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Les artisans de la mort

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Les artisans de la mortCHAPITRE DEUX : CEUX QUI MARCHENT DANS LES PAS D'ANDRASTE

Type de RP Discussion
Chapitre concerné Chapitre II
Date du sujet 22 Tollecourse, 5:12 des Exaltés
Participants Arnth van Markham, Cordélia Varlineau
TW Aucun
Résumé Cordélia propose à Arnth, qu'elle observe peu discrètement depuis un moment, d’échanger quelques passes d’arme.
Pour le recensement


Code:
[code]<ul><li><en3>22 Tollecourse, 5:12 des Exaltés</en3> : <a href="LIEN DU RP">Des artisans de la mort</a></li></ul><p><u>Arnth van Markham et Cordélia Varlineau</u> Cordélia propose à Arnth, qu'elle observe [strike]peu discrètement[/strike] depuis pas mal de temps, d’échanger quelques passes d’arme.</p>[/code]

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Des artisans de la Mort


La lame de bois siffla, extension naturelle de son bras, imprimant encore et encore des parades et des mouvements afin qu’ils deviennent une seconde nature, sous l’oeil impitoyable du maître d’armes.
Ernestin d’Onterre était un gentilhomme de l'autre siècle, maniaque et dur. Disciple enthousiaste de l’armée Orlésienne, ami du père Varlineau, il adorait le combat et les effusions de sang, et partageait régulièrement le quotidien des enfants d’Arnault. Sa technique d’éducation avait porté ses fruits en tant que maître d’armes, pour la puînée, au moins : elle s’appliquait sans cesse à répéter le moindre mouvement qu’il souhaitait la voir maîtriser, agitant sa petite épée en bois face au maître d’armes, grande silhouette qu’elle révérait autant qu’elle redoutait. Interrompant leur passe d’armes, il lui fit signe de s’approcher, corrigeant sa posture et donnant telle ou telle indication sur son jeu de jambes. Il y eut un silence, puis un sourire étira brièvement les lèvres d’Ernestin, qui demanda :

« A quoi sert une arme, jeune Cordélia ?
— A blesser ou à répudier. » dit-elle d'une traite en l'observant déambuler, comme pour démontrer qu'aucun doute n'était présent dans son esprit.

« Non. »

La réponse tomba tel le couperet d’une guillotine. Le fait de se tromper l’avait privée de toute son assurance et l’adolescente se ratatina presque instinctivement, mal à l’aise.

« — Une arme sert à tuer. Ces objets ont été conçus pour cela. Et moi, votre père, vous... – enfin, je l'espère pour vous – allez devenir une personne qui distribue la mort, même si cela vous paraît idiot. A partir du moment où l’on décide de prendre une arme dans ses mains, on fait le vœu d'œuvrer pour plusieurs buts ; se défendre, protéger les innocents, éliminer des démons... tous ces objectifs gravitent autour d'un concept : la mort. Vous avez entre vos mains la possibilité d'ôter la vie ou d'en protéger. Une arme ne connaît ni la lassitude, ni la haine. C'est son porteur qui décide de tout cela. Vous comprenez ? »




La lame de bois siffla, extension naturelle de son bras.
Chaque jour que le Créateur faisait, elle poursuivait ses entraînements comme de coutume, sans modifications ni surprise excepté l'évidence qui s'imposait: être meilleure que la veille et moins accomplie que le lendemain.

Plusieurs fois maintenant, Cordélia avait imaginé une Engeance à la place de son adversaire. Elle congédia la pensée parasite, se concentrant sur son partenaire d’entraînement du moment, mais son bref instant d’égarement valut à son adversaire de remporter cette manche et de la désarmer. Les deux Templiers se saluèrent, et il fut temps de changer de partenaire d’entraînement.
La méthode avait pour utilité de les mettre en situation de combat imprévue et de ne pas s'accoutumer trop vite la technique d'un seul adversaire, car même si l'apprentissage était identique à tous, il demeurait certaines subtilités propres à chacun.

Échange de places il y eut entre les Templiers, jusqu’à ce que les derniers membres de l'escouade quittent la scène, délaissant leurs mannequins en bois pour s’éclipser en direction du Cercle.

Cela ne laissait que lui comme partenaire d’entraînement.
“Lui”, c’était le visiteur en armure à qui Cordélia n’osait pas demander de croiser le fer -enfin, le bois- depuis quelques semaines. Elle avait tablé sur la stratégie bien plus sage et constructive d’observer les mouvements de l’ambassadeur Névarran de loin; souvent, avec une absence de discrétion assez notable.
Son jeu de jambes et sa façon de tenir son épée étaient tout bonnement impeccables, empreints de la sobriété et de l’efficacité propre à tous les Névarrans. Oui, le combat était un art, songea Cordélia, et ceux qui le maîtrisaient des érudits. Impossible d’ignorer les prouesses de leurs voisins de l’autre côté de la Minantre, elle-même avait été assommée d’ouvrages de théorie militaire Orlésiens dès qu’elle fût en âge de les comprendre. Elle se gardait bien d’avoir une opinion sur la légitimité des revendications du Névarra, parfaitement ignorante de ce qui pouvait se tramer ailleurs qu’à Starkhaven.
Si tu désires vaincre l’ennemi, il faut d’abord apprendre à te battre comme lui.
Maintenant que le terrain s’était vidé, ils étaient seuls ; par le Créateur, si elle décampait à son tour, il prendrait peut-être cela pour une offense.

Son épée de bois en main, Cordélia s’approcha. Son allure était celle d’une noble, mais pas de quelqu’un qui était encore habitué à se faire obéir.
Elle croassa, à un volume un peu trop bas par rapport à ce qu’elle aurait voulu :
« — J’étudiais… J’observais votre jeu de jambes. Voudriez-vous bien échanger quelques passes d’armes ? » Elle ajouta, du ton avenant qui lui venait naturellement : « Je gage que vous n’avez pas souvent l’occasion d’affronter quelqu’un de l’école Orlésienne ! » Contrairement à ses parents, peut-être. Voilà qui était bien laborieux, pour une demande aussi simple.

