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Pour que la Lumière perdure

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Pour que la Lumière perdureCHAPITRE DEUX : CEUX QUI MARCHENT DANS LES PAS D'ANDRASTÉ

Type de RP Classique
Date du sujet 7 Marchiver 5:13
Participants @Tiarnan Vaël @Eibhlin Byrne
TW A venir
Résumé Tiarnan se rend au manoir des Byrne pour y rencontrer sa sœur qui l'y avait invité par courrier, afin de parler des événements récents.
Pour le recensement


Code:
[code]<ul><li><en3>7 Marchiver 5:13</en3> : <a href="https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t839-pour-que-la-lumiere-perdure#10392">Pour que la Lumière perdure</a></li></ul><p><u>@"Tiarnan Vaël" @"Eibhlin Byrne"</u> Tiarnan se rend au manoir des Byrne pour y rencontrer sa sœur qui l'y avait invité par courrier, afin de parler des événements récents.</p>[/code]

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Rares étaient les personnes à avoir croisé Tiarnan depuis la cérémonie. L’héritier du Prince passait le moins de temps possible au Palais et évitait soigneusement tout ce qui rapprochait de près ou de loin à une forme de devoir. Il n’était pas venu aux réunions du Conseil, avait esquivé les entraînements avec son maître d’armes, et plusieurs serviteurs l’avaient vu déambuler hagard, assommé par ce qui semblait être de l’alcool. Il était pourtant bien présent ce matin, devant les portes du manoir des Byrne, dans un effort soudain d’être présentable. Sa barbe de plusieurs jours avait été soigneusement rasée et il avait vêtu de beaux vêtements de soie rouge, emmitouflé dans une lourde cape de fourrure. Une certaine tension émanait pourtant de lui, dans sa manière de se tenir ou la froideur de son regard.

« Messer ? » Tiarnan dévisage un instant le serviteur qu’il ne pense pas connaître et réhausse légèrement sa cape autour de ses épaules. « Je viens voir ma sœur, elle m’a fait mander. Annoncez-moi à elle. » Il a la sensation amère de résonner comme Kendric dans sa froide détermination mais ne se ravise pas pour autant en se confondant en formules de politesses. Le serviteur s’exécute, le laissant seul un instant dans le hall d’entrée. Trois jours de retard. Il aurait été de bon ton qu’il soit là le jour de son arrivée, pour l’accueillir dans cette froide Cité, méthodique et ponctuel, comme elle. Lui apporter un peu de chaleur dont elle avait sûrement besoin aussi, après tout cela. Non, il avait été trop occupé à fuir pour ne surtout pas penser. Faire taire ces images qui revenaient en boucle et ses peurs assourdissantes. Le courage, Tiarnan, ce n’est pas ne pas avoir peur. C’est savoir faire face quand rien ne va, s’affirmer dans les ténèbres et prendre des risques.

Le serviteur lui fait signe et il le suit, sentant à chaque pas ses doutes se faire plus vifs – et la peur, toujours, de ce type de conversation avec elle. Des portes s’ouvrent et il entre, adresse un sourire maladroit à sa sœur, assise dans un fauteuil. « Eibhlin. Je suis heureux de te voir. » C’était vrai, malgré tout. La savoir ici, à proximité, était assez rassurant et elle comptait beaucoup, malgré leur relation tumultueuse. Ses yeux se posent un instant sur son ventre imposant et s’adoucissent à l’idée que tout semble aller bien à ce niveau. Il s’avance, s’agenouille devant elle pour chercher quelque chose dans sa petite sacoche. En sort un cavalier en bois, qu’il lui tend, soudainement incertain. « Lachlann et Fionnuala avaient un jouet semblable quand ils étaient enfants, et j’ai pensé que… ce serait une bonne idée d’en faire faire un… pour ton enfant. » Ses yeux s’agrandissent. « Mais… c’est encore un peu tôt ? Pardon, je n’avais pas considéré la chose. » Sa main va et vient, tenant ce jouet de bois. Le ranger et changer de sujet ? Lui donner tout de même ? « Je… tiens. Prends-le tout de même. Pour sa naissance. » Il bredouille bien entendu, mal-à-l’aise, et se relève aussitôt, pourpre.

« Je suis là. Avec un peu de retard, mais je suis là. »
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« Messerah. Messer Tiarnan Vaël. » annonce le serviteur, et la dame lui dit de le faire entrer aussitôt. Eibhlin l'étudie, ne sachant pas vraiment à quoi s’attendre. Elle avait demandé à Eiric s’il l’avait vu depuis l’inauguration, celui-ci avait répondu négativement. Il continuait ainsi à ne pas marquer de points, elle s’était promis néanmoins d’essayer d’être enfin sa sœur, et non un autre juge de paix dans sa vie, même si les mois passant, rien ne changeait vraiment. Elle l’étudie et voit un jeune noble agréable à regarder, sans percevoir ce qu'il cache, si ce n’est cette tension qui émane de lui, mais qu’elle juge habituelle en sa présence, et assez compréhensible compte tenu des évènements. Arriveront-ils un jour à être vraiment proches ? A se comprendre ?

