Type de RP Classique/Flashback
Date du sujet 4 Longnuage, 5:02 des Exaltés
Participants  @Ithildir  et @Elendîs
TW Liens familiaux (fratrie), dépendance affective
Résumé Elendîs se réveille d’un horrible cauchemar et cherche du réconfort auprès de son frère.
Pour le recensement

Code:

[code]<ul><li><en3>4 Longnuage, 5:02 des Exaltés</en3> : <a href="https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t1756-mon-attrapeur-de-mauvais-reves">Mon attrapeur de mauvais rêves</a></li></ul><p><u>@"Ithildir" et @"Elendîs"</u>Elendîs se réveille d’un horrible cauchemar et cherche du réconfort auprès de son frère.</p>[/code]

Elendîs n’était pas habituée aux cauchemars. Elle en faisait en effet très peu étant enfant, comme si la présence, ou peut-être la magie, d’Ithildir la protégeait de ces épreuves plutôt communes pour les autres Elfes.

Mais ils avaient grandi, les convenances s’étaient installés entre eux et, afin d’éviter les messes basses et autres rumeurs déplacées (ce qu’elle avait d’ailleurs toujours trouvé très hypocrite. Certaines familles dormaient entassés les uns sur les autres et on venait les embêter, eux!?), son jumeau avait fini par quitter leur petite chambre d’enfants, la laissant seule face aux ombres de la nuit.

Oh, il n’était pas allé bien loin. Leur père avait libéré la chambre parentale, de l’autre côté du couloir, pour un lit placé dans son étude. Mais la distance était quand même là et, aux difficultés d’endormissement qui avaient fait leur apparition s’étaient ajoutés d’horrifiques cauchemars.

L’Elfe s’était donc réveillée en sursaut, un cri au bord des lèvres et ses yeux cherchant frénétiquement après la menace. Et très vite, presque instantanément, un besoin inné l’avait prise à la gorge. Ithildir. Il n’était pas là, où était-il passé?! Il devrait être juste là!

Heureusement, la réalité se réinstalla tout doucement et avec elle la réalisation presque douloureuse que non, son frère n’avait pas simplement disparu: il ne passait juste plus ses nuits à ses côtés. Et le réconfort apporté par sa présence lui manquait terriblement, s'ajoutant au malaise créé par ce maudit rêve.

Elle avait seize ans pourtant, elle devrait être capable de faire face à un stupide cauchemar sans son jumeau! Un cauchemar, ce n’était qu’un cauchemar…, se répétait-elle intérieurement pour tenter de calmer le maelström d’émotions qui la terrifiaient.

Mais sa volonté plia très rapidement. Dîs sortit donc de son lit, encore un peu tremblante sous les réminiscences et son cœur battant toujours la chamade. Elle quitta sa chambre d’un pas léger, ses longs cheveux relâchés pour la nuit et une simple chemise de lin blanc couvrant sa petite silhouette, et traversa le couloir pour rejoindre la chambre de son frère, hésitant un court instant devant le battant de bois.

Puis la jeune fille ouvrit tout doucement la porte et passa sa tête par l’encadrement.

« Thil? Tu dors? », fit-elle dans un murmure, suffisamment doux pour ne pas le réveiller s’il dormait profondément mais quand même assez fort pour attirer son attention s’il était dans un sommeil léger.

Dans cette heure nocturne où les rêves se tissaient et les songes s'épanouissaient, tu te trouvais plongé dans un demi-sommeil, naviguant entre les rivages de la réalité et les flots de l'imaginaire. Tes paupières closes s'agitaient légèrement, comme si elles voulaient retenir les images qui se dessinaient au-delà des limites de ta conscience, tandis que ta respiration, lente et régulière, témoignait d'une sérénité apparente.

Ta chambre, baignée d'une douce pénombre, était un véritable havre de verdure. De nombreuses plantes cohabitaient dans cet espace, certaines grimpant sur les murs, d'autres se balançant doucement dans les pots suspendus. Les feuilles aux formes variées s'étiraient vers la lueur argentée de la lune, offrant un tableau vivant et apaisant.

Les ombres dansaient avec les rais de lune qui traversaient les voilages de la fenêtre, traçant des arabesques argentées sur les murs. Le vent nocturne, léger et frais, s'immisçait dans la pièce, faisant frémir les feuilles de parchemins éparpillées sur le sol, tels des bateaux échoués sur une plage de mots et de pensées, et caressant délicatement le feuillage de tes plantes.

Allongé sur ton lit aux draps de coton, tu te trouvais à la frontière du sommeil, là où les murmures du présent devenaient échos du passé. Tes mains, délicatement posées sur ta poitrine, semblaient vouloir se rejoindre, comme pour nouer un lien invisible entre les deux âmes jumelles qui, autrefois inséparables, s'étaient éloignées par les caprices du temps et des convenances.

Au cœur de cet instant, tu errais dans les méandres d'un rêve où les souvenirs de ta sœur se mêlaient à des paysages oniriques. C'était alors que la voix d'Elendîs, telle une mélodie lointaine, venait caresser ton oreille, te tirant doucement de cette rêverie éthérée. Tes paupières se soulevaient lentement, révélant des yeux émeraude emplis de tendresse et d'inquiétude, qui cherchaient aussitôt le visage de ta sœur jumelle, apparue comme une apparition fantomatique dans l'embrasure de la porte.

« Dîs... ? Que fais-tu encore debout à cette heure-ci... ? », interrogeas-tu, te redressant légèrement.

Les faibles sensations portées par leur lien lui apprirent qu’elle l’avait bien réveillé. Dîs n’éprouva toutefois aucun remord à cette idée et referma la porte derrière elle, sans un bruit, avant de faire quelques pas dans l’antre de verdure de son jumeau. Elle ne voyait pas grand chose dans cette obscurité mais déduisit des sons et des ombres qui lui parvinrent qu’Ithildir s’était relevé pour lui poser sa question.

Son coeur battait cependant toujours la chamade et elle vint s’asseoir sur le bord du lit avant de répondre, repliant ses jambes sur le côté pour isoler ses pieds glacés du sol froid.

« Cauchemar. », fit-elle d’abord à voix basse, pour ne pas réveiller leur père qui dormait en bas. Ce mot à lui seul sonnait presque comme une excuse.
« Le même que d’habitude. », ajouta-t-elle, le visage baissé et ses longs cheveux formant un rideau soyeux entre elle et son frère.

Parce que c’était toujours le même cauchemar, qui la mettait dans cet état. Les autres étaient dérangeants, certes, mais pas aussi angoissants que celui-ci. Dans ce rêve récurrent, elle était prisonnière d’un monde effroyable. Quand elle prenait conscience d’elle-même, elle était déjà en train de courir à l’aveuglette, persuadée que quelque chose était à sa poursuite. Puis elle était interrompue dans sa course par Ithildir, venu à sa rescousse. Ensuite, c’était toujours la même séquence d’événements: Ithildir, son mage de frère, l’enfermait derrière un mur de verre pour la protéger de la menace. Mais il n’était pas de taille pour affronter seul le monstre qui sortait de la forêt décharnée derrière lui et Elendîs assistait, impuissante, au massacre en règle de sa moitié.