(Est-ce qu'ils mangeaient vraiment leurs morts, comme son père le lui avait répété ?)

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D’exceptionnels, ses passages chez les templiers étaient devenus presque habitude ; l’Enclin avait fermé les portes de la ville et ouvert celles des terrains, semblait-il, et les soldats qui s’y entrainaient à toute heure du jour (pour échapper aux messes matinales, sûrement) ne s’étonnaient plus de sa présence. Ils ne la calculaient même plus, en fait, sauf quand il leur manquait un partenaire – les membres de l’Ordre avaient toujours la priorité.

« Au plaisir de recroiser votre fer, messer.
– Bonne journée. »


De remplacement en remplacement, il avait obtenu une connaissance décente des mouvements templiers. De leurs boucliers toujours un peu trop inclinés. De leurs jambes plus ancrées que prêtes à bondir. De leurs épées vives, qui transperçaient l’hésitation autant que la chair. L’enseignement était clairement différent du sien, et il avait pris plaisir à s’y adapter et le copier, mais venu le soir le soir ils se séparaient toujours : les templiers retournaient aux mages, Arnth à l’armée. Fut-elle absente pour l’heure. Déterminer quelles méthodes seraient plus efficaces dans les temps à venir restait à faire, mais la variété n’était-elle pas le plus sûr des paris ? Chaque soleil couchant était le rappel des bonnes habitudes qui sommeillaient sous les entrainements du jour, et qui exigeaient leurs heures avant de s’endormir complètement. Être seul pour purifier ses mouvements était peut-être préférable, isolé de l’influence perfide des havenois, et il s’apprêtait à rejoindre le mannequin le plus proche quand un mouvement doré l’arrêta.

« J’étudiais… J’observais votre jeu de jambes. Voudriez-vous bien échanger quelques passes d’armes ?
– Je… »


Était-ce un accent ?

Il hésita. Les cheveux blonds, même attachés, virevoltaient et brillaient tant qu’il n’avait pas pu ne pas la remarquer, mais il ne s’était jamais arrêté pour plus l’observer. Une templière confirmée, à en croire son armure, et méritante à croire son état, aussi usé qu’entretenu, mais que dire de plus ? Il ne l’avait jamais vue se battre. Le faire ce soir ne faisait pas partie de ses plans – mais qui était-il pour refuser une opportunité ? Et puis, le regard glissé sur son épée, il ne pouvait en jurer, mais elle devait le regarder ; d’yeux sûrement bleus et pesants qu’il n’avait pas intérêt à croiser. Tout était plus difficile à refuser face aux yeux… Il n’en eut pas le temps en tout cas.

« Je gage que vous n’avez pas souvent l’occasion d’affronter quelqu’un de l’école Orlésienne ! »

Suspicion confirmée. Doutes levés, hésitation rompue. Il leva enfin les yeux vers elle avec un sourire franc. Pourquoi pas ? Une seconde Greer aurait eu moins de succès, mais elle avait raison, Orlaïs était un angle mort gênant et intéressantt.

« Aussi peu que vous la nevarranne, dit-il (pas peu fier de toutes les répétitions qu’il avait su éviter). La voir en œuvre serait un honneur. Y avez-vous fait tout votre apprentissage ? »
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Des artisans de la Mort


Il hésita, et elle eut un instant peur de se ridiculiser, prête à lui épargner la gêne du refus en changeant d’avis. Mais le diplomate - si c'en était un - sembla convaincu, et Cordélia reprit donc de l'allant.
Et bien, ce n’était pas si difficile que ça, après tout !

— Vous ne serez pas déçu de l'opportunité ! Elle opina du chef, affable. Oui, depuis toujours. Il est courant d’apprendre l’art du duel à Orlaïs, parfois très tôt. Même si l’Ordre a tendance à tout uniformiser, je me suis trouvée bête de ne pas avoir affronté plus d’Havenois par le passé lorsque je suis arrivée ici. Ils ne savent pas bouger, mais qu'est-ce qu'ils frappent fort...

La collection de bleus qu’elle avait récoltés se rappela à son souvenir. D’un geste, elle se débarrassa de son bouclier de bois, se laissant aller à une posture plus libre. Il y avait certains réflexes qui ne vous quittaient jamais.

— J’ai appris avec un ouvrage fondateur que lisent tous les bretteurs Orlésiens, nommé Le vrai et ancien usage des Duels. Peut-être que vous l’avez lu vous aussi. D’ailleurs — vous saviez que son auteur était mort embroché par accident sur sa propre rapière ?” poursuivit-t-elle, tout sourire, l'air de raconter une bonne blague. Un destin qu’elle entendait bien éviter, au moins avant le repas de ce soir. "J'ai aussi essayé de lire la traduction de "Livre d'armes sur le nouvel art"". Mon maître d'armes insistait toujours sur la nécessité de s'inspirer de ce que l'on désire vaincre." Un traité de chez lui, celui-là, il ne devait pas lui être étranger.
La balourdise de l’armure des Templiers avait clairement incité Cordélia à revoir ses priorités, et elle était loin d’être aussi véloce qu’avant, mais son jeu de jambes avait toujours de quoi surprendre. Dans les grandes lignes, il était surtout question de lire à livre ouvert les intentions de son adversaire, puis de passer sous sa garde pour le pourfendre. L'efficacité de telles techniques face à un Névarran, éternels inconnus et rivaux, était encore à démontrer... Enthousiasmée par le temps que cet inconnu allait lui accorder, au moins pour la prochaine poignée de minutes, elle se campa face à lui.

En réalité, le duel avait déjà commencé ; elle l’incitait - l’obligeait - à faire le premier pas, son regard braqué sur le moindre de ses mouvements.

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Il acquiesça avec véhémence. Mots plus vrais avaient rarement été prononcés, le souvenir de ses propres bras bleus en était témoin. Ça changeait d’Antiva et Orlaïs, qui envoyaient l’exact opposé – des duellistes flamboyants qui se reposaient sur le tranchant de l’arme pour remplacer leur bras.