« J’en suis heureuse également. » Même si tu as attendu une lettre de ma part pour te présenter, bien tardivement, devant moi. « Tu ne m’en voudras pas de rester assise. » A son huitième mois d’une grossesse qui fut relativement difficile tout du long, Eibhlin s'épargne de tout effort inutile et la question est tout à fait rhétorique, elle n’en a même pas le ton d’ailleurs puisque la future mère ne laisse le choix à personne. En quelques pas, voilà Tiarnan à genou devant elle, en écho à une scène d’il y a quelques mois, ce qui ne fait que renforcer ses doutes. Ils y viendront plus tard. Elle se saisit de la figurine, affichant un sourire attendri et ce malgré son hésitation. Chaque jour qui passe, la réalité de cette naissance se fait plus évidente, alors que l’angoisse de l’accouchement se rapproche, difficile mélange entre joie et peur. Mais l’enfant est bel et bien là, elle le tiendra bientôt dans ses bras et ce cadeau en est une preuve de plus.

« Ce n’est pas grave mon frère, tu auras le temps de lui en faire d’autres le temps qu’il, ou elle, soit en âge d’y jouer. Ou venir y jouer avec lui tant que ce n’est qu’un bébé. Bien sûr que je le garde, et je te remercie, c’est un joli cadeau. » Lachlann et Fionnuala jouant dans les couloirs du Palais, une image qu’ils n’auront jamais vue, jamais connue, mais l’intention est bien douce : que mes enfants, car elle espère bien ne pas s’arrêter à un, soient comme eux et non comme nous. Elle pose une main sur son épaule et lui sourit, physiquement incapable de se pencher en avant pour l’embrasser, elle n’ose pas lui demander de se rapprocher.
Eibhlin est pudique et la glace, encore trop importante entre eux.

« Assis-toi. Tu veux boire ou manger quelque chose ? » Elle fait son devoir d’hôte, ne commente pas son excuse sur son retard. Il ne comprend pas, soit, peut-être que cela viendra plus tard.

« Qu’as-tu fais ces dernières semaines ? Et surtout comment te sens-tu, Tiarnan ? » Elle-même a été bouleversée par la vision de leur père, même si elle ne s’est pas laissée le temps de ruminer et encore moins d’avoir l’air de douter ou de se laisser aller. Les villageois de Corintamh étaient paniqués, ils avaient eu besoin d’être rassurés d’une main ferme et bienveillante. Kendric a, sauf ces dernières années, toujours été présent pour lui, elle imagine donc sans peine que les temps doivent être bien difficiles. Elle aurait aimé qu’il la considère, elle, comme un soutien dans cette terrible situation, mais elle ne pouvait pas refaire l’histoire et celle des Vaël était particulièrement compliquée. Elle, elle avait Eiric désormais… Mais Tiarnan ? Sur qui pouvait-il s’appuyer quand son seul appui était malade ?

Heureusement, les dernières nouvelles sur Kendric étaient plutôt bonnes, il n’avait pas refait de crise et assistait à nouveau aux réunions du Conseil, même si tout le monde se méfiait.
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Fut une période où il aurait été inimaginable de les voir s’entretenir de manière aussi courtoise. Eibhlin avait fait plusieurs pas vers son cadet ces derniers mois, et leur relation prenait parfois des allures presque normales – quand la tension et les rancœurs ne prenaient pas le dessus, quand les relations particulières de la famille ne venaient pas les parasiter. Il y a quelques mois, Tiarnan se serait sûrement offusqué d’être ainsi invité chez sa sœur, lettre aux allures de convocation, et la peur d’être seul face à elle l’aurait probablement emporté sur la raison. Aujourd’hui, s’il craignait cet entretien, les raisons étaient bien autres. Il y avait bien plus en jeu ici que son mal-être ou sa position de bâtard.

Eibhlin l’invite à s’asseoir et lui demande, à la manière d’une hôte consciencieuse, s’il souhaite boire ou manger quelque chose. « Non merci » murmuré tandis qu’il prend place en face d’elle dans un large fauteuil, mains posées sur les genoux. Il pourrait manger bien sûr, sa gourmandise ne lui faisant jamais vraiment défaut, mais tout met lui donnerait une excuse pour contourner le sujet ou gagner du temps. Il connait sa nature et ne le souhaite pas, dans ce cas bien particulier où certaines choses doivent être énoncées.

« Qu’as-tu fais ces dernières semaines ? Et surtout comment te sens-tu, Tiarnan ? » Ses épaules se haussent mécaniquement comme un réflexe défensif et ses yeux se font plus vagues, moins alertes. Soucieux pour sûr, un âge qu’il n’a pas couvre son visage d’une ombre soudaine. Le présent n’a rien de très joyeux pour qu’il puisse en parler avec légèreté, les yeux rêveurs teintés de joie et d’excitation. Elle le sait bien d’ailleurs Eibhlin, puisqu’elle lui laisse le temps de se rassembler, de trouver des mots. C’est compliqué et douloureux, et il ne peut pas tout dire. Pas à sa sœur, parce que certains chemins ne méritent pas qu’on s’y attarde après coup, qu’ils ne font que ternir un peu plus. « J’ai pris du temps pour moi. » C’était une manière de formuler la chose sans pour autant être un mensonge complet. Il lâche un soupir, se tasse un peu sur son siège.

