La vérité fait fuir
“Fenedhis!” (juron)
La griffonne lâcha un sifflement assourdissant dont on pouvait presque distinguer un grognement. La plupart de la Garde connaissait ce cri d’avertissement. Les griffons étaient des créatures fières, qui ne laissaient jamais rien au silence. Et Drynne considérait comprendre Dhaveira comme personne, mais il avait délibérément ignoré ses piaillements d’avertissement, trop obstiné pour ne pas forcer l’affaire. Sa main ensanglantée en était la preuve - pourtant, elle ne l’empêcha pas de continuer à tenir la corde; celle qui se rattachait directement à sa bride et qui virevoltait entre lui et elle.
Orgueilleuse, Dhaveira secoua sa tête aux larges plumes blanches, haussant sa crête à nouveau; ses yeux ronds, à la pupille minuscule, ne quittaient pas son interlocuteur acharné. Ses ailes étaient haussées, signe qu’elle n’était pas du tout satisfaite. L’elfe céda.
“Ir abelas… ma vhenan.” - soupirant, plus pour lui-même que pour son amie furibonde, “Dareth shiral.”
De sa main saine, le dalatien détacha la corde qui la tenait, et s’empressa de reculer. L’immense créature piaffa, ses ailes manquant de le bousculer, alors qu’elle s’élançait en avant, gagnant le rebord de la rempart et d’un saut agile, s’envolant. Drynne observa la griffonne s’éloigner dans les airs à contrecœur. Quelques plumes s’étaient relâchées de son corps et tombaient élégamment, promettant de planer un bon moment avant d’atteindre un quelconque toit de la ville.
Son corps si vigoureux avait maigri quelque peu depuis leur arrivée, et ce fait l'inquiétait. C’était vraiment la dernière chose dont il avait besoin, de se faire du souci pour elle. Surtout maintenant, que Senaste et la Garde pourraient être appelés à tout moment?
D’une main agile, il lança le gros morceau de viande de mouton- que sa monture venait catégoriquement de refuser, et le jeta vers le griffon d’un collègue. Piaffant d’impatience, celui-ci le saisit d’un claquement de bec efficace. Drynne avait enroulé sa plaie d’un pansement de lin improvisé, après l’avoir hygiénisé, avant de quitter la station des Garde des Ombres.
Regagnant la ville, Drynne traîna un bon moment, ignorant les œillades curieuses des gens qu’il croisait. À Antiva, la populace arrivait quand même à être plus discrète (c’était même drôle de le remarquer)! Ou alors, il s’était si vite accoutumé à leurs extravagances, qu’il n’y avait pas pris d’importance. Conséquence de cette Guerre des Rats de Starkhaven, dont il avait entendu vent? Ah, ces problèmes d’humains. Nonchalamment, et peut-être aussi inconsciemment, avait-il vogué vers le Bascloîtres, le quartier aux elfes sans vallaslins. Même eux le regardaient parfois bizarrement, mais il n’en avait que faire. Le tissu de son uniforme était de ce bleu si particulier, couleur indéniablement liée à l’organisation des tueurs d’engeances. Son armure moyenne de cuir avait toujours été confortable, et lui permettait de s’adosser longtemps; ce qu’il fit, mastiquant une pomme qu’il avait prit avec lui, alors qu’il observait l’immense Vhenadahl du quartier.
L’après-midi touchait à sa fin, et le rythme de la journée s’était presque adouci - à cette heure-ci, le chahut était surtout autour du port. Heureusement.
De l’autre côté de la cour, non loin de l’arbre, quelques maigres da’len jouaient et criaient, mais ce son ne l’avait jamais troublé. Les souvenirs du clan revenaient,soudain il pouvait voir le vert des arbres - ses arbres - et ses frères et sœurs jouant sous un soleil paresseux. Son estomac se noua. Foutues pensées qui s’acharnaient à le prendre d’assaut, en plein moment de solitude. Il virevolta le reste de sa pomme entre ses fins doigts, et la jeta dans un buisson non loin.
C’est alors qu’il aperçut une silhouette qu’il reconnut, à une vingtaine de mètres. Une figure haute, cheveux grisâtres- et pourtant, la femme n’était pas très âgée - ses pas étaient trop dextres et vifs pour cela. Elle semblait même… quitter son logis? Supposition risquée, mais il y avait un certain semblant d’habitude dans ses gestes. Avait-elle quelque chose en main?
Maintenant qu’il pouvait y réfléchir plus convenablement, ses mouvements étaient drôlement félins eux aussi. L’autre jour, il avait aperçu cette femme - mais il n’était pas sûre qu’elle l’ait remarqué. Une situation… très particulière, presque comique aux yeux du dalatien. Tout avait commencé avec un chat bien trop intelligent... une allée cul-de-sac, puis une elfe, aux mêmes mouvements et tics subtiles.
Que faisait un apostat ici ? Car un mage avait bien plus de chance d'en reconnaître un autre... Il se demanda si les Templiers avaient mieux à faire en ce moment, que de squatter le quartier des elfes? Sans doute.
Adossé encore à sa large poutre de bois verticale, le dalatien maintint son regard discret. Il décida de scruter le reste du quartier un moment, avant de se décider. Après tout, il ne connaissait pas extensivement les habitudes des havenois. Il se ressaisit quelque peu; Dhaveira ne voulait pas de sa compagnie aujourd’hui, et n’en voudrait probablement pas le lendemain non plus.
Mukae avait bien raison, quand elle lui disait “qu’il n’avait jamais eu d’opprobre à se lancer sur les engeances - alors pourquoi pas faire de même envers de potentielles connaissances?” C’est qu’elle n’avait pas des vallaslins plein la figure, elle. Facile à dire pour un durgen’len! La voix de son amie naine résonna dans sa tête, alors qu’il prit un pas, puis un autre, avançant en direction de la ruelle qu’avait pris l’élégante et mystérieuse elfe. Un idée lui était venue.
Un miaulement mécontent brisa le calme de la petite maison, rapidement suivit par un bruit de vaisselle brisée. Assise en tailleur sur un coussin, Athera avait tenter de faire le vide dans son esprit depuis une bonne demi-heure... en vain. Elle poussa un soupire las, renonçant à sa tentative de méditation. « - Qu'est-ce que vous avez encore brisé ? Et, surtout qui à encore brisé ? » L'elfe avait beau faire tout les effort du monde, elle était incapable de sembler ne serait-ce qu'un peu en colère après ses chats. Alors qu'elle se déplaçait vers la source du bruit, un éclair blanc et angora traversa la pièce en sens inverse pour venir se frotter à ses jambes. Gentiment elle attrapa, et cala sous son bras, celui qu'elle surnommait affectueusement Monseigneur. De sa main libre, elle poussa un rideaux, dévoilant le petit coin qu'elle avait aménager en cuisine. Ce qui était, autrefois, un très joli bol en terre cuite jonchait maintenant le sol sous le regard, bien trop innocent, de trois félins. L'un d'entre eux était borgne, le second n'avait que trois patte et la queue du troisième formait un angle tristement improbable.
Athera reposa Monseigneur au sol, regardant ses trois suspect. La fenêtre était ouverte, et elle pouvait voir deux autres félins dans le jardin. L'un d'entre eux paisiblement endormit au soleil et le second, un peu trop proche de la maison, vint s'ajouter à la liste des potentiel coupable... et puis il y avait bien sûr Monseigneur, qui semblait trop pressé à quitter la scène du crime. « - Évidemment, aucun d'entre vous ne se dénoncera... ou ne vendra son petit camarade, n'est-ce pas ? » La jeune femme déposa le chat blanc sur la table, et commença à ramasser les morceaux du poterie. « - C'est bien. Il faut toujours être solidaire dans le crime. » Du bout des doigts elle offrit une grattouille au chat borgne qui émit un roucoulement ravi. « -Quant à moi... Il faudrait que je pense à cesser de laisser mes biens les plus fragile à votre portée. Il était tout de même beau ce bol. » Elle se débarrassa des restes de terre cuite, les jetant dans une petite corbeille et profita d'être en mouvements pour déposer de morceau de viande séchée dans les écuelles de ses compagnons à poil. « - Voilà pour vous... maintenant... » elle jeta un regard à l'extérieur, le jour commençait à décliner « - … maintenant, vos petits camarades sans-abris doivent attendre leur second service de la journée. Ne cassez rien d'autre en mon absence. »
La jeune femme se dirigea vers la porte d'entrée, attrapant un sac et une cape au passage. Elle vérifia bien la présence des boulettes qu'elle préparait pour les félins, ainsi que celle d'une petite boîte de biscuits. Enfin elle ouvrit la porte et sortit hors de sa maison. Le monde extérieur lui offrait toujours une sensation étrange. Un mélange d'euphorie et de peur. Ce sentiment d'être enfin libre et la peur de pouvoir perdre cette précieuse liberté au moindre faux-pas. Pourtant, comme toujours, la joie l'emportait et Athera s'aventura sur la place, refermant derrière-elle sa porte. Rapidement un groupe d'enfant cessa son jeu, se précipitant vers elle avec un large sourire et des mains avide. La jeune femme eut un éclat de rire joyeux. « - Voilà, voilà... » Elle sortit la boîte de biscuits et la leur offrit « - Comme d'habitude, je viendrai m'assurer que tout a bien été dévoré et partagé équitablement ! Et ramenez-moi la boîte cette fois ! » Elle ébouriffa la chevelure rebelle d'un des enfants, avant de sortir une autre petite boîte de sa sacoche « - C'est pour ta grand-mère, j'ai entendu dire que ces poumons faisaient encore des siennes... Ces potions devraient l'aider à mieux respirer. » Personne ne lui demandait jamais comment elle se procurait de tels objets... ils avaient bien raison, pensait-elle, cela ne pourrait que leur éviter des ennuis. Le petit groupe repartit avec leur butin et Athera s'enfonça dans les ruelles, cherchant les endroits plus calme où se réfugiait ses amis à quatre pattes.
C'est après quelques pas hors des regards que la jeune femme commença à avoir une impression désagréable. Celle d'être suivit. Pendant quelques mètres elle poursuivit sa route, l'air de rien, ne cherchant qu'à confirmer ses doutes. Ce n'est que lorsque la sensation devint une certitude qu'elle accéléra subitement le pas pour tourner à l'angle d'une ruelle, sa main s'engouffra sous sa cape et en un geste rendu souple par l'habitude, elle sortit sa dague. La lame sombre brillait légèrement sous les reflets du soleil de fin d'après-midi et, lorsque son poursuivant passa le même angle, elle la brandit soudainement. « - Qui êtes vous ? Pourquoi me suivez-vous ? » Toute trace de douceur avait disparut dans sa voix, la jeune femme était maintenant sur le qui-vive. Les sourcils froncé, le regard noir, Athera avait subitement tout d'un chat terrifié près à passer à l'attaque si l'occasion lui en était donné.
