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Du vrai, du faux et de l'intéressant

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Du vrai, du faux et de l'intéressantCHAPITRE DEUX : CEUX QUI MARCHENT DANS LES PAS D'ANDRASTÉ

Type de RP classique
Date du sujet 4 Marchiver 5:13
Participants Arnth van Markham, @Cioran
TW aucun
Résumé Après son échange avec Eiric, Arnth va chercher des informations auprès de la Garde des Ombres et tombe sur nul autre que le nain le plus éloquent de la garde.
Pour le recensement


Code:
[code]<ul><li><en3>4 Marchiver 5:13</en3> : <a href="https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t1135-du-vrai-du-faux-et-de-l-interessant">Du vrai, du faux et de l'intéressant</a></li></ul><p><u>Arnth van Markham, Cioran</u> Après son échange avec Eiric, Arnth va chercher des informations auprès de la Garde des Ombres et tombe sur nul autre que le nain le plus éloquent de la garde.</p>[/code]

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Après sa conversation avec Eiric, Arnth n’avait même pas pensé aux gardes des ombres pour ne pas s’oublier et laisser l’impatience le guider à eux trop vite. Personne n’avait besoin de savoir de qui venait l’idée.

Sa patience, protégée par une journée d’entrainement et d’aiguisement de lames, restait néanmoins faible, et il se mit dès le matin suivant à la recherche simple, rapide, d’un garde. Ils pullulaient depuis l’annonce de l’Enclin – l’annonce de la cathédrale selon certains, mais s’il fallait se souvenir des lieux de chaque annonce il priait pour la paix. Les rues avaient rarement été aussi bleues, et paradoxalement, le bleu jamais si inaccessible. Accoster un garde en pleine rue ne lui convenait pas plus que débarquer dans la commanderie étendards noir en main.

Il fallait donc aller à Sullenhall, et de là trouver une table et une taverne. Il en choisit une au hasard et entra.

Elle avait… aussi peu de signes distinctifs que de clients. C’était, en plus d’attendu vu l’heure un peu précoce pour déjeuner, une bonne nouvelle, et il se dirigea vers le bar en parcourant la salle du regard. Le temps de récupérer un verre, le chœur de voix et de fumées s’était éclairci ; le groupe de jeunes elfes pouffant dans coin pouvait être ignoré, comme le nain qui ronflait dans une ombre si noire qu’il en était presque invisible, mais le mur opposé était plus prometteur. Les mots ne lui parvenaient pas encore, mais l’insigne ailé et le ton qui ne demandait qu’à être écouté suffisait. Un garde prêt à parler et un banc presque vide, que demander de plus ? Il se dirigea vers lui d’un pas décidé, sans attendre la fin du récit.

« Je peux m’assoir ? »

Un garçon de son âge sursauta en se tournant vers lui, la surprise ne suffisant pas à masquer son air perplexe, et se leva.

« Prenez ma place, j’allais partir ! »

Il attrapa ses couverts vides et disparut avant qu’Arnth n’ait le temps de le retenir. Dommage, mais pas de quoi l’empêcher de s’assoir.

« Désolé, je ne voulais pas faire fuir votre public. C’était une discussion intéressante ? »
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Cioran avait passé la journée à faire semblant de travailler, portant, çà et là, des objets pour les déposer ailleurs en se donnant l’air affairé. Il se trompait peut-être mais il lui sembla donner le change et que personne ne pouvait soupçonner qu’il profitait de ses déplacements pour rêvasser, réfléchissants à des choses importantes et d’autres plus triviales. La journée était épuisante pour les autres, comme pour lui ; faire croire qu’on était actif, c’était parfois plus difficile que de l’être réellement après tout. On lui demanda de se présenter et de servir de partenaire pour les sessions d’entraînements, ce qu’il fit avec un flegme qui contrastait durement avec la puissance de ses coups et la vivacité de sa technique. Certes, le nain était d’un naturel entropique mais le combat révélait chez lui des instincts primaires, des afflux sanguins qui le transformaient en un homme fort redoutable. Les joutes lui parurent durer une éternité et il fut bien content d’être libéré de sa tâche, le front en sueur et la bedaine criant famine. L’activité physique lui donnait faim et soif.

