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Une once de sa chair vivante ~ Eugénie & Eibhlin

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Une once de sa chair vivanteCHAPITRE DEUX : CEUX QUI MARCHENT DANS LES PAS D'ANDRASTÉ

Type de RP classique
Date du sujet 27 Marchiver, 5:13 de Exaltés
Participants Eugénie et Eibhlin
TW Eibhlin et Eugénie dans la même pièce (mort, angoisse, haine, relation toxique, grossesse, etc.)
Résumé Eibhlin espère voir son père, mais se retrouve face à la Princesse à la place.
Pour le recensement


Code:
[code]<ul><li><en3>27 Marchiver, 5:13 de Exaltés</en3> : <a href="LIEN DU RP">Une once de sa chair vivante</a></li></ul><p><u>Eugénie et Eibhlin.</u> Eibhlin espère voir son père, mais se retrouve face à la Princesse à la place..</p>[/code]

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Le Palais, elle le connaissait par cœur. Ses innombrables couloirs, tous pourtant plus vides les uns que les autres, elles les avaient tous parcourus, comme tous les Vaël avant elle. Tous ceux qui l’avaient précédé, et ceux qui la suivront, même si d’aucun n’était encore né. Et peut-être même ses propres enfants.
Mais comme elle trouvait le marbre un peu plus froid à chaque fois qu’elle y retournait. Glissant sous le pied, comme pour lui rappeler les dangers de cette vie. Les murs sculptés ne lui rappelaient ni rires, ni éclats, seulement la solitude.
Mais de cette histoire, triste peut-être pour certain, elle puisait sa force et sa volonté. Et puis, c’était la sienne, mais peut-être que ce palais avait entendu à de nombreuses reprises la joie de ses habitants.

Aujourd’hui, il lui semblait le voir d’un nouvel œil : les veines de la pierre transpiraient la folie et la maladie, une autre sorte de mélancolie. Imaginer Kendric dépérir ici, presque seul. Imaginer Tiarnan, laissé dans l’incompréhension. Imaginer Eugénie enfin, dans sa prison de marbre. A quoi songeait-elle ? Était-ce une libération ou un fardeau de plus ?

Eibhlin, assise dans un fauteuil de l’un des nombreux salons de l’aile princière, avait effectivement le temps pour la contemplation, puisqu’un valet était parti l’annoncer auprès de son père depuis plusieurs longues minutes déjà. Mais au moins celui-ci n’était pas affublé de portraits de ses ancêtres, et de leurs regards désapprobateurs. Ceux de ses parents lui suffisaient. Sa main était posée sur son gros ventre, l’autre tenait un livre trouver ici, plutôt retourné que lu et son regard parcourait les veines, les rivières et les fissures, toutes ces histoires inscrites dans le marbre.

Elle n’était pas venue depuis l’inauguration, ne sachant pas vraiment quoi faire, ni quoi dire de cette situation. Elle ne savait toujours pas d’ailleurs, mais l’ennui avait eu raison de ses hésitations.
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Une once de sa chair vivante


Un valet s’annonça avant de pénétrer dans mon antre, dans cette pièce destinée à ma propre personne. Celle où je passais le plus clair de mon temps, entourée de mes effets personnels et de certains parchemins fort distrayants qui exigeaient toute mon attention. Mon regard, aux airs éternellement mélancoliques, se posaient alors sur cet homme aux manières parfaites. Mon silence l’invita à prendre parole et voilà que la présence de ma cadette provoque ce haussement de sourcil, qui témoignait davantage l’incompréhension de sa venue plutôt que l’agacement d’une visite impromptue. Bien que ce palais avait été jadis sa maison, je tenais aux politesses de rigueur parfaitement acquises par Eibhlin, qui semblait cependant en avoir fait fi. Encore une énième manifestation du mal-être qu'elle s'empresse de montrer au monde entier, dès qu'elle en avait l'occasion ? Ou simplement une indélicatesse que je venais de juger sévèrement, car de la patience à son égard, je n'en avais plus.