L’horreur qui ne l’avait pas quittée et le froid qui s’infiltrait dans ses os depuis qu’elle était sortie du cocon de son propre lit la fit frissonner exagérément au souvenir des cris d’agonie de son frère qui se mêlaient à ses propres lamentations. Elle referma donc ses bras sur sa poitrine, comme pour s’étreindre et se réconforter elle-même.
« Pourquoi faut-il que ce soit toujours exactement le même cauchemar? La même horreur? Et pourquoi est-ce que je suis toujours si inutile? », questionna-t-elle, plus pour la rhétorique qu’autre chose. Elle savait bien qu’Ithil n’avait pas de réponse... Mais ce rêve faisait tellement écho à ses peurs les plus profondes qu’elle en était invariablement toute retournée : elle, l’incapable de service, qui s’en sortait saine et sauve alors qu’Ithildir lui échappait pour toujours...

Dans la pénombre feutrée de ta chambre, tu écoutais d'une oreille à demi-endormie les murmures douloureux de ta sœur, tes paupières se refermant à mesure que les secondes défilaient. Néanmoins, la détresse dans sa voix te serrait toujours autant le cœur, et tu voulais rapidement trouver les mots apaisants pour panser les plaies invisibles de son âme... Et replonger ensuite dans les bras de Mythal.

Toutefois, il y avait là une certaine vérité. Te sentant coupable à l'idée d'une éventuelle séparation qui vous guettait un jour en raison de ton don en magie, tu t'approchas doucement d'Elendîs, dans un ultime effort, pour prendre place à ses côtés, sur le bord du lit. Ta main engourdie se posa légèrement sur l'épaule de ta moitié en un geste de réconfort. Vos regards se croisèrent, et tu pouvais y discerner la peur mêlée à la tristesse qui l'accablait. Inspirant profondément, tu cherchais les mots qui pourraient bercer son esprit tourmenté...

« Les cauchemars », commençais-tu d'une voix hésitante et monotone, « sont souvent le miroir de nos peurs les plus enfouies, de nos inquiétudes qui demeurent tapi dans l'ombre de notre inconscient. Ce songe récurrent que tu fais, où tu te sens impuissante est sans doute l'écho d'une crainte... [de ne pas être à la hauteur dans ce cas-ci]. Mais tu sais, les rêves ne sont pas la réalité. »

Tu marquais une pause, cherchant avec difficulté les mots justes, l'esprit encore assoupi. « C'est faux, tu n'es pas inutile... Nous possédons chacun nos forces et nos faiblesses, nous sommes complémentaires. » Ton faible sourire éclairé par la lune était empreint de tendresse. « Je ne peux te promettre que ce cauchemar disparaîtra, ni que je serai toujours physiquement là pour toi. La vie est incertaine et parfois capricieuse... Mais sache qu'il y aura toujours une partie de moi en toi. »

Tu enlaças finalement ta sœur dans une douce étreinte, espérant que tes paroles pourraient apaiser ne serait-ce qu'un peu de sa peine. « Je suis toi, et tu es moi. » Dans le silence qui s'installait, tu laissais tes mots résonner, en espérant qu'ils pourraient éclairer les ténèbres qui entouraient le cœur d'Elendîs.

Les paroles de son frère résonnèrent dans son esprit alors qu’elle acceptait son étreinte. Il n’avait pas tort, dans les grandes lignes. Ils étaient complémentaires sur bien des aspects. Elle était sociable là où il était timide, vive là où il était calme, la lumière qui perçait à travers son ombre. Mais la magie… La magie avait tout déséquilibré. Elle n’avait rien en elle qui lui permette de contrebalancer une telle aptitude.

Bien sûr, dans les premières semaines qui avaient suivi sa guérison miraculeuse, elle avait prié, tout le monde et n’importe qui, d’être aussi douée de magie. Oh, pas beaucoup… Juste suffisamment pour qu’on ne lui arrache pas sa seule ancre dans ce monde et qu’elle puisse rester à ses côtés.

Alors, quand elle avait enfin admis qu’elle était dépourvue de tout talent, que la révélation ne viendrait pas, elle en était venue à haïr cette fichue magie, dans un ultime effort pour ne pas reporter sa colère sur Ithildir.

Il apparaissait donc que leur complémentarité était tout à son avantage à lui et, lorsqu’elle se projetait dans un quelconque futur, elle se voyait à peine fonctionnelle en son absence. Inutile.

« Je suis toi et tu es moi… », répéta-t-elle cependant, sans grande conviction pour une fois. Ils avaient beau se répéter ce mantra pour s’apaiser mutuellement depuis aussi longtemps qu’elle s’en souvienne, ce n’était pas tout à fait vrai. Et ça l’était de moins en moins. Ça avait d’ailleurs été le premier grand traumatisme de sa vie, bien avant par exemple de comprendre qu’il manquait quelqu’un à leur famille, et c’était d’avoir compris que son jumeau n’était pas elle. Qu’ils ne formaient pas une seule et même entité, qu’Ithil n’était pas une extension de sa propre personne mais bien un être à part entière. Qu’il ne servait à rien de pleurer lorsqu’il se blessait et que la brève séparation ne verrait pas l’un ou l’autre disparaître dans un nuage de poussières. Elle se souvenait encore avec précision de la confusion que cette lente et étrange réalisation avait fait naître dans son tout jeune esprit à l’époque. Si proche et pourtant… autre.

« Je peux rester ? », demanda-t-elle alors, les affres du cauchemar lui collant toujours à la peau. Elle savait qu’elle devait apprendre à vivre avec ses faiblesses, comme tout le monde. Mais bon sang, être la sœur jumelle d’Ithildir n’aidait pas ! Et elle n’avait ni volonté ni énergie pour faire face à ses démons seule cette nuit.

Puis, elle osa revenir sur un événement de la soirée qui l’avait interloquée.

« Qui étaient ces gens ? Ceux qui sont venus voir Père hier soir ? », questionna-t-elle, comme si elle marchait sur des œufs. Elle savait Ithil bien plus malin et perspicace qu’elle pour ce genre de choses, et il était bien plus au courant des affaires de leur père qu’elle. Le Hahren destinait son fils à reprendre le flambeau après tout. Mais Dîs n’avait pas vraiment aimé l’allure du groupe d’Elfes pour lequel leur père, et Ithil, lui avait presque ordonné de monter dans sa chambre la veille. Oh et puis, ça lui changerait les idées de ce fichu cauchemar, ça ne coutait rien d'essayer.

Dans l'étreinte chaleureuse qui unissait vos deux âmes, les mots de ta sœur résonnaient tels des échos mélancoliques, teintés d'inquiétude et de doute. Sans même devoir enquérir, tu compris que tes paroles avaient créé une certaine confusion en elle. Les émotions se mêlaient et s'entrelaçaient dans une danse délicate, oscillant entre l'assurance et l'incertitude. Tu cherchas alors à dissiper le trouble qui voilait l'esprit d'Elendîs, mais les mots ne te parvenaient point.

Oui, ils étaient complémentaires et indissociables en tant que jumeaux, et pourtant, ils étaient également deux êtres distincts, chacun doté de leur propre individualité. Leurs pensées s'entremêlaient et leurs âmes se reflétaient l'une dans l'autre, comme des miroirs éternels. Mais ils constituaient deux êtres aux personnalités et aux facultés distinctes, avançant côte à côte à travers les méandres de l'existence. Encore combien de temps encore pouvais-tu lui mentir, te mentir à toi-même ?