« Ils peuvent se le permettre, avec leur quantité de forgerons compétents. Quand on n’a pas besoin de protéger son armure, autant mettre tout son corps dans chaque coup. On serait moins pris au dépourvu s’ils sortaient plus souvent de leur ville, ce n’est pas vraiment de votre faute si vous n’en avez pas croisé avant de venir. Même au Nevarra, et pourtant ce n’est pas si loin… »

Et puis, elle s’était bien rattrapée. Son propre bras gauche resta le long de son corps mais sa prise autour du bouclier se raffermit, prêt à aller où serait l’épée. Plus petit que celui des templiers, il était pensé pour être mobile – elle ne lui en voudrait pas de le garder, si ?

« J’en connais un autre, marmonna-t-il, l’image de son oncle superposée à celle de l’auteur maladroit. À croire que c’est sa propre arme dont il faut le plus se méfier. Je n’ai fait que feuilleter ce livre-là, les duels n’étaient pas ma priorité. » Une autre façon de dire qu’il l’avait emprunté par politesse sans jamais dépasser la préface et sa remise en contexte de trente pages. Pourquoi s’obstinaient-ils à mêler technique et histoire ? Ses autres lectures étaient plus proches de son cœur au moins, imposées par son propre père également. Son sourire était aussi amusé que son sourcil surpris. « Vous désirez vaincre le Nevarra ? »

Elle avait reçu un enseignement complet, alors, comme lui – leurs maitres se seraient sûrement entendus. Il voyait déjà leurs ombres sur le banc, prêts à commenter leurs protégés… Par-dessus la distance et le temps, leurs enseignements s’affronteraient enfin à travers eux – sans que mot n’eut été du vieil homme, Arnth décida qu’il devait lui faire honneur face à la demoiselle.

Il n’y a pas de femme sur le terrain. Juste des ennemis. Il ferma brièvement les yeux et inspira avant de les rouvrir, concentré – il y avait des leçons qui ne rentreraient jamais, mais il pouvait faire mieux semblant.

« Puis-je avoir votre nom avant de commencer ? »

Le duel commencé, le décor disparut, avec ses horizons, ses ombres et ses sons, ne laissant que le sol sec et le bras armé immobile. Un chat prêt à bondir, qu’il affrontait. En bien des aspects, le style nevarran ressemblait au havenois, en plus précis et moins ancré. Ils visaient des points un peu décalés, à des angles un peu autres… Il n’était pas sûr que ça la dépayse absolument, mais c’était avec une pleine confiance qu’il s’élança vers elle, coude légèrement tordu vers l’intérieur pour viser sa droite sans ouvrir la sienne. Ce serait au bouclier de briller à la contre-attaque.  
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« Vous désirez vaincre le Nevarra ? »
Minuscule instant de réflexion.  « Euh… Ce n’est pas dans nos plans, je crois. Pas les miens spécifiquement, en tout cas. » Elle sourit, pince-sans-rire : « Mais si Orlaïs décide de changer d’avis, notre Empereur vous le fera savoir par le biais d'une missive. » Parfumée, qu'on ne dise pas qu'Orlaïs manquait de manières. Mais l’empereur Drakon était un chic type, aucun moyen qu’il ne cherche à prendre ce qui ne lui appartenait pas.
« Il vaut simplement mieux être meilleur que tout le monde, pour ne jamais permettre à un rival de pointer le bout de son nez. » Son vieux maître d'armes approuverait sûrement. (Mais d’un autre côté, le vieil Ernestin était persuadé que les Marches Libres seraient une province Orlésienne avant la fin de l’année, alors sa sagesse avait aussi des limites.)

« Je m’appelle Cordélia. » Sans se départir de son sourire, elle poursuivit : « Starkhaven vous plaît ? » Elle le dévisagea avec de grands yeux : sa présence avait été remarquée chez les Templiers, avant qu'il ne commence à se fondre dans le décor. Tous les militaires étaient les bienvenus, mais ils se faisaient rare à venir régulièrement. Libre à lui de lui donner son nom en retour, sinon, elle se contenterait du titre - du reste, il n’avait pas l’air conscient du fait qu’elle l’avait régulièrement observé, ce qui l’arrangeait bien...

Débarrassée de son bouclier, elle se tint prête à parer ou à esquiver l’attaque qui ne tarda pas à venir. L’épée de son adversaire rencontra celle de Cordélia, qui fila à toute vitesse pour la stopper alors que la riposte arrivait ; un rapide saut sur le côté évita à la templière une rencontre impromptue avec le bouclier.
Elle virevolta, profitant de son gabarit plus léger pour tenter de lui porter une attaque de taille qu’il contra à son tour. Le bois s’entrechoquait, les attaques formant un voile entre les deux combattants avant que l’épée de l’ambassadeur ne parvienne à lui porter un coup, amorti par sa cuirasse, puis un autre. Dans une attaque frontale et quelque peu imprudente, elle fit glisser son épée en bois le long de la lame adverse, tentant d’imprimer une torsion peu confortable à son bras. La meilleure défense reste dans l’attaque.

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Ah oui, les lettres orlésiennes… Vu leur réputation, il était presque surpris de ne pas en avoir reçu aujourd’hui. Dommage, il aurait pu la parader devant Kendric – sûr que personne ne lui écrivait, à lui ! Il fallait quand même bien rater son choix de carrière pour avoir pire vie sociale qu’Arnth – à la réflexion, peut-être valait-il mieux ne pas trop provoquer le vieux Prince, ça risquait de le réveiller.

Il était sûr qu’elle connaissait déjà son nom, et elle ne le demanda d’ailleurs pas, mais le réflexe voulut qu’il le dise quand même, prêt à l’entendre revenir déformé. Les havenois qui ne se contentaient pas de Markham s’en sortaient parfois admirablement, mais une orlésienne ? Point de miracles sur un champ de bataille.

