pas d’armures non plus. Plus d’importance : c’était vrai.

« Tu es bien plus disciplinée que moi. » Elle sent Grincheux se tendre sous elle, à mesure que l’horizon diminue. Descente amorcée. « L’on m’aurait donné un griffon, la Commanderie ne m’aurait pas revue de si tôt. Pour ne pas dire jamais. »

Elle s’est toujours trouvée douée pour fuir.

« Mais tu es restée. »

Alors que le monde s’était offert à elle.

« Et tu restes encore. »

Alors que le monde s’effondre autour d’elle.

Pourquoi ? Elle ne le demandera pas, mais espère pourtant une réponse.




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Le griffon descendait, guidé par la main d’Andra, qui connaissait suffisamment sa monture pour savoir que l’animal, qui juste là était resté remarquablement tranquille, ne manquerait pas de se laisser aller à quelques facéties. Après tout, une large part de son élément naturel, passé les montagnes rudes des Anderfels, se tenait là, dans ce ciel qu’il parcourait de ses ailes puissantes. Elle se rendit compte, avec un rien de nostalgie qu’ils étaient de vieux compagnons. Et que finalement, Grincheux était ce qui ressemblait le plus à une constante dans son existence. Si elle vivait encore deux ans, cela signifierait que le griffon serait resté dans sa vie plus longtemps que ses propres parents. Et bien davantage que n’importe quelle amante. Plus que bon nombre de ses amis, si on excluait ses compagnons de chambrée, au Cercle – ceux qui avaient survécu à la Confrontation, et ceux qui n’étaient pas devenus des Apaisés. Elle se demanda s’il percevait, lui aussi, l’écoulement du temps. S’il se rendait compte de leur longue marche côte à côte. Sur le temps compté largement entamé, aussi. Andra se revit, dix ans auparavant, contempler avec beaucoup de scepticisme les boules de poils et de plumes qui se tenaient face à elle. Elle n’en voyait pas l’intérêt, tout à sa colère et à son sentiment de trahison. Elle dardait un œil mauvais sur les bestioles assemblées, jusqu’à tomber sur un poussin qui lui avait rendu son regard acariâtre avant de lui mordre le mollet avec violence.

Le maître des griffons avait immédiatement signifié que l’oisillon l’avait choisi.

La Commanderie avait ri de l’anecdote des jours entiers.

Quand les autres Gardes avaient entendu le nom donné au poussin, ils s’étaient demandé si tout ceci n’était pas une terrible erreur.

Encore aujourd’hui, elle se demandait ce qui avait pu pousser le griffon vers elle. Est-ce qu’il fallait réellement un caractère aussi marqué pour dompter Grincheux et son comportement inadéquat les trois quarts du temps ? Est-ce que c’était parce qu’elle venait des Anderfels ? Elle l’ignorait. Mais elle savait, quoiqu’elle se refusât à le dire, que le griffon était probablement son trésor le plus précieux, et une créature pour laquelle elle donnerait sa vie sans hésiter. Parfois, quand le vague-à-l ’âme la prenait, dans ses commanderies, elle aimait se réfugier dans les écuries, retrouver cette odeur si caractéristique de bêtes, cette chaleur, et se lover contre le griffon, un livre en main. Grincheux lui mordait de temps en temps une oreille, pour lui rappeler qu’il était là. Et, sans qu’elle ne le demande, il enveloppait sa grande carcasse longiligne de ses ailes puissantes, comme pour la protéger du reste du monde. C’étaient ces petits moments de joie douce, comme l’odeur du pain frais le matin, comme le sourire d’une jolie femme dans ses bras, comme encore la beauté d’un arc-en-ciel regardé depuis une fenêtre ou le glapissement d’un bébé potelé qui la maintenaient à terre. Le ciel était beau, immense. Il était vide, aussi. Vide de fantômes, mais vide de vie. Il était un refuge, un horizon. Mais il y avait de la beauté aussi en bas, sur cette terre qui ne voulait pas d’elle. Toute sa vie, elle l’avait cherchée. Elle s’avança un peu plus, remit son bras contre le ventre de Vera, et lui chuchota :