« Reste, oui, reste auprès de moi », murmurais-tu doucement, apaisé par sa présence près de toi en cette nuit où les songes empruntaient les teintes sombres de l'angoisse. Tu espérais que cela apaiserait l'inquiétude de ta sœur et lui offrirait un peu de réconfort. Alors que tu lui fis une place à tes côtés, une nouvelle question, concernant cette fois-ci les étrangers qui avaient rendu visite à votre père la veille au soir vint troubler ton esprit. Tu avais remarqué, toi aussi, les regards fuyants et les sourires hypocrites de ces êtres familiers qui semblaient tout droit sortis des ombres.

Leur passage fréquent avait éveillé en toi une méfiance sourde, un sentiment d'inquiétude qui te poussait à chercher des réponses. Jusque-là, tu avais réussi à laisser Elendîs en-dehors de ces histoires, mais il était temps de lui avouer la vérité, car tous les signes montraient que tu ne pouvais l'abriter plus longtemps de la réalité.  « Ceux qui sont venus hier soir », commençais-tu, la voix teintée d'hésitation et de prudence, « étaient des hommes aux intentions troubles, des malfrats guidés par l'appât du gain et la soif de pouvoir. Notre père, en tant que Hahren, est quelqu'un d'influent, mais il n'est pas exempt de faiblesses. La corruption a insidieusement étendu ses griffes sur son âme, le poussant à nouer des alliances dangereuses et frauduleuses. »

Allongé, le regard d'émeraude plongé dans celui de ta jumelle, tu marquais une pause, laissant les mots s'envoler tels des oiseaux sombres dans la nuit, « Le flambeau que notre père souhaite me transmettre est empreint de ténèbres, et je... ». Tu tournas la tête, les yeux fixés sur le plafond décrépit. « Rien, oublie... Promets-moi de ne rien dire à Père à ce sujet.». Tu craignais que, tôt ou tard, il ne vienne corrompre ton propre cœur, que ces ombres les sépareraient. La peur contagieuse, tu te tus. Dans le silence qui s'installait, tu laissais ton regard se perdre dans les ténèbres...  

L’accord de son frère l’apaisa un peu - elle avait quand même toujours un peu peur qu’il l’envoie balader - et elle se glissa sous les couvertures encore chaudes à ses côtés, s’allongeant sur le côté pour lui faire face. Mais sa petite expédition dans le couloir en pleine nuit l’avait bien refroidie et ses pieds étaient gelés. Elle vint donc plaquer les deux petits glaçons contre les jambes de son frère avec un sourire d’excuse tout à fait feint. Il devait avoir l’habitude de toutes façons: elle avait presque toujours les pieds froids, même pendant la saison chaude.

« Des… malfrats? », fit-elle alors, la surprise s’entendant dans sa voix.

Alors, ça, c’était nouveau. Ou peut-être pas en fait. Peut-être qu’elle se voilait la face depuis tellement longtemps que tous les signes s’étaient peu à peu fondus dans le décor. Mais les faire entrer chez eux, c’était tout de même une nouveauté.

« Est-ce que c’est dangereux? Est-ce qu’il prend des risques? Pour lui, pour nous? », demanda-t-elle plus avant, n’ayant aucune mesure de cette ‘corruption’ dont Ithil parlait.

Il fuit ensuite son regard, détournant la tête pour regarder le plafond et Elendîs sut que son frère lui cachait quelque chose. Ça n’avait rien d’extraordinaire. Il gardait parfois des informations pour lui, elle le savait très bien. Pour l’épargner et la protéger, essayait-elle de se dire. Même s’il lui arrivait de douter et de se dire qu’Ithil lui cachait parfois des choses juste… parce qu’il le pouvait et qu’elle était trop godiche pour les deviner d’elle-même.

Le contact visuel brisé, elle se blottit un peu plus près de lui, venant appuyer son front contre l’épaule de son frère.

« Mais tu n’as pas à faire comme lui, pas vrai? Si un jour la charge te revient, qu’est-ce qui t’empêche de rectifier le tir? »
Commodément oublié le fait que son jumeau vivait tel un apostat et qu’il pourrait leur être arraché à la moindre occasion. Les deux jeunes gens devaient-ils s’en faire ainsi pour le futur alors qu’ils n’étaient même pas certains qu’Ithildir serait toujours des leurs le jour où Taralen quitterait sa fonction? Et s’il l’était, quelles étaient les garanties que son fils serait élu à sa place? Oh, il y travaillait dur, c’était sûr. Mais tout cela lui paraissait tellement hypothétique…

Son frère tenta alors de changer de sujet, lui demandant de ne pas en parler à Taralen. Elendîs grimaça dans le noir. Avait-il peur que leur père n’apprécie pas qu’ils évoquent le sujet entre eux, ou craignait-il qu’il se retourne contre elle si elle posait trop de questions? En voudrait-il à Ithil de lui en avoir parlé?
« Pourquoi? Je veux dire… Il fait venir ces gens chez nous, dans notre maison… J’ai le droit de savoir aussi, non? »

En sentant les pieds glacés de ta sœur contre tes jambes, tu ne pus réprimer un léger frisson, mais ne te plaignis pas. Au contraire, tu souriais doucement, habitué à ces petits moments de complicité qui vous unissaient. Tu préparerais néanmoins ta revanche dans l'obscurité.

À ses questions inquiètes, tu avais choisi la prudence et l'omission. Les ombres qui planaient sur votre foyer étaient bien trop lourdes pour être dévoilées à la légère. Tu savais, au fond de toi, qu'Elendîs méritait de connaître la vérité, mais tu craignais que cette révélation ne brise quelque chose en elle, qu'elle n'était pas prête à affronter. Quand tu sentis son front se poser contre épaule, ta main vint légèrement lui caresser les cheveux en signe de réassurance.

« Non, bien sûr que non. », répondis-tu, les mots flottant dans l'air tels des pétales de fleurs emportés par le vent. « Si un jour la charge me revient, je m'efforcerai de suivre un chemin différent, plus juste et lumineux. » Ton regard se voila un instant, témoignant des défis qui se dresseraient devant toi, le cœur empli d'incertitudes. « Je ferai tout mon possible pour que nous puissions vivre en paix et en harmonie. »

Quant à ta demande de garder ce secret entre vous, elle suscita chez Elendîs une réaction compréhensible. Les questions se bousculaient dans son esprit, et tu savais que tu ne pouvais lui refuser les réponses qu'elle cherchait avec tant d'ardeur.

« Je comprends ton désir de savoir, ma vhenan (mon coeur) », murmurais-tu avec une infinie tendresse. « Mais je crains que notre père ne soit pas prêt à affronter ces questions. Il est tiraillé entre ce qu'il est et ce qu'il devrait être, et la vérité pourrait le blesser bien plus que tu ne l'imagines. » Tu te tournas vers elle, relevant son visage de tes doigts froids, anxieux et plongeant ton regard dans le sien, cherchant à lui transmettre toute la sincérité et la bienveillance dont tu étais capable. « Un jour viendra où nous pourrons parler librement de ces choses, sans crainte ni hésitation. Mais pour l'instant, je t'en prie, gardons ce secret entre nous. Pour notre père, pour notre famille. »

Les mots parvenaient difficilement à vaincre les ténèbres s'épaississant autour de vous, alors une autre idée te vint pour chasser les tourments qui agitaient l'âme de ta sœur. Tu te redressas pour t'asseoir sur elle tel un cavalier, la bloquant sous ton poids. « Espèce de petit Nug! », lanças-tu suivi d'un sourire malicieux, tes doigts agiles la chatouillant sans pitié au niveaux des côtes, déterminé à lui rendre l'appareil pour t'avoir fait le coup des pieds froids.

