« Messerah Byrne, le Prince m'a fait savoir qu'il peut vous recevoir. Si vous voulez bien me suivre. »

Après une révérence solennelle, le domestique elfe t'invite à prendre sa suite : vous vous écartez de la salle du trône pour vous rendre vers un cabinet adjacent que tu connais bien. Lieu confortable et bien décoré, contrastant par sa chaleur dans ce Palais toujours aussi froid les jours d'hiver, les jours couverts. On ne t'a pas faite attendre longtemps, @Eibhlin Byrne, et l'on ne traîne pas à t'annoncer auprès de ton père : la porte s'ouvre sur ce Prince déjà installé dans sa chaise faisant face à l'entrée.

« Bonjour, Eibhlin.»

Politesse soulignée par le service du domestique vous servant à chacun un verre de vin rouge et de quelques biscuits. Même si physiquement ton père paraît bien aller, grâce sans doute à une toilette et une apparence soignées, tu ne peux ignorer cette chape sombre qui semble peser sur ses épaules bien habillées, alourdir chacun de ses gestes calculés, comme celui qui t'invite à t'asseoir face à lui et profiter des quelques victuailles à votre disposition.

« Tu n'étais pas obligée de demander audience pour venir me parler, mais je suis reconnaissant que tu te sois au moins annoncée, déclare-t-il avec un reproche latent, avant d'ajouter, plus affecté : Comment va ton enfant ? »

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Le regard perçant de Kendric Vaël détaille le moindre des choix de ta tenue : ta toilette paraît à la hauteur des émeraudes qui se posent dessus, au niveau de la famille princière que vous composez encore. Du moins en apparence. Ce que ton père pense réellement, @Eibhlin Byrne, tu arrives peut-être à le deviner grâce aux années de vie passées ensemble : y a-t-il de la fierté ? du jugement ? une certaine appréhension ? Car le Prince s'arrête un instant sur cette petite tiare qui coiffe ses cheveux, lui qui s'est présenté à toi la tête nue, et répond simplement :

« Il est plus simple de discuter ici. »

Oui, ton père a l'air bien, seulement si tu prends en compte ces maux que tout Starkhaven lui connaisse : mais il n'a pas l'air d'être un homme heureux, d'être un homme en forme. Simplement une ombre du Kendric de jadis, une ombre habillée comme un Prince : un peu de lumière la révèlerait-elle ou bien la ferait-elle disparaître ? La réponse ne se presse pas d'arriver.

Quant tu parles de ta fille, que tu t'installes et prends tes aises, lui s'est saisi d'un biscuit de sa main ridée. Il s'arrête, fronce les sourcils, rétorque sans tarder :

« J'attends simplement ton invitation pour venir la voir. »

Le reproche ne se masque pas : que ce soit la forme de la lettre qui ne lui a pas convenu ; la perte, peut-être, de la missive par ton messager ; ou alors, tout simplement, le fait que tu ne sois pas venu de toi-même lui proposer de voir sa petite-fille : la mention de Leitis allume son regard. Il s'estime en droit d'en attendre plus. Ses doigts bagués pressent le biscuit entre ses mains, qui résiste.

« Je suppose que tu as mille bonnes raisons de me demander audience, et il ne cache pas vraiment le dédain qu'il ressent à ce que cette expression soit employée ici. La première serait de demander des nouvelles, mais il ne se fait pas d'illusions : tu n'es pas venue pour cela. Pour ma part, j'ai enfin reçu la visite de ta sœur, hier, et j'espère que tu sauras te montrer plus convenable. »

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Des yeux clairs, des yeux vifs : les regards se mêlent en une myriade de couleurs à laquelle s'ajoute la touche particulière de ton regard bigarré. Myriade de couleurs, myriade d'émotions : il y a tes sentiments, @Eibhlin Byrne, mais aussi tes désirs et tes souvenirs ; mais qu'en est-il de ton père, que l'on s'attend toujours à voir démarrer ? Ses prunelles allumées et rivées sur toi ne font qu'ajouter plus d'éclat - un éclat princier, hasarderait-on, tout à la fois majestueux et impérieux, quoique temporisé par cette peau pâle et ces lourdes rides.