« Je n’avais pas le courage de m’investir dans les tâches qui m’incombent et j’ai préféré me retirer un peu plutôt que d’empiéter sur la bonne volonté de celles et ceux qui font. De fait, tu l’auras compris : j’ai connu des jours meilleurs. » Il semble amer, même si cette rancœur ne semble pas tournée vers son ainée mais plutôt vers ses ténèbres à lui, ses positions et ses choix. Certaines choses s’énoncent mal. « Je pourrais te dire que ça va mieux maintenant, que je me reprends en main et que je suis prêt à avancer, mais je n’en suis pas encore sûr. La vérité… » Il déglutit péniblement, la gorge sèche. « La vérité c’est que je n’ai jamais le sentiment d’être prêt, ou à la hauteur, pour ce qu’on attend de moi. Je suis toujours trop mal préparé, et la vie me blesse et je n’arrive pas à faire semblant, ou à surmonter ces épreuves rapidement. Ce ne serait pas grave si j’avais le temps, des années devant moi, mais nous savons tous les deux que ce n’est plus le cas désormais. »

Il n’entre pas plus dans les détails. Elle était à ses côtés après tout, quand Senaste avait annoncé un Enclin, quand Kendric avait cédé à la rage. Elle avait vu l’impact que cela avait eu sur lui. « Et tu sais comme moi que j’ai hérité de certains traits paternels, comme la colère. Tu as vu ce que cela pouvait donner dans une arène, quand je ne suis plus en contrôle. Forcément, je… » Sa voix se casse et il se tait un instant, la douleur transparaissant dans ses pupilles bleues. « Je doute. Et j’ai peur. »
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J’ai pris du temps pour moi.
Elle écoute, aussi attentive et bienveillante qu’une sœur devrait l’être, essayant de ne pas trop analyser chaque mot ou chaque regard. Elle se force elle-même à la neutralité : ne pas réagir, ne pas grimacer, ne pas montrer la moindre déception. Mais l’esprit affûté ne sait trouvé le répit, car elle est Eibhlin Vaël et qu’il est le Prince-Héritier, et qu’ils charrient ensemble une histoire faite de remous, de crasses enfantines et d’ignorances choisies, mais pas tellement de mains tendues, ni d’entraides.

Elle l’a longtemps détesté, mais ce n’est plus le cas, simplement parce qu’elle se l’est promis à elle-même, juste comme ça : plus de guerre fratricide. (Elle refuse de penser à Fiona à qui elle n’a pas parlé depuis son regard assassin.) De ce côté-là, il rend les choses faciles : le garçon est doux et attachant, et l’entendre parler avec sincérité de ce qu’il ressent donne simplement envie de le prendre dans ses bras. Mais l’enfant est aussi le Prince-Héritier, et alors le regard se durcit, les craintes se renforcent. S’il n’a pas confiance en lui, qui le pourrait ?

Eibhlin le laisse continuer, ne voulant pas interrompre ses confessions, ni le perturber d’une quelconque façon, alors elle lui offre seulement un sourire encourageant de temps en temps. Et puis elle est touchée par la confiance qu’il lui accorde enfin, bien que tardive - et qui a tout de même nécessité une lettre de sa part.

« Avant toute chose, je te remercie de ta sincérité, mon frère. » Elle pourrait en dire plus sur ce qu’elle ressent, mais elle reste Eibhlin, pudique sur ses sentiments, préférant aller droit au but. Et pourtant, il faut aussi savoir s’ouvrir à ceux qui font l’effort, et un certain parallèle lui semble pertinent. « Moi aussi, je doute et j’ai peur, si je veux être aussi honnête avec toi que tu ne viens de l’être. Et je ne parle même pas de cet avenir incertain et terrifiant, je parle du fait de devenir mère. Sa chambre est prête, mais moi ? Non, et je ne le serai pas plus au moment de la naissance. J’essaye de rassurer Eiric, pourtant j’ai l’impression de lui mentir à chaque fois qu’il me demande comment je me sens. » Sa main glisse le long de sa robe, puis remonte trouver son ventre, par instinct. « C’est mon fardeau, un fardeau nécessaire que je ne peux pas partager plus que ce que je le fais déjà. Je m’égare un peu, même si ce n’est pas désagréable de t’en parler, car le parallèle n’est pas sur le fardeau, bien au contraire. Je ne serais jamais prête, et tu ne seras jamais prêt, pourtant nous ferons ce qu’il faut le moment venu parce que nous n’aurons pas le choix. En ce qui me concerne, j’ai fait ce choix il y a bien longtemps et j’en assume les risques et les conséquences. » Même si je veux vivre.

Elle marque une courte pause, à peine le temps d’échanger un léger sourire et de soupirer.

« Devenir mère n’est pas un choix très difficile à faire, je n’ai donc pas vraiment de mérite à m’accorder. Être le Père de cette cité entière, par contre, est un choix bien plus difficile, surtout en des temps si agités. Pour autant, ce n’est pas un fardeau que le Prince porte seul : il a une femme, des conseillers, une famille, l’ensemble des familles nobles havenoises, même si c’est loin d’être parfait. Tu as vingt ans, c’est normal de douter et d’avoir peur, de ne pas se sentir à la hauteur. Tu ne vois pas le pouvoir comme un privilège, mais comme un devoir, c’est une bonne chose. Seulement… »

Les lèvres pincées, Eibhlin n’a pas abordé la maladie de son père, omission volontaire ? Il y a déjà assez qui la préoccupe dans le fait de le voir devenir Prince, pour ne pas en rajouter plus.