Les caresses de son frère dans ses cheveux eurent l’effet escompté, terminant de faire disparaître l’angoisse suscitée par son cauchemar. Il était bien là, et il allait bien. C’était le principal. Mais Ithildir y avait-il pourvu telle une réelle marque d’affection ou simplement comme distraction, Dîs en doutait de plus en plus souvent.

La paix et l’harmonie dont il parlait lui semblaient en effet tellement chimérique alors que les obstacles n’avaient fait que s’accumuler au fur et à mesure des années, à commencer par l’apparition de la magie d’Ithil. Depuis, c’était comme si tout ce qui avait un jour constitué son quotidien d’enfant heureuse changeait ou disparaissait. Leur père changeait, son jumeau changeait, la paire qu’ils formaient avait dû s’adapter au monde qui les entourait et à la méfiance des gens,...

Elle en venait à regretter terriblement cette époque où les magouilles de Taralen n’impactaient pas encore leur vie, où son frère n’était qu’un Elfe comme un autre et où l’affection entre deux jumeaux était encore considérée comme normale et adorable.

Les gens et leur défiance lui donnaient parfois envie de vomir. Même leur père maintenant lui apparaissait faire partie de cette plèbe perfide.

Alors, vivre en paix et en harmonie? Elle se permettait d’en douter.

« Mh… », acquiesca-t-elle donc simplement, sans se mouiller.

Il chercha alors à recroiser son regard et elle le laissa lui relever le visage pour replonger dans ses prunelles vertes. Ils avaient exactement les mêmes, leur disait-on. Certains s’étaient même évertué à trouver une quelconque nuance, sans succès.

« Très bien, je ne dirai rien… Mais fais attention, s’il-te plait. »

Elle s’interrompit, réfléchissant à la meilleure façon de formuler le reste de sa pensée. Ithil n’avait pas tort, il devait protéger leur père, mais aussi leur famille. Tout cela devait rester entre eux, loin des oreilles de leur père, mais aussi du reste du Bascloître. Dîs allait donc mettre son frère en garde quand elle sentit que quelque chose n’allait pas. Les sensations qu’elle percevait venant de lui avaient changé et elle sentit son corps se tendre contre le sien. Mais que…

Il la fit alors basculer sur le dos, s’installant sur ses hanches et commençant à la chatouiller sans merci. Son esprit se vida instantanément.

Le Traitre…

Il savait très bien qu’elle ne pouvait plus rivaliser physiquement avec lui! Il faisait presqu’une tête de plus qu’elle maintenant, sans compter le poids qui allait avec. Elle n’avait aucune chance de le renverser.

Un hoquet, entre le rire et la plainte, lui échappa et elle porta une main à sa bouche pour étouffer les suivants alors que de l’autre, elle tentait de gêner les mains de son frère qui courraient sur ses côtes. Leur père allait les entendre!

Dîs se débattit donc comme elle put, sans pour autant ressortir à une quelconque forme de violence. Elle aurait probablement pu le frapper des genoux dans le dos, mais elle n’avait aucune intention de lui faire mal. Elle relâcha donc la pression sur ses lèvres pour essayer d’arrêter l’insidieuse attaque de son frère de ses deux mains, gesticulant sous lui autant que possible et murmurant des suppliques amusée, les larmes aux yeux.

« Arrête… J’t’en supplie… Arrête… »

Un éclair de réalisation lui apparut alors. Il n’avait peut-être pas apprécié le coup des pieds froids, tiens… C’était à peu près à ce moment-là qu’elle avait senti un subtil changement dans leur lien.

« Je suis désolée… Je suis désolée… Pardonne-moi! », ajouta-t-elle à ses suppliques, espérant que cela fonctionnerait.

Voyant les larmes aux yeux de ta sœur et entendant ses suppliques, tu cessas finalement les chatouilles. Tu réalisas que cette petite vengeance pour les pieds froids n'était pas vraiment nécessaire, mais tu ne pouvais t'empêcher de sourire, amusé par la situation. Les moments où tu pouvais encore partager la légèreté et l'insouciance avec ta sœur étaient si rares de nos jours, et tu voulais en profiter.

« D'accord, d'accord, j'arrête », dis-tu en levant les mains en signe de reddition. « Je te pardonne pour les pieds froids, ne t'en fais pas. »

Tu te décalas pour t'allonger à côté d'elle, reprenant une position plus confortable pour vous deux. Votre échange vous avait permis de retrouver un semblant de normalité, et tu espérais que cela rassurerait Elendîs pour le moment.

« Promets-moi juste de faire attention, Elendîs », murmuras-tu doucement. « Je sais que je te demande de garder un lourd secret, mais nous devons nous protéger mutuellement. Et surtout, ne te mets pas en danger inutilement. »

Tu pris la main de ta sœur et la serras doucement, comme pour sceller votre pacte silencieux. Vous deux, les jumeaux, saviez que vous deviez affronter les difficultés ensemble et que vous ne pouviez compter que l'un sur l'autre pour vous soutenir.

Dans le silence qui suivit, tu sentis peu à peu tes paupières s'alourdir, ton souffle devenir plus régulier et profond. La fatigue et l'apaisement te gagnaient, et tu espérais que tu trouverais un sommeil réparateur après cette conversation.

Mais une partie de toi souhaitait que tu restes éveillé encore un moment, l'esprit vagabondant sur les défis et les incertitudes qui vous attendaient. Le chemin s'avérait long et parsemé d'embûches... Étais-tu réellement capable de préserver ta sœur ?

Tu essayas de faire le vide dans ta tête, car la lueur de l'aube commencerait à percer les ténèbres dans quelques heures et il fallait te reposer. Laisser le sommeil t'emporter était une tâche difficile maintenant que ces questions étaient revenues troubler ton âme, mais la douce présence d'Elendîs à tes côtés t'apaisait peu à peu, comme à son habitude.

La jeune fille avait semble-t-il utilisé la bonne technique pour que son frère la libère sans trop de dégâts. Elle garda toutefois ses mains relevées en défense jusqu’à ce qu’il ait repris place à côté d’elle et elle employa cet instant de flou pour se faire une petite note mentale : lui demander la permission, la prochaine fois qu’elle aurait besoin de réchauffer ses pieds glacés. Oh, non, mieux ! Effacez ça ! La prochaine fois, lui fourrer les pieds dans le bas du dos, sans prévenir ! C’était la moindre des vengeances après s’est faite traiter de nug…

Mais pour l’heure, Elendîs profitait de l’apaisement pour reprendre son souffle, la distraction ayant fonctionné à merveille. Elle se retourna donc sur le côté pour faire face à son jumeau à l’air soudain sérieux et écouta son avertissement. Ce n’était pas vraiment son genre de se mettre en danger mais il était aussi vrai qu’elle parlait parfois vite et fort. Et si leur père fréquentait des gens problématiques, elle ferait peut-être mieux d’être un peu plus attentive aux personnes auprès desquelles elle s’exprimait.