« J'aimerais bien la rencontrer, oui. »

L'absence, la démence, la gouvernance : tu commences à expliquer la situation, celle que tu ressens, celle que tu désires pour les tiens dans lesquels tu comptes encore l'inclure. Kendric Vaël t'écoute, ma fille : il t'écoute même si ses doigts ont écrasé le biscuit à la mention de ta sœur, même si sa bouche s'est tordue quand tu as évoqué un « nouvel héritier » - Tiarnan est plus que jamais devenu un problème qu'il ne souhaite pas résoudre. Il t'écoute et si, tu le sens, il ne prend d'abord pas au sérieux ta requête, il est un argument qui fait mouche. « Je veux t’aider à garder cette place qui est la tienne ». Alors, Kendric Vaël ne dit rien et réussit à calmer ses ardeurs - il se raccroche à un espoir qu'il ne pensait plus arriver mais que tu viens de lui offrir. L'homme se réveille, et avec lui, peut-être, tout ce qui faisait sa renommée passée.

Il ouvre sa main sur laquelle trônent les sceaux de Starkhaven ainsi que des Vaël, chevalières imposantes et symboliques : les miettes dégringolent sur la table, comme une pluie trop drue, mais leur son ressemble aux rideaux lourds d'un théâtre qu'on ouvrait enfin.

« Tu connais les termes de notre accord, Eibhlin. »

Tant de choses que le Prince de Starkhaven n'évoque pas. Il y aurait, d'abord, l'entorse juridique faite à des ère de traditions, auxquelles le peuple et le systèmes tiennent, qui serait si préjudiciable en ces temps troublés où l'on cherche de l'ordre. Il y aurait, ensuite, une certaine dignité, comme si ces années de vie commune si insatisfaisantes - lui trouvait son comportement d'alors normal, mais ta réaction au Grand Tournoi démontrerait bien sa concession. Il y aurait, enfin, le déshonneur qui serait jeté sur les Byrne, condamnant définitivement leur famille si tous les enfants d'Eiric hormis sa fille aînée étaient amenés à porter un autre nom que le sien. Autant d'arguments pour toute l'aristocratie havenoise lorgnant sur le trône de marbre.

« Ce n'est pas un fils que tu m'as donné. »

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Les échos de votre accord plane sur cette conversation : la naissance de Leitis constitue l'un des évènements les plus heureux de ta vie, oui, mais n'y a-t-il pas une ombre qui plane au-dessus d'elle ? De vous deux ? N'aurait-ce pas été mieux, plus simple, plus convenable - plus opportun à tes ambitions - si elle s'était appelée Kaidan ? Un fils ? Ces questions, @Eibhlin Byrne, ont peut-être hanté tes esprits dans ces instants où tu ne savais pas si tu aimais ou non cette chair de ta chair ; quant à ceux de ton père, tu tires tes propres conclusions au milieu de ses paroles.

Voilà cependant que tu te lèves, Dame de Corintamh, que tu contournes la table de séjour des appartements de Kendric Vaël pour prendre place face à lui : et tu lui saisis les mains en arborant un sourire. Tes lèvres murmures une question qui flotte sur son visage, hante ses pupilles, tend sa poitrine. Tu ne sais pas qui de cette tête que l'on fantasme désormais malade sur toute question, ou de ce cœur de pierre et de lave si prompt à la colère à la moindre contrariété, se décide à prendre le relai de la réflexion. Il demeure néanmoins assis quand il te répond, les traits de son visage toujours aussi neutres :

« Leitis est née Byrne et le demeurera : nous ne pouvons pas ne pas ménager les Byrne, ni ne laisser aucune garantie au reste de l'aristocratie havenoise. »

Il ne répond pas à ton sourire : cette chaleur que tu lui transmets, il l'avale sans la rendre. Il préfère se revêtir d'une rationalité... étrange, lui donnant les airs d'un vieil homme pris dans des pensées qu'il articule pour mieux les suivre :

« Il te faut un fils : nous n'avons pas d'autre choix. »

Le Prince prend une profonde inspiration, conclusion à sa phrase ? Il est bien des mots qui ne se disent pas ; des mots qui ne se réservent qu'à l'intimité d'une famille, même déchirée. Surtout brisée.

Ses mains dans les tiennes paraissent se réchauffer, au contact de tes doigts ou à la portée de tes mots, il ajoute de son habituel ton paternel :

« Ne me déçois pas... s'il te plaît pas. »

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