Le Prince est indisponible, déclarais-je sur le ton habituel dont j’usais envers les employés de maison, je vais personnellement recevoir la Dame de Corintamh. Disposez. Après une inclinaison respectueuse du valet, que je ne pris pas la peine de jauger, la porte se ferma doucement sur une scène figée, celle de mon corps statique sur ce fauteuil. Cet instant fragile me donna toute l’occasion de me noyer dans cet océan d’oppression qui se déclarait à chaque fois que ma jeune fille se trouve dans les parages. Je restais un instant assise, mes yeux dévorant le ciel gris à travers la petite fenêtre, tentant avec brio de reprendre contenance. Mes souvenirs ne défilaient pas dans mon esprit, tout étant bloqué par ce mur défaillant mais qui tenait toujours debout. Un mur que j’avais érigé au fil des années et qui me permettaient de mettre, d’une certaine façon, des œillères lorsque les situations l’exigeaient.

Le frottement de ma robe qui se froisse suivait le mouvement de ma silhouette qui se levait. Le dos droit et les mains croisées, j’avançais dans l’aile princière. Le bruit de mes petits talons rythmaient les pensées chaotiques. A la seconde où les portes s’ouvraient sur la salle où Eibhlin patientait, celles-ci rejoignirent toutes leur tiroir respectif, ne laissant place qu'à la Princesse et son masque. Loin de moi la part maternelle qui aurait à coup sûr dévisager ce ventre rond, semblant presque me narguer mais auquel je ne témoignais finalement pas la moindre attention. Tu n’as pas pris la peine d’annoncer ta venue, fis-je en guise de salutation, les bras toujours fermés. Quiconque lisait le langage du corps verrait cette tension me parcourir, me laissant raide et distante. Ma remarque n’avait pas l’intonation d’une question et sonnerait certainement comme un reproche aux oreilles de la cadette. Le Prince ne reçoit pas aujourd’hui, tu devras te contenter de ta mère. Quelle est la raison de ta venue ? demandais-je alors en contournant l’un des longs canapés, orné d’une fine broderie faite sur mesure. Un chef d'oeuvre à n’en pas douter, sur lequel je m’attardais pour éviter de regarder Eibhlin et les étincelles qui pétillaient dans ses pupilles.

Un valet de pied entrait alors, un plateau tenant fièrement dans sa main gantée. Il le déposait sans mot dire sur la table basse qui me séparait de ma fille, s'attelant à la simple tâche du service avant de rebrousser chemin et se caler contre un mur. Bien que sa présence égalait celle d'un fantôme, je n'étais pas sûre de vouloir qu'il reste, mais ne le congédia pas tout de suite.


@Eibhlin Byrne Cute
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Le crépitement des flammes laissa soudain place aux talons heurtant les dalles de pierre, un son et un rythme qu’elle ne connaissait que trop bien. La petite fille aurait aussitôt caché tout ce qui aurait pu faire tache sous le lit ou dans un coffre, puis aurait ajusté sa robe et se serait assise sagement en attendant que la porte s’ouvre. Eibhlin esquissa un geste ajuster sa robe et puis s’arrêta net et reposa simplement le livre sur le meuble le plus proche. Elle n’avait rien à se reprocher alors au diable les vieux réflexes, la mégère ne l’impressionnait plus. Eugénie arrivait, et elle arrivait seule. C’était une option qu’elle avait envisagé et à vrai dire, elle avait souhaité lui parler depuis des mois, elle n’aurait juste jamais su comment lancer la conversation. Il fallait donc que ce soit à l’approche du terme qu’Eugénie tolère enfin une entrevue avec elle. Soit, elle imaginait sans peine qu’elle devrait se montrer comme la plus mature des deux en ces circonstances et se promit donc de garder son calme et de mesurer ses propos quoiqu’il arrive.

Eibhlin avait acquis une étrange sagesse depuis qu’elle avait entamé son huitième mois de grossesse, si l’on pouvait appeler ça de la sagesse : elle faisait fi de nombreuses convenances, se montrait parfois capricieuse et surtout, elle ne se laissait pas emmerder par quoique ce soit. Ainsi, elle ne prit pas la peine de se lever à l’entrée de la Princesse.

