EVENEMENT - [8] Observé le mal dans les yeux
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Occupation : Je retranscris vos histoires pour que les ères suivantes s'en souviennent...
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Feuille
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Sam 29 Oct - 20:14
Durant mes pérégrinations, toutefois, j’ai trouvé un récit commun à toutes les peuplades de cette contrée ; un récit d’orgueil et de damnation qui, malgré quelques variations, reste identique en substance.
Celle de leur combat contre la chute inévitable de notre monde.
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Lun 31 Oct - 17:40
Longtemps, Andra avait considéré avoir vu le mal dans les yeux. Même les engeances rencontrées au cours de son existence de garde n’avaient jamais été qu’un pis-aller au cauchemar. Les hommes, avait-elle toujours répété, étaient capables de bien pire, car eux pouvaient choisir un autre destin. Ils étaient en mesure de faire le bien, chose qui ne pouvait être dans l’entendement d’une engeance. Peu importait leurs chaînes, à un moment, chacun choisissait d’emprunter un chemin. Rien dans son existence n’avait jamais été pire que la haine des siens, que les hurlements des chiens, que la sensation de fin. Ni l’hideux faciès de l’engeance, ni les ravages des guerres fanatiques n’avaient été à la hauteur de ce premier et ultime désespoir. Même les démons, dans l’Immatériel, n’étaient pas capables de créer autre chose que la simple copie de ce qui avait été. Pourtant, là, dans les Tréfonds, à cet instant, la mage se demanda s’il était possible qu’elle se soit trompée. Qu’il existât quelque chose d’autrement plus sombre, plus noir, que la mort elle-même. C’était un appel à la destruction, au néant. C’était l’Appel, et ses muscles restèrent désespérément figés tandis que son œil demeurait fixé, hagard, face à la monstruosité de muscles à vifs, de nodules putrides et de chair tuméfiée qui avançait de son pas ébranlant le monde. Clouée au sol par sa chute sous l’impact du sol qui se tordait, la garde demeurait pétrifiée, comme si rien d’autre n’existait que cette lente procession sordide à la gloire de sa terreur avide. Pour la première fois de son existence, les voix doucereuses qui ne la quittaient jamais se turent, chassées par plus puissant, plus fort, plus odieux qu’elles. Et elle l’entendit.
O chant suppliant, ô chant délicieux, ô chant ravageur ! O temps, ô vie, ô mort ! Fines notes ruisselantes, elles s’égouttèrent dans son âme, se transformèrent en courant doucereux, enflèrent en torrent mourant. Ce n’était ni beau, ni laid. Aucun mot n’eut pu décrire la sensation qui la parcourut à cet instant : ni plaisir, ni douleur. Ailleurs. Son cœur se déchira. Comment vivre sans cet aria qui lui éviscérait les tympans et qui détruisait son corps ? Son esprit se fendit. Des images de hordes déferlantes, de macchabés suppurants, de champs hurlants s’imposèrent sans qu’elle ne puisse les évacuer. Mais elles étaient si belles, si douces, enveloppées dans cette mélopée qui montait, montait, montait et conduisait à une acmée d’une splendide agonie. Symphonie de muscles disloqués, d’os broyés et d’âmes suppliciées devint hymne de l’orgueil, de la déraison et du massacre pour orgue de barbarie en carnage majeur, jouissance mineure. Puis son œil vint, et Andra l’observa du sien. Comme ses propres ombres étaient fragiles, face à l’âcreté de cette noirceur profonde, inégalée, inégalable. C’est que son œil luisait d’un monde humain, alors que l’orbite jaune rayonnait d’une autre réalité, plus dérangeante, étrangère et en même temps, si évidente, si proche, si … Le récital de cet orchestre démoniaque continuait, jusqu’à une ouverture qui lui donna l’impression que du métal fondu venait se déverser dans ses veines. La sensation, brûlante et pénétrante, sublime et enivrante, martyre et désolante, manqua expulser ses poumons de son propre corps. La créature infernale avançait, d’une majesté putrescente, charriant avec elle sa cour de pestilence, nimbée dans son aura de pure perversité.
Submergée par cette vision, par ce chant, par la lente réalisation de ce qu’il advenait, de ce qu’il adviendrait, Andra sentit sa bouche s’ouvrir et composa la litanie la plus ordurière qu’il lui était possible d’invoquer, en répétant avec une virulence muette le mot de Cambronne.