Plusieurs fois par semaine, le vieux guerrier passait un bout de sa soirée avec certaines recrues, sélectionnées parmi les plus vifs des novices. Les jeunes, encore fébriles, écoutaient le philosophe disserter sur un sujet ou un autre, autant par intérêt que par volonté de se divertir en le singeant plus tard. Cioran, lui, considérait cela presque comme une mission sacrée. C’était important pour l’ancien servant d’instruire les gamins, d’essayer de leur donner du plomb dans la tête ; mais, surtout, de leur faire découvrir la beauté de la rhétorique et des questionnements philosophiques. Pour mieux se faire, le petit groupe avait pris place dans une taverne avec de quoi grignoter et se dessécher la gorge. Puis, comme à l'accoutumée, Cioran lança une discussion sur un sujet, le relia à un autre par un chemin détourné, sinueux, avant de bifurquer sur un énième sans craindre la raideur du virage. Au moment d’arriver à un semblant de conclusion, un étranger arriva d’un pas décidé, prenant la place d’un des auditeurs qui s’écarta, respectueux.

─ Asseyez-vous, asseyez-vous donc,
lança Cioran à son égard. Vous m’avez écouté discourir et vous vouliez participer ? Bien, bien, vous m’en voyez flatté ! Une discussion intéressante, je l’espère ! N’est-ce pas, camarades ?

Au lieu de recevoir un élan enthousiaste de ses interlocuteurs, le nain n’entendit qu’une faible affirmation, plus par politesse que par véritable intérêt. De quoi parlait-t-il d’ailleurs ? Soudain, le sujet qui l’occupait tout entier il y a quelques instants n’était plus qu’un souvenir éphémère, un papillon qui s’était envolé bien loin de son esprit. Mais, loin de se laisser abattre, il vit là l’occasion de partir étudier autre chose. Peut-être même que ce nouvel auditeur allait se montrer un élève attentif.

─ A vrai dire, je ne sais plus de quoi je parlais, mais à quoi bon après tout ? Pensez-vous vraiment qu’il existe des échanges plus intéressants que d’autres ? Tout a une égale importance, mon ami, c’est-à-dire que tous n’en n’ont aucune. Vous me suivez ? Rien ne vaut plus qu’autre chose, car le chemin est toujours le même. Dites-moi, gentilhomme, quel est votre avis sur cette question ? Que pourriez-vous nous dire sur l’existence ? Vous me semblez être un garçon éduqué, peut-être pourriez-vous nous emmener sur une piste philosophique dont nous pourrions discuter ? Mais je m’emporte peut-être ! Je me nomme Cioran, enchanté de faire votre connaissance, monseigneur !
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Son père lui avait inculqué le respect des anciens, entièrement mérité ou non, aussi ne jugeait-il rien du nain qui l’accueillait avec naturel et générosité. On ne pouvait peut-être pas en dire autant des autres, qui le saluèrent du regard, mais lui appréciait l’avalanche de mots qui fit vite oublier sa propre arrivée. Il avait fait l’effort d’une piste pour éviter un blanc, mais la coopération du vieil homme était plus qu’appréciée.

Il ne dit rien quelques instants, entouré du flot infini et étonnamment cohérent. Une part de lui admirait les hommes capables de faire la conversation tout seuls. L’autre luttait pour ne pas décrocher, contribuant plus que le bruit ambiant à sa future fatigue – heureusement ses études avaient laissé des traces, et il suivait sans trop de peine. Une idée à laquelle s’accrocher et même le plus alambiqué des discours devenait intéressant… Certes il n’était pas venu philosopher, mais essayer ne coutait rien.