« N’aie pas peur. »

Sa prise assurée, elle amorça entièrement la descente, et Grincheux laissa éclater un grondement de plaisir avant de s’élancer entièrement vers le sol, profitant d’une poussée de ses puissantes ailes avant de les replier, pour que l’effet de la gravité soit à son maximum. C’était là l’ivresse absolue, la sensation de liberté la plus ultime, que d’avoir cette impression que plus rien ne retenait, que tout était là, pour quelques secondes splendides, dans ce temps suspendu en chute libre. Grincheux prenait la plupart des courants, adepte de ces percées fantastiques, pour accentuer encore sa vitesse, à présent vertigineuse. Et Andra sentit se former dans sa gorge un profond cri de plaisir et de défi, de ses gants jetés à la face du monde, tandis qu’il se rapprochait à vive allure d’elle-même, mais que c’était son choix que de s’y projeter avec autant de vigueur.

Avec fermeté, la mage reprit les rênes en main, ses jambes se serrant contre Grincheux. Le griffon grogna, mais obtempéra, et amorça un redressement avec une remarquable agilité, avant de parcourir les derniers mètres doucement, lentement, pour profiter de la brise légère et des odeurs qui reprenaient vie autour d’elles. Andra veilla à ce que la chose soit aussi apaisante que possible, et mena méthodiquement leur monture jusqu’à un atterrissage aussi en douceur que possible. Quand enfin, la créature foula le sol du pied et se stabilisa, elle ne lâcha pas sa prise sur Vera, attendant que celle-ci reprenne ses esprits, attentive. Puis elle finit par se détacher néanmoins et descendit de sa monture, non sans fouiller dans les sacs sous la selle.

A côté d’elles s’étendait un petit lac dans lequel se reflétait le ciel azuré. Andra étendit la couverture emportée, avant de disposer les en-cas préparés la veille, dans le confort des cuisines du Laurier, qu’elle pouvait investir désormais au grand jour – et pour le plus grand bonheur des résidents du lupanar, qui appréciaient énormément lui servir de cobaye quand elle essayait de nouvelles recettes. Rejoignant Vera, elle chuchota :

« Je sais que ce n’est pas le lac Célestine – et je t’y emmènerai, un jour – mais c’est ce que j’ai trouvé de plus proche. »

Souvenirs d’un soir, dans une chambre au troisième étage d’un bordel. Et d’une main dans la sienne, comme à ce moment précis, tandis qu’elle glissait ses longs doigts dans ceux de Vera, et que la douceur emplit l’œil survivant d’Andra. L’éclat parut transfigurer un instant sa face ravagée, comme si l’œil vide, soudain, était à nouveau rempli, comme si les cicatrices profondes qui marbraient sa face avaient disparu. Comme si elle avait les trente-huit ans qu’elle aurait dû avoir, dans une autre vie. Avec les ridules qui apparaissaient, les quelques cheveux gris qui coloraient ses tempes, et rien d’autres. Seulement les stigmates du temps écoulé, et non celui de sa vie suspendue.

Parce que c’était pour cela qu’elle restait, oui. Elle n’aurait pas pu partir, parce que le seul voyage qui lui importait réellement, elle avait failli le faire à douze ans. Où aller, en Thédas ? L’uniforme de la Garde des Ombres était son seul bouclier contre la haine. Et encore, ce n’était pas pour rien qu’elle prenait rarement son bâton, à l’extérieur, sauf quand elle y était contrainte. Partout ou presque, elle aurait été une paria, et une paria bien trop reconnaissable. Comment cacher un tel visage ? Sans parler de sa taille, ou de son allure générale. Sauf peut-être en Tévinter, mais alors, elle aurait dû sacrifier d’autres parts d’elle-même encore. Et c’était avant la Quatrième. Restait Rivein. Peut-être, dans une autre vie. Mais à l’époque, elle s’était laissé étourdir par la frénésie de vie qui l’avait envahie, en Orlais, tandis qu’elle profitait de sa liberté retrouvée. L’alcool, les femmes, l’art, la fête … elle s’était enivrée d’une ivresse différente, de celle qui brûlait la vie jusqu’à en crever, pour éviter de brûler de crever jusqu’à en vivre. Elle ne savait comment l’expliquer. Elle ne pouvait dire à Vera qu’être au dehors, que marcher simplement, c’était déjà être libre.

