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Des bribes de maux

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Des bribes de maux CHAPITRE UN : BÉNIS SOIENT LES CHAMPIONS DU CRÉATEUR

Type de RP Classique
Date du sujet Jour 5 de Primeneige, 5:12 des Exaltés
Participants  @Sioned Meahger  
TW langage cru, vulgarité
Résumé Après quelques mois de pêche, Paco revient à Starkhaven en faisant une première halte au Laurier Carmin, dont il est client régulier - au désespoir de Sioned. Mais cette rencontre n'est plus comme les autres - leur première échange véritable a lieu et quelque chose a changé.  
Pour le recensement


Code:
[code]<ul><li><en3>Jour 5 de Primeneige, 5:12 des Exaltés</en3> : <a href="https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t601-des-bribes-de-maux">des bribes de maux</a></li></ul><p><u>Paco Tohopka & Sioned Meahger</u> Après quelques mois de pêche, Paco revient à Starkhaven en faisant une première halte au Laurier Carmin, dont il est client régulier - au désespoir de Sioned. Mais cette rencontre n'est plus comme les autres - leur première échange véritable a lieu et quelque chose a changé.  </p>[/code]

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Les bottes en cuir du pirate foulaient les rues du quartier de Goldhead, un endroit où ils faisaient bon vivre pour la plupart des citoyens. La soirée s’annonçait froide tandis que ses semelles trainaient sur le sol, ses talons claquant à tour de rôle. A mesure que le regard sombre du hors-la-loi scrutait les alentours, il se disait qu’en l’espace de ces quatre derniers mois, la bourgeoisie s’était propagée tel un virus qui aura sa peau. Encore un signe avant-coureur de la fin de son espèce, qui n’avait pas été aidée par la désolante perte de Llomeryn dont les criminels avaient du mal à se remettre. Ils pansaient encore tous leur plaies, certains se cachant, d’autre s’en accommodant, et puis lui, fuyant. Paco fuyait la précarité de sa situation à chaque fois que l’occasion se présentait, à chaque fois qu’un capitaine de petite envergure acceptait de le prendre sur son bateau. Loin de là le somptueux navire dont pouvait rêver tout pirate, c’était plutôt une bonne baraque destinée à une pêche fructueuse et où dormir à la belle étoile se faisait avec plaisir. Si c’était bien son père qui lui avait appris les ficelles du métier, les esprits avaient veillé à ce que jamais ces enseignements ne quittent ses lointains souvenirs.

Sa bourse à moitié pleine dans sa paume, il joua avec celle-ci, la balançant de droite à gauche pendant que sa marche diminuait la distance entre lui et sa destination. La dernière fois que la ville de Starkhaven avait eu l’honneur de l’avoir parmi elle, Paco avait passé sa dernière journée au Laurier Carmin. Un endroit où reluquer s’accompagnait d’une bonne chope, dans une ambiance aussi chaude que les filles se trémoussant dans son champs de vision. Il préférait cet établissement pour les mêmes raisons que la plupart des gaillards s’y rendant ; sa qualité qui défiait largement les courtisanes des concurrents ou leurs breuvages, dont l’arrière goût trempait Paco dans une profonde nostalgie, qu’il le veuille ou non.

L'enseigne de la maison de joie se dessinait, arrachant un maigre sourire à l'invité surprise qui ressentait la hâte inavouée de se plonger dans le cocon qu'il tentait de s'y forger.
— Encore moi, l’ami ! lâcha le pirate qui levait les mains au ciel, comme victorieux d’une bataille qu’il n’avait jamais menée. Et voilà que j’dois encore subir tes sales pattes, c’qu’il faut pas faire pour entrer dans l’antre des catins ! Il piaillait au gré des palpations du vigile, qui ôtait ses couteaux et son arme vide de toute munition. Le garde grognait aux provocations du hors-la-Loi, mais s’en tenait à un simple regard noir tant que le client irrégulier n’en venait pas aux mains. Avant que Paco ne mette un premier pied dans le petit hall d’entrée, la main épaisse du gars costaud vint presser son épaule en guise d’avertissement. — Le règlement est le même pour tous, souligna-t-il en rendant à Paco sa liberté. Celui-ci souffla du nez, sarcastique, puis sa silhouette se fondit dans les lumières tamisées du Laurier. La première chose qu’il fit, était d’inspirer profondément, éveillant tous ses sens pour se remémorer ses précédentes visites. C’était tout naturellement que ses yeux noisettes se perdirent dans les recoins sombres de la salle principale, cherchant un visage familier et spécifique qui avait quelques fois réchauffé ses nuits lorsqu’il voguait sur les mers. En l’absence de ce qu’il cherchait, le pirate à la longue tignasse s’effondra sur le premier tabouret du comptoir. — Une bière, articula-t-il en jetant une première pièce sur la surface en bois, lisse et polie. La boisson fraîche se retrouva rapidement entre ses doigts noircies par le travail physique du matelot. Paco n’avait fait aucune halte entre l’amarrage du navire après plusieurs mois sur les eaux et sa venue quasiment instinctive ici, dans le berceau de l’humanité, comme il l’aimait l’appeler.