« Seulement, je ne peux pas te dire que je ne suis pas inquiète moi-même, je ne peux pas te dire que je crois en toi, envers et contre tout. La dame que je suis voit davantage Tiarnan le bâtard que Tiarnan l’héritier, je te vois freiner des quatre fers, je te vois t'asseoir à côté de ton oncle plutôt qu’à ta place et je sais que tu n'assiste pas au réunion du conseil. Ce n’est pas un jugement Tiarnan, notre Père t’a mis à cette position, il est encore temps pour toi d’accepter ou de refuser. Tu as encore un peu de temps pour y réfléchir, alors rassemble tes idées, participe à autant de choses que tu pourras et prend ta vie en main.

Et je te renouvelle ma promesse d’être à tes côtés quoique tu décides. Tu restes mon frère et ma demeure te sera toujours ouverte.
»

Alors la maîtresse de maison, assoiffée par son long discours, fait tinter une clochette pour réclamer de l’eau.
Et puis elle ajoute un dernier mot : « Je te prierais juste de me tenir informée. »
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Le visage de Tiarnan se renfrogne peu à peu tandis qu’il écoute son ainée lui répondre de son majestueux fauteuil en face de lui. Son regard se perd un peu, pensif, la perçoit sans pour autant la voir, devine ses contours, la lueur dans ses yeux vairons. Enfant déjà, Eibhlin avait l’étoffe d’une Vaël : future Dame de haute stature, elle savait s’imposer aux serviteurs et plus particulièrement à lui, l’enfant qu’on ne désirait pas. Il ne lui en voulait pas. Il ne lui en voulait plus. Cette rancœur, il la comprenait, chez elle ou chez Eugénie ; il savait qu’elle ne se tairait jamais vraiment, quoi qu’en disent les mots, quoi qu’en dicte l’esprit. Aujourd’hui, Eibhlin était patiente et ouverte – autant que possible du moins – et il l’écoutait, mais ne pouvait s’empêcher de faire cette relation. Sa sœur savait diriger. C’était dans sa nature plus que la sienne, et elle le prouvait au quotidien aux côtés de son époux Eiric. Elle n’avait pas d’inimitié profonde avec la noblesse havenoise, pas plus qu’avec la Chantrie – et ces deux piliers étaient nécessaires pour gouverner. Il ne lui manquait en réalité que la légitimité.

La main d’Eibhlin effleure son ventre. Un éclat luit dans le lac du garçon et il se raffermit dans le réel, s’accroche d’avantage au sens. Elle a raison sur ce point : certaines choses doivent être affrontées, quelle que soit la peur grandissante dans les tripes. Se sent-on jamais prêt, dans ce genre de situation ? Donner la vie et devenir mère, et si l’on survit, accéder à ce nouveau rôle, celui qu’on ne peut préparer ? Guider une âme, un fragment de la sienne et d’un être aimé, l’aider à s’épanouir, lui montrer le chemin. On peut se soustraire à cela, certaines personnes le font – et Tiarnan prend conscience de ce qui doit peser un peu plus sur ses pensées, ces choses qu’elle ne peut décemment formuler. Oui, la peur doit la ronger elle aussi, la même qui devait ronger Dera, la même à la faire succomber. L’idée lui donne la nausée et il se redresse sur son siège, soudainement inconfortable. Il aimerait l’alléger un peu de ce poids et lui dire que tout ira bien mais la conviction seule ne forge pas le monde. Ce serait gentil, ça s’arrêterait là.

« Eibhlin… » Il profite du court silence pour glisser ce murmure. « Ton enfant ira bien. Tu seras une bonne mère parce que tu es une bonne personne et que tu n’as pas besoin d’avoir de modèles pour sentir les choses. Eiric sera à tes côtés. » Et moi aussi. Les mots s’étranglent et il s’affaisse à nouveau dans le fond du fauteuil, les joues rosies par l’émotion. Elle sera fière de toi, même si elle ne le dira peut-être pas, par fierté ou par honte. Il sera fier aussi parce qu’il t’aime à sa manière brutale et maladroite, qu’il ne sait pas le montrer. « Vous construirez une jolie famille, heureuse je le crois. Ce sera difficile et douloureux, mais tu en es capable. »

Elle revient à lui et il se tait à nouveau, le regard vagabond. Les mots d’Eibhlin ne le soulagent pas autant qu’il ne l’aurait pensé. Il est vrai que le Prince est soutenu, mais les décisions difficiles lui reviennent de droit et lui seul doit vivre en connaissance de cause. Lui seul doit porter le fardeau de la responsabilité, faire face à l’animosité à son encontre. On pardonnera toujours à des conseillers mal éclairés. Il y a la question du mariage aussi, d’une personne qu’il emmènerait dans ces troubles et qui en souffrirait fatalement. Pour le bien commun ou pour pouvoir endurer un peu mieux ? Et s’il se retrouvait rongé par l’aigreur et les non-dits, et que sa haine et ses reproches se retournaient inlassablement vers elle ? Ce ne sont pas des choses que l’on peut souhaiter, qu’il peut souhaiter lui, surtout sans amour puisqu’il sera impossible que Varina prenne pleinement cette place un jour. Il ferme les yeux lentement et se renfrogne un peu plus. Sa sœur marque un temps d’arrêt et continue.