Que ne pas être un monstre aux yeux de ceux qu’elle aimait, c’était déjà beaucoup. Et que loin, très loin, l’enfant qu’elle avait été aurait voulu grandir pour être cette Andra-là. Un sourire se glissa, furtivement sur son visage et elle assura, avec une tranquillité posée :

« Je reste, oui. »

Son œil dériva vers Vera, sa main toujours la sienne. Ce ne fut pas un constat, mais une promesse. Parce qu’elle était déjà partie.

Parce qu’elle lui avait promis de rester. Ce soir-là. Les autres aussi.

« Parce que le ciel est beau, mais la terre a aussi ses charmes inégalés. Le ciel me permet d'être libre, mais seule. Sur terre, je veux être libre, aux yeux de tous.»

Et parce que le jour où elle partirait, ce ne serait pas pour Tévinter, pas pour Rivein, pas pour ailleurs. Mais pour les Tréfonds. Un voyage sans retour.

Et la mort l’enchaînerait à la terre. Alors, autant la rendre belle, de son vivant. Sa voix grave résonna, tandis qu’elle achevait :

« Je reste. »

Tant que je ne dois pas partir. Elle chassa la pensée, se concentrant sur Vera à la place. Sa main se plaça contre sa joue et, avec une délicatesse sensible, elle déposa ses lèvres contre celles de l’autre femme.

Je reste.

Un sourire.

« Joyeux anniversaire. »
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Le bras reprend sa place au creux de son ventre, étau dont elle ne regrette rien du couvert protecteur, mais derrière lequel elle se dissimule plutôt, crispée sur la selle, gorge nouée. Prendre les airs avait été une épreuve de taille, et si la sécurité du sol lui manque autant que le velours familier de ses robes, retrouver le plancher verdoyant des coteaux lui semble désormais plus périlleux encore que le premier mouvement de cette danse infernale. Paradoxe sans issue. Fermant les yeux, Vera s’efforce de ravaler son appréhension, qu’elle sent gonfler dans sa poitrine à mesure que le griffon s’agite. Les mots rassurants de la garde changent bien peu de choses à l’affaire. « N’aie pas peur. » Ah ! Quelle audace.

Elle sent le monde qui tremble autour d’elle.
Griffon qui proteste, s’incline. Andra se tend dans son dos, comme les rênes - elle gage - dans ses mains.
Secousses. Tremblements. Et, finalement, le silence.

Le silence bruyant, celui de la nature autour d’elles, en lieu et place du sifflement du vent à leurs oreilles : bourdonnement, bruissements. La morsure plus vorace du soleil, aussi, que plus aucune brise fraîche ne vient apaiser. Et l’odeur de la terre, celle des champs voisins et des rives ondoyantes d’un lac, dont la maquerelle découvre le tracé ravissant lorsque, assurée de l’immobilité du griffon, elle s’autorise à rouvrir les yeux.

Vera inspire doucement.

« ― Je sais que ce n’est pas le lac Célestine – et je t’y emmènerai, un jour – mais c’est ce que j’ai trouvé de plus proche.
    ―  C’est charmant. »

L’attention la touche presque autant que la promesse, et ce qu’elle raconte d'Andra, de l’attention portée aux confidences prudemment livrées - non pour nourrir quelque fourbe dessein, mais par respect pour la femme, pour Vera, pour Béatrice. Et quelque chose au fond d’elle, s’agite.