Portant la chope à ses lèvres, il profita du liquide frais qui parcourait sa gorge, apaisant une soif qui ne s’était encore jamais vue étanchée. Un soupir de satisfaction suivit la dernière goutte lorsque le brun ferma un instant ses paupières. Comme la sensation de fermer les yeux était si différente, sur la terre ferme. Il n’y avait plus ces vagues qui le berçaient, ce vent qui caressait sa peau ; toute cette effrayante magie était remplacée par un bruit de fond mêlé de rires gras, de musiques d’ambiance et de paroles coquines perdues aux creux de l'oreille.

C’était d’ailleurs ce qui vint le sortir de son apathie ; un souffle chaud contre ses tempes.




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Il n'y avait aucune femme au continent qui rechignerait à l'idée d'une toute nouvelle robe, ni même Sioned Meahger.

Les braies de Tantervale auxquels elle avait été habituée avaient beau être comfortables, ses nouveaux vêtements, qu'elle portait ce jour-là, lui faisaient certainement concurrence. Ses mains plissèrent le doux tissu de soie brillante pour en observer mieux les reliefs florals; un tissu que Vera elle-même lui avait conseillé, et un fin sourire se dessina sur ses lèvres empourprées. Elle avait prit l'habitude aux robes, petit à petit, mais ceci était d'un tout autre niveau. La robe avait été finie ce matin-même, et Sioned en était drôlement fière, voir ecstatique. C'était un habit aux tons gris, presque noirs, un élégant corset serre-taille qui appuyait ses courbes, sans sombrer dans le trop révélateur. La soie reluisait à la lumière des bougies, et les détails floral étaient soulignés par des détails dorés tout à fait plaisants. Il était parfait.

Sortant de sa chambre, l'intendante vérifia la zone des dortoirs, avant de continuer sa marche à travers le couloir, qui sentait bien l'encens d’œillet. De fins rires se faisaient déjà entendre, et les quelques bougies posées scintillaient fièrement. S'il faisait froid dehors, c'était à peine perceptible.

"Tu est ravissante, Sioned!" - extériorisa Lilley, passant agilement par elle et la contournant comme un papillon de Floraison. Lilley avait toujours un compliment à lui donner, et si Sioned n'avait pas toujours su comment les recevoir, elle les acceptait maintenant de bon gré. "Merci bien, ma chérie. La soirée promet d'être bien remplie: je serais en bas si tu as besoin de moi."
La courtisane acquiesça et se faufila aussitôt dans l'une des pièces privées de l'étage pour rejoindre son client.

Venu le mois de Primeneige, les bordels avaient tendance à bien se remplir, et le Laurier Carmin, bien que plus sophistiqué que tant d'autres, ne fuyait pas à la règle. Effectivement, ce soir était le plus agité de la semaine, et l'absence de Vera faisait d'elle l'autorité maximale pendant les prochaines heures. Elle veillerait à maintenir ce mérite, comme toujours.