« Starkhaven vous plaît ?
– Plutôt. Il a fallu du temps pour m’habituer, mais ce n’est pas une mauvaise ville. Et vous ? »


Il para ce qu’il pouvait des coups habiles, peu surpris de l’agilité de la jeune femme – quoiqu’un peu qu’elle l’ait conservée malgré l’armure. Elle perdait nécessairement en occasions, avec une main vide, mais ça se sentait à peine dans ses attaques ; peut-être parce que le mur que présentait son épée donnait la même illusion d’ennemi supplémentaire. Il se souvenait avoir porté des coups alors que rien ne lui faisait encore mal, pourtant elle avait dû l’effleurer plus d’une fois, mais encore aucun décisif quand elle s’avança, plus ouverte que jamais – dommage que leurs épées aient été immobilisées un peu plus loin. Un sourire féroce se dessina sur son visage. Les danseurs avaient donc bien des faiblesses. Ramenant son bouclier contre son torse, il abandonna en un battement de cils la lutte des lames pour envoyer un pied faucher ceux de la blonde, la laissant retomber sur la terre dans un concert de clinquements métalliques.

« Désolé, je n’ai pas eu le temps de vous rattraper. J’espère que le choc n’a pas été trop dur, » s’excusa-t-il en lui tendant la main, détaillant son expression. Il connaissait trop bien la douleur de l’armure qui vibre, pire que certains coups de bâton… Elle s’était mieux battue qu’attendue malgré tout, et il sourit avec un hochement de tête respectueux. « L’école orlésienne est impressionnante. C’est de l’Usage des duels que vous avez appris tout ça ? »
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Celle-là, elle n’était pas dans le livre. L’expression hébétée sur les traits de Cordélia valut son pesant d’or avant que le plafond de la pièce ne tourne autour d’elle ; elle s’effondra avec fracas, ses jambes fauchées par celle du névarran. Son épée de bois alla faire une balade dans un coin de la salle un peu plus loin. Ah, le fourbe, le fourbe, le fourbe !
« Désolé, je n’ai pas eu le temps de vous rattraper. J’espère que le choc n’a pas été trop dur.
- Pourvu... que cette technique fonctionne contre les démons. » Elle s'appuya volontiers sur la main qui lui était tendue, une fois ses oreilles remises du capharnaüm qu’avait produit l’armure dans sa collision avec le sol. Elle alla cueillir l’épée vagabonde, et la ranger auprès des autres armes de bois.
« L’école orlésienne est impressionnante. C’est de l’Usage des duels que vous avez appris tout ça ?
- Oui, mais pas seulement. Mon père et mon maître d’armes étaient tous deux d’anciens militaires. Ils se sont arrangés pour que moi et mes frères disposions du meilleur enseignement possible. Puis, j'ai été envoyée chez les Templiers de Montsimmard qui ont pris le relais. »

Désormais, père comme maître étaient trop âgés pour poursuivre les entraînements, et il y avait longtemps que Cordélia n’avait pas croisé le fer avec Arnault. L’idée d’être trop loin pour assister à la sénescence de son père la soulagea - et une bouffée de culpabilité s’empara d’elle à l’instant où son esprit esquissa cette pensée.

«  J’aime aussi Starkhaven, c’est… bucolique. Ce mot dans la bouche de Cordélia voulait dire “crotté, boueux, plein de paille et de substances non-identifiables”. Les gens disent ce qu’ils pensent, et pensent ce qu’ils disent. Ce n'est pas si mal. Elle esquissa un sourire aussi solaire que le précédent. C'était fort différent d’Orlaïs. Peu après son exil forcé, elle n’avait pas eu d’engouement pour autre chose que son travail. C’était là la véritable raison de son isolement volontaire, et pourquoi elle s’était noyée dedans ; mais la chaleur de certaines rencontres - Alzyre, Isbeil, Ailis, Cadwell… - lui avait redonné du baume au coeur. C’était curieux, mais la templière réalisa en prononçant ces mots que la ville avait opéré sur elle un lent charme, elle qu'elle se sentait désormais... comme chez elle.
Il aurait fallu plus de montagnes pour que le tableau soit parfait, ceci dit. La majesté des sommets du Cor, lorsque les rayons du soleil frisaient leurs pentes, que la neige blanchissait leurs chapeaux, ou que l’automne roussissait les arbres à leurs pieds — tout ça était un spectacle grisant qui l’aidait à mettre les choses en perspective et à chasser ses troubles. Et il y a une taverne au Goldhead qui sert une tourte à la pomme de terre et au fromage absolument divine, ajouta-t-elle, le regard rêveur en songeant à l’onctuosité de la garniture de la tourte, le croustillant satisfaisant de son trottoir et l’arôme subtil des épices. (Cordélia avait ses priorités.)
Pas qu’il ait besoin d’adresses, les gens de son genre restaient au Palais, de ce que Cordélia avait saisi, et mangeaient les mêmes plats que le Prince.
- Quelque chose m’intrigue, si vous voulez bien y répondre - je m’étonne de voir un diplomate être si rompu aux arts militaires. Pourquoi vous envoyer vous, plutôt qu’un autre ? » Pour s’exiler des siens de cette manière, il fallait le vouloir, sans aucun doute. Une démonstration de force du Névarra ? Elle s'y connaissait bien peu en diplomatie. L’homme qui se tenait face à elle avait fière allure, même davantage maintenant qu'il avait prouvé son talent en la désarmant si vite. Cela avait renforcé son aura auprès de Cordélia qui en profita pour le détailler - il était peut-être un peu plus âgé qu'elle, mais quelque chose dans son attitude inspirait la confiance, et il était dépourvu des barrières naturelles que les politiciens érigeaient entre eux et le reste du monde. L'image que la templière avait des diplomates et autres politiques se résumait à des gens en robe en train de parler de sujets sérieux, et le monde avait encore à lui donner tort.