Une main dans celle de son frère, elle serra brièvement ses doigts un peu plus fort entre les siens comme pour appuyer ses dires.

« Promis. Si tu me promets, toi aussi, de faire attention. N’antagonise pas Père, sil-te plait… »

Pas en public, en tout cas. En privé, ils commençaient à avoir l’habitude. Les prises de tête entre Taralen et Ithildir se faisaient de plus en plus fréquentes. Mais en public, ils parvenaient toujours à présenter un front uni. Cela devait continuer, de peur sinon de leur coûter terriblement à tous.

Perdue dans ses pensées tout en essayant de ne pas trop ressasser, Dîs sentit peu à peu son frère glisser vers le sommeil et elle laissa ces sensations l’emporter elle aussi.

« Fais de beaux rêves, ma lin (mon sang) », murmura-t-elle avec ses dernières onces de conscience, avant de sombrer à son tour dans des ténèbres bien moins noires que d’habitude.

« Je te promets… », murmuras-tu, un sourire apaisé aux lèvres avant de succomber aux beaux rêves invoqués par ta sœur.

Elendîs avait senti Ithil revenir à la conscience mais elle était restée blottie au calme le plus longtemps possible, les bras de son frère autour d’elle comme un cocon de paix. Elle savait bien que ça ne durerait pas, bien évidemment…  

Parfaitement éveillée bien qu’ayant gardé les yeux fermés, elle sut qu’il allait faire quelque chose de stupide au moment-même où il y pensa.

Il n’avait vraiment pas de manières…, se dit-elle alors que des mèches de cheveux bruns et son souffle chaud venaient caresser sa joue. La paix était rompue… Et elle n’avait pas oublié la séance de torture à laquelle il l’avait soumise quelques heures plus tôt. Alors…        

Il n’était plus question d’essayer d’être discrets: leur Père était levé, elle l’avait entendu s’activer au rez-de-chaussée, mais comme la première chose que les jumeaux faisaient toujours le matin, c’était de se retrouver et de se dire bonjour, plus ou moins bruyamment selon les jours, le bruit ne l’étonnerait pas.

Son coude fusa donc en arrière, rencontrant quelques côtes sur son passage.

« Nug toi même! Tu en as déjà l’haleine! »

Se préparant malgré elle aux représailles, elle se retourna aussi vite tout en se redressant sur les genoux, les mains déjà relevées en défense. Mais avant qu’il n’ait le temps de faire quoi que ce soit, elle tenta sa botte secrète:

« Attends, attends… Trêve. », commença-t-elle pour l’apaiser. « Qu’est-ce que tu veux pour le petit-déjeuner? »

Pas de route plus rapide au coeur d’un homme que par son estomac, avait-elle déjà remarqué. Tant son père que son frère étaient si aisément distraits par la nourriture qu’elle s’était vite attelée à devenir une cuisinière à tout le moins potable. Ca l’avait déjà sortie de quelques bisbrouilles, en plus d’être un moyen de pression assez efficace…

Le coup porté à tes côtes t'arracha un léger gémissement, plus de surprise que de douleur. Tu n'avais pas anticipé cette riposte, et pourtant, tu aurais dû te douter qu'Elendîs ne se laisserait pas faire aussi facilement. Sa répartie te fit sourire, malgré la gêne occasionnée par son coude dans tes côtes.

Elle enchaîna ensuite avec une remarque qui te fit rire à pleines dents, la douceur du matin chassée par votre jeu taquin habituel. Le père était levé à cette heure-ci, alors les représailles allaient s'avérer bruyantes. Mais avant même que tu n'aies eu le temps de réagir, elle usa de sa botte secrète.

La question te prit de court, laissant place à une légère confusion avant que tu ne réalises sa stratégie. Elle connaissait bien les faiblesses de ton estomac, et elle savait pertinemment comment te distraire. C'était là une de ses astuces, une technique raffinée qu'elle avait perfectionnée au fil des ans pour t'éloigner de toute idée de revanche.

Tu la fixas un moment, un sourire malicieux se dessinant sur tes lèvres. C'était un jeu que vous jouiez tous les deux, une danse de mots et de gestes que vous aviez répétée maintes fois. Malgré tout, tu étais toujours surpris par sa capacité à détourner l'attention, à transformer un moment de tension en quelque chose de plus léger.

« Des pancakes » répondis-tu finalement, l'imaginaire déjà séduit par l'idée de ce doux plaisir matinal. « Avec du miel et des baies. »

Et alors que tu te redressas, les pensées de représailles s'évanouirent, remplacées par l'anticipation d'un petit-déjeuner délicieux. Mais avant tout, tu avais un autre rituel à accomplir. Tu te levas, les muscles encore engourdis de sommeil, et tu te dirigeas vers la fenêtre pour l'ouvrir, laissant l'air frais du matin envahir la pièce.

« Je te laisse... quarante minutes. », dis-tu d'un ton à la fois exigeant et amusé. Enfin, tu approchas le coin de ta chambre que tu affectionnais particulièrement. C'est là, au milieu de la pièce, que tu avais installé ton petit jardin intérieur, un assemblage de plantes et de fleurs qui semblaient plus appartenir à un paysage de l'Immatériel qu'à la réalité.

Chaque matin, tu prenais le temps de t'occuper de tes plantes, une routine apaisante et nécessaire qui te permettait de commencer la journée en douceur. Tu te penchais sur elles, examinant attentivement chaque feuille, chaque fleur, à la recherche d'un signe de maladie ou de stress. Tu étais attentif à leurs besoins, ajustant l'arrosage, la lumière, l'emplacement selon leurs nécessités. C'était comme si Elendîs n'existait plus.

Son frère avait été efficacement distrait par la mention de petit-déjeuner alors qu’elle avait bien vu au fond de ses yeux verts qu’il s’apprêtait à répliquer. Vicieusement. Alors la réussit de son plan s’avéra d’autant plus douce. Elle n’était plus de taille à rivaliser physiquement avec son frère depuis plusieurs années maintenant et même si Ithil veillait toujours à ne pas lui faire mal, la défaite n’en était pas moins cuisante. Les petites victoires comme celles-ci faisaient donc toujours plaisir et elle trouvait cela fascinant, de voir à quel point la nourriture rendait l’intellect de son frère complètement inefficace. Elle était pourtant persuadée qu’il savait exactement à quoi elle jouait mais il s’y pliait tout de même. Pour lui faire plaisir ou par réelle domination de son estomac?

« Des pancakes, donc. »

Assise sur les talons, elle regarda son frère se lever pour aller ouvrir la fenêtre. Elle frissonna sous sa fine chemise de nuit et lui adressa un regard vexé. Qui s’alourdit lorsqu’il lui donna un délai.

« Quaran-… Quarante minutes?! »
Il lui fallait parfois plus de temps pour se préparer le matin. Alors le petit-déjeuner?

Voyant qu’il était déjà plongé dans son rituel du matin - fichues plantes - et la brise matinale la faisant toujours trembler, Dîs se leva enfin du lit et se dirigea vers la sortie. Elle s’arrêta cependant dans l’encadrement de la porte.