Un sourire amer se dessine peu à peu sous ses pupilles closes. Je te prierai juste de me tenir informée. Non. Ce n’est pas pour cela qu’il s’est déplacé, pas pour cela qu’il s’est préparé. Leur conversation ne s’arrêtera pas aux simples convenances d’usage et à la promesse de faire plus attention à l’avenir. Une vive tension émane de lui alors qu’il ouvre les yeux pour la fixer en se penchant en avant, les coudes sur les genoux. « Je te remercie pour tes paroles Eibhlin, mais elles ne me suffisent pas. Ton soutien en ces temps pesants est un présent que je ne saurais chérir assez, d’autant plus que tu me le promets quelle que soit ma décision. Cependant, pour prendre une décision, j’ai besoin de connaître tous ses tenants et aboutissants, et cela commence par toi. »

« Tu l’as sous-entendu sans le dire : je peux encore renoncer à l’héritage de notre père. Cela serait probablement une première dans l’histoire de la famille, mais en toute logique, l’héritage te reviendrait. Tu deviendrais, le moment venu, la Princesse de Starkhaven. Je sais que tu es prête à cela, je n’ai pas le moindre dessus, et je sais aussi que tu t’y es préparée. Cependant, si cette situation devait arriver, je ne veux pas être celui qui sera connu, par l’histoire, comme le bâtard qui a mis fin au règne des Vaël. Le trône nous appartient, pas aux Byrne, encore moins dans un contexte où ils ne l’ont pas vraiment cherché. Ce n’est pas qu’une question de forme : un nom, c’est important. Un héritage, une histoire, c’est important. Si je devais m’écarter du trône, je veux que tu puisses retrouver notre nom, ou que ton enfant puisse le porter. C’est la condition que je souhaite énoncer à ce jour, même si tu peux y réfléchir. Nous resterons en contact de toutes façons. »

Sous ses traits durcis, une vague de fatigue semble s’emparer de lui, comme si ces mots, trop longtemps portés, le libéraient d’un poids immense une fois libérés. « Je dois encore m’entretenir avec Finnabair, à ce sujet peut-être et bien d’autres sûrement. » Et avec quelques autres personnes, dont il taira le nom.
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Elle a entendu, a accompagné ses paroles d’un sourire imperceptible en guise de remerciement. Même si on pourrait lui dire cent fois qu’elle serait une bonne mère et que tout irait bien qu’elle n’y croirait toujours pas. Elle sait qu’elle devra se battre contre elle-même pour ne pas reproduire ce qu’elle a vu toute sa vie, elle sait aussi ô combien elle peut être intransigeante ou tenir des propos assassins. Certes, elle est déterminée à être la meilleure mère possible, mais elle ne se fait pas d’illusion, ni sur la pression qu’elle s’impose à avoir des fils, ni sur ses réflexes qui ne seront pas les bons. Et, en plus de cela, elle craint de n’avoir simplement aucun instinct maternel. Cela sera difficile et douloureux pour sûr, pour le bonheur, elle ne pourra compter que sur Eiric.

Ce sujet était désormais clos, alors qu’elle rentrait dans le vif du sujet, celui pour lequel elle l’avait fait venir.

En écoutant la réponse de son frère, Eibhlin n'en ressentit que de la fierté, une lueur qui vint éclairer son regard dissymétrique. Voilà qu’il se montrait Vaël enfin. Elle lui sourit, comme une grande sœur à un petit frère, comme si toutes ces questions avaient déjà été pensées et qu’elle était heureuse de le voir arriver aux mêmes conclusions sans qu’ils en aient parlé avant.

« Seul un Vaël peut occuper le trône de Starkhaven. » Conclut-elle simplement, avec toujours ce sourire aux lèvres, mais presque un peu mystérieuse.


« Et toi qui doute d’être un Vaël… » Alors pourquoi doutait-il tant de prendre cette place pour laquelle on l’a éduqué toutes ces années ? Il a toujours été destiné à devenir Prince, a grandi avec cette idée qu’il n’a pourtant jamais fait sienne. Pourquoi ?

« Finnabair Cahill ferait une excellente Princesse, elle a l’intelligence, la grâce et l'éducation pour t’aider à porter ce fardeau. » Eibhlin sourit gentiment, elle a apprécié cette démonstration qu’il a faite lors du Grand Tournoi, un geste politique subtil, et elle a envie de l’encourager dans ce sens. Tiarnan avait évoqué avant cela avec elle qu’il aimait une autre femme, sans entrer dans le détail et elle comprenait bien que ce n’était pas facile à son jeune âge d’y renoncer. « Endosser le rôle de Prince t’offrirait un grand pouvoir, bien sûr il ne s’agit pas d’en abuser, mais tout n’est pas figé dans le marbre. Je pense notamment à l’organisation du conseil. Si tu veux opérer quelques changements, si tu veux que je prenne une place officielle pour t’aider, en particulier en ces temps difficiles qui s’annoncent, nous pouvons y réfléchir ensemble.  »

Eibhlin marchait un peu sur des oeufs, mais être la soeur du Prince ne suffisait pas, s’il montait sur le trône et voulait de son soutien pour assumer ses responsabilités, il faudrait lui trouver un rôle officiel, un rôle qui ne pouvait être celui de son mari, c’était évidemment hors de question que de prendre la place des Byrne au conseil. Elle espérait aussi que cela pourrait peser suffisamment dans la balance pour qu’il assume son titre d’héritier. Eibhlin était prête à devenir Princesse si nécessaire, néanmoins, il l’avait dit lui-même, construire sa famille serait difficile et douloureux et la Dame de Corintamh aimait son domaine et la vie qu’ils y avaient construite. Plus la naissance approchait, et plus elle réalisait que le Palais rendrait la tâche encore plus difficile et douloureuse. Elle voulait choisir sa famille, si elle le pouvait, mais elle ne voulait pas non plus l’influencer de cette façon. Car qui des quatre enfants Vaël a pleinement choisi son destin ?