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« Pourvu… que cette technique fonctionne contre les démons.
– Pourvu que vous n’ayez pas à affronter de démon. Vous avez déjà rencontré un mage possédé ? »


Plus poli vint atténuer la question peut-être indiscrète et certainement moins urgente que celle concernant le combat présent, et il en fut récompensé par un exposé exhaustif de son enseignement. Des frères et un héritage militaire – comme Mallory, qu’elle commençait à lui rappeler un peu, par association d’idées. Les nœuds retenaient ses cheveux avec moins d’assiduité, mais l’intention se sentait identique ; sans parler des mots assez connus pour être déformés, à la façon des premiers de la classe habitués à ne pas vexer. Fille différente, même éducation. Il imaginait d’ailleurs parfaitement les deux hommes débattre de l’avenir des petits blonds ensemble, sur le même banc que son propre père au-delà des frontières, différent seulement par la quantité de… C’était quoi en Orlaïs, des pommiers ?

Fou ce que les vieux hommes contrôlaient de vies. Dire que ce serait lui un jour. L’idée avait de quoi faire trembler.

« J’aime aussi Starkhaven, c’est… bucolique.
– Très, sourit-il, amusé – dans son esprit le mot voulait dire « bruyant, désorganisé et, si ça pouvait se dire d’une ville, rachitique. »
– Les gens disent ce qu’ils pensent, et pensent ce qu’ils disent. Ce n'est pas si mal. Et il y a une taverne au Goldhead qui sert une tourte à la pomme de terre et au fromage absolument divine.
– Je n’ai pas eu le plaisir de la goûter,
regretta-t-il. J’ai eu plusieurs aperçus de la fameuse tourte au poisson – qu’on lui avait même volée une fois, sans que ça le chagrine particulièrement – mais pommes de terre et fromage… Elle doit être très bonne, il faudra que je l’essaie la prochaine fois. »

Le regard rêveur de la jeune femme était la meilleure publicité dont l’établissement inconnu pouvait rêver, même s’il avait par le passé douté des goûts des orlésiens. Ceux qu’il avait croisés appréciaient rarement les vrais plats, qui remplissaient une assiette et un estomac et demi, avec au moins moitié de pommes de terre et impossibles à manger avec les couverts ridiculement petits de Fannie. Que Cordélia fasse exception la rendait encore plus sympathique ; et la recommandation, promettant de le rapprocher de chez lui le temps d’un repas, adoucissait aussi ses sentiments envers la cité. Or, même s’il n’avait pas menti en disant la tolérer – chaque point positif était à prendre, elle n’était pas partie gagnante et rattrapait tout juste la fin du peloton.

« Vous avez l’air trop généreuse dans ce qui concerne les gens, par contre, reprit-il. À moins que le Noble Jeu n’ait corrompu même les templiers, j’ai du mal à voir les havenois comme plus francs que d’autres. Au contraire, ils sont bien plus prompts aux secrets, d’après mon expérience. »

Il espérait avoir traduit sa pensée, mais les mots lui avaient échappé en cours de route – à peu près quand il s’était rendu compte qu’il n’y avait aucune façon polie de finir une phrase en « à moins que ». Il ne devait qu’au dur entraînement local d’avoir, probablement, rattrapé le coup. Combien des non-dits et mensonges étaient des malentendus parce que Tylus van Markham, général de renom, homme en tout respectable, avait préféré envoyer quelqu’un qui ne maîtrisait pas cette maudite langue ? Il était sûr de ce qu’il disait, pourtant : les gens d’ici étaient loin de tout dire, et loin de tout penser. Que Cordélia pense autrement prouvait seulement, tristement, que chez elle le Noble Jeu ne se limitait pas aux riches… C’était bon à savoir aussi.

« Quelque chose m’intrigue, si vous voulez bien y répondre – je m’étonne de voir un diplomate être si rompu aux arts militaires. Pourquoi vous envoyer vous, plutôt qu’un autre ? »

Un rire léger, un peu amer et un peu gêné, lui échappa.

« Je me pose la question chaque jour. Ce n’est un secret pour personne que ma sœur, pour rester proche, aurait été un choix plus naturel… Mais même elle aurait eu mon niveau. Vous auriez du mal à trouver un nevarran sans entraînement militaire, et personne ne lui ferait confiance pour nous défendre, que ce soit sur le champ ou à la cour – en cela je ne suis pas pire candidat qu’un autre. Je peux au moins garantir que je ferai ce qui est en mon pouvoir pour faire justice à mon pays, peut-être que cela suffit ? »

Il haussa les épaules. Se prétendre parfait n’avait jamais été son approche, ni s’inventer des qualités pour justifier sa place ici – la réponse était peut-être plus directe que celle qu’aurait eue un noble, mais le contenu n’était pas bien différent. L’avantage de ne pas avoir de masque, c’est qu’on avait moins peur de mal mentir…

« Vous avez l’air de vous y connaître en diplomates. Vous avez de l’expérience dans le domaine ? »
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« – Pourvu que vous n’ayez pas à affronter de démon. Vous avez déjà rencontré un mage possédé ? »
Elle hocha la tête par l’affirmative. Il y avait certainement eu une rencontre, entre son épée et un démon de la Paresse, il y a des années. « Oui. Affronté. Ce sont les risques du métier de Templier. Mais ça n’arrive pas tous les quatre matins, heureusement. » Elle qui était d’ordinaire si affable, semblable à un robinet mal réglé, resta muette sur le sujet, après cette réponse en demi-teinte. Heureusement, il mena la barque de la conversation ailleurs, ce qui lui évita d’élaborer.

« Je me pose la question chaque jour. Ce n’est un secret pour personne que ma sœur, pour rester proche, aurait été un choix plus naturel… Mais même elle aurait eu mon niveau. Vous auriez du mal à trouver un nevarran sans entraînement militaire, et personne ne lui ferait confiance pour nous défendre, que ce soit sur le champ ou à la cour – en cela je ne suis pas pire candidat qu’un autre. Je peux au moins garantir que je ferai ce qui est en mon pouvoir pour faire justice à mon pays, peut-être que cela suffit ? Vous avez l’air de vous y connaître en diplomates. Vous avez de l’expérience dans le domaine ? »

L’idée sembla amuser Cordélia, qui laissa échapper un léger rire - aussi malpoli fût-il de rire au nez de son interlocuteur, elle ne pensait pas à mal. Elle, diplomate ? Il aurait mieux valu envoyer un archidémon dans une boutique de porcelaine. Elle avait peur de blesser ses destinataires ou d'être incomprise ; ses pensées se mélangeaient et elle se posait toujours beaucoup trop de questions.
Elle serait restée à Montsimmard, si quelques tierces changements radicaux n’avaient pas écrabouillé ses rêves. Peut-être aurait-elle fini par apprendre à jouer convenablement au Jeu. Ou peut-être -sûrement- c’est là bas qu’elle aurait entamé sa descente aux enfers, la même qui avait poussé la famille à s’installer dans le Cor où les cimes des pins qui grinçaient en se heurtant étaient la seule conversation qu'on pouvait épier à des kilomètres à la ronde.

