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Le secret des fleurs séchées — Eireen.
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Dim 20 Fév - 15:54
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Dim 20 Fév - 16:01
Quelque chose dans Starkhaven résonne en lui, à la manière des carillons de la nouvelle Cathédrale sur le point de s’achever. Un pressentiment tendu, visqueux niché dans son ventre et remontant le long de sa colonne vertébrale. Ce n’est pas la première fois que l’instinct l’avertit de drames à venir et il laisse les brouillards s’épaissir sans chercher à s’en distraire.
La journée est trop belle pour ce type de désagréments. Fraîche, timidement ensoleillée, une bruine blanche qui appelle aux manteaux plus épais et épice d’une pâle clarté toute la ville. Aerontus termine de boucler les attaches de son pourpoint puis indique à Taenar les dernières consignes visant à la sécurité des convives pour le dîner de ce soir. Des membres de familles tévintides se joindront dans quelques heures à leur table apprêtée pour l’occasion. Cultiver les bonnes ententes, resserrer des liens – aussi factices soient-ils – demande du temps et de l’investissement mais c’est ici leur tâche et ils s’en acquittent avec dextérité et autant de panache que possible. « Je m’éclipse quelques heures. Tu m’avais dit le Clattercraft la dernière fois, n’est-ce pas ? » Il n’a pas besoin d’expliquer que Taenar a déjà compris et appelle d’une voix calme un autre esclave.
L’Ambassadeur a un rire en voyant l’éclat de désapprobation inquiète briller un instant dans le regard de son conseiller. Il ne devrait pas d’ailleurs, la complicité entre eux a dorénavant un parfum dangereux.
L’Ambassadeur a un rire en voyant l’éclat de désapprobation inquiète briller un instant dans le regard de son conseiller. Il ne devrait pas d’ailleurs, la complicité entre eux a dorénavant un parfum dangereux.
Il faut peu de temps pour préparer les chevaux et encore moins pour s’y hisser. Un dernier rajustement de son turban sur ses cheveux sombres, un gage de reconnaissance rehaussé d’effroi et de séduction pour la population locale. « Ce serait dommage de ne pas les faire chanter de si bon matin. » Ajoute-t-il à haute voix pour un Taenar inflexible, un sourire charmant au bout des lèvres. Les rênes au creux de ses mains prennent un poids enivrant sur le moment et il éprouve toujours autant de plaisir à ces chevauchées impromptues, à ces courts voyages que la diplomatie et la curiosité lui intiment.
Les bruits les plus divers martèlent continûment les rues havenoises. Le brouhaha amplifié par les oscillations constantes des trop nombreux artisans impose à la capitale une rythmique éreintante faite de vacarmes et de sueurs. Aerontus pose une main apaisante sur le cou de l’étalon, les yeux brillants d’une pulsation épique, celle d'une cité toujours en mouvement. Une fois dans le Clattercraft, tout devient couleurs vives et grands cris. Ici des échafaudages tendus, là des grands fours fumants dégueulant leurs recettes à même les rues ; partout on voit des forges ouvertes et des vendeurs d’épices, partout des accolades et de la vie. « Marchand d’oublies ! Qui veut des oublies ? Bien chaudes pour réchauffer les menottes ! Un sou l’oublie, trois sous les cinq ! Marchand d’oublies, marchand d’oublies ! » Aerontus finit par mettre pied à terre, la foule compacte et l’étroitesse des ruelles entravant la progression de sa monture. La bride est maintenue fermement entre ses doigts et il jette un regard vers l’esclave qui le suit en ombre protectrice avant de continuer aimablement, comme si c’était là une promenade des plus habituelles. Il ne se serait guère risqué à ce genre d’escapade à son arrivée à Starkhaven. Les temps changent. Il a bien conscience qu’on ne fait rien d’autre encore que le tolérer désormais, et plus par habitude qu’autre chose, mais les pierres se polissent à force d’être caressées par les rivières et Aerontus continue d’avancer, les pas liquides et malléables sur la terre boueuse des Marches Libres.