Et il faut dire que les idées de Drynne n’attendaient pas longtemps pour passer en action.
Se voulant nonchalant, s’il suivit l’elfe dans la petite ruelle qu’elle entamait maintenant, cela n’avait rien de discret. S’en rendre compte? Juste lorsqu’il était un peu trop tard... le pas accéléré de l’elfe trahissait qu’elle l’avait repéré. Son propre air perdu en longeant les bâtisses du bascloître n’avait aidé en rien à l’affaire.
C’est vrai que suivre un individu apostat, nullement protégé par la Garde, serait assez risqué - il n’y songeait qu’à présent, alors qu’il franchit l’angle de la ruelle où la femme s’était jetée presque. Un apostat pourrait vite devenir paranoïaque, et puis... La vue de la dague le surprit dans le sens où, là, il avait la certitude d’avoir été inconscient à ce point. Bien sûr. Quel idiot - lui n’avait jamais vraiment eu cette angoisse, de vivre dans l’ombre, de peur d’être reperé, subjugué. Il aurait dû y penser plus tôt. Comme quoi, avoir trouvé sa place dans la Garde des Ombres avait quelques bénéfices. Et surtout, penser un peu plus longtemps avant d’agir, mais ça? Des détails.
“Ir abelas, je ne voulais pas vous effrayer.” La voix de Drynne résonna tout à fait calme, alors qu’il levait ses mains en signe de paix. Sa paume droite, pansée il y a quelques heures, présentait une énorme tâche de sang vif. Eh oui, les griffons, ça pince bien. Quelqu'une personne aurait paniqué à l’idée de lever une main comme ça vers une inconnue qui maniait de la dague - si aiguisée, à ce qu’il pouvait distinguer - mais lui, il n’était pas quiconque. Il se moquait de saigner comme il se moquait d'être achevé ici, en plein cul-de-sac. “Je ne vous veux aucun mal.” Sa voix était sincère, et il ne s’était pas avancé depuis qu’il l’avait repérée, ne voulant pas l’énerver davantage. Il prit même un pas en arrière - un seul, afin de ne pas attirer plus d’attention sur eux - qui sait ce que les gens pourraient mijoter, en veillant à travers les fenêtres. Ça serait d’ailleurs très mauvais, qu’on les remarque.
Sa main saine vint se poser sur son propre cœur, en signe de complicité. “Je me nomme Drynne.” L’accent dalatien était prononcé, sa diction forcée là où ce n’était pas nécessairement voulu, les syllabes s’enchaînant pourtant élégamment. Il ne répondit pas à sa seconde question, du moins pas tout de suite.
Et maintenant? Allait-elle le prendre pour un elvhen'alas, un sâle elfe des forêts? Un étranger?
Il aimait franchement ses vallaslins, prenant parfois goût aux expressions de dédain de certains. Mais parfois, elles posaient problème, car tellement de gents prétendaient savoir plus sur eux qu’il ne le savaient réellement. Les préjugés n’aidaient que très rarement, avait-il trouvé au fil des années.
Le dalatien attendit la réaction de son interlocutrice avant d’oser en ajouter.
Le froncement de sourcils ne s'effaçait pas, alors qu'elle étudiait l'individu qui lui faisait face. Un elfe, évidemment... un dalatien au vu de vallaslins sur son visage. Loin de la rassurer, la jeune femme empoigna sa dague plus fermement, ne pouvant néanmoins retenir un léger sourire sarcastique. Son accent tevintide, quoique léger, se faisant plus perceptible. « - Vous avez une bien curieuse façon de ne pas effrayer les gens... » Elle pensait à toute vitesse. Athera connaissait bien le bas cloître, et elle avait commencer à s'y faire connaître. Elle y était la jeune femme qui nourrissait les chats et les plus démunis. Elle ne manquerait sûrement pas d'alliés en cas de soucis. Ses épaule se détendirent légèrement alors qu'il fit un pas en arrière, ses yeux déviant sur la marque rouge qui s'étendait sur sa paume. « - Votre clan est aux abords de la ville ? Vous cherchez de l'aide? » Du menton, elle indiqua sa main blessé. « - Je sais où vous pouvez trouver de cataplasme si votre clan a subit une attaque, mais je n'en ai pas sur moi. » Malgré la proposition, sa voix restait méfiante, aux aguets, prête à s'enfuir ou à attaquer à la moindre occasion.
La présentation du jeune homme la laissa plus perplexe. Il ne semblait pas vraiment se soucier sa blessure. Toujours la dague en main, elle continuait de l'observer, essayant de lire son interlocuteur. Pourquoi la suivre elle ? Parce qu'il l'avait vu distribuer de la nourriture et des médicaments aux enfants ? Est-ce qu'il avait perdu son clan ? La vie n'était pas toujours simple pour les elfes solitaire, elle en avait fait l'expérience plus d'une fois dans sa fuite. Elle s'en voulait presque de le menacer de la sorte, pourtant elle se sentait bien incapable de faire confiance à un inconnu qui venait de la suivre ainsi... Même si il se montrait conciliant. « - Drynne... » Elle avait répéter le nom, machinalement, le notant dans sa mémoire. Lentement la dague s'abaissa, mais elle ne fut pas ranger dans son fourreau. Tant qu'elle n'en savait pas plus, elle se sentait plus rassurer l'arme en main. « - Je ne vous ai jamais vu dans la bas-cloître... » Elle avait rarement vu des dalatiens en général. Feyron était le seul qu'elle côtoyait au quotidien et il était peu loquace sur ses origines.
Elle laissa passer un autre instant, si l'elfe avait voulu l'attaquer, elle lui en avait largement laisser le temps à présent. « - Athera. » C'était sûrement l'une des présentation les plus absurde qu'il lui avait été donné de vivre, une dague à la main et un inconnu blessé face à elle. « - Et vous n'avez toujours pas répondu à mon autre question, Drynne, pourquoi me suiviez-vous? » Tant qu'elle ne saurait pas certaine des motivations de son poursuivant, l'elfe aurait bien du mal à ranger son arme. « - Vous semblez être sincère... mais un bon menteur sait feindre la sincérité, encore plus quand on le menace d'une arme. »
«Vous avez une bien curieuse façon de ne pas effrayer les gens…»
Ah mais elle n'avait rien vu!
Drynne se permit d’un sourire amusé - il pouvait lui accorder raison sur ce point-là.
“Je sais, on me l'a déjà dit - je ne manque jamais de subtilité…” Ce qui était encore plus drôle en considérant les farouches marques qu'il portait en pleine face.
Au sein du clan, il avait grandi en connaissant absolument tout le monde. Aborder était quelque chose de naturel chez lui. Puis plus tard dans la Garde, bien de choses avaient changé - il se tenait toujours à l’écart, perdu dans ses pensées. Même Mukae, c’était elle qui l’avait approchée. Pas très discrète non plus, mais elle était nettement plus aisée avec ses paroles, que lui l’avait été à cette époque. S’il avait appris à retrouver son éloquence c’était bien grâce à son amie Garde des Ombres.
Heureusement pour lui, de ces jours où il allait mieux, aborder quelqu’un lui était envisageable à nouveau. Aujourd’hui il était juste… pas très subtile?
À la mention de sa blessure, il fit un air surpris, observant sa main presque comme s’il la voyait pour la première fois. Ses gantelets en cuir finissaient au dos de ses mains. “Ah. Ce n’est rien. Des blessures de tous les jours. Ma griffonne n’était pas de bonne humeur. ” Quoique un cataplasme n’aurait pas été une mauvaise idée. Il virevolta son bras quelque peu, avant de reprendre sa pose de paix, palmes en avant. Aucune vraisemblance de douleur traversait son visage, malgré le rouge bien vif de son sang.
La douleur qu’il ressentait était autre - Dhaveira était une grande partie de sa vie maintenant, et sans la perspective de pouvoir retourner la voir quand bon lui plaisait, il était désaxé.
Elle ne l’avait jamais vu dans le bascloître - et pourtant il y avait assez vogué ces dernières semaines, s’engouffrant même dans des ruelles pires que celle-ci, curieux comme un renard. D'ailleurs, il l'avait même vue... Consciencieux du tournant que ces prochains mots pourraient adopter, il prit quelques moments avant de lui rétribuer. Mais il est vrai qu'il allait devoir élucider quelques points, s’il voulait qu’elle garde cette dague hors de vue et qu’elle croie en ses mots sincères.
“Athera.” il répéta tout aussi machinalement, d'une phonétique fortement élfique - un A bien ouvert, le TH comme un sifflement de serpent, le R moelleux. “Je vous suivais… car je voulais vous parler.” Tout simplement? Simplicité était toujours une bonne route à entreprendre. Il observa le fin visage de son interlocutrice. Il pouvait maintenant mieux la détailler. De fins traits, un menton bien rond, des oreilles particulièrement pointues. Un visage tout à fait vierge, sans aucune marque. À son âge, dans un clan dalatien, elle aurait déjà des vallaslins bien dissipées sous sa peau, et serait probablement déjà mariée. Tellement semblables physiquement, mais cette culture des bascloîtres les différentiait tant.
Mais qu’est-ce que tu fais Drynne? Tu vas lui demander bien gentiment si elle est vraiment métamorphe, ici en pleine rue?
Ce n’était vraiment pas envisageable. Mais il se félicita de s’être rattrapé à temps.
Drynne jeta un regard au-dessus de son épaule, puis de l’autre. Il fallait bien sortir d’ici, non? Ou peut-être pas. Certainement qu’elle se sentirait davantage en sécurité ici, dans un quartier où les parents des petits elfes qu’elle avait croisé vivaient. D’ailleurs, peut-être c’était lui, l’individu en danger? Cette dague n’était certainement pas une quelconque dague de chasse. L'arme se voyait détaillée, fort aiguisée, bien entretenue.
Crever dans une ruelle de bascloître après survivre des engeances des Tréfonds. Pathétique.
La pensée ne le traversa qu’un moment. Après tout, le danger le guettait depuis plus de vingt ans à présent.