Eugénie avait toujours ce même parfum, un parfum qu’elle ne pouvait s’empêcher d’adorer et de désirer. Si bien qu’elle se serait levée si sa mère avait esquissé le moindre geste d’embrassade. Au lieu de cela, Eibhlin constata non sans peine l’attitude fermée de sa génitrice. Il lui semblait d’ailleurs la voir pour la première fois, à travers la perspective nouvelle de son état : c’était une belle femme à qui Eibhlin ressemblait d’ailleurs énormément, énième ironie du Créateur, une belle femme que le temps semblait vouloir épargner, mais tout de même marquée par la douleur. Une douleur qu'elle commençait enfin à comprendre.

« Je ne prends pas la peine de grand chose en ce moment, mère » fit simplement Eibhlin, espérant qu’elle, plus que quiconque, comprendrait. Même si ce n’était que sa première, ou peut-être justement : surtout parce qu’il s’agissait de sa première grossesse. Elle se voyait souvent annuler la moindre chose prévue parce qu’elle se sentait soudainement indisposée, alors à quoi bon s’annoncer pour ne pas venir ? Et puis il semblait qu’elle pouvait venir rendre visite à sa famille quand bon lui semblait, au risque de se contenter de la balade. Risque qu'elle prenait volontiers.

Se contenter…
Oh, si seulement Eugénie réalisait à quel point elle souhaitait plus que de se contenter de sa mère. Elle aurait tout donné pour une preuve de son affection.
« Ma mère n’a jamais été un lot de consolation, ni un choix par défaut. » Eibhlin la détaillait toujours, ne craignant nullement de croiser son regard et de le soutenir, mais elle ne manqua pas pour autant l’arrivée du valet et lui fit signe de lui servir une tasse. « Je voulais simplement vous voir, Père et toi, savoir comment vous alliez depuis l’inauguration, comme une fille a le droit de s'inquiéter pour ses parents. Père est-il occupé ? Ou indisposé ? »

Plus d’un mois s’était écoulé déjà, et Eibhlin s’en voulait d’avoir attendu si longtemps, d’avoir repoussé l’échéance, ce qui lui serait reproché, sans aucun doute. Elle avait le sentiment idiot que plus elle tardait, et plus elle avait de chance de voir son père dans un bon jour. Et puis, elle pensait beaucoup à la mort dernièrement et elle souhaitait s’assurer de leur avoir dit au revoir, dans le cas où… Mais le faire trop tôt aurait été ridicule.

Elle porta la tasse à ses lèvres puis recracha immédiatement la boisson en grimaçant. La grossesse était pleine de surprises, encore une fois. Elle reposa sa tasse, signifiant au valet de ne pas s'en faire d'un autre geste de main, lâchant enfin sa mère du regard pour lui offrir un peu de répit.
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Une once de sa chair vivante

La répartie de ma fille aurait pu m’arracher un fin sourire, si le contrôle ne faisait pas intégralement partie de ma vie, de mon quotidien. C’était sans aucun doute ce que j’aurai répondu à son âge, et tandis que je me faisais cette simple réflexion, mes yeux croisaient ceux de mon interlocutrice. Elle soutenait mon regard comme un enfant qui cherchait à montrer à sa mère de quel bois il était fait ; en l’occurrence, du même que le mien. De tous mes enfants, Eibhlin était celle qui me ressemblait le plus. Il suffisait que j’observe les traits délicats qui dessinaient son visage pour que le miroir du passé s’y reflète, me laissant fébrile face à cet état de fait. Si une femme a bien le droit de faire des siennes, c’est en effet lorsqu’elle porte la vie. répondis-je en attrapant la tasse de thé qui m’était proposée. Prononcer ces quelques mots ne m’avaient pas écorché la gorge, non. Ils avaient juste été le moteur d’un engrenage étroit, qui se jouait en ce moment même dans mes souvenirs. Je me revis, jeune et belle, le sourire aux lèvres tandis qu’avec Kendric nous observions notre premier bébé. L’attente de notre premier fils avait été un véritable bonheur, son arrivée une joie immense. J’espérais que cette douceur parvienne jusqu’à ma cadette, via cette grossesse. Nous ne nous comprenions pas, elle et moi, mais à travers cette première expérience elle pouvait entrevoir une partie de celle que j’étais avant.