« T’as intérêt à être en bas dans quarante minutes… »

En l’absence de réponse, elle lui tira la langue, réaction bien enfantine mais méritée, et se précipita dans sa propre chambre.

Quand elle descendit quelques minutes plus tard, pas coiffée et toujours dans sa chemise longue sur laquelle elle avait passé une robe de nuit plus épaisse, leur père l’accueillit d’un haussement de sourcils.

« Ne. Demande. Même. Pas. », répondit-elle à l’interrogation silencieuse alors qu’elle s’activait déjà dans la cuisine, relançant le feu et rassemblant les ingrédients nécessaires aux pancakes.

Leur père vint à ses côtés, toujours sans un mot, pour préparer de la tisane dont il lui proposa ensuite une tasse. Puis il retourna s’asseoir à table pendant qu’elle mettait son esprit en pause, se concentrant sur la préparation en attendant Ithil.

Après avoir terminé tes soins aux plantes et contemplé quelques instants le paysage extérieur depuis la fenêtre ouverte, tu te retournas pour retrouver la pièce désertée par ta sœur. Sa réplique, mêlée d’impatience et de malice, et à laquelle tu avais répondu un simple « Hmm hmm. » nonchalant, résonnait encore dans tes oreilles pointues, t'arrachant un sourire.

Tu t'étiras doucement pour chasser la torpeur restante, avant de commencer ta propre préparation pour la journée. Tu fis rapidement ta toilette, la fraîcheur de l'eau finissant de te réveiller, puis tu t’habillas d’une tenue simple et confortable, idéale pour la journée ensoleillée qui vous attendait.

Enfin prêt, tu descendis, attiré par les effluves gourmands qui s’échappaient de la cuisine. Tu trouvas votre père assis à la table, une tasse de tisane à la main, son regard suivant attentivement Elendîs qui s’affairait autour du feu. Tu reconnus dans ses gestes cette concentration, cette précision que tu connaissais si bien, celle qui faisait de ses pancakes un véritable délice.

« Bonjour, père... », dis-tu, inclinant légèrement la tête.

Les regards de Taralen et d'Elendîs se posaient sur toi, mais tu évitas de croiser celui du premier, repensant aux individus qui se tenaient là, hier soir. Puis, tu t'approchas du meuble, où les assiettes et les couverts étaient soigneusement rangés. Chaque mouvement semblait résonner dans le silence, chaque bruit était amplifié par l'absence de paroles.

Avec une lenteur presque délibérée, tu préparais la table, disposant soigneusement les assiettes, suivies des couverts, alignés avec une précision presque militaire. Finalement, une fois la table prête, tu te glissas silencieusement à l'extrémité. L'apparence décoiffée et encore en pyjama de ta sœur te fit esquisser un léger sourire moqueur, toi qui était déjà tout beau, tout propre.

« Je meurs de faim. », gémis-tu d'un ton exagéré, comme si cela allait accélérer le processus. Bien sûr, il s'agissait d'une taquinerie pour mettre un coup de pression à ta soeur. Le coude appuyé sur la table, ta joue droite dans le creux de ta main, tu avais levé les yeux vers elle, cherchant dans son regard une quelconque réaction à ton attitude de petit prince.

Dîs s’était rapidement perdue dans les gestes presque mécaniques des préparations matinales, la présence silencieuse de leur père dans son dos une tranquille compagnie. Elle tenta de ne pas penser aux révélations qu’Ithildir lui avait faites de la nuit. Elle ne tenait pas à ce que cela impacte ses relations avec leur père et elle avait promis à son frère de ne rien dire.

Seuls le cliquetis des ustensiles de cuisine retentissait donc dans la pièce de vie de leur maison familiale, jusqu’à ce que son jumeau, tiré à quatre épingles, fasse son apparition et salue leur père d’un ton un peu guindé. Elendîs, les cheveux en pagaille et toujours ni rafraîchie, ni habillée, le regarda se diriger vers le vaisselier avec un regard presque mauvais, l’attitude de son frère sonnant presque comme une bravade. Mais puisqu’il était disposé à lui donner un coup de main pour mettre la table, elle revint à la cuisson de ses pancakes sans rien dire. L’ambiance était de toutes façons bien trop tendue entre les deux hommes. Peut-être aurait-elle dû profiter des quelques moments de calme seule avec son père pour échanger quelques mots badins et détendre l’atmosphère?

Mais Ithildir ne pouvait pas se tenir tranquille, mh?

Alors qu’il avait pris place en face de leur père, laissant à Elendîs le soin de s’installer entre eux, il fit une remarque qui lui hérissa le poil. Ses yeux se rétrécir sous l’exaspération et elle fit un petit signe de la main à leur père qui n’avait soudain pas l’air très ravi. Elle s’en occuperait.

Une première baie vola dans les airs pour venir s’écraser sur la tête d’Ithil, suivie d’une deuxième, et d’une troisième. Elle s’arrêta là, ne souhaitant pas gâcher plus de nourriture. Et Dîs n’était peut-être pas très forte, mais elle savait viser, et les trois baies firent mouche alors qu’elle scandait:
« Si ça ne va pas assez vite pour toi, débrouille-toi! »

Elle vint ensuite déposer sur la table un pot de miel et un bol de baies rincées, son allure particulièrement négligée devant contraster ridiculement avec son air hautain, elle en avait bien conscience. Elle revint à la cuisine juste à temps pour retirer le dernier pancake du feu et amena le tout à table.

Elle en avait cuit dix. Trois pour Ithildir, trois pour elle et… quatre pour Taralen qui contenait à peine un rire nerveux tandis qu’elle terminait le service avec un air de défi et s’asseyait enfin. D’ordinaire, c’est Ithil qui aurait eu le pancake supplémentaire. Mais il l’avait bien cherché!

Les baies s'écrasèrent sur toi, une après l'autre, mais tu ne bougeas pas, acceptant la punition avec une résignation teintée d'un sourire en coin. Tu savais que tu l'avais cherché, que tu avais délibérément provoqué ta sœur. Toutefois, tu souhaitais aussi détendre l'atmosphère, distraire Taralen et Elendîs de la tension qui s'était installée entre vous. Cette dernière s'approcha ensuite de la table, portant un pot de miel et un bol de baies rincées, son air hautain contrastant avec son apparence négligée.

Puis vint le moment du service des pancakes. Tu sentis ton estomac gronder d'impatience à la vue des piles dorées. Cependant, lorsqu'Elendîs se mit à répartir les pancakes, tu te rendis compte qu'elle t'en avait donné un de moins que d'habitude. Tu la regardas, étonné, alors qu'elle s'assit avec un air de défi. C'était si typique de ta jumelle, ce mélange de générosité et de malice. Elle n'avait pas une once de méchanceté, cependant cela démontrait bien qu'elle n'était point une personne à prendre à la légère. Sacré Elendîs. Tu l'aimais profondément.

Tu fis mine de renifler, attristant ton regard alors que tu regardais ton assiette, à peine garnie de trois pancakes. Puis, tu pris une baie tombée dans tes cheveux, la regardas un instant avant de la glisser dans ta bouche avec un sourire narquois, te demandant si cette petite farce aurait l'effet escompté. Tu commenças alors à manger tes pancakes, faisant mine de les savourer au maximum, chaque bouchée exprimant le plaisir et la fausse déploration de n'en avoir que trois. « Si bon... », articulas-tu difficilement, la bouche pleine...