Il adresse parfois quelques mots à certains visages qu’il reconnaît. On prend des nouvelles de l’économie locale, on se plaint de la cacophonie et des prix qui grimpent. Les températures vont chuter lui dit-on. Le froid va charrier ses gelées et ses mendiants comprend-il. Aerontus cille en voyant un groupe d’hommes lui tourner le dos, grognons et l’expression fermée. Ah, des Andériens. Il passe son chemin, il sait que si certains sont méfiants, d’autres ont le cœur en écharpe, heureux d’être entendus ou tout simplement remarqués. Un charpentier qui a déjà œuvré à l’Ambassade lui explique que la construction de la Cathédrale va lui coûter la vie, ses reins et plusieurs générations – rien que ça. Il perçoit pourtant aisément la fierté gonfler le torse de l’artisan. Là des tisserandes expérimentées dont les textiles ouvragés sèchent sur les balcons et qui ont contribué à magnifier la garde-robe de Sertoria, lui font remarquer que son turban est bien beau mais qu’on ne sait pas ce qui s’y cache. « Des secrets, serah. » Badine-t-il, plaçant un doigt sur ses lèvres ourlées d’un sourire aussi fugace que charmeur. Les enfants font sauter des osselets ou bavent d’envie tout autour du marchand de sucreries locales. Toute la ville respire d’une diversité prodigieuse.
Quelques questions et on lui indique enfin l’humble boutique. Il remet les rênes de sa monture au serviteur et va pour pénétrer dans l’échoppe.
Quelques questions et on lui indique enfin l’humble boutique. Il remet les rênes de sa monture au serviteur et va pour pénétrer dans l’échoppe.
Il y a du monde aussi à l’intérieur. Des herbes séchées garnissent les plafonds encombrés, les étagères sont pleines de pots et de sachets étiquetés d’une plume élégante. Il remarque des fioles liquides et des poudres dans des tabatières en acier. La science des herboristes est séculaire, ancienne comme le monde. On peut tuer avec les plantes, on peut aussi ravir des cœurs et pénétrer les âmes. A l’instar de la magie – et c’en est une aussi quelque part – elle a ses propres secrets et ses parts d’ombre. Flâneur, Aerontus observe les reliures de livres d’apothicaire siégeant près de la jeune femme occupée par un client désireux de trouver les plantes nécessaires à un cataplasme pour son enfant. Quand ce dernier se retire, il se tourne enfin vers Eireen. « Je comprends mieux. » Des énigmes plein les cils. Il a vu l’homme partir sans paiement, et les serviteurs de l’ambassade lui ont déjà dit qu’elle n’acceptait que les rémunérations justes quand bien même ils n’avaient pas fait mystère de leurs appartenances tévintides. D’autres en auraient profité éhontément. D’autres encore auraient peut-être même fait bien pire.
Une bonne âme donc.
Aerontus laisse l’odeur de lavande et de sauge flotter un instant. Il y a d’autres herbes qu’il ne distingue pas vraiment mais qui embaument avec force les lieux et la jeune femme. « Serah Blackwood, je présume ? Aerontus Nepos, Ambassadeur de Tévinter. » Il attend, quelques secondes tout au plus, de quoi laisser les mots parvenir jusqu'aux iris émeraudes de l’herboriste. « Enchanté. » Il sourit en songeant qu'elle semble tout à fait fidèle au portrait que lui en a fait Zélia. « Il paraît que vous êtes maintes fois venue en aide à nombre de mes serviteurs, et il me semble que j'aurais manqué à tous mes devoirs si je n'étais pas venu vous en remercier en personne. » Un ambassadeur peut-il décemment s'abaisser à se perdre parmi les masses populaires, à s'inquiéter d'un retour de considération aussi infime ? Il pense, lui, qu'un remerciement n'a rien de trivial et que le peuple ne doit jamais être négligé. Eireen Blackwood rayonne de la gratitude que les plus modestes lui vouent, et il ne perd rien à contribuer à la faire briller au-delà. « J'étais par ailleurs curieux de faire votre connaissance. Votre réputation de bonté est parvenue jusqu'à ma porte et je suis presque fâché de constater que votre générosité vous retient encore entre ces murs - ceux d'une échoppe charmante, j'en conviens, mais par trop modeste et nullement à la hauteur de tout ce que vous aimeriez accomplir pour votre prochain, n'est-ce pas ? » À force de complaire aux mauvais payeurs, on se condamne à l'invisibilité.