Ton père est autant occupé qu’indisposé. Dans le cas du Prince, y avait-il réellement une différence ? A faire l’ermite dans ses beaux quartiers, je désespérais de revoir un jour l’homme duquel j’étais tombée amoureuse. Cette époque semblait si lointaine, si inaccessible dans la vie que je menais à présent. Une vie où l’on avait pris mes enfants, me dépouillant presque de mon rôle de mère. Une vie où mon époux n’était que l’ombre de lui-même, emportant avec lui l’épouse que j’étais. Pouvais-je encore me qualifier de femme alors qu’il ne restait de ma personne, que la Princesse de Starkhaven ?

L’inauguration a été houleuse et pour le moins surprenante, mais nous allons bien. J’allais aussi bien que le nombre de fois où je m’étais répétée que tout irait pour le mieux, après le fiasco dans la Grande Cathédrale. L’agitation de la cérémonie avait été prévisible, une fois les premières paroles qualifiées de maudites par Kendric. J’étais habituée à ses crises, entre les murs protecteurs du Palais, à l’abri des regards… Mais là-bas, aux yeux de tous les habitants présents, j’avais ressenti une peur mêlée à de la colère, une gêne imprégnée de honte. Encore à ce jour, je ne saurai décrire ce qui avait bien pu me traverser l’esprit, alors que je tentais au mieux de veiller sur le Prince. Ça n'a pas été une mince affaire de calmer ton père et que le Créateur m'en soit témoin, c'était loin d'être évident, après ce spectacle.  Un silence s’imposa alors que je portais à mes lèvres le liquide chaud et réconfortant de ma boisson, tandis qu’elle recrachait le sien. J’eus alors un geste de la main allant dans sa direction, un réflexe qui s’était éveillé parce que je croyais qu’elle s’était brûlée avec son thé. Penchée, je me ressaisis aussitôt en reprenant ma place, gardant sur mon visage des traits posés. Cet écart maternel ne dura qu'un instant mais était déjà de trop. Vous pouvez refermer la porte en sortant sifflais-je en direction du valet qui s’en alla la queue entre les jambes, nous laissant seules. Mon regard se posait alors sur la future mère, qui semblait encore découvrir les affres d’une grossesse déjà bien avancée. Comment se porte Corintamh, les dernières nouvelles n'y ont pas semées discorde ou panique générale ? m’enquis-je en évitant sans même le cacher, l’évidence de son état. J’aurai pu mentionner la météo que cela n’aurait pas été plus flagrant.

Je devinais les espérances d’Eibhlin à mon égard et n’ignorais pas l’attente qui devait peser sur ses épaules, mais elles ne se verraient pas satisfaites. Pas par moi. Je me refusais à mettre sur la table le sujet de ce ventre rond qui portait pourtant mon petit-enfant, et j’osais espérer qu’elle ne me l’impose pas. Non loin de moi l’envie de lui dire qu’elle n’était pas le centre du monde et que des problèmes plus graves entravaient Starkhaven.


@Eibhlin Byrne Coeur
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Un soupir.
Mère garderait donc tout pour elle, comme toujours. Cette fois, pourtant, je ne voyais pas ce qu’il y avait de plus à cacher et le pris donc personnellement : elle ne voulait pas le partager avec moi. Par moment je leur en voulais de tous ces secrets, cette distance qu’ils avaient mis entre nous, leurs enfants, et eux. Il me semblait que les choses avaient changé ces dernières années, mais peut-être n’avais-je simplement pas idée de tout ce qu’ils avaient pu nous cacher depuis notre naissance. J’aurais aimé que nous portions ce fardeau tous ensemble et surtout que nous prenions la décision tous ensemble. Etait-ce cela que Père craignait ? Se voir évincé du trône par ses propres enfants et non par sa mort, glorieuse et digne, par Son Appel à venir dans Sa Cité ?
D’autres fois je voulais remercier Mère de m’avoir laissé en dehors de tout ça, d’avoir fait en sorte que je n’ai pas de responsabilité dans cette situation, surtout en la présence des Chercheurs de la Vérité. Quoiqu’il ne va pas être évident de s’en défendre après les avoir hébergé pendant trois mois sans rien remarquer d’étrange.