“Peut-être voudriez-vous -... aller dans une taverne pour qu’on parle mieux?” Ah mais oui. Quel bon plan. Et puis quoi encore - tu l’invites à boire un verre maint’nant? Il pouvait presque entendre le ricanement de son amie naine. Réalisant quelques secondes après qu’il pourrait être mal interprété, le dalatien s’empressa d’ajouter : “J’aurai une commande à vous faire. Si cela vous intéresse, bien sûr. ”
L’un des symboles de griffons sur son épaule scintilla sous un maigre rayon de soleil.
Un léger rire échappa à l'elfe, c'était plus fort qu'elle. Il ne manquait pas de subtilité, c'était une façon de voir les choses. Malgré tout, sa main restait fermée sur son arme, son expression s'était juste légèrement adoucit. Le dalatien ne semblait vraiment pas lui vouloir le moindre mal, en tout cas pas pour l'instant. Ce fut la mention du griffon qui acheva de la convaincre. « - Une griffonne ? Vous appartenez à la Garde? » Cela soulevait bien d'autres questions subitement. Si il était un Garde des Ombres, que faisait-il ici ? Et pourquoi l'avoir suivit alors ? Elle s'apprêtait à reposer sa question lorsqu'elle se laissa distraire par la façon dont il venait de prononcer son prénom. Il sonnait différemment. Elle qui n'avait presque vécu qu'entourée d'humain, elle avait l'impression de le redécouvrir. C'était plus doux et presque plus fort à la fois, et surtout, cela faisait remonter un souvenir lointain. Une voix de femme dont l'accent elfique se mêlait à ceux de Tevinter. Pendant un bref instant elle détourna le regard, fixant le mur, juste le temps de se reprendre.
Fort heureusement, elle fut vitre ramenée à la réalité par la réponse, pour le moins surprenante de son interlocuteur. «- Vous vouliez me parler... » elle prononça sa phrase dans un souffle aussi amusée que désabusée. « - Et j'imagine qu'aborder une jeune femme, seule et sans défense, dans une ruelle sombre, est le meilleur moyen d'engager une conversation ? » Le sarcasme avait reprit le pas, mais, enfin, la dague disparue à nouveau sous la cape. Athera avait maintenant la conviction que l'elfe n'était pas une menace immédiate... Un sacré numéro, oui, mais une menace, non. Et le reste de la conversation ne lui fit que confirmer se qu'elle présageait, s'accompagnant d'un rire soudain presque moqueur. « - Ah, donc vous vouliez juste m'inviter à prendre un verre ? » Presque instinctivement la maléficienne s’apprêta à opposer un refus polis au jeune homme, mais la mention d'une commande la fit changer d'avis. Un client pour le Lys ? Pourquoi venir la voir elle, elle ne se chargeait pas des contrats... Peut être était-il plus à l'aise avec une autre elfe ? Mais dans ce cas pourquoi ne pas aller voir Feyron ? Après tout c'était un dalatien lui aussi... Son regard dévia sur son petit sac. Ses protégés allaient devoir attendre un peu. « - D'accord. Suivez-moi. »
De sa démarche souple, elle se mit à guider son drôle de compagnon à travers les ruelles du bas-cloître jusqu'à sortir du quartier elfique. Presque instinctivement, Athera se dissimula sous une capuche, son instinct la poussant à vouloir se dissimuler des regards curieux. Chaque ruelle qu'elle empruntait était aussi petite et tortueuse que possible, de véritable coupe-gorge qu'elle connaissait sous le bout des doigts. Elle restait silencieuse, aux aguets. C'était toujours ainsi lorsqu'elle se déplaçait entre deux lieu qu'elle pensait sûr, marcher vite, dans des lieux aussi désert que possible avec la peur au ventre. Quand elle y pensait, Athera n'avait jamais vraiment réussit à ressentir une véritable sérénité. Finalement les bâtiments de Chowconer finirent par apparaître et après quelques détours poussa la porte d'une minuscule taverne. L'endroit avait connu des jours meilleurs, mais les boissons à bas prix y attirait une clientèle régulière. C'était ici que les membres du Lys se réunissait la plus part du temps, à force certains y passait même leur temps libre. Athera fut d'ailleurs soulagée d'y trouver les silhouette familière de Lila et de Feyron. L'humaine était en pleine discussion avec un groupe de soupirant et ne semblait pas l'avoir remarquée... quoique rien ne lui échappait jamais. Feyron, en revanche, lui adressa un regard circonspect. C'était rare de la voir aussi tôt dans la Taverne. Le regard se fit presque méfiant quand il avisa qu'elle était accompagner d'un autre elfe. D'un signe de la tête Athera lui fit comprendre qu'elle se rendait dans leur salle privée à l'étage. Feyron acquiesça. Un échange muet de quelques secondes, mais qui suffit à la rassurer. Maintenant, elle était pleinement en sécurité. « - Suivez-moi, Drynne. » Alors qu'elle montait les quelques marches qui la séparait de l'unique étage de la taverne, la jeune femme pouvait parfaitement imaginer ce qui se passait en bas. Lila avait certainement un regard vers l'étage et Feyron s'était probablement déplacé pour être prêt à intervenir, au cas où.
Enfin, elle poussa la dernière porte du couloir, révélant une petite salle qui lui était bien familière. C'était la chambre que Faustus louait à l'année. Il avait aménager l'endroit en une salle de réunion pour leur petite bande autant qu'un lieu discret où rencontrer leur client. Une table ronde avait remplacé le lit et chaque membre permanent du Lys y était allé de sa décoration personnelle. Athera y avait amenée diverses plantes de son jardin, que Lila entretenait, quelques œuvre d'inspiration naine était entreposée aléatoirement, Feyron les avait gratifié d'une magnifique fresque évoquant une forêt et Lila avait ramenée un grand nombre de coussin confortable. Faustus, lui, s'assurait que l'endroit ne manque jamais de boisson. « - Je vous en prie, installez-vous. » Machinalement elle se mit à chercher dans un tiroir et en sortit deux verres relativement propre et une bouteille de vin. « - Donc, qu'elle est votre commande? » finit-elle par demander avant de s'asseoir à la table.
Ça marche, c’est peut-être ton charme de dalatien. Tu vois que t’es pas un druffle, quand tu veux?
À sa question sur la Garde des Ombres, Drynne ne répondit qu’un maigre « Vin. » Oui, en dalatien. Seule cette organisation profitait de cette alliance avec ces créatures ailées. Un grand atout pour l’abattage d’engeances, il faut dire. Sa blessure à la main n’était qu’un petit mot d'amour, à côté des dégâts qu’ils pouvaient causer. À sa continuation, le jeune homme se redressa quelque peu. Seule? Certes. Quoique, voilà d’autres elfes non loin qui déambulaient... Elle n’était pas si vulnérable que cela. Puis le jour était encore un peu loin d’être fini - qui oserait lui faire du mal en pleine journée? Bon, oui, beaucoup de fous, peut-être? Les havenois avaient l'air un peu chelous.
“Sans défense?” l’écho de ces paroles étaient dites avec la même pointe de sarcasme qu'elle avait employée. Athera ne semblait en aucun cas être l’une de ses frêles femmes, à crier au secours au premier abordage. À tout dire, il n’avait jamais imaginé une telle réaction, même d’une apostat. Mais il arrivait à la comprendre. Prendre un verre… bon, c’était une manière de le dire, il ne voulait quand même pas lui occuper trop de son temps. Mais il acquiesça sans ajouter mot, et lorsqu’elle céda, il s'exécuta pour la suivre.
Le quartier elfique franchit, voilà qu’ils se retrouvaient à emprunter des ruelles plus compliquées les unes que les autres. Il observait tout les détails environnants, histoire de se repérer lorsqu’il devrait regagner le quartier de Sullenhall. Où qu’ils étaient, Drynne n’aurait jamais su le nommer par lui seul. Encore un nouveau sur cette ville, il pouvait distinguer pourtant que ces rues avaient beaucoup d’auberges, beaucoup d’étrangers et artistes de rue aussi. L’odeur était tout aussi particulière, un mixe d’orge, de sueur, d’urine (animale ou humaine?), mais aussi d’autres étonnantes odeurs qu’il méconnaissait. Et bien, il aurait cru que la taverne plus proche aurait été... euh, bah moins loin ? À l’entrée, l’elfe c’était raidi à la vue d’un autre dalatien. Il reconnu les œillades entre ce dernier, Athera, puis une autre individu. Ils se connaissaient donc. Un seul signe de tête vers le patron de l’établissement, et le Garde enchaîna derrière l’elfe svelte. Drynne pouvait deviner les mouvements bienveillants des autres inconnus, et il se mit à questionner quel genre de commande venait-il de requérir. Bref, c’était trop tard et au moins ici, ils auraient un semblant de confidentialité. Le sujet qu’il voulait toucher n’était, de toute façon, pas à déclarer n’importe où.
Une fois dans la pièce, les yeux de Drynne dévalèrent les divers beaux objets qui décoraient l’endroit, oubliant momentanément tout le reste. Non par expertise, mais surtout par une curiosité presque d’enfant, l’elfe s’approcha de plus prêt de la fresque. Les couleurs étaient parfaitement mélangées, il pouvait presque déceler les veines de ces feuilles ici, et la texture des écorces était presque palpables. Comme si sur la pointe de ses doigts il parvenait à les ressentir à nouveau. La manière dont l’artiste avait peint la lumière témoignait aussi de son savoir-faire; comme si ces pupilles diminuaient à la vue de ces mêmes rayons de soleil. L’elfe se sentait vraiment émerveillé devant cette oeuvre d'art. Comme s’il aurait eu envie de rentrer dans cette dimension. Dire qu'il aimait tout ce qui était fait avec les mains le fascinait, était PEU dire. Il se ravisa, observant le reste de la salle, fabuleusement décorée; sa main pansée vint frôler très doucement une des plantes. Une main douce, un mouvement qui témoignait non seulement de l’habitude qu’il avait à le faire, mais aussi de la révérence qu’il portait pour toute chose vivante. Cette végétation, quoique à l'intérieure, était très bien entretenue. Vigoureuse et forte, rien à redire.
Il se racla la gorge, “Je ne bois pas, ma serannas.” remercia-t-il - un petit signe de main pour refuser poliment le verre de vin qu’elle se préparait à lui servir, avant de s’asseoir finalement à la petite table. Il avait une expression neutre, sentant qu’il avait peut-être dit un mot-clé sans aucune idée des implications. «Commande». Quel genre de commande acceptait-elle? Adoptant à nouveau son expression « Drynne », son regard gris trouva celui de son interlocutrice.