« J’aimerais savoir Tiarnan ce qui te fait hésiter, et ce que tu ferais, si tu refusais ton héritage ? » Simple curiosité sans arrière pensée, elle aussi elle a eu des rêves et le visage enfantin de son frère lui donne parfois envie de lui dire de poursuivre les siens, qu'importe les conséquences. Mais ça aussi, sans doute, c'est parce que la naissance approche et que certaines choses la touchent inexplicablement, au point qu'elle pleure ou s'émeut parfois, sans raison.
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Les paroles d’Eibhlin sont pleines de sens. Cela ne le surprend pas outre mesure : bien entendu que la Dame de Corintamh a envisagé les différentes solutions qui s’offraient à leur famille depuis les événements de la cathédrale. Ses mots pourtant sont rassurants, et le jeune héritier sent s’alléger un peu le fardeau sur ses épaules. Quel que soit son choix à présent, Tiarnan a cette conviction que les Vaël, ou une partie d’entre eux du moins, sauront s’asseoir autour d’une table pour gérer la situation au mieux. Pour le bien de Starkhaven. Pour la survie de cette lignée. Bien sûr, de nombreux imprévus peuvent encore ternir le tableau, comme la relation complexe et ombrageuse qu’il commence à entretenir avec son père, le Prince. Les deux hommes ont des divergences trop profondes pour être surmontées en quelques semaines, mais le sujet est encore trop lourd pour qu’il n’ait envie d’en faire part à sa sœur. Pas dans sa condition, pas avant la naissance de son enfant.

La question du conseil est pertinente. Il y a déjà pensé, s’est déjà demandé à qui il faisait confiance et à qui il ne le faisait pas. En réalité la plupart des conseillers de son père entraient dans la seconde catégorie, mais il savait aussi qu’il ne pouvait pas tous les écarter sans s’attirer d’avantage d’inimitiés au sein de la vieille noblesse havenoise. En dehors de la fonction, il s’agissait de choix politiques. Cependant, rien ne lui interdisait d’en remanier une partie ou de créer de nouvelles fonctions si les finances le permettaient. « Oh, nous en parlerons je pense… Certaines choses doivent changer et j’ai foi en toi pour gouverner Starkhaven, tout comme je pense pouvoir apporter si jamais je renonce à cet héritage. » Devrait-il lui parler davantage de ce qu’il prévoit dans ce cas-là, et des conséquences que cela pourrait avoir ? « Nos destins sont liés, d’une certaine manière. » Et cela ne lui déplaisait pas foncièrement.

Elle semble suivre le même fil de pensée car sa question fait écho aux non-dits, ombres incertaines qu’elle lui demande de dévoiler s’il veut. Il hausse les épaules comme par réflexe et s’enfonce dans son siège. « Je n’ai pas de certitude à ce sujet, et je ne suis pas très au fait des précédents juridiques à ce genre de situations. Dans mon esprit, renoncer au trône revient à renier mon héritage entier, et donc à s’écarter de la famille Vaël pour quelque chose d’autre. J’imagine qu’il serait toujours possible que je garde le nom, que c’est arrivé, ici ou ailleurs, mais je suis aussi le fils de Dera Gaimont, et donc membre de cette famille aussi. Est-ce que prendre ce nom et le revendiquer me placerait de facto héritier de la famille, en l’absence de descendance masculine ? Je ne sais pas. Quoi qu’il en soit je sais que j’ai une place dans la noblesse de la ville, même si elle ne sera jamais commune. » Il y a une certaine tristesse dans ses mots, qui sont cependant dépourvus d’amertume. Non, pour une fois dans sa vie, Tiarnan ne tient rigueur à personne de cela. Il regrette peut-être simplement au fond de lui ce destin singulier qui l’empêchera, quoi qu’il fasse, de se fondre dans la masse.

« Je pense continuer à faire de mon mieux pour Starkhaven quoi qu’il en soit, et cela signifie, dans l’immédiat, aider la Garde des Ombres – non pas comme recrue mais comme allié. Et faire au mieux pour aider nos citoyens. Dans ce cas, ta question est légitime. Pourquoi renoncer au trône, quand ces objectifs seront plus efficacement menés avec plus de pouvoir ? J’y pense oui, et je doute pour cela. Tu le sais, je n’ai jamais rêvé de diriger, mais cela reste un outil formidable de changement. Seulement, cet outil ne peut être efficace s’il est contré, et j’ai bien peu d’alliés pour asseoir une autorité stable dont nous avons pourtant plus que jamais besoin. L’aristocratie me méprise en grande partie, pour ce que je suis de naissance et pour ce qui émane de moi. Mes derniers combats au Grand-Tournoi n’ont pas beaucoup aidé. La seule force politique qui pourrait légitimement contrebalancer cela est, je le crois, la Chantrie. Ici encore, je ne pense pas être dans les meilleures relations avec ses représentants, et quelques simples rumeurs suffisent à me mettre dans l’embarras. »