Descendant les escaliers, elle croisa leur nouvelle domestique, Ynna. Celle-ci ouvrit de grands yeux à l'arrivée de l'intendante, qui la questionna aussitôt du regard. Sioned remarqua qu'elle tremblotait de tout son petit être, et elle se rappella momentanément de ses premiers jours au Laurier Carmin. Envahie par ce qui ne pouvait être que de l'empathie, elle lui posa une main au bras. Ynna balbutia aussitôt, au plus bas que sa voix lui permettait: "Je pensais qu'y'avait personne au salon, alors j'y suis passée vite fait... pour récupérer les gobelets sales... mais y'a quelqu'un, et il a juste dit 'une bière', alors je lui en ai donnée une - enfin, je crois que c'était le bon tonneau, et je sais pas combien ça coûte, et... et..."

Sioned soupira et fit un signe de tête pour qu'elle cesse d'en ajouter. Elle savait très bien l'anxiété des premiers jours, mais n'endurerait pas beaucoup plus de ses bégaiements nerveux. Elle lui accorda un sourire pour qu'elle se calme. Rien ne détrônerait sa bonne humeur, rien!

"Je m'en occupe. Passe à l'étage, et vérifie que les dortoirs sont propres. Je t'appellerai si quelque chose survient."

La jeune fillette consentit aussitôt et prit les escaliers, non pas sans y trébucher.  Décidément, cette domestique n'avait pas été le plus sage des embauches, mais elle irait, pour l'instant.
D'un geste rapide et visiblement habitué, Sioned vérifia à nouveau que le bureau de Vera se trouvait bien verrouillé, et une fois confirmé, elle se dirigea vers la salle principale de l’établissement accueillante et resplendissante comme à son habitude. L'encens ici était par contre moins remarquable: il fallait y faire attention. Vérifier que les bougies n'étaient pas déplacées était aussi essentiel, parfois elles pouvaient être dangereuses et ... - coup de théâtre!

La silhouette qui apparaissait dans son champ de vision lui valu un battement de cœur. La longue tignasse ne lui laissait aucun doute: l’infâme Tohopa. Topoka? Topoha.
Sioned avait beaucoup de mal avec les noms, mais c'était un miracle qu'elle ait fixé celui-ci. Elle se rappela d'emblée de comment il l'avait presque terrorisée, elle aussi, il y a quelques années, en la confondant avec une fille de joie.

Elle remarqua que les yeux de l'homme s'étaient momentanément fermés - probablement emballé par les bras doux de l'alcool. Les bras que tant d'hommes se procuraient, jour pour jour, nuit pour nuit. Sio l'approcha lentement, à l’élégance presque féline, un grincement à peine audible trahissant sa présence; prenant le côté opposé de ce qu'il prenait pour un comptoir. La jeune femme s'était promise qu'elle ne tournerait pas d'humeur, et maintint son allure imposante - autant imposante qu'une jeune femme pouvait l'être, auprès d'un grand pêcheur riveïn, en tout cas. Comme bonne professionnelle, elle s'annonça:

"Que le Créateur me pince si vous n'êtes pas une apparition." son ton stupéfait frôlait presque le sarcasme, sans pour autant toucher à l'insolence. C'était une surprise très honnête. Elle afficha un sourire presque espiègle. "Soyez le bienvenu à nouveau, Serah. Je vois que vous avez connu deux de nos nouvelles embauches."

Le regard perçant de la veuve se lança momentanément vers la porte d'entrée, signifiant le nouveau garde qui gardait les lieux, et puis sur la chope de bière qu'il tenait entre ses mains calleuses, signifiant la craintive domestique.

Elle le dévisagea néanmoins, un regard qui, au contraire d'il y a quelques mois, tenait le sien sans hésitation.


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"Que le Créateur me pince si vous n'êtes pas une apparition."

Cette voix, délicate et à agréable à écouter malgré la pointe de sarcasme qu fit grogner le pirate, ravivait de lointains souvenirs. C’était ici-même qu’il avait eu l’occasion d’échanger avec cette femme aux courbes serpentines, dont la beauté égalait sa vive poigne. Tout comme la catin qui venait de le servir sans se dépeindre d’un air terrifié, cette domestique aussi l’avait arboré à l’époque. Une fraction de seconde, Paco, qui se remémorait la scène de sa main claquant la fesse de la dame, le fit sourire. Elle avait répliqué par une gifle que le matelot avait senti passer, gardant comme vestige sur sa joue, la trace de son passage.