Senaste avait eu raison. L’Enclin arrivait. L’Enclin marchait sur ses quatre pattes, agonie, cauchemar, souffrance et violence, avec son cortège d’esclaves innombrables.
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Lun 14 Nov - 0:52
Observer le mal dans les yeux
TW : Horreur et désespoir, scène volontairement impactante émotionnellement
Saam
Quand cela s’arrêterait-il ? Quand cela s’arrêterait-il donc ? Peur, détresse et débâcle valsaient avec mon cœur sur une crête de vagues sulfureuses, à leur cadence orageuse je battais, poitrine tonnante, je tournoyais en esquif fasciné parmi les remous dont ces viles maîtresses du tourment, manœuvres de peine, se rendaient reines. Cenwyn, dans le vent de bravoure limpide et simple des souffles pour lesquels seul l’instant charrie importance, s’était empressée de rattraper le gouvernail de mon navire chavirant ; son soutien, ferme, se raffermit encore lorsque la clameur du conflit éclata à l’horizon, et elle m’emporta sans s’interroger dans la houle dévolue à l’urgence qui entraîna nos compagnons d’armes vers l’aval, là où mugissements désespérés et plaintes furieuses s’abattaient, diluviens, sur un océan de bataille que je ne percevais que de loin, englouti par mon brouillard.
Nous débarquâmes trop tard pour nous dresser enfin face au fléau que plus tôt nous avions esquivé, mais ce qui avait semblé juste méfiance auparavant venait de clamer sur le triomphe d’ici un tribut bien cruel : celui de ce sang qui s’écoulait, de cette plaie qui béait, de ce corps de bleu anxieux qui s’égarait sur une grève de noir jonché d’inerte, malgré les mains expertes de serah Andra pour le sauver du naufrage. La fidélité rivetée jusqu’à l’os, jusqu’à ma chair broyée dans sa main gantée de fer, Cenwyn ne me lâchait pas davantage. Pire, elle m’écrasait, m’ensevelissait sous le poids de l’émoi ; brisé par sa force que la stupeur et l’effroi rendaient incommensurable, je résolus de tirer faiblement l’uniforme sous les plaques d’acier afin de lui signifier qu’elle pouvait, sinon se rassurer, au moins me libérer, et espérer que je tinsse debout par moi-même. En dépit de mon trouble poignant, l’indéfectible jeune femme accéda à ma prière muette, et j’hésitai de quelques pas sur le sol inconstant, entre les cadavres ignobles et pourtant encore moins déformés par les affres de la mort qu’ils n’avaient paru aberrants parés des reliefs de la vie, le vague au cœur et l’âme voguant – toujours, je repoussai ces nausées provoquées par la lente descente de l’épouvante le long de mes veines, et qui ne paraissait jamais connaître de conclusion.
Au bord de l’abîme, je me redressai à peu près et m’apprêtai, chancelant, à chevroter à ma camarade quelque balbutiement inintelligible pour soulager ma souffrance inexprimable, mais j’eus à peine le temps de fendre la bile séchée qui encollait mes lèvres.
GRRRRRRRRRRRRRAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !
Le rugissement éventra l’air et ébranla la terre. Ce que la confusion avait brouillé de lignes dans mon esprit à la dérive, sa révolte sépulcrale les disloqua en bris de verre, ravages et tremblements, et les parois s’incurvèrent, les pierres s’effondrèrent tandis que nous vibrions à la saccade de leur glas. La structure du monde spirala, perdit consistance. La roche ondoya sous nos pieds telle une mer prise de folie, et nous basculâmes, moins sonnés par la chute que le choc de l’onde qui vrillait nos crânes et retentissait, interminable, au fond de nos âmes. Sous mes yeux, des fissures s’ouvrirent, serpentèrent, odieuses, et je ne sus si j’assistais là au supplice de la roche qui cédait sous l’ardeur écorchée du son, ou bien au dernier cri de ma raison. Les Tréfonds entiers frissonnèrent à l’entente de cette agonie horrible, cette rage aigüe, cette voix du gouffre qui n’avait rien d’animal, ni d’humain, ni de terrestre, qui n’aurait dû appartenir à la réalité et sonnait pourtant bien réelle, clairon d’outre-tombe, par-là tombe. Bestiale et tellement moins, mortelle et tellement plus, en son sein avide brûlait la promesse que tout prendrait fin avec elle, sur une note hurlante de cauchemar. Annihilatrice.