« Arnth, enchanté. »

Il hésita. Devait-il poursuivre, répondre, ou suffisait-il d’interjections mineures pour relancer Cioran ?

« Je n’ai malheureusement pas de grande idée à vous offrir sans question. Je n’ai jamais été très doué pour inventer un argumentaire sans vrai début, et même si je le pouvais la direction risque de vous ennuyer. »

Le mot qu’il cherche est l’ancre, un point d’où partir, auquel se rattacher, et qui laisserait voir clairement quand suffisamment de réponses seraient collectées. Le nain ressemblait aux philosophes de chez lui, mais sans l’accent nevarran tout était différent, le rythme était incomparable ; et plus qu’autre chose, il n’était pas venu pour ça. Les années à décortiquer les chemins nébuleux entre deux pensées presque opposées, il les avait laissées loin derrière.

L’existence, pourtant. Il y avait pire sujet pour amener l’Enclin, dont justement elle était encore à prouver, peut-être faudrait-il s’en servir avant que le garde ne passe à autre chose ? Mais peut-être avait-il laissé passer trop de temps et le bon moment était perdu. Cioran ne semblait pas manquer de choses à dire. Tant pis, c’était un risque à prendre – il faisait l’effort de ne pas poser ses questions de but en blanc, mais on ne change pas un homme.

« Comment pensez-vous qu’une existence se confirme, vous ? »
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Cioran intériorisa le nom de l’inconnu. Arnth, voilà un nom qui semblait lui dire quelque chose, sans pour autant savoir quoi. Le son lui resta en bouche un long moment alors qu’il écoutait, avec attention, l’homme répondre à ses interrogations. Il était poli, s’exprimait avec acuité, une bonne recrue pour le groupe de parole du nain philosophe. Même si, peut-être trop respectueux pour se lancer directement, celui-ci préféra prendre de la distance avec le sujet en précisant qu’il risquait d’ennuyer les auditeurs avec sa réponse. C’était manifestement un guerrier, sa carrure et sa position avaient tout d’un militaire entrainé, efficace. Pendant quelques secondes, le vétéran se demanda s’il ne s’agissait pas d’un camarade qu’il ne reconnaissait pas. En-tout-cas, l’étranger était à l’aise en public, n’avait pas hésité à prendre part à la conversation. Cela promettait des échanges savoureux, espéra-t-il. Distraitement, le petit homme se caressa la barbe qu’il avait bien longue, bien bouclée, en réfléchissant à la question de son interlocuteur. Qu’allait-il lui répondre ? L’existence pour lui n'avait de l’importance, de validation, que dans la tristesse et l’intériorisation de sa propre vacuité. Elle n’avait pas besoin de se confirmer car elle était toute contenue dans le seul fait qu’elle n’était rien, qu’elle n’avait pas de valeur propre. Et puis, la notion de se confirmer ne signifiait-elle pas qu’il fallait l’approbation, l’autorisation, l’acceptation d’autrui ? Pour un nain comme Cioran, qui doutait de ses sens comme s’il était atteint d’un défaut de proprioception mental, cela n’avait pas de sens : qu’est-ce qui lui prouvait, après tout, qu’il était bien attablé dans un bar ? Que ses chaises étaient réelles ? Et que dire des gens autour ? N’était-ce pas son cerveau qui lui jouait des tours en le trompant ? Peut-être que ce Arnth, s’il existait vraiment, n’avait pas du tout cette apparence ? Non ?

─  Vous disiez ne pas être doué, mais vous posez déjà une interrogation qui est propice à la réflexion. Je vais laisser mes camarades répondre, pour une fois, avant de vous laisser le faire à votre tour. Si vous le voulez bien, je terminerai en dernier cet échange ? Bien, qui souhaite commencer parmi vous, mes petites recrues ? J’offre un bon verre à celui qui se lance.