Nonchalant, il leva une paupière, scrutant du coin de l’oeil la silhouette qui se tenait à ses côtés. D’abord son regard visait les pans de la robe, un vêtement fort coûteux à en juger par la qualité du tissu que Paco aurait revendu à prix d’or s’il avait pu mettre la main dessus. Lentement, l’ascension de sa contemplation continua son cheminement, vers un buste où les motifs floraux se distinguaient davantage par les reliefs. Un goût pour le luxe très prononcé, à n’en pas douter. Le pirate était assez proche pour que ces narines inspirent le parfum enivrant qui enveloppait non pas la matriarche de la propriété, mais Sioned Meahger. A présent bien tourné face à son interlocutrice, que Paco ne connaissait pas autant qu’il le voudrait, son attention était maintenant toute dirigée vers elle. Ses yeux noisettes parlaient pour lui avant même qu’il n’ouvrit la bouche, la dévorant du regard comme un requin le ferait avec sa proie.

— Laisse le Créateur en dehors de ça, il aimerait pas s’mêler de mes affaires, répondit l’homme avec espièglerie. Paco jeta un coup d’oeil désintéressé vers les recrues dont l’intendante parlait, haussant légèrement les épaules. — Je ne demanderai pas sur quels critères le Laurier Carmin embauche ses employés. Entre la catin apeurée qui bégaye et le vigile quasi muet, y a de quoi s’poser des questions. Il se leva après avoir bu d’une traite le reste de sa boisson, s’essuyant les lèvres du revers de la manche crasseuse. Se tenant debout et dominant la jeune femme de plusieurs centimètres, le pirate jaugea ce qui avait changé depuis leur première rencontre. — Ça y est, t’es passée de domestique à poupée, je peux nous prendre une chambre ? lançait-il en faisant référence au changement de style vestimentaire qui ne passait certainement pas inaperçu. C’était ironique, Paco savait que la prestance de Sioned n’avait rien à voir avec celles des femmes qui les entouraient et ne cherchait qu’à la titiller. Le répondant qu’elle avait eu à son égard ne l’avait jamais laissé de marbre, lui qui d’habitude se servait des femmes sans qu’elles ne résistent outre mesure à son charme brut. Au moment où la main de Serah s’était abattue sur sa joue, il s’était dit qu’il fallait avoir une sacrée paire de couilles pour oser s’attaquer à un type comme lui. Impressionné, il avait juste esquissé un sourire en coin irritant, tandis que sa peau palpitait sous les lancements. — Non attends, laisse-moi deviner, prenant un air faussement interrogateur, il fit mine de réfléchir, amusé. Tu montes en grade et lentement mais sûrement, tu vas finir par évincer Vera. Malicieux et intelligent, j’approuve.

Une jeune femme passait alors à côté d’eux, ses cheveux roux cascadant jusqu'aux creux de ses reins. Paco la saisit délicatement par la hanche, la stoppant dans la marche lascive qu’elle avait adopté. Il avait cette fâcheuse tendance à s’approprier ce qui gravitait autour de lui, mais se le permettait car était un fidèle habitué du Laurier qui lui devait bien ça. Sa bourse se vidait essentiellement dans cet établissement où il trouvait de l’attention à défaut de l’amour, le gîte à défaut d’un voile brassant le vent et le couvert l’espace de quelques heures à une nuit. — Tu serais mignonne, si tu m’apportais une chope. Il leva ensuite ses pupilles sur Sioned, qu’il comptait inviter à sa table bien qu'elle n'avait pas l'air de faire partie des  délicieuses marchandises. — Tu t'assieds avec moi ou t’as mieux à faire ? lança le pirate en reprenant place. Sa botte tapait sur le plancher un air de musique qu’il avait en tête depuis hier soir. Sous la lumière chaude des bougies vacillantes, disposées un peu partout dans le décor enflammé du Laurier Carmin, ses yeux fixaient ceux de l'intendante qui n'avait toujours pas cillé à son invitation.


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— Laisse le Créateur en dehors de ça, il aimerait pas s’mêler de mes affaires.

Il ouvrit premièrement la bouche pour qu'elle ne prononce pas le nom du Créateur, sous prétexte que ce dernier n'ait pas envie de se mêler de ses affaires. Sur ce point, ils étaient certainement d'accord, et elle aurait pouffé de rire si elle n'était pas en contexte professionnel. Le Créateur avait tellement d'autres choses de quoi se soucier.