“Ma ... commande est à titre personnel, bien sûr. La Garde n’a rien à voir avec ceci.” Il préférait élucider, quoique il n’en aurait pas eu besoin s'il lui avait tout de suite dit ce qu'il prétendait.
Alors, comment entreprendre qu’il savait son secret? Car ça avait tout à voir. Peut-être qu’il devrait lui dire qu’il avait bien visité le bascloître il y a quelques jours, et qu’il y avait remarqué quelques trucs un peu loufoques. Notamment les chats, qu’ils étaient si nombreux - dont un, particulièrement intelligent? Peut-être devinerait-elle le reste ainsi?
“Vous êtes donc une apostate.”
La discrétion n’était pas vraiment son fort. Au feu les « tu es trop honnête Drynne ». Il n'avait jamais aimé tourner autour du pot, et ça ne changerait pas aujourd'hui. Sa voix était neutre, comme s’il venait de lui balancer un simple fait comme « hier il a plu». Aucun ton de jugement, aucun ton de menace, juste ça. Il tenait son regard, curieux de voir sa réaction la plus intime.
Un léger sourire vint habiller le visage d'Athera alors qu'elle observait le jeune homme explorer la pièce. Elle-même n'était pas peu fière de leur petite cachette et de comment ils l'avaient aménager. Leurs univers avaient réussit à se mélanger avec harmonie, reflétant jusque dans le décors l'amitié qui était née entre eux. « - Feyron est un artiste remarquable... aussi habile à l'épée qu'à la peinture. » Après tout, si il était ici pour recruter le lys, autant promouvoir ses membres. En vérité, plus d'une Madame avait émit l'idée de lui confier un travail de faussaire, mais l'elfe avait toujours refusé et s'en était resté là. Elle inclina poliment sa tête à son refus, ne servant qu'un seul verre de vin. « - Je peux faire demander de l'eau chaude si vous préférez? Je crois que nous avons quelques plantes séchés. » Elle en était plus que certaine, Faustus et Lila raffolait de cette infusion rouge, légèrement acide, faites à base de pétale de fleur. Athera n'était capable de l'ingurgité qu'avec une grande dose de miel qui, apparemment, altérait le goût du breuvage. A son humble opinion, cela rendait l'infusion à peu près buvable.
Son sourire devint un peu plus amusé lorsqu'il mentionna la Garde « - Bien sûr. » Difficile de dire si elle le croyait ou non, de toute façon si la Garde des Ombres se tournaient vers eux pour récupérer quoique ce soit, le Lys se serait bien garder de l'ébruiter... Néanmoins, si la garde se tournait vers eux, l'objet convoiter devait être particulièrement précieux et elle ne doutait pas que le danger serait conséquent. La jeune femme sortit un parchemin, ainsi qu'un contrat, d'un tiroir dissimulé dans la table, et attrapa un nécessaire à écrire. « - Nous ne posons pas de questions sur nos employeurs de toute façon. En revanche nous aimons connaître autant de détail que possible sur la mission, les risques encouru... Ah, je me dois de vous informez que nous ne sommes pas des assassins, si il faut prendre une vie vous seriez mieux avisé de vous tourner vers les corbeaux... Si votre affaire implique un trafic d'esclave, sachez que ces derniers seront aussitôt libéré et, évidemment, nous ne touchons pas non plus au lyrium. » Elle avait répéter son discours sur un ton machinale, habitué à entendre Faustus le faire à chaque nouveau contrat. « - Sachez, enfin, que nous accordons une grande importance à nos vies, ainsi que celle de personnes travaillant avec nous. De fait la mission sera abandonnée si les risques de mort sont trop important, bien évidemment vous serez remboursé des sommes engager. Cela vous convient? »
Ayant terminé son petit discours, elle prit une gorgée de vin... et manqua de s'étrangler avec quand Drynne déclara, l'air de rien qu'elle était une apostate. La jeune femme s'éclaircit la voix, tentant de paraître naturelle, mais l'affirmation était si... inattendue qu'elle savait déjà qu'elle venait de la confirmer. Il ne lui restait plus qu'à établir un plan. Feyron était en bas, nul doute qu'il volerait à son secours au moindre problème. L'elfe n'avait sûrement pas prévenu les templiers, pas encore en tout cas, où ces derniers se sera présenter à sa porte aussitôt et elle serait une apaisée à l'heure qu'il ait... et encore, si elle avait de la chance. Non, les templiers ignorait sûrement tout de la situation, donc elle pouvait encore s'échapper, nul doute que Madame l'aiderait à quitter la ville. Le problème restait le Garde des ombres, il savait plus que certainement se défendre... Mais peut être qu'elle s'emportait. Il avait dit avoir besoin d'une commande, la mission nécessitait-elle un mage ? Comment savait-il qu'elle était mage ? Tout les membres du Lys faisait attention à ne pas ébruiter son secret. Bon... peu importait, il était bien informé. Une information ça se trouve, il suffit d'un peu de malchance. Un moment d'imprudence... Elle était toujours prudente. Toujours ? Oui, oui, elle en était certaine. On parlait de sa vie, elle n'allait pas la prendre à la légère. Pour se donner un peu de consistance, Athera reprit une gorgée de vin et tâcha d'avoir l'air de nouveau calme et sereine, comme si la conversation suivait son cours normalement. « - Si votre commande nécessite l'intervention d'un mage, le tarif sera plus élevé. Vous comprenez qu'un tel atout n'est pas simple à trouvé et qu'il est encore plus difficile de cacher leur trace. » C'est cela, ne pas nier, ne pas confirmer. Il n'avait aucune preuve. Recentrer la conversation sur la commande. C'était le plus important.
“... une apostate.”
Le presque étouffement de Athera venait de lui confirmer qu’il avait visé juste. Non pas qu’il ait eu besoin de plus de certitude. Il ne suffisait que de faire un plus un, et le compte allait de soi. Les yeux de l’elfe s'intensifièrent à sa réaction; bien sûr, elle tentait de se rattraper, mais c’était raté. Il n’avait presque rien entendu de ce qu’elle lui avait baragouiné, mais il avait bel et bien compris la dimension du quiproquo á présent.
“J’avais quatorze ans lorsque j’ai découvert de même.” - Sa paume droite se leva, et d’elle, surgit une petite aura orange, une lumière plus forte qu’un feu, mais plus tiède que cela. La lueur était douce et pourtant, la salle semblait gagner une autre dimension à cette petite agglomération de mana à sa main. Aussi rapidement qu’elle avait apparu, la lumière se dissipa. “Je vous ai vu l’autre jour. Il faut faire gaffe, aussi intelligent qu’un félin puisse être, d’autres bêtes moins douces peuvent guetter.”
Qui dit bêtes, dit des chasseurs d’apostats. Il était conscient de la persécution que quelques uns subissaient, et ce n’était pas joli. Mais elle semblait assez maline, et n’avait aucune cicatrice sur elle, du moins - visible. Et de toute façon, il savait que les Templiers étaient peut-être occupés ailleurs.
L’elfe se pencha en avant, la scrutant davantage, une curiosité presque farouche dominait maintenant son regard, coudes enterrés sur ses genoux, ses paumes ouvertes, jointes. Comme si la dévisager allait lui apporter les réponses qui l’embrasaient.
“À quel âge cela est venu pour vous? Comment cela a-t-il commencé? Se métamorphoser, j’aurai voulu apprendre aussi.”
Hélas, il n’avait pas poursuivi cette voie, mais il aurait bien pu, autrefois. Il faut dire que c’était rarement utile, comme Premier de son clan, et encore moins à présent, face aux potentiels Enclins. Quoique, il savait que quelques mages pouvaient se transformer dans d’immenses griffons - ça, ça serait peut-être utile. Bref. Suivant les expressions de Athera, il procéda, avec une voix cavernale alors qu’il se redressait quelque peu sur sa place: “ Je n’ai pas ces aptitudes de métamorphe. Mais j’aurai besoin de vos talents personnels. Pas besoin de contrats, votre parole me suffit. Les risques ne sont pas élevés non plus. Ce n’est pas une commande exhaustive, comme je crains que vous ayez cru comprendre. ”
Son regard souligna ses alentours; c’était une salle fabuleuse, oui. Il ne savait pas quelles organisations illégales composaient Starkhaven. À tout vous dire, il s’en fichait un peu beaucoup. Peut-être qu’elle venait de tout risquer pour un contrat sérieux, alors qu’il ne voulait que quelque chose de très simple - bon, pas si simple, quand même, mais - pas si grandiose qui nécessite tant de bureaucratie.
La panique laissa place à une observation prudente alors que la main de l'elfe luisait. Un mage... comme elle. Enfin presque, lui n'avait pas à craindre l'ire des templiers. Intérieurement elle se maudit pour s'être laissée prendre aussi stupidement. Ça lui apprendrait à ne pas vérifier qu'au moins une fenêtre était ouverte. Au moins pouvait-elle se consoler en pensant que personne ne l'avait vendue. « - Je vois... J'imagine que j'ai eut de la chance d'être surprise par vous... » Néanmoins, elle était bien loin d'en être certaine. Qu'allait-il demander maintenant ? Quel prix allait-elle encore devoir payer pour conserver sa liberté... Malgré elle, Athera imaginait déjà le chantage qui allait suivre. Peu importe, elle accepterait pour être tranquille puis elle trouverait une solution. Elle entendit à peine la question du Garde des Ombres, mais ce fut suffisant pour que son visage se ferme subitement. «- Je n'ai pas envie de parler de mon apprentissage. » Sa voix s'était durcit, presque froide. Non, elle ne voulait pas parler de la chambre d'étude, de ce que son maître l'obligeait à faire ou à apprendre. Sa magie était un outil, un outil à l'origine de ses malheurs mais aussi de sa liberté. La plus part du temps, personne ne se souciait d'un chat errant de plus...
Athera poussa un soupir, massant l'arrête de son nez, elle était dans de beaux draps. Elle avait été doublement stupide, stupide de ne pas avoir été plus prudente avec sa magie, stupide d'avoir emmener Drynne ici. Maintenant, non seulement il connaissait son secret, mais en plus il avait assez d'outils pour deviner qu'elle ne devait pas employer son talent à des activités aussi noble que les siennes... mais bon, il fallait être réaliste, même si elle voulait rejoindre la Garde, personne ne vous accueillerait avec un sourire et une tasse de thé si vous arriviez quelques part en utilisant la magie du sang... enfin, personne... Personne s'adonnant à des activités légales. « - Vous me mettez dans une situation compliquée, Drynne. » marmonna-t-elle, c'était presque un reproche. « - Mais puisque aucun templier n'est venu frapper à ma porte... J'imagine que vous n'avez pas l'intention de me vendre ? En tout cas, que vous n'en avez pas encore l'intention. » C'était plus fort qu'elle, en générale Athera imaginait le pire chez les autres. Il faut dire qu'ils étaient rare, ceux qui ne l'avait pas juger et l'avait accueillit à bras ouvert sans rien attendre en retour.