Un garçon touchant à peine la majorité leva la main. Celui-ci avait le visage sale, le nez courbé dans une position douloureuse et de longues poches sous les yeux. Cioran l’aimait bien, il était plutôt vif, non pas physiquement, ni mentalement … À vrai dire, Cioran l’aimait bien parce qu’il l’aimait bien. C’était un jeune plein de rêves, d’illusions, que le nain s’affairait à démonter un à un pour lui montrer l’absurdité de la réalité. Mais sans aucune malveillance, non, il le faisait parce qu’il jugeait qu’il était de son devoir de ne pas mentir et de ne pas travestir la vie.

─  Moi monsieur, siffla-t-il entre ses dents manquantes, je crois savoir comment on fait pour savoir si on existe ! Je crois qu’on existe quand on a une action sur un autre. Par exemple … Il pinça son camarade de droite, un elfe malingre, avant de claquer son casque sur son crâne d’une gifle tonitruante sous le regard désapprobateur de Cioran. La victime, surprise, émit quelques gémissements outrés. Là, j’ai confirmation. J’agis, ça répond, c’est confirmé, j’existe !
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Il n’était vraiment pas doué, s’il oubliait assez de mots pour qu’on confonde doué et sensé, mais il ne s’offensa pas de l’attitude du nain. Le voir professeur était plutôt amusant au contraire, et rappelait certains souvenirs agréables. Un temps plus simple, où les devoirs avaient des étapes et pas qu’un but lointain… Acceptant inconsciemment qu’il serait sûrement là un moment, il décala son épée pour s’installer plus confortablement. Une femme – il pense – aux cheveux aussi rouges et aussi irréguliers que le feu lui fit glisser un dessous-de-verre avec un petit sourire. Au vu de l’état irrécupérable de la table, il le posa sur la coupe pour écarter les bulles des mouches avec un air de gratitude – il y avait ça de bien, chez les parfaits inconnus, qu’ils n’hésitaient pas à rendre service.

Quelqu’un leva la main, conviction en personne entre des plus hésitants. Il y avait quelque chose de touchant à voir chez les illettrés les mêmes réflexes que chez les jeunes nobles, et un instant il se demanda si le vieux sage leur avait inculqué ces manières ou si c’était là la base commune de l’humanité.

« J’ai rien senti, moi, ricana la rousse. Peut-être qu’aucun de vous n’existe ? Ou tu comptes frapper tout ce que tu croises ? J’en connais qui vont pas te laisser exister longtemps, lança-t-elle en indiquant Arnth du regard.
– Les cadavres existent très bien. »

Il n’essaya même pas de voir si l’humour avait été capté.

« Mouais, mais ça réagit plus trop. Surtout si c'était que dans la tête de Loupiot depuis le début. »

Elle ne demanda rien, mais personne n’ajouta non plus et quelques regards insistants vers lui se chargèrent du message. Pas habitués à réfléchir ou satisfaits de ce que les deux braves avaient dit ? Il devait en être qui, comme lui, se contentaient de croire leurs sens, mais n’osaient pas l’exprimer. Comme lui qui aimait autant taire que son raisonnement s’arrêtait là.

« Les hommes c’est une chose. Si je n’existais pas je ne serais pas là, et les autres, va pour votre méthode. Mais pour ce qui est du reste, on est plus souvent ce qui réagit que ce qui teste. Physiquement ou… émotionnellement. Comment savoir que Orlais existe ? Que la peur des démons n’est pas une réaction à une invention ? »