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Lun 28 Mar - 12:19
Un remerciement, une main tendue... Voilà tout ce dont j'ai besoin. Avant de sortir, je récupère le petit pot contenant les bonbons tout ronds que j'ai créé hier et qui, j'en suis certaine, raviront les enfants des horizons. Je teste les goûts avec eux. Des bonbons aux plantes, soignant, calmant, des bonbons pour donner des médicaments, idéal pour faire comme si de rien était. Je sais que quelques enfants ont des toux persistantes, et je ne serais pas une bonne herboriste si je ne leur venait pas en aide. À peine sorti que me voilà assailli par les bruits alentour. Les échoppes qui changent de vendeur, celles qui se mettent en place. Les discussions matinales d'un monde qui se remet en branle pour repartir sur de bonnes bases. Clattercraft est un endroit bruyant, je ne vais pas le nier, mais c'est un endroit que j'aime énormément. Ici, je me sens profondément utile. Ici, je peux exercer le savoir que j'ai mis tant de temps à acquérir. Alors que je ferme la porte, je sens une petite menotte s'agripper à ma cape, comme tous les matins. « Bonjour Lavina. » Elle me sourit, mais ne parle toujours pas. Je crains fort qu'elle ne soit muette, mais cela importe peu. Elle prend ma main et dépose dedans une petite sculpture. Il s'agit d'une petite fouine qu'elle a dû rencontrer sur le marché, ou alors ailleurs, je ne sais pas trop. Je me baisse pour être à sa hauteur. « C'est magnifique, tu devrais en mettre sur l'échoppe de ton papa. » Elle hoche la tête pour me signifier qu'elle le fait déjà. Je tente de lui rendre celle qu'elle m'a donnée, mais elle m'indique que c'est pour moi, puis indique sa gorge.
Son père ne comprenait pas ce qui lui arrivait, moi non plus au départ, mais force est de constater qu'elle ne parlait toujours pas et que ce n'était pas psychologique. Un petit bout chou sans voix mais avec un talent fou. Un diagnostic difficile mais inévitable. Même la magie ne saurait réparer ce qui n'existe pas. Alors il a accepté le fait que sa fille ne parlerait jamais et lui a donné les moyens de le faire. « Merci beaucoup. Je demanderais à ton papa une nouvelle étagère et je l'exposerais derrière le comptoir. Tiens, tu vas testé ça pour moi d'accord ? » Un sourire illumine son visage, c'est ma première testeuse. Tisane, bonbons, nouvelles plantes, elle n'hésite jamais et le fait avec plaisir. J'ouvre le bocal et lui tend un bonbon qu'elle prend dans sa bouche sans hésiter. Elle attend quelques instants que la saveur se diffuse et quand elle me regarde de nouveau avec des étoiles dans les yeux, je comprends vite que ce nouveau médicament est un succès. « Allez file, je crois qu'on t'attend. » Elle se jette à mon cou et je lui dédie avec plaisir un câlin avant de faire un signe aux personnes qui nous regardent. Un sourire à tout le monde et je pars vers les portes de la ville. Sur mon passage, les salue se font comme tous les matins, nous ne sommes pas riches, c'est vrai. Mais nous sommes riches de notre communauté, de notre solidarité, des sourires qui se dessinent sur nos visages malgré ce qui peut nous arriver. J'arrive enfin près des enfants que j'appelle et à qui je distribue tous mes petits bonbons. Voir leurs yeux s'écarquiller et entendre les bruits de satisfaction me suffisent amplement pour prendre mon chemin.
Une fois dehors, je m'attelle à récupérer toutes les plantes qui ne fleurissent qu'à certaines heures et qui sont souvent de parfait remède. Bien évidemment, il y a aussi mes champs personnels dans lesquels je fais pousser certaines plantes et d'autres que je fais venir de loin parfois. Tout un univers que je ramène ensuite à la boutique. Je commence mes décoctions, mes préparations. Je sais déjà que ma journée ne va pas être simple, comme toutes les autres journées, mais rester active de cette façon me fait du bien. Au moral comme au cœur. C'est donc avec le sourire toujours vissé sur les lèvres que je finis par ouvrir la boutique. Comme d'habitude, un certain nombre de personnes attendent devant la porte. Je les reçois un par un, secret professionnel d'une certaine façon. Certains ne veulent pas réellement que les autres sachent ce qu'ils ont, même si ici, tout se sait. Je m'occupe d'Antar quand un homme que je n'ai encore jamais vu entre dans la boutique. Je ne l'ai vu que du coin de l'œil, mais je sais déjà qu'il ne vient pas du quartier. Souriant à Antar, je lui tend l'un des petits pots que je prépare toujours en plus pour lui. « Il est plus fort que les précédents. Ne met qu'une noisette sur son torse et surtout fait lui prendre un bain de plante une fois par semaine et une tisane tous les matins. » Je dépose tous les petits sachets sur le comptoir et il les prend en me remerciant. Oui, pas de paiement. Je sais déjà que quand il aura des légumes, il m'en apportera sans que je n'ai rien demandé. Avant, par timidité, il les déposait devant ma porte, dorénavant, il les dépose dans mes mains. Je n'ai pas besoin d'argent, pas besoin de paiement. Savoir que Mélida va mieux me plaît d'autant plus, mais je sais aussi que je ne peux pas leur dire non. La dernière fois, je me suis fait hurler dessus par la femme de l'aubergiste qui me disait qu'il fallait que je me nourrisse sinon ils seraient tous dans la panade.