Une nouvelle muraille sur le point de céder.

« Merci. » glisse la maquerelle alors que la garde, toute affairée à son confort, l’aide à quitter l’assise particulière du griffon. Vera accueille la fermeté du sol, sous ses pieds bottés, d’un soupir satisfait. Satisfait, aussi, le sourire achevant le baiser tendrement offert, et la formule consacrée avec lui. « Tu t’es surpassée. » Murmure la maquasse contre les lèvres de sa compagne, tout en notant mentalement qu’il lui faudrait redoubler d’ingéniosité pour espérer égaler la performance de cette dernière, lorsque son anniversaire arriverait. Et la conscience, soudain, s’ébroue : « Tu te projettes. ». Constat au goût étrange, alors que évidemment lui vient naturellement, comme le souvenir des multiples promesses ; des légères, comme celle du lac Célestine, aux plus coûteuses : survivre, se battre, revenir. Se laisser une chance.

S’écartant de la garde, Vera entreprend quelques pas dans la verdure alentour.  

« Cela devait bien faire… quinze ans que je n’avais pas quitté la cité. » Une pause. « Peut-être même davantage. » Assurément davantage, mais le doute est plus doux que pareil aveu.




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L’aveu, enfin, que son cadeau a plu, arrache un sourire un peu niais à Andra, que la mage s’efforça d’effacer rapidement, sans y parvenir tout à fait. Elle s’était toujours contentée de peu, heureuse de faire plaisir, sans rien attendre en retour. Particulièrement sur cette question, parce que son propre anniversaire lui était généralement au mieux indifférent, au pire désagréable. Il lui rappelait les jours qui avaient suivi celui de ses douze ans. Après, fêter une année de plus avait eu un goût de cendres. Elle avait gommé Vendangien de son esprit, comme son accent, comme les Anderfels. Au Cercle, la chose eut été ridicule, dans les premières années. Elle n’avait rien dit sur le sujet avant qu’une confidence lui fut arrachée, un soir, après l’amour. Quand elle avait intégré la Garde des Ombres, elle n’avait rien révélé non plus. Les beuveries avaient pu lui délier la langue, mais elle ne se souvenait l’avoir réellement fêté qu’avec Mallory. Un souvenir de plus perdu dans la brume du Nevarra. Et la jeune femme avait dû insister très fortement pour que la garde accepte de lui offrir l’information. Avec un rien d’interrogation, tandis que Vera s’avançait vers le lac et lâchait sa main, Andra se demanda pourquoi elle avait été capable d’en dire autant à la maquerelle. Peut-être parce que cette dernière était encore plus secrète. Peut-être parce qu’elle sentait les fantômes et les secrets, derrière le masque, et que chaque confidence était comme une pierre précieuse, à apprécier à sa juste valeur. Peut-être qu’elle se trouvait dans la position de ses anciennes amantes, désormais. Et peut-être qu’elle avait atteint l’âge où elle était capable de parler. Peut-être qu’elle y parvenait parce qu’elle avait la sensation que Vera ne jugerait pas les lacs sombres de son âme. Qu’elle comprendrait la rage qui s’y lovait, la haine qui y couvait, la souffrance qui y prospérait. Elle se savait différente de la maquerelle : quand elle-même ne rêvait que de vivre sa liberté chèrement acquise au prix du regard de la société, Vera n’avait de cesse de vouloir asseoir sa vie dans cette société qui ne l’aimait pas quitte à sacrifier sa liberté. Parce que leurs arrachements au foyer familial avaient été différents, parce qu’elles étaient mages et apostates, mais l’une avait fui le Cercle quand l’autre avait été contrainte de l’intégrer – et en avait été bannie de façon infamante. Oui, elles étaient différentes. La sophistication et le méthodisme de l’une répondait au foisonnement chaotique de l’autre. La chaleur de l’une n’avait d’égale que la froideur de l’autre.