Il se tourna vers Cioran. À première vue, pas de mage dans l’assemblée, même s’il pouvait difficilement en être certain – ils auraient sûrement une réponse de prête, si la question les intéressait, mais c'était le professeur qui récoltait l'attention, dans le doute.
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La démonstration faite par la recrue n’impressionna pas Cioran plus que cela. Bien qu’il appréciât sincèrement le garçonnet, sa tentative était d’une violence inutile en plus d’être une piètre blague. Soit, sa réponse avait tout de même un certain intérêt, bien que le nain ne partageât pas forcément tout à fait son affirmation. C’était un problème vaste : l’exercice de l’oralité était intéressant mais ne permettait pas de pousser plus loin le tout. Non, il fallait intérioriser, discuter en soi-même avant d’avoir une proposition complète. Le vétéran nota mentalement de passer un peu de son loisir à cogiter sur tout ça, probablement pendant le tour de garde de demain matin. C’était souvent propice à un peu d’introspection. Une femme rousse que le philosophe n’avait pas vu en premier lieu décida de rejoindre la conversation, à son plus grand plaisir. Qu’il était bon d’être écouté ! Et pour en avoir des choses à dire, il en avait. Toujours en caressant sa barbe, dans une posture aussi pensive que passive, il écouta l’échange entre les deux nouveaux personnages avec un certain intérêt.

─ Voilà un point pertinent. Nous avions tous l’impression que, Monsieur ici présent, venait de se prendre une torgnole de la part de son camarade. Rien ne nous prouve, cependant, que c’est bien le cas. Mais c’est mon côté sceptique qui prend probablement le dessus, après tout. Certes, nous ne pouvons pas douter de tout, sinon rien n’a plus de sens, tout est remis en question et nous stagnions indéfiniment. Je vais donc tâcher d’éviter de tout relativiser, pour faire avancer la discussion. Merci jeune fille de nous rejoindre dans celle-ci, je suis sûr que vous allez nous apporter un regard intéressant, autant que l’est celui de notre nouvel ami.

Elle sembla un instant un peu gênée, comme si elle n’était pas tout fait persuadée d’avoir sa place dans l’attablée, de pouvoir participer à ces échanges. Cioran tenta de la saluer en lui lançant un regard chaleureux, une parodie d’expression agréable sur le visage. Il n’excluait jamais personne. Le nain ne croyait pas en beaucoup de choses et assurément pas en l'intelligence collectif : mais, jamais, non, jamais, il ne refusait que quelqu’un le rejoigne. Une règle qu’il tenait à honorer avec zèle. Sa tentative d’apaisement n’eut qu’un maigre effet sur la rousse qui resta cependant, probablement par politesse ou par intérêt subtil envers le guerrier. Pertinent, le messire en question s’engagea promptement sur le sujet.

─ Nous ne le savons pas, et c’est là le plus important pour moi. Tout est absurde. Mais, attention, cela ne signifie pas pourtant qu’il ne faille ne rien faire. Qu’Orlais existe ou non, que les démons pullulent ou soient une illusion, qu’est-ce que cela change en réalité ? Si vous saviez que vos sens vous trompent, arrêteriez vous de les croire pour autant, d’agir pour les contenter ? Tiens, allons sur ce chemin : si vous appreniez, un jour, que ce sont bien des mirages que nous affrontons, seriez vous du genre à laisser tomber les armes ? Ou, à l’inverse, prendriez vous le parti de continuer à combattre ?

─ C’est-à-dire que les morts qu’on voit … Que les camarades qui meurent ... Tout ça, ce serait pour de faux ? Souffla la recrue de tout à l’heure : qui, par ailleurs, et pour faciliter la suite, s’appellera désormais Le Sans-Dents. Je sais pas, c’est bizarre comme truc … Je pense que je m’en foutrais … Si je voyais une femme se faire dévorer, je la défendrais ! Peu importe que ça existe ou pas, au moins, j’aurai l’impression d’avoir bien fait ... ?
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Il fut un peu pris de court par l’ajout de la rousse au groupe, couplé à la disparition inattendue de son voisin de droite ; il ne semblait y avoir aucune constance autour du nain, tout le monde allait et venait, prenait les phrases qui lui plaisaient et abandonnait là ses idées – Arnth avait du mal à voir un sujet se construire alors que les acteurs devaient poser leur brique sur un mur déjà entamé. Comment ils s’y retrouvaient, il ne savait pas, et tout le respect qu’il pouvait avoir envers le garde ne parvenait pas à le mettre parfaitement à l’aise. Il nota néanmoins ses idées avec soin. Puisqu’il faudrait sans doute traduire ses mots par le prisme de sa philosophie…