L'elfe prit une nouvelle gorgée de vin, essayant d'afficher une attitude plus sereine. Son mystérieux client n'était pas sur son terrain de prédilection, elle avait des amis ici... oui, elle était en sécurité et à son avantage, alors pourquoi ne pas continuer la discussion. Le parchemin disparut à nouveau dans son tiroir, l'encrier fut rebouché et la plume posé à ses côtés. Athera croisa ses main avant d'y appuyer son menton. « - Donc... que puis-je faire pour vous, qui ne soit pas une commande exhaustive et que la prestigieuse Garde des ombres ne puisse-t-accomplir ? Je dois avouer qu'à défaut de me rassurer, au moins vous éveillez ma curiosité. » Ça, au moins, elle ne pouvait pas le nier. Drynne était loin, très loin d'être inintéressante.
S’il était quelquefois difficile d’attiser la curiosité de Drynne, elle était encore moins évidente à assouvir. Athera n’avait aucune intention de partager plus - il aurait dû le supposer, mais ses yeux ne perdraient pas espoir. Quelque part, au fond de lui, il aurait espéré entendre un récit moins dramatique que le sien - se transformer en chat semblait d’ailleurs si agréable, si inoffensif presque. L’elfe se demandait quels sorts avait-elle exploré, recherché, étudié, pratiqué. Elle était peut-être l’espionne de la troupe? Un félin était particulièrement agile et discret. Mais le visage renfermé qu’affichait Athera était une tombe. Rien.
Il se demandait maintenant combien de mages errants se trouvaient dans cette ville. De nouvelles recrues? L’espoir de recruter était grand. Et la pensée était presque effrayante, elle aussi. Combien d’apostats marchaient réellement parmi eux tous? Les Templiers faisaient un mauvais travail de repérage, ça c’est sûr. Mais Drynne n’était pas là pour jouer aux intrigues, et encore moins pour faire leur travail à leur place.
“Les Templiers ne sont pas nos plus grands ennuis, malheureusement.” - même, qu’ils nous protégent tous. Mais Drynne ne compléta pas sa pensée ainsi - cela soulèverai un thème de conversation qu’il ne voulait nullement explorer à présent. Maintenant qu’une brèche s'était ouverte avec elle, il ne pouvait pas jeter tout à terre. « Nos » plus grands ennuis - il avait aussi souligné ce mot délibérément.
Son esprit était brouillé - il avait beaucoup de questions, aucune qu’il parvenait à choisir posément.
Mais tu n’es pas ici pour parler politique, pas vrai?
Dhaveira.
Sa compagne depuis plusieurs années maintenant. Elle n'était qu'une boule de plumes blanches lorsqu'il l'avait rencontrée à une griffonerie entre le Névarra et les Marches Libres. À l'époque, rien ne le faisait sourire presque. La perspective d'avoir une autre créature que lui-même, sous sa responsabilité - lui était absurde, et hors de question. Et pourtant, elle l'avait tant aidé. Puis, un griffon choisissait toujours son cavalier. Peu à peu, elle l'avait gentiment guidé hors de cette pénombre mentale, cette envie de tout finir. Même si elle lui avait pincé les talons pendant plus de trois mois et qu'elle faisait un boucan infernal lors de ses premières mues de plumes...
Il s'affala sur sa chaise, pensif. La belle elfe avait rangé son matériel, et le menton posé sur ses deux mains, était toute ouïe. Comment poser sa demande de manière à ce qu’elle accepte? C’était un mystère. Mais l’honnêteté brutale ne l’avait jamais failli, alors voici.
“ Nous sommes arrivés début Primeneige, tout droit d’Antiva, à temps des finales du tournoi. Ma griffone Dhaveira n’apprécie pourtant pas beaucoup Starkhaven, je pense. ” Sarcastique, il leva sa main en l’air d’une façon presque comique. “ Je ne suis pas sûr si c’est le bruit de la ville, ou le changement de température qui la gêne. Elle refuse tout type de viande: celle que nous fournit la Garde, celle que j’ai chassé moi-même, et - du poisson... elle pique de ces crises, n’en parlons même pas. ” Il reposa son bras sur son genou, théâtralement. “Ses friandises favorites ont toujours été les rongeurs. Je l’ai d’ailleurs entièrement entraînée à base de rats des montagnes. Elle n’en a jamais refusé. Bref- ” Il reprit sa posture initiale, coudes sur ses genoux. “ Je n’ai aucune idée quels rats sont bons à prendre, et si les havenois ont coutume d’utiliser du venin contre leur vermine. J’aurai besoin de plusieurs rats tous les deux jours. En vous repérant à nouveau tout à l’heure, l’idée m’est venue. ”
C’est bête, mais c’est un plan. Le seul plan que j’ai - complétait peut-être son regard.
Dhaveira était une griffone de taille, et elle aurait besoin de plus qu’une dizaine de rats. À la mine impassible de la mage, il ajouta:
“Même l’information sur de bons locaux où placer des pièges me va, à ce stade-là. Je me débrouillerai.” Comme toujours.
Tout pour Dhaveira, élfique pour « embrassée par la neige ».
Nos plus grands ennuis... Un sourire ironique vint habiller ses lèvres. Ce n'était peut être pas les plus grands ennuis pour un mage au sein de la garde des ombres, pour une apostate comme elle ils étaient la menace immédiate. Néanmoins elle n'était pas là pour débattre de ce point. Bien au contraire, moins elle pensait à ces derniers mieux elle se portait. D'ailleurs le jeune homme semblait dans le même état, du coin de l’œil elle l'observait s'affaler et réfléchir. « - Ce doit être un sujet bien délicat pour qu'il soit si difficile à aborder. » Le ton était amusé, presque taquin, son sourire s'étendit presque carnassier. Au fond, il y avait quelque chose de plaisant à voir le voir chercher ses mots, lui qui l'avait privé des siens peu de temps auparavant. Son regard dériva vers la porte d'entrée, elle essayait d'imaginer à quoi ressemblait la taverne en dessous. Lila s'était-elle lassée de ses soupirants ? Feyron était-il toujours entrain de faire le guet ? Elle pouvait presque l'imaginer entrain d'aiguiser une larme.
Enfin, Drynne reprit la parole. D'abord distraite, Athera se prit à écouter la conversation. Son regard passa par plusieurs expression, perplexe d'abord... Où voulait-il en venir avec cette histoire de griffonne ? Puis triste, pauvre bête, loin de chez elle, à manger une nourriture qui ne lui convenait pas... et puis, enfin, elle comprit. Non, ça ne pouvait pas être si stupide... Ils n'avaient pas put lui infliger une telle peur pour... Si... si, c'était bien ce qu'elle pensait. C'était tellement absurde, ridicule. Jamais encore elle n'avait été face à une telle situation. C'était plus fort qu'elle, Athera éclata de rire. Un rire franc, honnête. Elle était incapable de s'arrêter, elle sentait les larmes lui monter aux yeux, elle en perdait son souffle et elle en avait mal aux côtes. Il lui fallut quelques minutes pour reprendre son souffle. Enfin, elle put répéter « - Vous... vous me suivez dans des ruelles, puis vous m’annoncez, l'air de rien, que vous connaissez mon plus grand secret... tout ça pour me demander de me transformer en chat et d'attraper des rats ?! » Bon sang... c'était encore plus absurde une fois qu'elle le formulait à haute voix, tant bien que mal Athera réussit à se retenir de rire à nouveau. Son regard osa enfin croiser celui du dalatien, il lui fallut un autre effort pour ne pas rire à nouveau. « - J'ai cru que vous vouliez me voler, au pire... puis j'ai cru que vous alliez me menacer... tout ça... pour des rats. » Voilà qui occuperait les conversations du petit groupe ce soir.
Finalement, Athera reprit son sérieux. Dire qu'il avait faillit se faire poignardez pour des rats... « - La communication ce n'est pas votre fort, je me trompe? » Bon, trêve de plaisanterie. Une pauvre griffonne mourrait de faim et Athera aimait trop les animaux pour ne pas leur venir en aide. « - Déjà, réglons un point. Non, je ne me changerais pas en chat pour chasser des rats. » Elle prit une nouvelle gorgée de vin « - Jamais je n'aurais le talent nécessaire pour en ramener assez pour satisfaire l’appétit d'un tel animal. En revanche, je sais très bien comment les piéger. Voyez-vous, des rats il y en a beaucoup dans les bas-quartier, mais le venin coûte cher... par conséquent vous devez-vous concentrez sur le quartier occupé par la population la plus démunie pour les attraper, là où les chats pullulent car c'est ici qu'on trouve un grand nombre de rat ''sain''... Autant qu'ils puissent l'être dans cette ville. C'est endroit c'est le bas-cloître. » elle marqua une nouvelle pause, prenant une nouvelle gorgée. « - Je connais un excellent moyen de les piéger. Il suffit d'un jar profonde, d'un peu d'huile et de quelques graines ou fruits secs. Je vais en disposer quelques unes dans les endroit que fréquentent les chats... et je peux demander aux enfants de m'apporter les rats sain qu'ils pourront attraper. Ce sera une bonne occasion pour eux de gagner un peu d'argent sans se trouver mêler à des affaires douteuses. Les pièges étant non-létal, les rats seront vivant à la livraison. Je ne tue pas les animaux, même les vermines. » elle marqua une petite pause, adressant un nouveau sourire carnassier au garde des ombres : « - Bien sûr, même un service aussi infime ne peut pas être rendu sans un paiement adéquat. » Et elle savait déjà ce qu'elle pouvait demander.
Drynne avait scruté longuement les expressions de la mage, mais il était tellement absorbé par ses propres mots, que ses gloussements le prirent d’assaut. D’abord surpris, puis amusé, son propre visage s’ouvrit en quelques éclats à son tour. Comme un Drynne plus jeune, qui n’avait jamais refusé d'être pris de rire avec les autres. C’était une situation très particulière en effet, surtout quand elle le déclarait ainsi, mais il n’y voyait aucun embarras. Qu’était-il supposé faire, découvrir son adresse et lui écrire une lettre? Il haussa des épaules, satisfait qu’elle ait au moins reconnu qu’il ne lui avait voulu aucun mal.