Pourtant, quand Andra regarda Vera, devant elle, face au lac, qui admettait ne pas avoir quitté la cité depuis un long moment, l’évidence la saisit. Elle la saisit aussi violemment qu’une tempête, aussi puissamment qu’un ouragan, aussi délicatement que l’effleurement de son souffle sur ses lèvres. Elle contempla le corps fin, la mélancolie du ton, le silence de l’aveu qui ne se disait pas. Au travers du Voile, la silhouette de Béatrice palpitait doucement, devant ses yeux. Elle était là, tapie dans les questionnements qui mourraient sur ses lèvres, dans les secrets qu’elle voulait dire et dans ceux, peut-être les plus importants, qu’elle se savait incapable, encore, de livrer, mais dont elle avait la certitude qu’un jour, elle le pourrait, si elle le voulait. Andra n’aimait pas Vera parce qu’elle désirait être belle dans ses propres yeux, ou parce qu’elle rêvait d’un ailleurs qui lui permettrait d’échapper à son passé. Elle l’aimait parce qu’elle ne recherchait pas l’approbation dans son regard, parce que leurs passés s’entrechoquaient, se mouvaient l’un vers l’autre, dans le parallèle de leurs conditions à la fois si semblables et si différentes. Fille de Duc et fille de fermier, mais mages. Mages, apostate et putain. Elle s’avança à son tour, arriva derrière sa compagne et glissa doucement ses bras contre les siens, sa tête posée sur son épaule, dans une étreinte qu’elle réservait ordinairement à l’intimité de leur chambre partagée.

Je sais.

Le murmure, tendre, contre le cou, est chuchoté dans un baiser tendre. Elle ne voulait pas demander si Vera regrettait, avant. Elle ne chercha pas à lui dire qu’elle-même partait bien trop de Starkhaven, et pourtant, qu’elle avait envie d’y revenir.

Si.

C’était cela qu’elle voulait lui dire. Cette évidence. Et à nouveau, elle fut frappée. Et le chuchotis vint :

« Ne la quitte pas pour autant, maintenant. Je prends goût à y revenir, tu sais. »

La légèreté de l’affirmation clôturait élégamment leur discussion précédente. Et elle lui permettait de tester le clapotis doux de son cœur dans sa poitrine.

« A y rester. »

Un silence.

« Je pourrai y rester pour le temps qu’il me reste à vivre. »

Son étreinte se relâcha. Elle faisait face à Vera, à présent. Le lac les regardait. Il était d’un joli bleu, bien loin du sang de l’engeance qui empoisonnait ses veines.

« Les Gardes Ombres … L’Union … »

Elle avala sa salive.

« Cela fait dix ans que je suis dans la Garde. »

Comment expliquer, qu’on était condamné ? Comment dire, qu’un jour, il faudrait partir, un matin, après un dernier baiser, pour les Tréfonds, et y mourir, assailli par l’engeance, dévoré par cette dernière, avant de devenir une goule hideuse ? Comment vouer à une autre une vie qui était déjà pour bonne par rongée par la Souillure ? Andra ne savait pas. Et ce n’était sans doute pas juste. Mais elle était égoïste. Et pour une fois, elle n’avait pas envie de s’effacer, pas envie d’abandonner, pas envie de se sacrifier. Elle avait envie de promettre non pas l’éternité, mais la douceur des nuits d’été et la promesse des nuits d’hiver.