« - Non, les seuls diplomates que j'ai rencontrés étaient en robe ou en costume. En-dehors de ça, pas vraiment. J’ai parfois dû pointer mon épée sur des gens pour qu’ils parlent plus facilement. Ce n'était pas très agréable. » La technique avait prouvé son efficacité, mais elle doutait qu’elle fonctionne sur les nobles, ou bien une seule fois avant d’être jeté par-dessus les remparts.

« Je vous trouve un peu sévère avec les bonnes gens de Starkhaven. Ceux que j’ai rencontrés étaient tout à fait honnêtes et allaient droit au but. » Elle dodelina de la tête, résolument optimiste. Quel intérêt y avait-il à mentir ? Les templiers ne s’embarrassaient pas de manières (ni de savoir-vivre, parfois).
« Mais je n’ai jamais côtoyé l’aristocratie ici. Si vous dites que les choses sont différentes pour vous, je vous crois. », admit-elle avec un sourire mi-figue, mi-raisin. Mais la mention du Noble Jeu la fit tiquer, un sourcil plus foncé que sa chevelure se haussant légèrement - se pourrait-il qu’il ait raison, et que sa perception de la ville et de ses gens se soit teintée de rose, après tant d’années passées dans l’Empire ? Ce n’était pas si mal que ça, le rose... C’était mieux que de voir du gris partout dans le cœur des autres.« Gangréné ? Le Noble Jeu est déjà partout. » Elle regrettait que ses mots soient aussi graves, mais il n'y avait qu'un étranger pour penser qu'il épargnait encore certaines strates de la société. « En vérité, le Jeu et les mensonges de certains Havenois sont une seule et même chose. En Orlaïs, la noblesse lui a simplement donné un nom et l'a érigé au rang d’art. C’est… Pour eux, c'est comme une sorte de… »

La Templière s’interrompit, à la recherche des mots adéquats.

« ...de bal dans lequel nous avons tous notre rôle à jouer. Que cela nous plaise ou non. Quand vous pensez être sur le côté de la piste, c’est précisément là que vous êtes à votre plus vulnérable. Quelqu’un bénéficie toujours de votre inaction, ou... vous observe, de derrière un rideau. » Elle rangea la dernière épée de bois à l’intérieur du sac, laissant la salle comme les premiers Templiers l’avaient trouvée en entrant. « Voulez-vous marcher un instant ? » Elle s'était assez entraînée pour aujourd'hui. Elle avait pris l'habitude de marcher en bas des remparts après la fin de sa journée, à cette heure, le soleil transformait la Minantre en filet d'or durant quelques instants. Son cerveau, lui, restait magnétisé sur la conversation, ouvrant en elle une réflexion qui la poussa à retenir son interlocuteur sur le chemin du retour. Elle trouvait le sujet inépuisable, en vérité, mais elle n'avait que peu d'occasions de l'aborder auprès de quelqu'un qui pouvait réellement comprendre.

Ils longèrent le couloir, dépassés par deux recrues, serviettes sur le bras, riant à gorge déployée.
« ...La métaphore m’a un peu échappé. » admit-elle, le froid s’installant sur ses joues alors que la chaleur de l’effort tombait, remplacée par les frissons de l’hiver mordant qui s’invitait sous son gambison.
« J’ajouterais un buffet dans la salle de bal, mais bon. Croyez-moi, je suis piètre danseuse. Je pense qu'il n'y a aucun mal à vouloir rester assis. »
Elle le trouvait confortable, le banc, bien à l'abri de la danse. Mais on ne pouvait y rester éternellement. Quelqu'un vous tirait fatalement sur la piste.

« C'est une marque de confiance et un honneur de la part de votre famille de vous envoyer, certainement. », fit-elle, le ton encourageant. Il disait son pays, et pas sa cité, prit-elle soin de noter. « Même si on ne comprend pas toujours les décisions de ses proches. Ils doivent vous manquer.  » Cordélia avait été éduquée dans un environnement très uni, et s'était très vite sentie en mal de compagnie et de conversation au sortir du domicile familial. Elle cherchait sa famille dans ce pays froid, sans arriver à la trouver.
Depuis cette partie du Downnoc, on ne pouvait plus voir la basse-ville et son entassement cocasse d'habitations, semblable à des oiseaux sur une branche. Il était facile d'oublier la tourmente qui était sur le point d'arriver, et l'annonce de la Cathédrale, qui planait sûrement aussi dans son esprit à lui. A la place des sombres nuages annoncés, le Promontoire des Princes dominait toujours l'horizon depuis la colline, et le regard de Cordélia fut inévitablement attiré par ses immenses tours d'albâtre, l'air fasciné comme à chaque fois qu'elle levait les yeux dessus. « Vous logez là-haut ? »

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Le rire était plus doux que celui des nobles moqueurs, et il n’eut pas besoin d’écouter l’explication pour l’entendre. Tous n’étaient pas faits pour le Jeu, et il aurait pu deviner qu’une femme prête à se battre avec lui, si elle n’était pas une actrice née, en ferait partie. Difficile de lui en vouloir – il ne comprenait au contraire pas ceux qui s’y plaisaient. Autant de fleurs qui développaient leur piquant plus que leurs pétales. Seul un insensé aurait aspiré à y passer plus que le nécessaire, et si l’inverse était vrai – que ceux qui n’y étaient pas avaient la sagesse de vouloir l’éviter – évidemment que Cordélia avait une expérience limitée.