“Peut-être. Je n’ai pas vraiment l’habitude d’être accueilli d’accolades,... mais une dague encore moins !” intervient-il alors que leurs esclaffements subsistaient. «La communication ce n'est pas votre fort, je me trompe?» “C’est peut-être une barrière linguistique?”
La journée avait mal commencé, mais jamais de la vie il n’aurait anticipé se retrouver ici, dans un tel quiproquo, avec une apostate elfe en prime! L’écoutant longuement, son estomac semblait inconsciemment se détendre. Un espoir, un plan! Le jeune dalatien avait toujours été un peu impulsif, la perspective d’avoir finalement assez d’informations pour passer à l’action était pour lui fantastique. Toutes les informations, il les buvait avec intérêt. Il ne comptait pas reléguer tout ce travail seulement à Athera, mais comptait plutôt lui aussi tenter d’en capturer. Dhaveira avait besoin de reprendre du muscle et c’était un projet ambitieux.
“C’est parfait pour moi qu’ils soient en vie - son instinct de chasse sera d’autant plus attisé.” songea-t-il à haute voix, regard perdu par moments, un index plié et posé devant ses lèvres. Il allait devoir convaincre la griffonne à rejoindre les plaines environnantes de la ville pour qu’ils aient de la place et surtout, du calme. Puis un moyen de les garder en vie, sans qu’ils s’échappent? Un boulot assez monstre, mais les griffons n’avaient jamais été faciles à gérer - ses supérieurs comprendraient et valideraient son effort. Le dalatien reporta son regard sur l’apostate. “Vin, dites-moi votre prix. Je n’ai pas tout sur moi, mais je pourrais vous l’apporter au plus vite - demain?” Il tapota sa petite bourse cachée, pendue à la taille.
Une barrière linguistique. Un nouveau petit rire. « - On va dire ça... » Rien ne lui enlèverait de la tête qu'elle venait de rencontrer l'individu le plus maladroit de tout Thédas. « - Vous m'auriez dit, tout de suite, que vous aviez besoin d'aide pour nourrir un animal, j'aurais accepté de vous venir en aide. J'aurais même pensée qu'on vous aurait orienter vers moi car j'ai l'habitude de nourrir les chats sauvages... » Un léger soupir, enfin, c'était passé, les choses étaient dites, c'était peut être mieux comme ça en un sens. Grâce à lui elle serait encore plus prudente quand elle utiliserait sa magie. Pour cette fois elle avait eut de la chance, une chance insolente d'ailleurs.
Alors qu'elle énumérait son plan, Athera réfléchissait aux endroits où elle pourrait poser les pièges, comment les relever ou à quelle heure... « - Je pourrais vous montrer où j'irais poser mes pièges, de cette façon si un je ne peux pas les relever, vous serez capable de faire vous-même... Comme vous le savez, je suis une apostate, par conséquent il y a toujours une chance que je doivent faire profil bas ou même disparaître du jour au lendemain. Il serait fâcheux de laisser votre griffonne dépérir à cause de moi. » Ses doigts tapotait sur la table, alors qu'elle continuait de réfléchir. « - Il faudrait que vous m'accompagniez quand je vais nourrir les chats, cela me permettrait de vous montrer les lieux où je déposerais les pièges. »
Son regard dévia vers la bourse, un léger sourire se dessina à nouveau sur ses lèvres. Pendant un bref instant elle se demanda combien elle pourrait réclamer au jeune homme... Il lui semblait subitement très naïf, du genre qui se ferait dévoré tout cru si il tombait sur les mauvaises personnes. Athera se demanda un bref instant si elle devait être une de ses mauvaises personnes ou si elle devait récompenser la franchise de Drynne en se montrant raisonnable et en suivant sa première idée. Son menton revint s'appuyer sur la paume de sa main. Elle avait fait son choix. « - Je pense que je pourrais me passer d'or pour cette... mission. » Un nouveau rire, un peu plus léger cette fois. « - Il va de soit que j'attends de vous que vous gardiez secret notre petit point commun... mais ce n'est pas tout. »
Elle prit une petite pause, ménageant son effet. Athera se prenait à être malicieuse, il lui avait fait tellement peur et il méritait bien d'attendre un peu. Une nouvelle gorgée de vin acheva de finir le verre. Une cacophonie vint briser le calme de la pièce, un groupe d'ivrogne venait d'entamer un chanson à boire. L'elfe pouvait y distinguer la voix de Lila... L'ambiance avait l'air bien joyeuse en bas. « - Bref, mon prix est très simple. » elle lui adressa un large sourire « - Je veux voir votre griffonne ! » C'était puéril, enfantin... extrêmement enfantin mais... elle n'avait jamais vu de griffon en vrais et cela lui semblait être une occasion en or. Et puis, bon, ce n'était pas cher payer pour capturer des rats et la peur qu'il lui avait infligé. « - Oui, je crois que c'est tout. Vous gardez secret ma nature et je veux voir votre griffonne. Cela vous convient? »
N’avait pas son plan atteint son but? Drynne était à présent face à l’apostate, un salon tout à fait agréable, on lui avait offert du vin qu’il soupçonnait être de bonne qualité, à en juger l'arôme fruité dans l’air; et elle venait d’accepter sa demande. Et puis, elle avait même RIT. Pas bête, hein? L’essentiel pour lui, était là.
Peu importait qu’il ait eu une dague pointée vers lui quelques secondes; après tout, il avait survécu tellement pire, ses longues cicatrices occultées ne manquaient pas de le lui rappeler. Ce n’était pas ça qui allait l’accabler de cauchemars. Mille fois le joli minois de l’apostate, que ces sâles engeances et démons.
Le dalatien hocha de la tête, ses cheveux retombant quelque peu sur son front. Cela lui semblait un excellent plan, la façon dont il était assis témoignait de son énergie - comme s’il était prêt à passer à l’action de suite. Il n’avait aucune idée où les pièges seraient en sécurité, sans qu’on vienne les saboter, et Athera l’aiderait grandement en ce sens-là. Il ne comptait pas être à Starkhaven longtemps, mais il apprendrait ses recoins pour Dhaveira.
« - Je pense que je pourrais me passer d'or pour cette... mission. » L’air surpris de Drynne, sourcil haussé. Qu’allait-elle lui demander en échange? Il n’avait pas beaucoup d’autre à offrir. Puis comme Garde des Ombres, il avait un certain protocole à suivre, si ses pensées étaient plus… élaborées. Au mot “mission” il ne put s’empêcher de ricaner : “Avouez, c’est la meilleure mission de votre carrière.”
Le prix qu’elle déclara lui arrangeait finalement très bien. S’il n’était pas naïf du tout, au contraire de ce que son ardeur pourrait faire croire, l’argent pour lui restait qu’un moyen d’obtenir ce dont il avait besoin. Ça aurait été le cas maintenant; il s’en fichait pas mal du prix. L’elfe aurait vidé sa bourse, si c’était ce qu’il fallait. Il n’était point matérialiste, et ne faisait des achats qu’en besoin extrême. Là où les autres Gardes noyaient leur peine en alcool, Drynne cumulait ses sous sagement.
Les griffons étaient des créatures orgueilleuses, qui savaient quand elles étaient observées et qui adoraient les yeux pétillants des plus curieux. Dhaveira n’était pas différente, elle prenait un goût malin à se pavaner. Bien sûr, c'étaient des bêtes redoutables, qui n’étaient pas nécessairement approchables par des inconnus.
“Très bien.” Céda-t-il, non pas sans réfléchir un moment.
“C’est possible. Lorsqu’elle ira mieux, je pourrais vous la présenter.”
Lorsqu’on ira mieux. Car maintenant, ce n'était pas un bon moment pour montrer Dhaveira à la curieuse apostate, ou à quiconque. Ils allaient devoir « faire la paix » d’abord. Qui sait combien de jours cela prendrait - un jour, trois? Une semaine? C’était toujours en fonction de l’envie de la créature. Et la plaie de sa main était toute récente, son pansement chaque fois plus tâché.
Décidément c'était une … drôle de journée. Athera imaginait déjà les rires qui suivrait ce soir lorsqu'elle parlerait de son tout nouveau ''contrat''... Il aurait presque été amusant de lui faire signer une parchemin en bonne et dut forme, juste pour voir la tête de Faustus à propos de leur objectif... Quoique... connaissant Faustus il leur aurait fait honoré le contrat avec un tel sérieux que le pauvre garde des ombres aurait finit par se trouver avec assez de rat pour trois ou quatre griffons. La mage observa son verre vide, elle en aura bien prit un second mais cela n'aurait pas été sérieux. Pas en face d'un client. A la place, elle déplia élégamment ses bras pour tendre une main à Drynne. « - Bien, nous avons un accord alors. Sachez que je tiens toujours parole, vous aurez autant de rat qu'il vous faut pour votre amie, mais j'attends à recevoir mon paiement... quand elle sera capable de recevoir une visite. » Le ton de l'elfe était malicieux, presque enfantin. L'idée de voir un véritable griffon, un jour, la ravissait déjà. Elle eut un léger rire lorsque Drynne affirma qu'il s'agissait de sa meilleure mission, elle songea au jour où elle était tombée sur un panier de chaton et qu'elle avait dérober un bel angora blanc. « - Je n'en suis pas certaine... Qui sait, peut être qu'un jour je vous raconterais une de mes folles nuits... »
Gracieusement, Athera se releva, époussetant un peu sa robe sombre. « - Nous devrions repartir. Feyron ne va pas tarder à venir s'assurer que tout va bien... » Si il n'était pas déjà derrière la porte à écouter. Par curiosité la jeune femme partit ouvrir la porte et ne put retenir un sourire amusée lorsqu'elle vit la silhouette familière émergé des escaliers. Elle lui adressa un petit geste de la main, lui indiquant qu'il pouvait redescendre en paix auquel le dalatien répondit par un haussement d'épaule avant de retourner dans la salle principale de la taverne. Son sourire toujours accrochée aux lèvres, Athera se retourna « - Nous y allons ? Que je vous montre comment construire un piège efficace et où je les disposerais. » Dire que, qu'il y a à peine une heure, elle était entrain de le menacer avec sa dague. La jeune femme maintenait la porte ouverte pour laisser passer son client devant. Ce n'est qu'une fois qu'il fut passer, qu'elle reprit sa route. Alors qu'ils atteignait la salle, la magicienne désigna du doigts Feyron et Lila « - Si un jour vous ne me trouvez pas, venez ici et demandé à l'une de ces deux personnes. Ils sauront certainement vous dire de ne pas vous inquiéter... ou où me trouver. Quoique, puisque je vais vous montrer où les pièges seront dissimulé... vous n'aurez peut être pas besoin de venir ici. »
Le chemin du retour se fit sur des rue beaucoup plus fréquentée, et simple d'accès. Maintenant qu'Athera était rassurée sur son interlocuteur, elle ne ressentait pas le besoin de le perdre dans la ville ou d'emprunter les coupe gorge. Néanmoins, elle avait prit soin de rabattre sa cape, goûtant toujours fort peu à l'attitude de nombre d'humain à l'égard de son peuple. Ce n'est qu'une fois dans le bas-cloître qu'elle découvrit sa tête. « - Quand même... vous avez suivit une femme qui vous a menacé, vous n'avez pas bronché quand je vous ait fait prendre des ruelles sordides et vous avez accepté mes conditions sans argumenter... » elle se tourna vers lui, souriant plus largement. « - Voilà un beau dévouement vis-à-vis de votre amie, vous me plaisez Drynne... même si vous avez une curieuse façon d'aborder les gens. » Elle commença à se diriger vers sa maison. « - Par ici. Je vais d'abord vous montrer comment fabriquer un piège... et faites attention aux chats... Ils sont toujours dans les jambes, Monseigneur est plutôt gentil, mais méfiez vous du Capitaine, c'est le borgne, il a la morsure facile. » Tout en disant cela elle commença à déverrouiller la porte d'une maison de taille moyenne, enfin, selon les critères du bas-cloître.