— Je ne demanderai pas sur quels critères le Laurier Carmin embauche ses employés. Entre la catin apeurée qui bégaye et le vigile quasi muet, y a de quoi s’poser des questions.

À ce point, Sioned leva son menton avec un certain orgueil; il tentait de la vexer, mais n'y parviendrait pas!

Les critères du Laurier Carmin avaient beau être hauts, ils n'avaient pourtant pas toujours étés honorés. Après tout, beaucoup d'embauchements prouvaient ne pas être satisfaisants à long terme, malgré l'avoir été à court terme. Mais Vera tâchait que cela ne manque pas de correction: si il y avait quelqu'un d'implacablement perfectionniste, c'était bien sa patronne, et Sioned avait commencé à calibrer ses capacités de triage grâce à elle. Et si la pauvre domestique Ynna ne réagissait pas bien vite, il se peut que Sioned elle-même témoigne de son incapacité.

Voilà que l'audacieux retentait de la prendre pour une «poupée». Au contraire de leur première interlocution, Sioned n'y prenait plus autant d'offense, et son visage se tendit vers lui comme pour le provoquer, ou, comme d'autres diraient, 'lui tendre l'autre joue'; c'est qu'il était obstiné!

" Vous pourrez prendre une chambre avec l'une ou plusieurs de nos courtisanes, Serah. "

Plus l'homme s'élevait au-dessus d'elle, plus elle se sentait... trop flagrante. Elle avait beau avoir vécu parmi des prostituées aux robes révélatrices, elle se sentait toujours trop visible dans ce corset. Même comme figure incontournable de cet établissement. Néanmoins, elle ne bougea pas d'un cil, seuls ses yeux se plissèrent un peu plus, voulant compenser le regard presque d’inquiétude que son instinct voulait dérober de sa posture. Il y a quelques années, elle aurait ouvert de yeux bien ronds de frayeur; elle était fière de ne pas avoir succombé à l’adrénaline qui lui parcouru tout le corps et qui lui priait de prendre un pas en arrière. Les lèvres de Sioned, teintées d'un ton presque noir, se durcirent en signe de répréhension.

Les yeux noisette du voyou avaient beau la dévorer comme un rapace affamé, elle n'avait plus peur de lui montrer ses crocs.

Voilà que l'obstiné reprenait son air moqueur, insinuant qu'elle aurait l'intention «d'évincer» sa patronne. Pîquée, ses joues s'empourprèrent quelque peu de colère. Pour qui se prenait-il? Sioned avait travaillé dur pour ce post, et elle le méritait. Doux Créateur, comme elle le méritait. Sa patronne n'était peut-être pas la plus sympathique des créatures, mais Sioned lui était farouchement loyale.  Elle lui devait, depuis le tout début, un lit, à manger, et surtout, une opportunité. Mais après tout, comment pouvait-elle s'attendre à ce qu'un corsaire comprenne le concept de fidélité?

Elle lui préparait déjà une bonne réponse, mais l'échange fut interrompue par la belle rouquine Dasyra, une elfe dont les cheveux de feu faisaient baver plus d'un. Cette dernière lâcha une exclamation satisfaite en identifiant Tohopka et accepta l’étreinte avec une gracieuseté hors-pair; comme si elle était passée justement pour être maintenant à ses côtés. "Paco!" reconnait-elle, jetant ses bras fins autour de ses épaules pour un bref instant. À sa demande insolite, Dasyra, toujours un beau sourire aux lèvres, regarda son intendante d'une œillade qui aurait pû être traduite par "Est-ce qu'il est sérieux? Dois-je?", à ce que Sioned répond d'un seul geste de main qui signifiait "Laisse". Les courtisanes avaient pour habitude de servir les clients dans leur propre chambre, pas vraiment aléatoirement au Grand Salon, comme une simple aubergiste. Acquiesçant, l'elfe disparût aussitôt était-elle arrivée, après avoir lâché un son de bise à l'oreille du pirate. Après tout, elle était descendue pour une toute autre chose.