Il sourit malgré lui, comme si cela l’amusait un peu au fond. « Tu comprends, n’est-ce pas ? Je n’ai pas encore hérité que je suis déjà grandement fragilisé pour gouverner. Et cette situation pourrait encore s’envenimer avec ma relation avec notre père et mon soutien affiché à la Garde des Ombres. Cela fait beaucoup. Beaucoup à miser avec peu de garanties. Si je tombe pendant l’exercice du pouvoir, alors le trône et les Vaël seront eux aussi fragilisés. En cela, tu incarnes de bien meilleures chances de réussite que moi, tu ne crois pas ? »
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Nos destins sont liés.
Inévitablement, même, quand leur frère et leur sœur appartiennent à la Chantrie, que leur cousine a d’autres ambitions et est de toute façon exilée politiquement et qu’il ne reste qu’eux deux.
Si seulement ils l’avaient réalisé plus tôt, si seulement ils s’étaient entraidés avant qu’il ne soit trop tard, sans doute. Les paroles de Tiarnan sonnaient justes et vraies, pleines d’une sagesse qu’elle ne lui connaissait pas. Il grandissait, mûrissait, mais dans ses mots seulement, pas encore dans ses actes. Elle le laissa parler, affichant un visage neutre d’abord, puis de plus en plus fermé.

Et s’il avait raison, et s’il n’y avait déjà plus que cette option ? L’enclin ne faisant que renforcer l’urgence, précipitant leurs destins croisés.

« C’est une analyse pertinente, Tiarnan. Cependant j’ai aussi mes ennemis, même si pour le moment ils ne me considèrent pas comme tel, ils ne me voient pas comme une héritière. Pour eux je suis une femme qui a trouvé sa place, et sans doute n’auront-ils pas grand chose de plus à me reprocher que cela… d’être une femme. » Sa position est moins fragile, oui, en tant que fille légitime et noble réputée. Ceux qui s’opposent à Kendric s’opposeront à elle, mais qui d’autres oseraient ? Tout comme la Chantrie ne devrait pas s’y opposer, elle n’a jamais été qu’exemplairement pieuse et investie dans Ses Œuvres.

« Mais tu as raison, ma position est loin d’être fragile, contrairement à la tienne. Dois-je en conclure que tu as pris ta décision, finalement ? » demanda-t-elle avec une certaine douceur. Ils n’avaient parlé jusque-là que d’hypothèses et de choix à faire, pourtant il lui semblait après ses dernières paroles que le sort était jeté et les cartes déjà posées sur la table.

« Il y a autre chose cependant : Espérons que cet enfant soit un garçon. Sinon, il nous faudra un héritier et vite, surtout avec la menace qui pèse aujourd’hui sur nous tous. Si je dois monter sur le trône, tu ne peux pas me laisser porter seule ce fardeau car tu sais combien il peut être lourd à porter, même si j’aime à croire que j’ai les épaules suffisamment larges et solides. Il est temps que tu te maries Tiarnan, nous n’avons plus le luxe d’attendre comme nous l’avions quelques mois plus tôt… Malheureusement… » Son dernier mot s’éteignit en un fin murmure, et dans le silence elle disait « je suis désolée. Désolée de te demander ça. » Tiarnan était encore jeune, bien assez pour prendre le temps de choisir son épouse. En temps normal.

Ces temps étaient tout sauf normaux.
Comme ce choix qui n’aurait jamais dû en être un.
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Parler lui permet d’éclaircir ce qui a trop longtemps été enfoui, gardé pour soi, parce que ce ne sont pas des sujets que l’on aborde avec le premier inconnu, qu’ils sont pesants pour lui et lourds de conséquences pour bien d’autres. Pour autant, les chemins qui se dessinent ne sont ni clairs ni faciles. Pire, ils impliquent Eibhlin plus qu’il ne l’aurait souhaité, parce qu’il est bien familier avec l’ombre du fardeau de la couronne et qu’elle n’est qu’humaine elle aussi, avec sa fragilité et ses peurs – même si elle le cache mieux. Quand bien même les obstacles seraient moins nombreux au début de son règne, il lui faudrait probablement faire face aux tourments d’un Enclin, responsable de la Cité et de ses alentours. Il lui faudrait probablement vivre avec des ordres qui seraient teintés du trépas ou du sacrifice. Pouvait-il le lui souhaiter ? Certainement pas.

« Mais tu as raison, ma position est loin d’être fragile, contrairement à la tienne. Dois-je en conclure que tu as pris ta décision, finalement ? » Malgré la douceur de sa voix, le jeune homme se sent soudainement mis au pied du mur. Ses grands yeux bleus se lèvent, emprunts de remords et de doutes. Ne t’es tu pas mis seul dans cette situation, Tiarnan ? Les choses ne seraient-elles pas différentes si tu avais fait les bons choix, si tu avais tenu les bons propos aux bons moments ? Ceux-là même qui t’échappent dans le feu mais te viennent après coup, quand la nuit tombe et que tu te retrouves seul, dans ta chambre ? « Je ne sais pas, Eibhlin… Cette décision ne me concerne pas uniquement, ne nous concerne pas uniquement. Elle, par exemple, est courtisée par l’héritier du Prince, pas par un autre Vaël, pas par un Gaimont ou autre noble havenois. Kendric est toujours sur le trône, et il n’a rien exprimé encore sur cette possibilité – pourtant clarifiée, je le crois, par les événements de l’inauguration. S’il ne tenait qu’à moi, alors oui, le choix serait plus clair bien que douloureux et difficile, et oui, je m’écarterais en ta faveur dans la succession, faute d’avoir un poids politique suffisant pour assumer le rôle qu’on m’a attribué à la naissance. »

Il voudrait que les choses soient dites et claires entre eux. Malgré ses angoisses et ses rêves de liberté, il endosserait ce rôle mille fois si cela permettait à son ainée d’avoir une vie plus normale, avec une vraie famille et des moments heureux. Longtemps, les choses étaient confuses mais il en a la certitude à cet instant.