Et la tête de Mukae alors, quand il lui dirait qu’il avait été salué avec une belle dague en interpellant une elfe, en plein bascloître? Il pouvait deviner sa mine incrédule, son esclaffement « sacré Drynne », son coup de coude s’abattre sur lui ( et l’ecchymose qui en résulterait ).
Le tatoué lui tendit sa main en retour, se ravisant rapidement pour lui offrir celle qui n’était pas pansée - un symbole de compromis solennel. Il n’avait rien ajouté, mais sa parole avait coutume d’être également sacrée. Or, le fait qu’ils étaient des elfes - et apostats, de surcroît - prenait un sérieux tout différent pour lui. Il aurait finalement de quoi entraîner et gagner pardon de Dhaveira, et qui sait, elle reprendrait son appétit à partir de cela. Son soulagement n’avait plus d’égal.
Folles nuits? Il ne connaissait pas assez Athera pour prétendre deviner, mais tous types d’idées l’avaient pris d’assaut; et ça serait mentir s’il n’avait pas été intrigué à cette phrase.
À la mention de Feyron, Drynne fut remémoré de la peinture au mur, vers lequel il jeta un dernier regard. Ça n’aurait pu qu’être un dalatien, à l'œil tout à fait bienveillant : sensibilité pour la nature, le choix parfait des tons verts et jaunes... Une pointe de jalousie, à la vue maintenant plus reculée du magnifique fresque. Celà faisait tellement d’années qu’il n’avait plus pris le temps de faire de l’art, tout simplement. L'occasionnel tatouage qu’il exécutait sur ses collègues étaient le seul indice qu’il avait entretenu une relation avec l’artisanat, ou que ses mains avaient autrefois été minutieuses elles aussi. Et non pas talentueuses qu’à trancher ou à invoquer des sorts.
Mais être Garde des Ombres signifiait pouvoir mourir à n'importe quel moment. L’art n’avait pas vraiment de place dans ce monde. L'art de mourir.
« Allons-y. »
Drynne s’était redressé, et quitta la salle formelle de la mystérieuse organisation. Une fois descendus, l’apostate lui présenta ses coéquipiers, qu’il détailla tour par tour, saluant chacun d’un simple signe de tête qui se voulait respectueux . Les mots n’étaient pas nécessaires dans ces lieux, et moins Drynne savait sur les origines de ses collègues, mieux il se portrait. Il avait néanmoins dévisagé plus longtemps Feyron, afin d’observer ses vallaslins - et il avait l’impression que ces secondes de plus l’avaient énervé. Peu importait, il ne comptait pas revenir ici, comme Athera avait ponctué.
Dehors, l’odeur fâcheuse était de retour - l’odeur de «trop de monde, tous les uns sur les autres» ; il avait préféré l’odeur fruité qu’il avait pu deviner de l’haleine d’Athera, il y a quelques moments, et l’odeur des toiles, des parchemins, et de terre mouillée.
Ils prennaient à présent un chemin différent. Toujours partant pour mieux connaître les raccourcis de la ville, le dalatien se laissa encore guider, observant en coin les allées, avec de nouveaux yeux - quels endroits seraient adéquats pour placer des pièges? Heureusement qu’elle avait accepté sa demande. Donnez une forêt à Drynne, il saurait vous attraper tout type de bêtes. Mais en ville, surtout Starkhaven, il se sentait comme un poisson hors de l’eau.
Ils avaient gardé le silence jusqu’au quartier des elfes, et Athera avait dévoilé sa tête à nouveau. L’apostate fut la première à parler.
« - Voilà un beau dévouement vis-à-vis de votre amie, vous me plaisez Drynne... même si vous avez une curieuse façon d'aborder les gens. » L’audace! Le visage sérieux de Drynne se défit, un sourcil haussé et un sourire presqu’espiègle. ”J’ai l’instinct de survie d’une truite, c’est la phrase que vous cherchez?”
La cadence de son interlocutrice avait quelque peu changé, reprit ce semblant d’habitude aux gestes. Il fut surpris à la mention de chats, puis au déverrouillage d’une porte. Elle allait lui montrer comment faire des pièges… chez elle? C’était bien la première fois que quelqu’un l’acceptait, un elfe dalatien apostat, si rapidement à l’intérieur d’une demeure. Bon d’accord, elle listait elle aussi presque tout les « défauts » que la société lui reprochait, mais même…
Si ça n’aurait pas été la dague - qu’il savait être sur elle - il aurait été presque ému!
Il avait eu à peine le temps de digérer tout ceci, que le voici à l’intérieur. Il s’était figé à l’entrée, comme s’il avait peur qu’à tout mouvement gauche, il se retrouve assailli de chats sauvages. Mais voilà que les miaulements se faisaient entendre, et à la vue des félins, sa posture devint moins rigide.
« Monseigneur. » répéta-t-il, devinant le plus gentil s’approcher, queue flottante et curieuse, déjà dans les pattes de sa maîtresse. « Capitaine »
continua-t-il, observant un chat borgne le dévisager un peu plus loin. Drynne venait de référencer les chats avec plus de profondeur qu’il y a quelques moments à la taverne - s’était curieux de le remarquer.
À l’approche du chat blanc majestueux, le dalatien s’accroupit très doucement, afin de mieux être introduit. Il était incapable de ne pas le faire; longtemps les dalatiens avaient pris les hallas comme compagnons de route; puis les griffons à la Garde… il se devait de bien se présenter comme il faut. Tendant sa main fermée quelque peu, le beau félin le renifla, puis frotta sa petite joue sur la longueur de ses doigts.
“ Tu es sublime, vher telban. “ - avoua-t-il, impressionné par la douceur de son poil, et aussi le ton de son pelage. Puis déjà deux autres étaient apparus, moins confiants pour faire toute la distance néanmoins.
” Comment s'appellent-ils? Vous êtes presque mieux entourée que moi. ” Monseigneur reniflait son pansement avec intérêt, puis ses vêtements aussi, certainement où l'odeur de griffons se devinait encore.
Un rire franc et soudain attira la remarque du garde. Athera se retourna, presque moqueuse. « - Jamais je n'oserais portée un tel jugement sur un membre de l'imminente Garde des Ombres. » Elle accueillit ses chats avec un large sourire, gratifiant Monseigneur d'une caresse alors que le magnifique angora allait déjà à la rencontre de leur invité. Capitaine observa l'intrus de loin, avant de sauter par dessus la fenêtre avec un feulement agacée. D'où Athera se permettait-elle d'inviter quelqu'un dans son domaine. L'elfe eut un nouveau rire et posa un regard appréciateur sur les manières de son invités. Elle se déplaça un peu dans l'entrée, laissant à Drynne assez d'espace pour entrer. Si il y avait autrefois eut des murs pour séparer les pièces, ces derniers avaient été abattu quand Athera avait prit possession des lieux, pour être remplacée par des rideaux coloré et transparent. De, trop, nombreux coussins avaient été disposer un peu partout pour servir de siège ou de lit pour les six félins qui vivaient avec l'apostate. Une fenêtre était ouverte, donnant sur la minuscule court intérieur. Plusieurs plantes y avait été entreposée dans des pots colorés. Des végétaux robuste, qui demandait peu d’entretien. Athera était plus douée avec les chats qu'avec les végétaux. D'autre était suspendues au plafond, hors de portée des pattes joueuses de ces compagnons à poils.