Sioned tenait l'établissement comme une templière tenait son épée et bouclier. Elle savait très bien que en ce moment, toutes les courtisanes étaient occupées, et qu'elle allait devoir entretenir ce client jusqu'à ce que l'une d'elles ait fini - que le Créateur lui prête sa patience!
Ce pirate n'était peut-être pas son idée de client idéal, mais à vrai dire, il fallait l'admettre; il y avait BIEN pire client que lui. D'après les courtisanes, ce surnommé Paco était de ceux qui trouvaient son plaisir aussi dans celui de ses partenaires. Sioned ne savait pas exactement ce que cela voulait dire, mais elle savait, de part leur réaction quand elles le voyaient, que c'était quelque chose de très unique. L'étreinte de Dasyra venait de le lui prouver à nouveau.  

Dorloté ou pas, Sioned n'avait que faire, mais elle s'était assez calmée pour ne pas lâcher un soupir. Machinalement, elle prit la chope que Paco avait utilisé, et s'éloigna pour la lui remplir à nouveau.

" Je vous tiendrai compagnie jusqu'à ce que Lilley ou Maylin soient disponibles. " céda-t-elle, «Que le Créateur me garde» compléta-t-elle en pensées, venant lui poser sa boisson sous ses yeux et attendant le petit claquement de pièces d'or sur le bois. Bien sûr, elle savait bien que Lilley et Maylin étaient ses favorites, mais à la première venue elle serait bien contente de le redirectionner.  

Au lieu de s'asseoir, quelques bâtons d'encens s'étaient matérialisés d'un moment à l'autre dans sa main gracieuse, témoignant de son habitude à ce geste, et elle vint les tenir au-dessus d'une des centaines de bougies avec patience. Un moment de silence, et quelques grincements pouvaient se faire entendre non loin, derrière les portes privées du Laurier Carmin, accompagnés de quelques gémissements. Un son que Sioned avait tellement écouté, qu'elle n'entendait même plus.

Elle ne le regardait pas mais suivait tout ses gestes du coin de son œil, ses pupilles rivées sur la flamme - qui, doucement, commençait à produire une fumée enivrante.  