Mère en resta donc aux convenances pour la suite et cela ne me surprit guère. Je n’apprendrais rien de plus aujourd’hui, ni probablement les jours qui suivront et peut-être même jamais. Mais sans doute que si elle me demandait comment se passait mon mariage, je lui sortirais les mêmes platitudes et que cela n’a rien à voir avec notre relation difficile.

« Père n’a jamais été facile. Je n’ose imaginer ce que cette maladie fait de lui au quotidien. Tu as tout mon soutien, Mère. » Même si tu n’en as pas le désir, même si je suis la dernière personne vers laquelle vous vous tourneriez pour un peu de réconfort. Pour toi, me regarder est source de souffrances. Pour Père, je suis pire qu’une femme, je suis ta fille. Seulement un jour, j’ai fini par arrêter de m’excuser.
« C’est sans doute mieux ainsi… » Eiric n’aimait pas l’idée que je rende visite au Prince, il avait essayé de m’en dissuader craignant que celui-ci me fasse du mal sans le vouloir.

Une gorgée amère et immonde d’un liquide écœurant. Une surprise aussi. Je vis le geste avortée d’Eugénie, petite victoire personnelle que je me gardais bien de commenter, ne serait-ce que d’un sourire. Fugace mais précieux, je m’y accrochais et le gardais bien jalousement. La scène qui suivit ne m’amusa pas le moins du monde. Fallait-il qu’elle passe sa colère sur ce pauvre domestique, fallait-il qu’elle éprouve de la colère parce qu’elle avait manqué de me montrer son affection ?

« Merci pour vos services. » L’elfe méritait bien un peu de considération. Et Mère un peu plus d’agacement. Même si ce thé avait eu raison de mon appétit et de ma soif, le pauvre bougre n’y était pour rien.

La question qui vint alors m’arracha un hoquet de surprise et je dévisagea alors ma mère, d’abord bouche bée, mon expression se fit rapidement sévère. Corintamh ne l’avait jamais intéressé, il n’y avait aucune raison que cela change. Était-ce l’hypocrisie de trop dans cette journée ? J’essayais de me raisonner, de me dire que la question était sincère mais vite, trop vite, l’émotion prit le dessus. Je le savais au plus profond de mon âme, elle ne voulait pas parler de ma grossesse et ceci n’était qu’une parade. Une parade profondément blessante.

« Corintamh, vraiment, c’est tout ce que tu trouves ? » Au revoir bonnes résolutions sur le fait de rester calme et d’avoir une discussion entre adultes. A quoi bon, avoir une discussion si personne n’est intéressé par le sujet ? Je me levai aussitôt. « Et ne me dis pas que je dramatise, cela va faire quatre ans que je suis mariée, tu ne m’as jamais posé la moindre question sur Corintamh. Mais comme je suis bonne joueuse, sache que nous avons fait en sorte d’éviter la panique et la discorde et que nos citoyens se préparent au pire, eux, pendant que nous préparons leur éventuelle évacuation. »

Quelques pas et j’attrapai mon manteau et commençai à l’enfiler, le boutonnant avec sérénité et expertise malgré mon ton, malgré la scène. Je ne laissais pas la peine prendre le dessus sur mes mots ou sur mes gestes, preuve de mon sang-froid, ou au moins de ma capacité à faire bonne figure.

« Mère, je te conseille de bien y réfléchir et d’y réfléchir vite. Et c’est valable aussi pour Père. Un enfant va naître très bientôt, et si tu veux faire partie de sa vie, tu devras faire partie de la mienne. Si tu continues à m’ignorer, à me mépriser, à ne pas me soutenir… Et encore plus si c’est une fille… Je te jure… » Que tu ne l’approcheras jamais.
Je déglutis, le visage certainement rouge et veinés. Adieu bonne figure, finalement, et bien plus vite que prévu. L’émotion crépitait à travers chaque pore, mélange d’hormones et de sentiments trop longtemps refoulés. Et à vrai dire, cela m’était bien égal maintenant que je me trouvais dans cet état.