Le rire n’avait pas duré assez longtemps pour des pensées parfaitement cohérentes. Heureusement, ce que disait la blonde l’était plus.

« Ah ? Je trouve ça plutôt satisfaisant, au contraire. Notez que je n’ai jamais essayé, mais court-circuiter leurs… débats avec une épée me parait plutôt attrayant. Ce serait plus simple. »

Au pire une reddition rapide, au mieux un duel qui laisserait le plus valeureux garder l’information. La politique aurait dû être ainsi faite ; plutôt que la justice, plutôt que la liberté ou la vie, à la force aurait dû se mesurer au pouvoir. Et pourtant c’était l’inverse : les beaux mots payaient dans les salons et les gros bras devant la garde… Ironiquement, le manque de poigne n’était pas ce qu’il reprochait à Kendric Vaël – du peu qu’il avait vu, pire diplomate qu’épéiste –, contrairement à l’abandon de sa ville dans des travers honteux. Centenaires et répandus, mais honteux.

Il inclina la tête, d’abord surpris, puis pensif. Avait-il trop jugé les havenois ? Il lui semblait avoir côtoyé autant de gens normaux que de nobles… « Il y en a des bons, » admit-il après un court instant. En excluant les Gardes andériens, les marchands antivans, les saltimbanques orlésiens et les pauvres dalatiens, il restait bien encore quelques havenois honnêtes. Cette elfe, pas très loin du bas-cloitre, avec un magasin dont elle vendait les charmes avec désespoir mais sans mensonge ; l’enfant qui avait, certes encouragé par un camarade, avoué être à l’origine de sa fenêtre éclatée ; l’ancien héritier, désespéré mais bizarrement honnête… Des petits riens, mais qui méritaient d’être mentionnés – rien de pire que d’être accusé avec un lot auquel on n’appartient pas, après tout, n’importe qui avec une sœur (ou un frère, si on écoutait Mallory) le savait.

Aucun mot ne fut prononcé pendant qu’ils rangeaient un peu, Arnth essentiellement occupé à renfiler ses affaires, vraie épée en premier, veste en dernier, et en silence il emboîta le pas à la templière dans un couloir inconnu. Ses venues s’étaient toujours limitées au terrain et au chemin le plus direct pour y accéder, alors il restait encore bien des pierres à découvrir tout autour, qu’il ne se privait pas d’observer.

« Je ne pensais pas un jour envier ceux cachés derrière un rideau, » sourit-il sans sourire, de ce ton agréable mais pas amusé, ou amusé mais pas rieur, assez compliqué à décrire. « Mais je peux voir en quoi ça ne vous conviendrait pas. Vous avez les pieds trop agiles pour ne pas danser.
– ... La métaphore m’a un peu échappé. »

Il sourit, vraiment cette fois.

« Ça m’arrive tout le temps. Rassurez-vous, celle-ci me paraissait très bien maîtrisée. Elle est seulement un peu triste. Que le Noble Jeu existe, si ça les amuse, mais l’imaginer gâcher des réjouissances rappelle un peu trop bien qu’on ne peut pas y échapper… »

Il était presque sûr que si la métaphore avait échappé à quelqu’un, c’était à lui, même si elle l’avait perdu avec le buffet. Enfin qu’importe, c’était toujours bien un buffet. Peut-être que ça ne faisait plus partie de la métaphore et qu’elle avait juste faim. Les soldats avaient cela de commun, malgré leurs étendards colorés et leurs armes aimantées : le mouvement réveillait toujours la faim.

« Beaucoup d’endroits gagneraient à proposer plus de nourriture, » acquiesça-t-il en plongeant la main dans son sac pour en tirer un peu de pain, assurance nécessaire contre les malaises aux entraînements, « cet endroit en premier. Vous en voulez ? »

Il se voyait mal s’étendre sur ses sentiments, en public avec une inconnue, ou même tout court, et se contenta de sobrement hocher la tête. Il n’aurait su dire si le début avait été le pire, la première année – fêtes, anniversaire, hiver – qu’il avait fallu affronter seul, ou celle-ci, toujours plus éloignée du dernier diner de famille. Jamais ils n’avaient été très proches, pourtant, mais toujours unis ; la présence inébranlable de son père lui manquait presque autant que l’amitié de sa sœur, et de plus en plus souvent il se souvenait de sa mère, aussi… C’était un manque tranquille, passif, mais présent.

« Nous nous écrivons. » Un regard en biais – qui n’en était pas un parce que « en biais » était une discipline qu’il n’avait pas encore découverte – vers la blonde et son regard perdu dans l’ailleurs lui rappela qu’elle aussi avait dû laisser de la famille derrière. « Ils doivent vous manquer aussi. Les vôtres. »

Il ne pouvait ignorer plus longtemps le Promontoire, silhouette dont l’ombre ne s’effaçait que si on lui tournait le dos à la bonne heure. Sa présence le narguait et marquait le paysage définitivement havenois, mais on ne pouvait lui nier une certaine beauté…

« Oui, dans une aile secondaire. Moins splendide que celle des Vaël, mais plus on s’éloigne de la salle du trône, plus tout est vivant. On gagne au change, je trouve. Vous y êtes déjà allée ? » Geste du menton vers la tour des mages. « Vous devez loger au Cercle, avec les mages ? »
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Cordélia sourit - un compliment de la part d’un guerrier aguerri en valait douze. La miche de pain rencontra son destin, quelques miettes chutant dans le sillage de la templière alors qu’elle continuait de se balader en mangeant.

— J’espère que le confort dont vous bénéficiez est une consolation pour supporter l’éloignement avec les vôtres, aussi maigre soit-elle. Elle opina du chef alors que la main d’Arnth désignait le Cercle, bien plus proche. En effet ! Si ça ne tenait qu’à moi, je logerais au Palais aussi. Mais le Cercle a besoin de notre présence, sinon, qui pour surveiller la moindre pagée tournée par les Mages, n'est-ce pas ! Un rire aussi léger qu'une envolée d'étourneaux. Vous devez être très à l’aise au Palais. Moi, je doute qu'on me laisse y entrer, pour répondre à votre question, je n'y ai jamais mis les pieds., fit-elle, légèrement envieuse... Bénéficier d'une chambre à lui seul - non, d'appartements ! - relevait du luxe le plus fou pour Cordélia qui avait depuis longtemps quitté les accomodations Orlésiennes pour les remplacer par les dortoirs des officiers.