Il y avait une certaine satisfaction à voir sa piste bien reçue, d’autant plus avec des questions qu’on s’était déjà posées autour de lui. Tylus avait vite tranché, presque plus que Kendric – et il suspectait que c’était parce qu’Eiric ne l’avait pas fait qu’il était là. Parfois on ne pouvait qu’aviser selon la situation, sans se soucier de la théorie promise. La réponse n’est pas évidente pourtant, et désagréable à chercher. Son instinct, le poids de l’épée dans sa main, lui permettrait-il de laisser les mirages se déchainer sans agir ? Quand bien même se battre serait une perte de temps et d’énergie, d’honneur même, comment prétendre qu’il était au-dessus de la subjectivité quand il se soumettait chaque jour aux lois mystérieuses de la société ? Ignore ce monstre, il est faux ressemblait remarquablement à ignore ce noble, il est trop haut. Difficile de reprocher son choix au jeunot sans dents, même si le débat l’exigeait.

D’autant que sa justification laissait à désirer.

« L’impression n’est pas la même chose qu’une bonne action. C’est en vivant au gré des illusions que l’homme commet des erreurs et blesse des innocents. Abandonner le relativisme nous prive d'une partie essentielle, » se tourna-t-il vers Cioran.

Il échangea un regard avec la rousse, qui fit signe de continuer. Qu’elle ait une idée prophétique de la suite ou aime juste le son de sa voix, il n’aurait su dire. Un peu laborieusement, les phrases s’alignèrent, manquant de préparation mais suffisantes pour son usage.

« Si on ne vit que selon nos sens, autant les suivre même quand ils se trompent, oui. Mais l’humain n’a pas que le passé et le présent, il a aussi un avenir à préparer selon les idées qu’on lui nourrit. Tu te battrais contre l’illusion de quelqu’un d’autre, toi ?
– L’enclin, par exemple ? glissa la guerrière dans ce qui n’était même pas une pause. Il la remercia silencieusement, ce qui revenait aux yeux du monde à la foudroyer du regard, tendu qu'il était.
– C’est ce qui m’intéresse, oui. »
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Manifestement, le jeune homme qui s’était attablé avait déjà fait ses Humanités, il semblait à l’aise dans l’art de la conversation et s’y connaître dans de nombreux concepts philosophiques, ce qui enchantait évidemment le nain qui ne demandait qu’à confronter ses points de vue. Discourir seul flattait son ego bedonnant mais, rien ne rivalisait avec le plaisir d’affronter un autre avec le glaive de ses idées, et l’écu de ses arguments. Le Gardien commençait à être stimulé intellectuellement et cela lui plaisait grandement, d’autant plus qu’il se sentait être dans l’épicentre des questionnements, une position qui lui allait comme un gant, lui qui était avide de reconnaissances et de compliments. Avec beaucoup de vérité, le dénommé Arnth détrompa la piste proposée par Le Sans-Dents en le guidant ailleurs. On sentait, malgré quelques hésitations de sa part, que c’était un homme aboutit dans ses idées, qu’il avait eu le loisir de s’entretenir avec lui-même et de matérialiser ses valeurs profondes. Un garçon intéressant, pensa le guerrier en se caressant la longue barbe, qui ferait assurément un très bon élève, si celui-ci arrivait à se départir de ses illusions.

─ Si j’ai une réponse à apporter, là voici.  L’abandon, cita Cioran les yeux dans le vague, est la seule variété d’action qui ne soit pas avilissante, qui ne trompe pas ni ne dénature. Puis, toujours en jouant avec ses boucles, il reprit en cherchant en lui-même sa propre vérité. Face à la remise en question du monde, de la réalité, et des affects qui dirigent notre cerveau ; face à la tromperie de nos sens, je ne serais moi-même que si je décide de mettre à terme à ce que je sais inexistant. Si j’apprenais que rien de ce que touche n’existe, je crois que je ne toucherai plus. Mais ce n’est qu’une pensée qu’il me faut travailler, j’y songerai avec plus de précisions au cours de cette semaine.