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Le regard espiègle du hors-la-loi suivait les faits et gestes de l’intendante, tandis qu’elle empoigna la chope du client. Celui-ci restait silencieux, plongeant maintenant ses yeux dans le corset de la dame où se terrait le saint-graal de tout homme normalement constitué. Une pensée bien machiste pour un homme qui avait grandi au milieu de barbares, lui inculquant cette attitude comme une normalité. Tant de fois, il avait entendu que c’était un réel compliment pour une femme de se voir déshabiller du regard, de se sentir frôler par une main baladeuse, de s’entendre siffler à son passage. Heureusement pour elles, Paco avait compris au fil des années et des gifles reçues que la plupart des choses qu’il pensait savoir étaient fausses. Mais les habitudes étaient tenaces.
— Lilley ou Maylin ? répéta-t-il, la mine songeuse, comme s’il se rappelait des dernières fois en compagnie de ses charmantes créatures. Elles étaient sans aucun doute ses favorites, et bien qu’il était aisé de le deviner, il se permit de louer intérieurement la manière avec laquelle Sioned connaissait les clients. — Je dirais plutôt, Lilley et Maylin. Le sourire presque victorieux qu’il affichait face à sa remarque était à la fois stupide et attachant, si l’on arrivait à prendre un certain recul. — La pêche a été bonne, ces derniers mois, j’ai de quoi payer. Je précise parce qu’un autre salon m’a déjà sorti coup de pied au cul en s’arrêtant sur l’odeur de truite que mes godasses peuvent dégager. Grosse erreur ! ricana le matelot en tapotant contre la bourse qui pendouillait à sa ceinture. Il prit d’ailleurs quelques pièces et les glissa de son index, sur la surface polie du bois, pour payer sa consommation.
Alors que ses lèvres effleuraient à nouveau sa boisson, un silence apaisant s’installa, pendant que l’intendante alluma l’encens. Une odeur agréable s’en échappait, voilant sa vision ici et là sur la silhouette de la jeune femme. Le bien-être que le pirate ressentait à cet instant précis était exactement la raison pour laquelle il revenait toujours au Laurier. Lui qui n’avait pas de foyer, trouvait ici ce qui lui avait toujours manqué. Et même si Serah ici présente était aussi froide qu’une nuit hivernale, cela n’avait pas d’importance, car quand elle posait ses pupilles sur lui, Paco se sentait véritablement regardé. Lui aussi la regardait, cependant sans la voir encore telle qu’elle était.
— Quelque chose a changé, chez toi, lâcha-t-il alors entre deux gorgées bruyantes. Je ne parle pas de tes fringues qui valent p’t’être plus que ma propre vie, mais y a bien un truc qui n’est plus comme avant. Qu’est-ce que c’est ?
Sa voix était sérieuse et Paco cherchait réellement dans ses souvenirs ce qui semblait différent. Était-ce la nouvelle éloquence dont madame faisait preuve à présent, un nouveau parfum ? Les grincements de lit accompagnaient la réflexion quasi existentielle qui se déroulait dans son esprit. Il n’entendait rien de tout ce qui était extérieur à la bulle qu’il se forgeait actuellement.
— Ah ! Je sais. Tu es plus sûre de toi. Tu ne trembles plus quand j’te parle. C’est parce que tu as plus de responsabilités ? Parce que ton titre a changé ? Une nouvelle gorgée tandis qu’il haussa les épaules d’un air désabusé. — Si c’est ça, c’est vraiment con, j’pense que t’as toujours été comme ça mais tu te découvres encore. Paco esquissa un sourire, durant une fraction de seconde il ne chercha pas à contrôler la façade qu’il s’était érigé. — Tu sais quel est l’meilleur moyen pour se découvrir ? Se foutre au milieu de l’océan, seul, avec quelques réserves de haricots dégueulasses. Après ça, tu vois, tu sais exactement t’es qui.
Cette anecdote, le pirate ne l’avait absolument pas vécu, pour la simple et bonne raison qu’il ne s’était jamais retrouvé seul et livré à lui-même sur un bateau. Mais ce détail, elle pouvait pas l’deviner et ça n’ôtait pas la véracité de ses paroles. — Je t’y emmènerai bien un d’ces jours mais si tu continues à me vouvoyer ça s’fera jamais, ma belle. On a quoi, l’même âge ou presque ?
Est-ce que cet échange était un moyen détourné pour soutirer des informations sur cette lady aussi avare en conversation ? Tout à fait. Peut-être que depuis qu’il lui avait mis la main au fessier, elle le prenait pour un rustre sans code moral ni tenue en public. Bien que les apparences se voyaient pointer du doigt, elles n’étaient qu’une plate surface donnant raison à la brune aux airs de maquerelle.

Le marin parlait, il parlait beaucoup et ça lui donnait soif, alors il buvait. Il buvait beaucoup et l'envie de pisser commençait à pointer du nez. Si les mots dévalaient ainsi sa bouche c'était parce qu'il avait été coincé de longs mois en compagnie d'hommes peu bavards de par leur métier, où lorsqu'on avait acquis leur expérience, tout se faisait machinalement. Dans un automatisme serein et silencieux qui n'avait pas à se voir briser par des banalités.


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Alors son interlocuteur venait tout droit de la pêche? Cela expliquait d'ailleurs la drôle d'odeur qu'elle pouvait respirer; cette odeur d'algues, sueur, poisson, d'homme, et que, heureusement, l'encens venait masquer. Note: se rappeler de lui inclure un bain dans ses services. Elle accompagna son petit récit sur l'autre salon avec légèreté. Pourquoi pas Lilley ET Maylin? Sioned haussa un sourcil à cette remarque audacieuse. Ce type d'hommes n'étaient pas rares, pas rares du tout, même. Elle remémora momentanément des anecdotes qu'elle avait ouït dire à propos d'autres habitués, au fil de toutes ses années : « J'aurai quand même honte, à sa place, ne faire jouir aucune d'entre elles! » « Il ne nous a même pas fait finir! » « Décevoir deux femmes à la fois, quel courage! » C'était comme si Sioned arrivait à entendre les ricanements des femmes de joie.

Paradoxalement, ce n'était pas le genre de récit qu'elle avait entendu à propos de ce client, attaché à sa chope comme si sa vie en dépendait et aux godasses supposément puantes. C'était tout un mystère, dont Sioned ne savait absolument rien. À tout vous dire, elle n'était même pas sûre de ce que les courtisanes voulaient dire par « les faire finir ».