Pendant ce temps, Taralen avait fini sa tasse de thé et se préparait à quitter la table. L'atmosphère s'était légèrement détendue, mais une tension résiduelle demeurait, un silence lourd qui marquait les limites non franchies. Il leur demanda alors ce qu'ils prévoyaient de faire en cette journée ensoleillée. Tu t'arrêtas un instant, avalant ta bouchée de ton dernier pancake, avant de répondre :

« Je pensais aider Elendîs à nettoyer la cuisine, puis peut-être aller en ville cet après-midi... »

Tu jetas un regard à ta sœur, cherchant à capter son approbation ou son désaccord. Tu espérais que cela permettrait de briser la tension, de rediriger leur attention vers des sujets plus légers, loin des non-dits qui s'étaient accumulés.

Elendîs ne flancha pas devant son air de bête blessée et renifla à son tour avec un dédain tout à fait feint. Elle s’attaqua donc à sa pile de pancakes avec sa délicatesse habituelle, jetant régulièrement des coups d’œil en coin à son frère pour voir s’il continuait sa comédie. Ah ça, pour jouer les victimes, il était très fort!

Taralen termina alors son assiette ainsi que sa tasse en premier et se leva sans attendre ses enfants, l’expression de nouveau plus sévère. Il leur demanda ensuite ce qu’ils comptaient faire de la journée, comme presque tous les matins, et Dîs retint une grimace moqueuse. C’était de ces rituels infantilisants que leur père conservait malgré les années. Comme si les jumeaux n’étaient pas capables de mentir comme des arracheurs de dents à ce stade…

La jeune Elfe laissa son frère répondre et se contenta d’opiner du chef, bien trop contente d’avoir de l’aide pour le rangement et les courses qu’elle avait prévues de faire. Leur père acquiesça alors simplement, leur adressa un avertissement vide de sens (’Faites attention dehors!’) puis disparut derrière la porte de son étude, les laissant seuls.

Dîs évita encore quelques instants le regard de son frère, jouant un peu avec la nourriture dans son assiette. Elle n’avait pas très faim, ce matin, et avait privilégié les succulentes baies. Il restait donc un pancake entier au fond de son assiette.

Avec un soupir de désespoir forcé pour essayer d’être comique, elle fit glisser son assiette sur la table, vers son frère.

« C’est toi qui feras la vaisselle… Et porteras les paniers.», fit-elle simplement, d’un ton tout à fait factuel, en posant ses yeux verts sur Ithil. Puis elle ajouta:
« Je vais me changer. Et me coiffer. Essaie de ne pas mettre le feu à la maison pendant ce temps-là, tu veux? Je n’en ai pas pour longtemps. »

C’était un mensonge. Elle était une jeune fille de seize ans qui allait se préparer pour la journée. Ça  risquait de prendre un moment… Et en même temps, elle avait toujours très peur de laisser Ithil seul dans une cuisine… Elle se carapata donc dans les escaliers, résolue à être efficace dans ses préparatifs.

Après un avertissement vide de sens, Taralen se leva pour se diriger vers son refuge préféré, laissant derrière lui le craquement distinctif de la porte de l'étude qui se referma. Levant les yeux au plafond, tu l'imitas d'une grimace et d'un ton moqueur pour amuser Elendîs: « FaItEs AtTeNtIoN dEhOrS ».

Puis ce fut au tour de ta sœur jumelle de te laisser là, avec ton pancake supplémentaire et ta vaisselle à faire. Les mots qu’elle avait lancés dans ton dos avaient été d’une légèreté malicieuse, mais tu sentais une pointe de vérité dans son ton. Ce n'était pas la première fois que tu étais accusé d'être un danger ambulant dans la cuisine, un souvenir embarrassant d'une maladresse passée refaisant surface.

« Naturellement. », répondis-tu suite à l'échange de bons précédés, un rictus au coin des lèvres, amusé par ce qui ressemblait à un ordre émanant de ta sœur. « Tu peux me faire entièrement confiance, comme d'hab' », poursuivis-tu ensuite, levant le pouce vers le haut, suivi d'un clin d'œil. Cela ne préssentait rien de bon.

Son dernier regard avant de disparaître, comme toujours, était une sommation à ne pas faire de bêtises. Tu souris malgré toi. Elle avait toujours été la plus responsable de vous deux sur ce genre de tâches de la vie quotidienne, toutefois elle demeurait ta responsabilité.

Resté seul dans la cuisine, tu regardais l'assiette qu'Elendîs t'avait glissée, l'ultime pancake trônant au milieu comme une offrande. Avec un gourmandise, tu le saisis pour n'en faire qu'une bouchée, savourant une toute dernière fois la douceur sucrée.

Puis, tu te mis à ramasser les assiettes et les couverts utilisés. Le silence de la pièce redevenait presque oppressant, seulement rompu par le grincement de la chaise que tu déplaçais. Ton regard se porta ensuite sur le bac d'eau que votre père avait rempli au puits ce matin, son contenu fraîchement clair reflétant la lumière matinale.

Avec un soupir résigné, tu te mis à l'ouvrage. Un morceau de sable mouillé dans une main, tu frottas énergiquement l'assiette de l'autre. L'opération était répétitive, lente, mais nécessaire. Tu sentais les grains de sable rugueux sous tes doigts, nettoyant consciencieusement la surface de chaque assiette, de chaque couvert.

Mais soudainement, l'eau commença à voler dans tous les sens, éclaboussant le sol de la cuisine. Des gouttelettes atterrirent sur tes pieds, sur ton haut, et même sur ton visage. Tu te mordis les lèvres, coupable, alors que tu constatais les dégâts. Zut, Elendîs ne serait pas contente.

Tu poursuivis malgré tout ta tâche, essayant maladroitement de contenir les éclaboussures. Une dernière assiette, un dernier couvert, et voilà. La vaisselle était finie. Tu jetas un dernier regard sur le bac d'eau maintenant trouble, avant de t'emparer de quelques serviettes de lin dans le meuble le plus proche pour éponger le sol. Décidemment, tu avais peut-être mis de l'eau partout, mais au moins, tu n'avais pas mis le feu à la maison...

La jeune fille s’était précipitée à l’étage avec la ferme intention de faire au plus vite. Se rafraîchir, discipliner sa longue chevelure, se changer… Tout cela dans un temps record afin de ne pas laisser son frère seul dans une cuisine pendant trop longtemps. Si leur père était resté avec lui, elle aurait été plus rassurée mais non, Taralen s’était enfermé dans son étude… Dîs tenta donc d’être la plus efficace possible et décida même de ne pas faire les lits en sentant que quelque chose n’allait pas. Rien de grave mais suffisamment pour qu’elle ressente un fond de contrariété qui ne venait pas d'elle.

À peu près présentable, la jeune Elfe se dirigea vers l’escalier et descendit sur la pointe des pieds, s’arrêtant à mi-chemin en constatant la scène qui s’offrait à elle: Ithildir, à quatre pattes sur le sol de la cuisine, en train d’éponger de l’eau de vaisselle qui s’y était répandue avec ses manières aérées habituelles. Elle retint un soupir, hésitant entre l’agacement et l’amusement. Puis elle descendit les dernières marches et combla rapidement la distance les séparant.