Cependant…

Cependant, Eibhlin ajoute quelque chose, va sans doute au bout de la clarification. Tiarnan l’écoute, tassé dans son fauteuil, le visage creusé et impassible. Une fois encore, sa sœur met en lumière une zone d’ombre qu’il ne voulait pas voir, trop lourde et insupportable pour y faire face à l’instant. En l’absence d’un héritier mâle pour Eibhlin, il deviendrait éventuellement son héritier naturel, et faute de cela, un enfant de sa lignée à lui. Le raisonnement serait absurde en temps normal et il n’hésiterait d’ailleurs pas à le soulever, mais pas dans ce contexte précis, avec les prémices probables d’un Enclin. L’un et l’autre seraient exposés, et refuser de l’admettre serait de la folie. Pour limiter toute chance que Starkhaven tombe dans le chaos d’une succession contestée, la famille Vaël a besoin urgent d’héritiers mâles. Cela faisait beaucoup de suppositions, mais ils devaient en effet y penser au plus vite.

Tiarnan se lève sèchement, toute couleur semblant l’avoir quitté. Non. Un mariage est un compromis envisageable et je suis allé en ce sens parce que j’avais besoin d’une alliance et d’un regain de confiance. Enfanter, c’est une toute autre histoire, et il n’en a jamais été question, pas dans l’immédiat en tout cas. Je ne suis pas prêt. Je ne suis pas prêt à devenir père. Que pourrais-je apporter d’autre à un enfant que la solitude et la déception, un modèle raté qui ne sait pas s’y prendre, qui n’est pas là quand cela compte ?  

« Si tu montes sur le trône, je serai là pour te soutenir – et d’avantage que par de simples mots. Mais il est hors de question que je me marie sans amour pour donner naissance à un enfant dans le seul but d’avoir une sécurité dans notre lignée, une roue de secours à laquelle se raccrocher, fin du monde ou pas. Si tu as une fille et que tu montes sur le trône, alors battons nous pour qu’elle puisse hériter elle, en l’absence d’un frère – mais ne me demande pas ce que je ne peux pas t’apporter. »

Ses mots sont cinglants et se radoucissement un peu alors qu’il tourne les talons pour quitter la pièce. « N’envisageons pas le pire, Eibhlin. Envisageons le mieux. Passe une bonne journée, ma soeur. »

La matinée était déjà bien avancée et il avait à faire à l’autre bout de la ville, dans la Commanderie de la Garde des Ombres.
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Oh si, Kendric s'est exprimé sur le sujet et il a toujours été très clair. Son choix est et restera toujours le même, néanmoins le Prince a fortement perdu en poids et en crédibilité récemment. Du moins c'est ce qu'Eibhlin croit. Et s'il continue de s'y opposer malgré le choix de Tiarnan alors Eibhlin saura trouver des alliés suffisamment puissant pour l'y contraindre. Du moins, le pense-t-elle.
Et en cela elle pense que Tiarnan a tort, le plus gros réside entre ses propres mains : il est l'héritier et tant qu'il est là, pourquoi quiconque penserait à qui que ce soit d'autre que lui pour succéder à Kendric ? Néanmoins Eibhlin n'en rajoute pas, car il n'a pas complètement tort bien sûr et qu'elle ne veut pas pousser en ce sens de toute façon. Ce n'est pas - plus - le destin qu'elle aurait voulu pour elle-même, ni pour lui. Plus maintenant qu'elle a compris qu'elle ne gagnerait jamais la reconnaissance de son père et de sa mère, même en montant sur le trône.

Tiarnan réagit de façon bien virulente à ses propos sur le mariage et ses insinuations sur l'héritier.  Elle soupire, mais concède tacitement. Cela lui a coûté de faire cette demande, alors elle n'insistera pas et portera donc seule ce fardeau. Qu'il en soit ainsi.
Une part d'elle sourit intérieurement, la jeune femme naïve qui se reconnait dans le jeune homme naïf, ou la grande sœur qui veut étrangement protéger son cadet. Peut-être oui, peut-être que s'il ne monte pas sur le trône, il peut encore avoir cette chance et cette liberté. La Vaël, elle, est contrariée, et, à nouveau, elle se sent bien seule à tenir les murs de cette famille. Mais que dire de plus ? Il a entendu, et il est déjà parti.

« Une bonne journée à toi également, mon frère. Que le Créateur guide tes pas, répond-t-elle sans conviction, sur un ton un peu dur. »

Une fois Tiarnan parti, la tête de la dame ploie alors qu'elle se frotte le front et les sourcils du bout des doigts, son coude appuyé sur l'accoudoir.

Fin du RP.


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