« Je reste, parce que la mort me rattrapera plus vite que tous les autres. Mais je veux rester, parce que … parce qu’on peut essayer de passer le temps qu’il me reste ensemble. »
Vera
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Salonnière de l'Acanthe
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Vera
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Illustration : La joie venait toujours après la peine - Vera 931403a60dfe9abcf54093d33c277b2a

Peuple : Humain
Âge : 36 ans
Pronom.s personnage : Elle
Occupation : Ancienne prostituée, désormais propriétaire d'un salon
Localisation : Vera passe l'essentiel de son temps dans son établissement, l'Acanthe
Pseudo : Velvet
Pronom.s joueur.euse : Elle
Crédits : Nightingale, Anastasiia Horbunova ; Delilah Copperspoon, Dishonored 2 (winterswake & Sergey Kolesov & coupleofkooks & KOHTLYR) ; Nathie (signature)
Date d'inscription : 09/07/2021
Messages : 708
Autres personnages : Marigold
Attributs : CC : 11
CT : 11
End : 15
For : 11
Perc : 15
Ag : 13
Vol : 15
Ch : 15

Classe : Civile, niveau 2
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La joie venait toujours après la peineFt. Andra Valheim


Elle inspire, gonfle ses poumons, sature ses bronches de l’odeur de cette terre qu’elle ne connaît pas et ignorait désirer connaître. Les paupières, closes, ne s’ouvrent pas lorsqu’Andra vient chercher un baiser dans son cou, ni lorsque ses mains se referment doucement sur elle. Étreinte familière, que la maquerelle accueille d’un sourire. Ses propres doigts rejoignent les bras de la garde, cherchent la peau sous le pourpoint maudit - son serment mortifère l’accompagne toujours, l’Enclin avec lui.

Une promesse accordée par le sang, pour le sang, dans le sang.
Souillure.
Andra n’a pas besoin d’en dire davantage.

« Je sais. » Sa voix est rauque, voilée d’ombres - celles d’Antiva et d’ailleurs. Il y avait eu les doutes, d’abord. L’instinct. L’insidieuse certitude que quelque chose de plus sombre encore que l’archidémon rôdait au-dessus d’Andra, pesait de tout son poids sur les épaules de la garde. Des gardes. Il avait suffit d’un billet et d’une entrevue dans une taverne pour que l’intuition se révèle vérité, et que le verni s’écaille un peu plus. Condamnée. Viciée. Hector avait eu la délicatesse, sur sa demande, de ne rien lui épargner du destin qui les attendait tous.tes, frères et sœurs de la Garde des Ombres. Il y avait eu des questions, bien sûr. Des silences, aussi. Des regards perdus dans le vide, dans les échos désormais distordus et lointains de l’avenir que Vera avait eu la sottise d’espérer - malgré la Chantrie, malgré l’Enclin. Si l’alcool avait aidé à maquiller l’amertume des révélations, sa compagnie n’avait été d’aucun secours le soir venu. Nuit d’orages, entre bile et angoisse.

Que faire, à présent ? La question l’avait tenue éveillée jusqu’à l’aube, au lendemain du redouté entretien. Rompre, pour s’épargner un nouveau chagrin ? Braver un nouveau deuil ? Andra avait déjà péri une fois, et la mémoire de la maquerelle en portait encore trop vivement le souvenir. Un gouffre dans la poitrine. « Plus jamais. » Elle se l’était promis après la réception du feuillet de poèmes. Et se l’était promis encore, ce matin de Floraison, résolue, pour son propre bien, à prononcer la sentence ; prête à sceller le destin de ce nous qui ne pouvait plus être, parce que son je refusait d’endurer davantage.

Et puis le soir était venu, et avec lui Andra.
Et Andra avait souri.
Et les certitudes, acquises la veille, avaient volé en éclats.

« Je sais. » Elle le répète, plus doucement cette fois, à mesure que reculent les ombres. Un peu de lumière : celle qu’elle perçoit toujours briller au fond de l'œil orphelin d’Andra, et qu’elle perçoit encore lorsqu’elle se dérobe de son étreinte pour se tourner vers elle.