Enjôlé par le vide, mon regard, seul à maintenir un cap dangereux au milieu de l’apocalypse, rebondit et roula, inéluctable, en circonvolutions sur la corniche, droit vers son aplomb, droit vers les ombres… Comme guidé par une vicieuse main, puissance fatidique, il vacilla, s’accrocha, ultime instinct, et s’aimanta à ce qui serait… à ce qui était… son destin… et le destin d’une vie… et le destin de la Vie.
Créateur, aie pitié !
Cenwyn
Qué-ce qu’a beuglé comme ça ? Ça tremble, boudiou ! On tient pus sur nos guibolles et y’a l’plafond qu’a l’air ben décidé à dire bonjour au plancher. Faut-y qu’on soit bazardé dans un tel pétrin ! On va finir ‘crabouillé, purin, qué-ce que vous barbouillez, voyez pas qu’y faut déblayer l’terrain ? Mais y’a tout qui s’mélange, pus possible de tenir franc, on trabuche, on culbute, on roule… Oh brin, ça braille ‘core ! Ça va jamais s’arrêter ?! Ça m’brise les oreilles ! Pitié, faites que’c’chose ! Faites qu’ça s’taise !
Foutrecré, et où y’est, Saam ? L’sol qui s’rebiffe m’a fait ratterrir l’pif à deux pognes d’une sale trogne d’engeance, j’vois pus rin qui s’passe en-dehors d’son gros mufle tout gâté. Rah, dégage, saleté, c’est pas toi mon pote ! Saam ? Saam, où que t’es ? Les s’cousses m’font chambouler, mais j’crois que j’le place, là, juste au… bord du goulot ? Hé Saam, fais pas l’idiot, ça remoule tell’ment qu’tu vas y bailler pieds d’vant, dedans l’trou, à y baisser la frange comme tu l’fais ! Mais Créateur, qué-ce qu’tu guignes là-bas, viens, y’a rin à r’luquer dans c’fossé, rin que d’la pierre, des engeances et… OH BORDEL DE CHIOTTE-
Saam
Ô Créateur, pitié, sauve-nous ! Nous n’avons pas mérité pareil sort ! Créateur, Toi qui T’es détourné, je T’en supplie, reviens porter Ta protection à Tes enfants, nulle autre lumière ne pourra les aider en ces heures sombres !
Cenwyn
NON, c’est pas possible, hein ? C’est p-pas vrai, pas vrai, c’est pas vraiment c’que… c’que j’crois que c’est ? J’me suis astiquée les yeux mais nan, ça part pas, nan bon sang, ça veut pas partir ! Purin de purin de purin d’merde, on est d’dans, d’dans jusqu’au cou… jusqu’à la mort !
Saam
Nous ne pouvons pas lutter ! Ô grâce, nous ne pouvons pas lutter contre ces ombres ! Andrasté, prête-nous chaleur et confiance, pour ce que Tes fidèles n’en trouveront plus au crépuscule qui s’annonce !
Cenwyn
J’vais chialer, merde, j’veux pas, j’veux pas chialer, j’veux pas m’dégonfler mais j’peux pas, j’peux pas, merde, j’ai la brumeuse à l’œil, Maman, Artur, j’suis désolée, j’suis tant désolée, j’peux pas vous prév’nir… j’peux rin faire… qué-ce qu’on va d’venir, hein ? Qué-ce qu’on va d’venir ?
Saam
C’est un monstre… Une… Une horreur sans nom… Que fait-elle ici, Créateur ? Que fait-elle ici-bas ? Pourquoi l’avoir relâchée sur nous ? Pourquoi ici, pourquoi maintenant ?
Son œil… Le Mal dans son œil ! Il me hante, il me dévore ! Protégez-moi, je vous en supplie, il va m’engloutir tout entier ! Comment telle abomination peut-elle fouler le sol de Votre création ? Oh, que les malheurs des hommes ont l’air petit, sous le feu de ce foyer du Vice ! Et pourtant, ce sont bien eux qui l’ont initié !
C’est donc pour ce Mal que Vous vous en êtes allé ?
C’est donc pour ce Mal que nous devons payer ?
Ce Mal qui réside en ces yeux embrasés, est-ce le même qui bouillonne à la source de nos péchés ?
Créateur, Andrasté, ayez pitié de nos âmes ! Ayez pitié de moi, je… je ne veux pas mourir ici ! Je ne veux pas mourir ici ! PITIE, JE NE VEUX PAS…
- Résumé:
- Saam et Cenwyn contemplent la marche de l'archidémon, l'avènement d'Andoral, l'annonciation de la fin.
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