De sa démarche souple, elle prit la direction du petit espace qui lui servait de cuisine et déplaça une bouilloire en fonte vers un feu qu'elle alluma, non sans vérifier qu'elle était encore emplit d'eau. Monseigneur, lui, se délectait des compliments et de caresses. « - Celle avec une queue cassée se nomme Altesse, elle nous a rejoins il y a peu... et je crois qu'elle va bientôt avoir des petits. » Souplement elle vint sortir deux tasses en terre d'un meuble en bois, bien que bancale ce dernier semblait ancien et devait avoir, autrefois, connu un passé plus glorieux. Athera l'avait trouvé charmant, malgré son pied manquant, et l'avait tant bien que mal stabiliser. Comme beaucoup de ses meubles, elle avait trouvé ce dernier lors d'une nuit de travail, plus précisément dans une vieille remise d'un noble humain quelconque... la pauvre commode était probablement destiner à servir de bois pour le prochain hiver. Elle riait encore, parfois, quand elle se remémorait les jurons de Feyron, lorsqu'il avait fallut repartir avec la petite commode. « - Le joli rouquin à qui il manque une oreille, c'est Sa Grâce. Le noir, celui qui n'a que trois pattes et vous prend de haut, s'appelle Divin... et enfin, le vieux gris qui dort dans la cours et n'a presque plus de dents, sûrement le plus tranquille de tous, répond à Vicomte. »
La jeune femme glissa dans la tellière quelques branche de thym frais. En quittant Teviniter, elle s'était promis de ne plus jamais donner de Monsieur ou n'importe quel titre honorifique à un humain. Par ironie, elle s'était mise à donner ces titres à ses compagnons. D'après elle, ils les méritaient bien plus et la traitait bien mieux. Après avoir laisser le thym infuser, elle en remplit les deux tasses et y ajouta une cuillère de miel. « - Tous des laissés pour conte, trouvé dans la rue. Ils ne sont pas vraiment ''à moi'' mais ils se plaisent ici... et j'aime qu'ils soit là... » enfin... A l'exception de Monseigneur, de tous il était le seul à être réellement ''son'' chat. Elle tendit une tasse d'infusion au dalatien. « - Du thym et du miel. Un des mes amis dit que c'est merveilleux pour la respiration, personnellement je trouve surtout que c'est agréable à boire. » Elle prit une petite gorgée de l'infusion, se dirigeant vers une petite porte en bois qui donnait sur sa court. « - Je dois avoir une jarre qui fera l'affaire je pense... »
Drynne était amusé par le choix de noms, tous plus formels les uns que les autres. Bien sûr qu’ils les méritaient tous, sans doute; le dalatien gratta le menton du chat blanc, ce dernier régalé par l’attention qu’on lui accordait. Perdu dans le contage de chats, il était maintenant sûr qu’elle était en très bonne compagnie. Discrets, les félins lui donnaient un parfait alias pour ses escapades nocturnes. Ses yeux observaient maintenant peu à peu la demeure d’Athera. L’espace semblait aéré, un peu plus ouvert que d’autres maisons qu’il avait deviné à travers les fenêtres. Les coussins témoignaient d’un amour pour le confort, un confort qu’il avait plus ouvertement observé à Antiva qu’ici. Une dernière caresse à Monseigneur, et il se redressa aussi doucement qu’il s’était baissé.
“Comme quoi, vivre comme des monarques est possible, même en plein bascloître.”
Écoutant ce que lui racontait son interlocutrice, il accepta la tasse qu’elle lui mit en main, la remerciant. Il pouvait immédiatement reconnaître le thym, puis l’odeur mielleuse aussi. Et pourtant, avant d’y goûter, il prit le temps d’en sentir l'arôme. Une habitude inconsciente de toujours, celle de renifler, avant de prendre le récipient aux lèvres. La température était parfaite, bien chaude et réchauffante.
À la mention des ingrédients, il ajouta, “Celui de gingembre l’est aussi, avec un peu de cannelle.”
Très utilisé au clan, continua sa pensée. Il avait pourtant continué la tradition au fil des années, et c’était l’une de ses boissons favorites encore aujourd’hui. L’astuce de la cannelle, il l’avait apprit en terres riveïnes.
“Je pourrais procurer quelques jarres aussi, j’ai vu quelques boutiques au Sullenhall qui pourraient faire l’affaire.”
Il ne voulait quand même pas lui occuper son matériel, qu’elle pourrait utiliser pour ses plantes, ou autre. Si elle n'accepterait pas de l’argent, Drynne n’allait quand même pas la voir dépouillée. Il savait comment chaque chose coûtait de l’or ici, en cités d’humains, même - et surtout - parmi les elfes. Et puis surtout que le prix qu’elle avait nommé était encore un peu loin d’être payé. À la vue de Monseigneur à ses pieds, il rajouta: “ Tu vas bien nous aider aussi? J’ai besoin de beaucoup de rats.“ le chat miaula, comme pour lui rétorquer. “Eh oui, j’t’en donnerai un, si tu veux. Il faut demander à dame Athera d’abord, sinon elle va me montrer sa dague à nouveau.” Un autre miaulement, cette fois-ci d’un autre chat non loin, qu’il ne savait plus lequel. “Bon, je vous en donnerai un chacun, mais après je compte sur vous pour me défendre, hein.”
Visiblement, la bonne humeur de Drynne le rendait un peu plus bavard que le normal. Être entouré d’animaux aidait aussi. Et la petite chaleur de l'infusion qui lui chauffait le gosier.
« - Je prends note pour le gingembre et la cannelle... ça me changera du thym. » Alors qu'elle se dirigeait vers la cours, deux chats se faufilèrent entre ses jambes avec un roucoulement de joie. « - La fenêtre était ouverte sinon... » lâcha-t-elle avec un soupir amusée, la fainéantise de ses compagnons arrivait encore à la surprendre. Divin et Sa Grâce se retournèrent un bref instant, avant que le chat noir partent s'étaler dans un coin de soleil et que le rouquin s'échappe dans la rue. Athera ne put retenir un rire alors que Drynne invitait Monseigneur à chasser, l'elfe sa pencha légèrement, laissant voir sa tête par l'ouverture de la porte. « - Si vous arrivez à convaincre Monseigneur-je-suis-né-sur-un-coussin-en-soie de manger un rat, Drynne, je m'engage à vous inviter à dîner. » Comme si il devinait qu'on parlait de lui, le majestueux chat blanc décida qu'il était temps de s’étaler de tout son long, exposant son ventre aux caresses du garde avec un ronronnement sonore. « - Oui, oui, faites le beau Monseigneur, mais nous savons tout les deux que vous êtes le plus capricieux ici quand il s'agit de manger... » Il faut dire qu'il était le seul à n'avoir jamais connu les affres de la rue.
Il ne fallut pas longtemps à Athera pour repérer une jarre qui ferait l'affaire. Elle s'en servait autrefois pour piéger les rats qui s'aventurait trop près de chez elle, mais avec six félins, les petits rongeurs évitaient soigneusement sa maison... Déposant sa tasse sur un petit muret de pierre, elle attrapa le lourd récipient et le traîna à l'intérieur. « - Les jarre en elle-même sont un peu lourde, il faudra sûrement prévoir des récipients plus pratique pour les transporter jusqu'à votre griffonne... ou un véhicule. » Bon sang, elle n'était pas habituer à manipuler de lourde charge. Généralement son travail consistait à repérer les lieux sous sa forme féline ou, en dernier recours, fouiller un esprit récalcitrant pour faciliter une mission... enfin, elle pourrait sûrement trouver de l'aide pour transporter les jarres et les disposer. « - En soit, le piège est très simple. » Délaissant le récipients, Athera se mit à fouiller sa maison, récupérant une petite bouteille d'huile, de la corde et une spatule en bois qui... et bien ferait office de planche pour l'instant.
Assise en tailleurs, elle entreprit de transformer la spatule en une bascule de fortune. « - Globalement, vous voulez que les rats grimpent sur la planche ici... et tombent dans la jarre une fois arrivé au bout. » Elle prit sa bouteille d'huile et en versa un fond dans la jarre « - Ensuite, grâce à l'huile, leur pattes seront glissantes et ils ne pourront plus sauter ou remonter. Ils resteront sagement au fond de la jarre... » Elle observa son piège, elle est très presque désolée. Combien de fois avait-elle retrouver de pauvres rats à la fourrure graisseuse au fond de ces pièges ? A chaque fois elle avait eut de la peine pour les pauvres petites bêtes... mais bon, ils pullulaient dans le bas-cloître et avec eux arrivait un grand nombre de maladies. « - Pour les faire grimper, c'est facile, vous laisser un bout de corde traîner au sol, les rats sont d'excellent grimpeur... et pour les attirer … et bien... un peu de nourriture fait généralement l'affaire. Il faut juste bien la disposer au bout, pour être certains qu'ils n'auront pas le temps de faire demi-tour quand la planche commencera à basculer... et prenez quelque chose d'un peu collant ou pâteux, pour que ça reste en place. Un mélange de beurre, de miel épais et de graines est souvent le plus efficace, mais un peu de pâte à un pain avec quelques graines marchera aussi. »
Le félin était étalé, exposant son ventre comme pour l’inviter à la gratouille. Une main tenant soigneusement sa tasse, Drynne se pencha pour obéir à cette « invitation », venant chatouiller le dense poil de l’animal.
« Si vous arrivez à convaincre Monseigneur-je-suis-né-sur-un-coussin-en-soie de manger un rat, Drynne, je m'engage à vous inviter à dîner. »
Dîner? Il était donc tellement gâté que cela, pour qu’elle se risque à sa présence étrange? Il était grand, certes, et avait tout l’air d’un félin tout à fait capricieux. Qui pouvait le lui reprocher cela, à la douceur de son pelage et de sa personnalité? Les câlins cessèrent alors que Athera apporta une grande jarre vers l'intérieur de sa petite demeure.
“Mukae m’aidera, et d’autres Gardes aussi.” Mukae était épaisse, et lui non plus ne manquait pas de force.
Posant sa tasse vide auprès de celle d’Athera, l’elfe costaud l’aida à la placer là où elle le voulait. L’imitant, il s’assit en tailleur également, et observa son idée ingénieuse en silence; ce n’était pas si différent de ce qu’il avait imaginé, sauf qu’il n’avait pas songé à utiliser de la céramique, surtout si grande. La logique lui semblait cohérente, il fallait juste être sûr que les rats verraient une bonne raison pour y pénétrer. Puis après, il devrait songer à où les garder sans les casser. Mais ça, c’était un problème pour plus tard.
“Si on les mets ainsi, seuls les rats les plus sains parviendront à y tomber. Ceux qu’on veut.” Il corrigea la position de la planche de fortune que tenait la femme. Il n’avait pas l’intention de donner des rats malsains à sa griffonne - bien que leur métabolisme contre cela soit de fer- quoiqu'il aurait à faire un certain tri, de toute façon.
Bref. L’idée lui plaisait. Il leur fallait donc tout plein de récipients de taille, pour que les proies soient rattrapées et contenues. Drynne se releva; il ne tenait pas longtemps immobile, et l'excitation de passer à l’exécution de leur projet n'aidait pas à l'affaire.
“J’irai de ce pas essayer de trouver d’autres jarres. Et de l’huile. Demain matin je trouverai assez d’appât dans les forêts environnantes.” Il les mélangerait peut-être à du fromage, un aliment fragrant, qui ne manquerait pas d’attirer toutes sortes de rongeurs. Il avait presque oublié qu’il lui avait demandé de l’aide, avec toute cette hâte qui le prenait soudain, bercé par le plan qu’elle lui présentait. Mais avec l’aise de Athera à circuler dans la ville, elle lui serait une aide très précieuse. Son regard lointain témoignait de ses pensées profondes, et après quelques secondes, vint se poser sur celui d’Athera.
“Merci pour votre aide, ” souffla-t-il finalement, sa phrase solennelle prenant un accent fortement elfique, car les mots qui se suivaient l’étaient: “... ma melava halani.”