Silence.
L’orbite vide, la chair manquante, la peur, la colère, joue creusée, les fantômes, les regrets, l’odeur de sa peau, doigts sur sa peau, peau grêlée, soleil sur ses lèvres, lèvres abîmées, l’envie, la colère, les secrets, la voix grave qui ricoche, ses soupirs, ses promesses, l’Enclin, le poison, et son coeur qui bat, bat encore, bat malgré tout, encore et encore et encore et encore, et encore… « Pour combien de temps ? » Dix ou quinze ans, avec un peu d'espoir. Une chance, alors, que Vera l'ait toujours conchié, l’espoir.

Elle laisse les prières aux bigots. Que vienne donc l’Enclin, que progresse donc la Souillure.
Sa tombe à elle sera saturée de remords, pas de regrets.

« Je loue une maison depuis quelques mois, à quelques pas du Goldhead. » L’idée de se justifier la traverse, mais elle choisit d’y renoncer. Rien ne l’oblige à le faire. « Peut-être est-il temps que tu l’investisses, toi aussi ? Si tu le souhaites, bien entendu. »

Des remords. Pas des regrets.




Adore her. She demands it.

She dreams of all the world bowing, but more than that. Loving her. Breathing her name.

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La surprise se peignit sur les traits d’Andra, puis reflua. Un instant, elle fut tentée d’insister. Puis se tut. Et son œil demeura fixé sur Vera, intensément, embrassant la silhouette face à elle, s’attardant quelques instants sur les rides discrètes qu’elle savait exister à la commissure des lèvres ou au coin du regard. Dans cette prunelle à la couleur ordinaire, un rien sombre, brilla un maelstrom difficilement discernable de sentiments mêlés, comme si la mage ne parvenait pas exactement à expliquer ce que ces « Je sais » provoquaient en elle. Elle sentait dans ces deux mots la douleur de la vérité, et l’acceptation délicate. Elle se rendit compte qu’elle ne l’avait jamais espérée, réellement. On n’aimait pas les morts en sursis. Ou plutôt, on les aimait dans les tragédies qui se chantaient sur les planches des opéras orlésiens, on les aimait dans les romans qui se lisaient dans la pénombre des alcôves. Cela avait du charme, les amours impossibles. Mais personne n’avait envie de les vivre, parce qu’on voulait espérer, construire, se projeter, rêver, se poser. Comment le faire, avec une personne qui, un jour, par un jeu de hasard tueur, verrait ses veines noircir et sa peau se parcheminer ? Avec quelqu’un qui partirait pour mourir, loin de tout, dans la solitude d’une ultime bataille anonyme dans les Tréfonds, qui ne laisserait rien, même pas une tombe sur laquelle se recueillir ? L’amour était joli, pourvu qu’on soit condamné à aimer pour l’éternité. La Garde des Ombres ne pourrait jamais offrir qu’un sursis. Brièvement, elle se demanda ce qu’il se passerait, le jour où elle ressentirait l’Appel. Elle s’imagina, un instant, profiter d’une dernière nuit de passion folle, d’une étreinte éperdue, d’heures de tendresse à simplement évoquer les souvenirs communs et les espoirs passés. Puis, au matin, quand Vera serait enfin endormie dans ses bras, à l’embrasser une dernière fois, et à laisser sur son oreiller quelques vers jetés sur le papier, au bas du visage trop bien connu, qui aurait souri de ce sourire discret qu’elle s’évertuait à provoquer.

Quand tu me chercheras dans les étoiles, un soir,
Ne cherche pas la plus belle sur cette terre,
Ni la plus laide, dans la canopée noire.
Sens le vent dans ta main, et mes doigts qui l’enserrent.


Parce que ce serait ce qui lui demeurerait de plus précieux, au moment de partir pour les Tréfonds, ce souvenir des silences qui se comprenaient. Comme celui de la chambre au dernier étage du Laurier, en évoquant Orlais et le lac Célestine, et le fantôme de la main de Vera glissée dans la sienne, aveu sans mot de ce qu’elle avait déjà deviné, paume qui avait enfin trouvée le réconfort de ses doigts longs qui la caressaient doucement, pour apaiser les tourments. Désormais, il y aurait un autre lac, et les « Je sais » qui cette fois se prononçaient.