Heureusement, ils me nourrissent assez toute la journée... D'un autre côté, j'ai amélioré le goût de leur bière et j'ai même créé différentes senteurs. Voir les clients affluer chez eux, voir le quartier aussi actif, c'est une preuve qu'on fait tous bien notre travail. Je lève la tête au moment où l'homme prend la parole. « Messere. » Je m'incline comme je le dois. Son statut et le mien sont clairement différents. Pas que cela m'indiffère en réalité. Quand il se présente, j'ouvre quand même de grands yeux. L'ambassadeur, en personnage. « Enchantée de même. » Même si sur la défensive. Il est très rare qu'un noble vienne directement dans ce quartier. « C'est mon rôle de leur venir en aide. Et ils sont réellement charmants. Comment ne pas avoir envie de les aider. » Une vérité que je ne vais pas cacher. S'il est vrai que nous avons tous des secrets, ma façon de traiter les gens n'en ai pas une. « C'est très aimable de votre part, mais vous n'étiez pas obligé vous savez. Savoir qu'ils vont mieux et bien me suffit amplement. » J'ai envie de rajouter que je n'ai pas besoin de plus, mais à quoi bon. J'imagine qu'il a déjà compris qui j'étais. Il suffit de voir que j'ai laissé partir l'homme avant sans rien exiger en retour pour comprendre. Je me lève et commence à ranger quelques herbes qui traînent par-ci, par-là. Un autre souci me concernant : je ne sais pas resté en place. C'est pour ça que je suis souvent à créer tout un tas de choses. Un léger sourire se fait quand il reprend la parole. Ses paroles, bien que légères, sont lourdes de sens. Je sais qu'il n'y a rien de méchant dans ce qu'il dit, juste une vérité.
« Il est vrai que j'aimerais toujours en faire plus pour les autres. Lorsqu'on est herboriste, on ne veut qu'une seule chose : que les autres aillent bien. Enfin, c'est comme ça que l'on m'a formé. » Pour ça et pour bien autre chose que je ne compte pas divulguer. « Mais cette échoppe, bien que petite, reflète exactement qui je suis. Je n'ai pas besoin d'argent pour exercer ce dont je suis capable. Je n'ai pas besoin de plus de visibilité pour accomplir ce que je dois accomplir et je n'ai pas envie que les gens se méprennent sur ce que je fais. » Je le regarde avec la douceur qui me caractérise. Nul jugement dans mes paroles, seulement des vérités d'un cœur qui ne cherche qu'à apporter un peu de bonheur. « J'aime ces murs parce que j'aime cette communauté. Si j'allais ailleurs avec plus de moyens, je ne pourrais pas faire tout ce que je fais ici. Je ne pourrais pas aider une communauté qui en a cruellement besoin. Je ne serais plus qu'une de ces herboristes des plus riches car les plus pauvres ne viendraient jamais dans une échoppe plus luxueuse. Je veux être l'herboriste du peuple, parce que je suis le peuple et parce que ça me satisfait. C'est aussi simple que cela. » Peu importe que ma générosité me retienne dans ces murs, c'est mon choix. Un choix mûrement réfléchi. Ici, j'ai enfin l'impression de pouvoir être moi, de pouvoir faire ce que j'ai toujours voulu faire. Ici, aussi modeste que soit cette échoppe, je sais que ma contribution à la communauté est indispensable, surtout quand on voit le nombre de travailleurs. « Puis-je faire quelque chose pour vous Ambassadeur ? Des plantes, des remèdes ? Vous trouverez tout ce qu'il vous faut, si tant est que vous demandiez ce qu'il faut. » Un léger sourire énigmatique et j'attend qu'il reprenne la parole.
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