« Je ne peux vraiment pas te laisser seul cinq minutes, mh? »

Son pied, toujours pas chaussé, rencontra un postérieur mis en évidence.

« Mais qu’est-ce que je vais faire de toi? », ajouta-t-elle, plus pour elle-même que comme une réelle question.

Attrapant un chiffon propre, Dîs attendit patiemment que son jumeau se relève et observa les dégâts. Il avait à peu près réussi à sauver le sol de la cuisine mais il n’avait pas été épargné dans la manœuvre. Ce n’était pas grand-chose, mais des gouttes s’étaient quand même frayées un chemin vers ses cheveux, son visage et ses vêtements. La jeune Elfe lui tendit le chiffon propre avec un signe de la main montrant son visage un peu dégoulinant.

« Ne frotte pas tes vêtements, laisse sécher, sinon tu feras pire que mieux. », conseilla-t-elle d’une voix un peu plus neutre.

Au moins, il n’avait pas mis le feu, se dit-elle avec ironie.

« Merci d’avoir fait la vaisselle… », reconnut-elle quand même avec un doux sourire.

Elendîs se détourna ensuite pour revenir à son espace de travail qu’elle avait un peu laissé en plan et qu’elle remit en ordre d’un air absent, planifiant mentalement le reste de la journée. Depuis qu’ils n’étaient plus collés l’un à l’autre, leur quotidien demandait parfois un peu d’organisation…

« J’ai un peu de ménage et autres tâches à faire avant de préparer le déjeuner. Tu peux m’aider mais… » Tu peux aussi vaquer à tes occupations, tu seras moins dans mes pattes comme ça. « Et je pensais aller faire un tour au marché juste après le déjeuner, si tu veux toujours venir avec moi. », l’informa-t-elle en terminant son petit rangement.

Absorbé dans ton activité d'éponger, tu n'avais pas entendu les pas discrets de ta sœur qui descendait les escaliers. C'est seulement lorsque sa voix moqueuse brisa le silence de la cuisine que tu te retournas. Là, elle se tenait, habillée et coiffée à la perfection, un sourire narquois sur le visage.

« Allons- ce n'est pas si grave... », soufflas-tu, pris en flagrant délit. Quelques minutes de plus, et tu aurais réussi à effacer toutes les preuves de la scène de crime.

En réalité, tu avais toujours eu une relation complexe avec la vaisselle. Peut-être était-ce à cause de l'aspect monotone de la tâche, ou simplement l'effort de concentration requis pour éviter de briser quelque chose, un domaine dans lequel, malheureusement, tu excellais peu. Il en était pourtant autrement avec tes plantes...

À sa deuxième remarque, tu eus un sourire gêné, toujours à quatre pattes sur le sol humide. Son pied entra en contact avec ton postérieur, provoquant un léger sursaut de ta part.

« À qui le dis-tu. », marmonnas-tu, haussant les épaules.

Elendîs tendit un chiffon propre dans ta direction, un signe de la main indiquant ton visage dégoulinant. Tu t'en emparas et entrepris d'éponger l'eau qui s'était infiltrée sur ton visage et dans tes cheveux.

« Je t'en prie. », lanças-tu, le ton sérieux, comme si quelque chose en toi avait soudainement changé suite aux paroles de ta sœur.

Puis, elle se détourna ensuite pour revenir à son espace de travail qu’elle avait laissé en désordre. Pendant ce temps, tu te relevas et déposas les serviettes de lin mouillées dans le bac à linge sale.

Lorsqu'elle mentionna les tâches ménagères restantes et le voyage au marché, tu hochas la tête. « Je te retrouverai pour le marché. Je vais… faire un tour. », déclaras-tu, ne voulant pas lui avouer que tu préférais la laisser terminer le ménage seule plutôt que risquer de causer plus de dégâts.

Tu quittas ensuite la cuisine, passant à côté de ta sœur pour te diriger vers l'escalier. Tu décidais finalement de monter à l'étage pour te changer, ta tunique étant toujours humide et un peu inconfortable. Une fois dans ta chambre, tu retirais le haut de ta tunique, la jetant sur ton lit avant de fouiller dans ton placard pour une autre. Une fois que tu eus trouvé une tunique à ton goût, tu l'enfilas rapidement, profitant ensuite de la sensation de tissu sec contre ta peau.

Laissant ta chambre, tu redescendis et tu te dirigeas vers la porte d'entrée. « À tout à l'heure. », dis-tu tout simplement à ta jumelle, te mordant ensuite la lèvre inférieure. Sur ces mots, tu lui offris un signe de la tête, lui adressant un dernier regard avant de quitter la maison.

Tournée vers son plan de travail, Elendîs ne chercha même plus le contact visuel avec son frère alors qu’il lui annonçait ses plans pour la matinée. Elle avait senti un changement dans son état d’esprit et elle ne savait jamais comment réagir à ces modifications. Ils n’en parlaient jamais et elle n’était même pas certaine qu’Ithildir soit toujours bien au courant qu’elle pouvait saisir certaines sensations venant de lui. Et elle ne se voyait pas mettre les pieds dans le plat maintenant alors que ces moments perturbants où l’humeur de son frère faisait des pirouettes étaient de plus en plus fréquents.

« Mh, mh… », acquiesça-t-elle donc simplement alors qu’il montait à l’étage pour se changer.

Quand Ithil redescendit quelques minutes plus tard, la jeune Elfe était installée à la table de la cuisine, son nécessaire de couture éparpillé sur la surface et un panier de vêtements à repriser à ses pieds. Une tunique de son frère était étalée sur ses genoux et elle reprenait la couture d’une épaule qui avait commencé à se défaire.

Elendîs observa son frère quitter la maison, la fuir presque, en essayant de garder une expression neutre.

« Bonne promenade! À tout à l’heure! », lança-t-elle avec un entrain feint tandis qu’il passait la porte.

Dès que le panneau de bois fut refermé, elle laissa ses mains retomber sur ses genoux, faisant juste attention à ne pas se piquer avec l’aiguille, et un profond soupir secoua sa petite figure. Les dramatiques oscillations de leur relation la rendaient de plus en plus nerveuse. Un moment, ils étaient plus proches que jamais, comme cette nuit, et le moment d’après, elle avait l’impression qu’Ithildir lui échappait, comme du sable glissant entre ses doigts. Elle n’avait aucune idée de ce qui l’éloignait d’elle de cette manière, et ne savait donc pas comment le rattraper et réduire la distance qui s’installait peu un peu entre eux. Voir son jumeau l’éviter de cette façon, le regard fuyant et se mordant la lèvre, lui faisait tellement mal.

Elle n’était même pas sûre d’avoir le courage de lui en parler. Et si les justifications qui passaient les lèvres de son frère étaient de l’ordre de l’irrémédiable? Et si une discussion à cœurs ouverts consommait la fracture?

Leur mantra ‘Je suis toi et tu es moi’ sonnait de plus en plus faux.

Pas beaucoup plus avancée, Elendîs se remit à sa couture, le regard à peine concentré sur sa tâche et un mauvais pressentiment au creux des entrailles.