Il y aurait également cette proposition, inattendue, étrange, absurde presque, qui laissa l’œil s’agrandir de stupéfaction. Vera n’avait pas posé de question, ni réellement commenter cette vérité qui creusait un fossé entre elles, pourtant. Elle lui proposait de venir vivre avec elle. Comme pour combler l’abîme, ou plutôt, y bâtir un pont qu’elle serait libre, un jour, de traverser dans l’autre sens. Et Andra sentit sa gorge se nouer. Elle se rendit compte, stupidement, qu’elle ne savait que dire. Parce qu’elle ne s’y attendait pas. Parce que … Parce que c’était la première fois de sa vie, à bientôt trente-neuf ans, qu’un réel foyer lui était offert, au-delà de la masure surpeuplée de son enfance. En vingt-six ans, elle n’avait connu que le Cercle, puis diverses Commanderies. Le Laurier Carmin était ce qui s’en était rapproché le plus, durant ces dernières semaines, mais il n’échappait pas à cette vie partagée avec d’autres qu’elle avait sans cesse connue. Oh, il y avait eu des chambres louées, partagées. Mais rien de personnel. Depuis ses douze ans, elle n’avait jamais réellement connu cette sensation familière de passer le seuil d’un endroit, de humer l’odeur indescriptible et pourtant si évidente de chez soi. Elle avait du mal à se l’imaginer. A quoi est-ce que cela ressemblait, de vivre sans entendre les bruits des autres ? Leurs soupirs, leurs pleurs, leurs disputes, leurs colères ? Qu’est-ce que cela signifiait, de rentrer chez soi le soir, de poser ses affaires et de rejoindre un être aimé dans un endroit patiemment décoré au gré des envies de chacune ? Elle n’en avait aucune idée. Elle ne savait pas ce que c’était, que de réparer une étagère qui s’était renversée, de saluer des voisins distraitement en partant et de se dire que, derrière une porte d’entrée, elle pourrait se croire en sécurité.
Lentement, sa main chercha celle de Vera, et elle la saisit doucement, ressentant l’attraction de la peau aimée contre la sienne, et la sensation de familiarité qui en découlait. Elle noua leurs doigts ensemble, et demeura silencieuse. Son œil se fixa sur le lac, sur sa surface ondoyante, sur le reflet du ciel dans ce dernier, sur le vent qui entourait leurs mains. Elle attendit que l’émotion reflue, et que les mots reviennent peupler ses lèvres, avant qu’un sourire sincère n’orne son visage abîmé, qui aurait presque pu paraître beau, en cet instant :

« Je le souhaite. »

Les lèvres frémirent, et les yeux pétillèrent :

« Si tu peux supporter mon capharnaüm au-delà d’une seule pièce, cela va sans dire. »

L’humour était la politesse du désespoir. Il était aussi la délicatesse de la gratitude, de celle qui n’osait se dire, par pudeur, mais qui se devinait dans ce qu’elle ne révélait pas entièrement. La main d’Andra serra celle de Vera un peu plus fort, et elle ajouta :

« On peut manger ce que j’ai préparé – j’ai fait ton encas préféré.

Et au retour … Visiter cette fameuse maison. »


Il faudrait du temps, pour s’y habituer. Pour transférer peu à peu ses affaires. Pour passer du déterminant démonstratif au possessif. Mais c’était, à travers ce bâtiment de pierre qu’elles partageraient, une brique supplémentaire dans ce qu’elles construisaient, en dépit des obstacles et du sol qui se craquelait sous leurs pieds, chaque jour un peu plus. L’Enclin, la Chantrie. L’Appel, la magie. Le devoir, l’ambition. La vie, la mort.

Andra n’avait pas envie de cesser de voler, Vera à ses côtés.
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La joie venait toujours après la peine - Vera