La question de l’engeance avait été évoquée et le nain soupçonna que la rencontre n’était pas tout à fait innocente, et que le fringant bonhomme n’avait pas rejoint des Gardes des Ombres pour le simple plaisir de discuter philosophie avec eux. D’une main un peu trop brute, le philosophe attrapa sa chope et en but une rasade, faisant couler de la bière sur sa barbe comme des petits ruisseaux pétillants.

─ Vous vous intéressez à l’enclin ? Question rhétorique, Arnth avait déjà démontré son intérêt précédemment. D’un air joueur, le Gardien lui répondit sarcastiquement : si jamais vous trouvez une saleté d’engeance, prévenez-nous, on en cherche ardemment.  Un petit rire sortit de sa bouche, pleine d’une blague qui ne faisait rire que lui et qui provoqua plutôt un regard circonspect de ses camarades. Les Tréfonds sont vides, totalement vides. Par contre, ce n’est pas tout à fait le cas de partout. Mais de là, qui pourrait savoir si nous ne sommes pas victimes d’illusions ?
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Loin d’être conventionnel, le nain n’en était pas pire enseignant que les remplaçants de l’Université, et Arnth se prenait à apprécier le moment, quand bien même l’ambiance scolaire non-assumée n’était jamais vraiment à son gout. Aucun de ses deux attributs ne l’était, son relevé de notes en attestait.

Sa nation avait toujours été de mouvement, comme sa nature, et c’était un angle parfaitement étranger que celui de l’abandon. Une non-action qui n’entrait même pas dans le champ des possibles autour desquels tournaient leurs débats, pourtant pas repoussante dans la description de Cioran.

« Il faudra m’informer de vos conclusions. Vous promettez des idées qui ne me seraient pas venues. »

Il espéra ne pas avoir offensé le nain par le changement de sujet peut-être abrupt – une plus noble compagnie l’aurait estimé malpoli, et elle aurait eu raison. Il consolait le respect bafoué en se disant qu’il n’avait rien promis ni demandé, en s’attablant avec eux, et qu’il méritait bien de choisir un sujet à son tour. L’attitude du garde n’avait d’ailleurs pas de quoi rassurer, même si elle restait joviale – à moins que ce ne soit juste l’image d’un nain avec sa chope qui donne cette impression – en surface ; pas tout à fait refus, mais pas un franc enthousiasme non plus. Arnth prit une posture plus militaire sur son siège, redressa les épaules, la confiance se déversant dans ses veines. L’ainé répondit pourtant, ou presque, et Arnth le reçut comme il avait pris tout ce qu’il avait entendu ce jour, c’est-à-dire avec un hochement de tête et autant d’attention qu’un texte.

« Vous ne devez pas être un très bon garde, » constata-t-il, presque une question. Une impression générale qu’il ne développa pas.

Il n’avait jamais compris pourquoi les engeances seraient plus nombreuses dans les Tréfonds, des siècles après y être entrées, mais ce n’était guère le moment pour un débat historique. Proche que soit la propagande des illusions.

« Qui prouvent qu’elles y sont, ailleurs, si vous ne les avez pas trouvées ? »
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La réflexion de l’homme n’entama pas l’enthousiasme du nain, obnubilé par ses propres pensées et le spectacle de celles-ci. Cioran avait un côté narcissique qu’il camouflait avec plus ou moins de subtilité sous cette volonté désintéressé de dispenser ses connaissances. Mais il était à noter que c’était un érudit qui s’était fait tout seul et, par là même, celui-ci subissait un manque cruel de culture qui pouvait parfois le mettre dans des positions peu agréables. Par chance, c’était un esprit malin, qui savait retourner une situation pour se sauver de la honte du ridicule. Il prit les propos de l’étranger comme un compliment à son honneur : évidemment que le guerrier fainéant avait des idées que les autres n’avaient pas, c’était là le seul trait saillant de sa personnalité, après tout.