Même s’ils servaient pieusement Andrasté - la première vers qui le regard devrait s’élever, soi dit en passant -, leurs bottes étaient trop crottées et la ville embaumée dans leurs armures pour leur offrir un tel statut. Le faste qui se cachait derrière le mur d’albâtre et les tours insolentes exerçait sa fascination sur Cordélia. Même s'il était bien moins impressionnant que les draperies écarlates et les gerbes de fleurs dont on parait jusqu’au plus humble balcon à Val-Royeaux.

— J’ai laissé deux frères et mes parents à Orlaïs. Je leur écris souvent, mais…

Comment avait pu naître l’idée que des lettres donnaient aux hommes le moyen de communiquer ? Chaque mot écrit et reçu n’était que le fantôme d’une pensée exprimée avec des semaines de retard, là où le langage du corps, les expressions et les sourires rassuraient l’interlocuteur sur la véracité de l’échange.

—J’ai eu beaucoup de mal à quitter mon frère cadet. Après mes premiers mois passés ici ici, je me suis rendue compte que j’oubliais peu à peu son visage. Je me suis d’abord sentie terriblement coupable, je ne pensais pas une telle chose possible. Mais cela m’a rappelé, en quelque sorte, qu’il aurait changé pour toujours lorsque je le reverrais. Et que moi aussi, j’aurai changé... Avez-vous vécu pareil moment, vous aussi, Arnth ?

Impossible, en effet, qu’elle oublie entièrement le visage de ceux qu’elle avait côtoyé toute une vie. Mais elle avait découvert, horrifiée, qu’il suffisait de semaines d’absences pour que les visages commencent à s’effriter dans sa mémoire, à se faire incertains…

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« Mon unique consolation est la sobriété du décor. Plus de confort soulignerait la distance entre nos deux pays – ma chambre ici n’a rien de celle de mon enfance, mais il y a encore assez peu de parfums pour faire semblant si je ferme les yeux. Même si le matelas est bien trop moelleux. »

Ça le gardait éveillé – ça l’empêchait de trop s’installer, de laisser Starkhaven l’adopter et l’assimiler jusqu’à ce qu’il s’y oublie. La douceur des tissus avait sur lui le même effet que la pierre d’une prison sur un orlésien, accueillante en soi mais hermétique par opposition.

« Quoique, ce n’est pas tout à fait juste, se souvint-il en plissant le front, un sourire nostalgique se frayant au fil des mots. Ma belle-sœur m’a rejoint il y a peu. Ça tient compagnie, même si ce n’est pas celle que j’aurais préféré. Elle prouve en tout cas que les gardes laissent entrer n’importe qui, s’il est bien accompagné, vous n’auriez pas de mal à vous faire introduire. Gail et moi serions ravis de vous faire visiter, si ça ne tient qu’à ça. »

Ah, Gail. N’importe quelle activité avec elle sonnait comme un cauchemar, en réalité, si elle devait se faire dans un palais où il fallait bien se tenir – la catastrophe pour seul bagage, il serait forcé d’être leur garde-fou si on les lâchait dans les couloirs, et l’expérience prouvait que ce n’était vraiment pas une responsabilité à lui confier. Pour n’importe qui d’autre, cependant, elle serait d’excellente compagnie, et la blonde pourrait bien l’accepter. L’ambassade de fortune manquait de vie et de visiteurs, en plus, ce serait un changement agréable !

Une sœur de son côté, et deux frères de celui de Cordélia ; il avait déjà oublié ses prévisions, alors l’information ne le surprit guère et il hocha simplement la tête. Qu’écrire pouvait être difficile quand on n’en avait pas l’habitude… Il refusait de l’accepter comme barrière infranchissable, pourtant.
Mon frère adoré,
Aujourd’hui, je t’ai fait un sommaire. Je ne promets pas de tout écrire, alors sois prêt à t’en contenter, d’accord ? Le mois a été chargé, comme tu le verras au paragraphe dix environ.*
*9 : Chasse et poignet tordu.

« J’ai assez confiance en eux pour ne pas me laisser derrière, et ma sœur a une plume remarquable. Je l’ajoute néanmoins aux peurs que je devrais avoir. Ce ne doit pas être un moment agréable. » Inspiration, haussement d'épaules ; rien que des évidences. « En tant que militaire, le changement est inévitable. Mes camarades de classe auront vécu des batailles inconnues, mon père trouvé un trébuchet transcendant… On sait déjà que nos expériences seront différentes, alors tant qu’on se les raconte, j’estime que nous pourrons rester proches. On est prêts. »

Le paradoxe nevarran réveillé en quelques mots : comment un peuple aussi ancré l’était si peu au niveau individuel ? Rien ne durait, mais tous retourneraient à des briques inchangées.

« Si cela vous inquiète tant, pourquoi n’allez-vous pas les voir ? Attendre la retraite ne vous fera qu’oublier encore plus. Prenez une semaine pour leur parler, ou invitez-les ici ? Et profitez-en pour un portrait de famille. »

Où était Orlaïs, déjà ? Qu’importe, le voyage était abordable, une templière gradée n’aurait pas de mal à l’arranger. Probablement. L’Ordre n’allait pas s’écrouler sans elle, si ?

« C’est ce que je ferais, sans les chaines politiques. Au moins pour… » Sa voix s’éteignit, entre gêne et culpabilité. Beau fiancé qu’il faisait – pire parce qu’il était faux que si l’amour les protégeait. « Je le dois à quelqu’un, soupira-t-il plutôt, avant de se retourner vers Cordélia, encourageant, presque agacé. Si vous le pouvez, profitez-en ! »
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Les artisans de la mort