Je me dirigea vers la porte, sans la franchir, ni même l'ouvrir, je me retourna une dernière fois.


Même si ce n’était pas vraiment le sujet aujourd’hui, pas ce qui m’avait contrarié du moins. Pour la première fois de ma vie, j’avais besoin de ma mère et elle continuait de botter en touche. Tout se mélangeait et je me frottais les yeux un rapide instant avant d'enchaîner.
« Ne pas avoir de Prince ou de Princesse, j’aurais pu m’en remettre, mais un père et une mère… J’imagine que l’un n’allait pas sans l’autre. »

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Une once de sa chair vivante
Mon regard errait sur les lèvres de ma cadette, qui m’offrait son soutien de sa voix de petite fille. Elle m’avait longtemps couru dans les jupons, cherchant une attention que je n’avais pas le temps - que je ne désirais pas - lui donner. Qu’aurait été notre relation si tout ce serait passé à merveille et dans le meilleur des mondes ? Ce lien que nous entretenons était-il écrit à l’avance par un sombre destin ou n’était-il réellement que le fruit de mes souffrances ? Pour une mère, ces interrogations étaient aussi douloureuses que mes entrailles déchiquetées. Je ne saurai jamais véritablement les prémices de notre dramatique connexion.

Un soupir agacé m’échappa lorsqu’Eibhlin perdit patience. S’il n’était pas totalement inconvenant de rouler des yeux, je lui aurai démontré à quel point son comportement puéril n’avait pas sa place dans cette demeure. Mes doigts tambourinaient le coin du sofa, alors que j’écoutais la tirade de ma fille empoisonner la pièce. J’attendis patiemment qu’elle ait fini avant de répondre, ignorant volontairement les piques laissées au passage. Il était vrai que je ne m’étais jamais inquiétée de Corintham et cela ne commencerait pas aujourd’hui. En quelque sorte. Très bien, je suis satisfaite d’entendre que vous gérez parfaitement cette situation. Mon corps changea de position, car elle m’était toutes aussi inconfortables les unes que les autres. Me retrouver face à Eibhlin avait tout d’un challenge pour moi autant que pour elle, le Créateur lui-même savait à quel point. Lui seul savait ce qui me broyait le coeur, c’était une chose pour laquelle je ne trouvais pas les mots. Si je pouvais, je tenterais au moins de réconforter cette enfant délaissée, à défaut de ressentir cet amour maternel infini à son égard.

Se levant brusquement, la jeune mère qui cachait sa peine commença à se rhabiller, sans un regard dans ma direction. Je n’avais pas l’habitude qu’elle me tourne ainsi le dos, preuve qu’elle avait beaucoup porté au fil de ses années où je le lui tournais pendant qu’elle me courait après. Mon corps était paralysé devant cette scène, et soudain ce désagréable frisson sur mon échine finit par m’électriser de part et d’autre. Je me levais sans un mot, marchant pas à pas tandis que le fond de sa pensée se mêlait aux miennes, bien plus crues. La famille était pour moi sacrée, était pour moi aussi importante qu’un territoire entier à gouverner. Malheureusement, elle avait raison ; ma cadette était la seule qui pouvait porter l'avenir des Vaël et même si je ne baisserai pas les bras sur ce point, il fallait que l’eau coule sous les ponts.
Elle s’était arrêtée près de la porte, prête à sortir, mais pourtant figée. Tu ne voulais pas t’en aller, Eibhlin. Je savais bien que tu pouvais vivre et te débrouiller sans ton père et ta mère, mais de cela, tu n’en voulais pas. Arrivée à sa hauteur, mon regard s’attarda longuement dans le sien, j’y cherchais quelque chose qui m’avait toujours manqué. Je profitais de l’instant rare d’être si proche d’elle pour essayer de la regarder comme je ne l’avais jamais fait auparavant. J’étais incapable de glisser mes pupilles vers son ventre, mais elle, j’arrivais à l’apercevoir. Je ne demande qu’à pouvoir te parler. Tu n’es pas… Ce n’est pas facile. D'être ta mère. Développer mon raisonnement était hors de question, je ne saurai par où commencer, je ne saurai trouver les mots justes pour qu’elle réussisse un jour à me comprendre. J’espérais simplement que mon approche indélicate la satisfera plus qu’elle ne m’incommodait. L’extrémité de mes doigts frôlaient les pans de sa longue robe, remontant vers ses traits qui étaient miens. Ma main libre, cachée sur le côté, serrait du poing pour contrôler les faibles tremblements qui me prenaient dû à cette proximité. Il est évident que cet enfant aura une grand-mère, articulais-je en remettant maladroitement quelques mèches de cheveux rebelles qui s’étaient emportées lors des élans sanguins et caractéristiques d’Eibhlin.