Ce qui le blessa un peu plus, c’était son interjection sur l’efficacité du philosophe dans son rôle de Garde des Ombres. Ce n’était pas une insulte volontaire mais il était difficile de ne pas prendre outrage d’une telle remarque, d’autant plus lorsque le vénérable nain était entouré des siens. Un silence lourd et pesant prit place sur la dernière chaise vacante. Les jeunes, les plus faibles, détournèrent le regard et s’intéressèrent soudainement à la manière dont le bois de la taverne avait été taillé : ici, puis par-là, on pouvait distinguer des tâches sur l’écorce, évoquant des animaux ou des objets, devenus plus attractifs que la discussion. Les plus forts, eux, se gaussaient en silence, jugeant le dénommé Arnth et ses possibles compétences martiales.

Cioran ne se tuait pas à la tâche, personne n’aurait pu prétendre le contraire. Mais, étonnement, son flegme n’existait plus lorsqu’il fallait combattre. C’était un vieil homme fort, dont la puissance avait fauché bon nombre d’adversaires, persuadés d’affronter une énergumène molle et courte sur pattes. Bien souvent, le né servant avait surpris par sa vitesse et l’explosivité de ses coups. Un ange passa, puis tout le cortège avant que le regard du professeur ne se mua de nouveau en ces deux éclairs amicaux, plissés par un sourire aussi forcé qu’honnête. Bien que fort, ce n’était pas un homme qui combattait sans raison. Son honneur, sa réputation : tout ça n’avait pas de sens. Il ne vivait pas par son virilisme.

─ Comme vous l’avez dit, Cher Ami, je ne suis pas un très bon garde, siffla-t-il les doigts dans sa barbe, jouant avec ses bouclettes. Mais d’autres sont bien plus compétents que je ne le suis moi. Les informations vont vite par chez nous. Nous avons repéré, semble-t-il, un amas d’engeances aux Cent Piliers. C’est là les derniers rebondissements de cette affaire. Je suis sûre que vous ferez sensation en l’évoquant pendant vos soirées mondaines !
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Le silence général était une bonne piste, mais l’absence de réaction de la part du nain en particulier suffisait comme preuve qu’il aurait dû se taire. Était-ce l’estimation de sa force ou la mise en question de sa mission qui avait porté le mot de trop ? Entre deux gardes artisans reconvertis, la rouquine avait trouvé un bol de cacahuètes qu’elle grignotait avec autant de discrétion que permis. Elle seule lui adressa un regard contrit, où l’excuse côtoyait la compassion, mais il n’eut pas le temps d’analyser la diversité de ses sentiments dans le moment dédié à Cioran.

« Désolé ? Je ne voulais pas vous offenser. »

Ne hausse pas les épaules, ne fronce pas les sourcils. Ça te fait paraître arrogant. Et bien il ne fit ni l’un ni l’autre, mais il le parut sûrement quand même. Il détestait s’excuser comme tout homme qui se respectait, et refusait de se prétendre désolé quand ce n’était pas mérité ; une excuse pas de fond mais de ponctuation, pour rappeler ses intentions et la méprise de son interlocuteur. Pour sage qu’il soit, le nain s’en contenterait peut-être.

« Je vous remercie pour la clarté de votre réponse. Elle manquerait tragiquement d’action pour les soirées auxquelles je n’assiste pas, mais elle intéressera les armées. »

Il aurait demandé pourquoi la garde des ombres gardait ces informations essentielles et pourtant basiques au possible pour elle, si la curiosité (l’agacement) avait dépassé la gêne. Ce n’était pas le cas.

« Navré de vous avoir interrompu, déclare-t-il en se levant. Ce fut un plaisir de parler avec vous. »

Fin du RP
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Joueur

 

Du vrai, du faux et de l'intéressant