J'étais contente qu'il s'agisse d'un de mes bons jours, car sa menace ne serait pas passée si j'avais dû au préalable m'occuper d'une crise du Prince. Et nous en serions certainement venues à des menaces bien plus tangibles qui se seraient matérialisées sous la forme de coups bas ou de fronts. Car si elle m'avait privé du don de la vie, elle ne pouvait me punir davantage par le biais d'une descendance. Que veux-tu concrètement de moi, Eibhlin ? Ne peux-tu pas te satisfaire de ma présence, faut-il aussi que je comble le moindre de tes manques affectifs ? Ce n'est pas de l'ignorance et de mépris dont je fais preuve, je me protège ! Ma voix s'était élevée et je ne me risquerais pas à regarder mon reflet dans un miroir. Je ne doutais pas que j'y verrais un regard mélancolique et en colère. La messe était dite et le silence retomba entre nous, sans que je ne m'éloigne de sa silhouette.

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Quelques mots si étranges et si doux. Une intimité bien plus grande à cet instant que durant les vingt-six années le précédant. C’est loin d’être gagné, mais même Eibhlin se doit de reconnaître l’effort, l’envie, les regrets peut-être. Elle était adulte et elle s’en était sortie, jeune femme accomplie et admirée, et surtout forte. Et cette force, elle la tient de son histoire singulière, du refus constant d’abdiquer. Et même quand tout semble perdu pour toujours, quand ce désir de reconnaissance semble impossible à satisfaire, une lueur d’espoir le fait renaître.

Pour une fois, elles se comprennent et c’est tout ce qui compte. Et Eibhlin admet, car il est vrai qu’elle n’est pas facile, elle non plus. Son regard bigarré est si souvent intransigeant et dur.

« D’accord, » murmure la fille. Eibhlin et son enfant feront donc partie de sa vie, et tous ensemble ils tenteront de ressembler à une famille.

Elle se serait bien passée de la fin : l’emportement de trop. Mais n’est-ce pas toujours ainsi, entre Vaël ? Le mot de trop, à l’instant où l’on devrait s’embrasser et se dire au revoir. Il fallait toujours que quelqu’un en rajoute et que cela finisse mal. Par chance, Eibhlin est fatiguée et a d’autres priorités. Et puis n’est-ce pas cela aussi que de faire preuve de maturité ? Ignorer ce qui ne mérite pas qu’on s’y attarde, pour ne relever que ce qui emporte. Et ce qui emporte, c’était l’instant d’avant : sa mère vulnérable, sa mère qui remet une de ses mèches à sa place.

« Je veux seulement ton soutien. »
Que je sois ambitieuse, ou que je ne le sois pas.
Que je gagne ou que j’échoue.
Pour cette naissance à venir et pour toutes les épreuves qui suivront.
Dans la joie comme dans les moments difficiles.

Et plus encore, si je devais faire une bêtise au nom de mes… manques affectifs.

Le mot est resté en travers de sa gorge. Eibhlin regarde sa mère, relativement indéchiffrable ; elle ne la juge pas, mais ne se montre pas indulgente pour autant. Et puis elle force un sourire poli.

Protège-moi avec toi, mère.

« Au revoir, mère. »

Pas de dernier mot.
Pas de provocation.
Il est temps de grandir.

Et de se soutenir.
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