« Quelque chose a changé, chez toi. »

Une seconde de surprise. Le changement brusque de conversation, la mention de sa propre personne, encore et toujours, la prit par mégarde à nouveau. Ce Paco allait être sa fin. Elle avait quand même l'habitude qu'on la toise du regard, mais jamais si ouvertement comme Paco le faisait à chaque fois, et surtout maintenant. Comme s'il n'avait aucun problème à admettre qu'il l'avait à l’œil, qu'il la désirait et qu'il n'arrivait pas tout à fait à la démystifier.  Tant mieux.

«Qu'est-ce que c'est?» Ces mots la transpercèrent plus qu'elle n'aurait aimé, les poils de sa nuque se hérissant quelque peu. Comme si, malgré elle, il s'était acharné et promit de le découvrir, coûte que coûte. Puis la mention de sa robe la déconcerta aussi; comme si une vie pouvait avoir un prix? Enfin, elle n'y avait jamais vraiment songé. Elle supposait que, pour un pêcheur aux traits de filous - oui, une vie pouvait avoir son poids en or. Cette pensée la choqua intérieurement. Et pourtant sa robe n'avait pas été si chère que ça. Sûrement aucune vie ne pourrait se comparer à une robe - même pas celle d'un filou des mers comme Tohopka? Pensées assez ironiques, vu qu'elle travaillait d'ailleurs dans une maison de plaisir, à vendre justement accès au corps de jeunes femmes. Mais ce n'était pas la même chose!

Leur regards se croisèrent, et Sioned ne put refouler un sourire malin, satisfait. Il aimerait vraiment tant le savoir? Elle ne pouvait pas s'empêcher d'afficher cette expression de ruse, qu'elle arborait de plus en plus ces derniers temps. Effectivement, elle ne tremblait plus à ses mots - depuis qu'elle avait apprit à les prendre sélectivement.

" Serah, je suis bien la même de toujours. Je n'ai simplement plus aussi peur de mourir de faim. " Ni peur d'être seule, désemparée, à compter ses sous toutes les nuits.

Il parlait vrai, Sioned avait toujours eut un esprit farouche, mais son veuvage et sa vie l'avaient tant bouleversée.
Cette fichue idée de larguer sa famille, recommencer du début. Son autre remarque l'épata aussi - Paco était-il en train de lui donner... un mot d'encouragement? L'intendante se ressaisit - il ne voulait simplement que l'avoir dans son lit: quel aigrefin! Heureusement, elle avait cessé d'être naïve à propos des hommes, même Callum.  

" Aucun titre n'a jamais eu de poids pour moi, à part peut-être celui de veuve." Sioned n'en avait jamais, jamais parlé, à aucun client. Mais elle se le permettait car, aux démons les secrets! Être intendante avait sûrement son poids, mais pour elle, cette Sioned était la Sioned qu'elle avait toujours voulu être, sans plus ni moins. Les grincements de lit étaient effectivement intensifiés, mais tout deux s'étaient plongés ensemble dans cette petite bulle à eux.

Il est vrai que ce « Paco » avait un certain charisme qu'elle n'avait jamais remarqué auparavant. Il savait, à partir de presque rien, dénicher des récits tout à fait sordides. Des haricots dégueulasses? Pour une fois, cela amusa l'intendante. Elle fit quelques pas, rallumant des bougies qui s'étaient éteintes, soulignant: " Il est de mauvaise augure de vouvoyer des clients, Serah. Ce n'est pas professionnel." - rappela-t-elle, puis procéda: "Et vous - avez-vous découvert qui vous étiez, en pleine mer? Avez-vous changé, ces dernières années? " - interrogea-t-elle finalement, un tout petit ton de sarcasme dans sa voix, remémorant leur fâcheuse première échange, ici-même.

Sioned se mit à imaginer son interlocuteur en pleine mer, haricots en main, sans sa chope pour y noyer ses misères. Le scénario était quelque peu amusant.
Quelque part dans ses pensées, elle se surprit pourtant à se demander comment serait cette sensation, celle de voguer sur les océans.


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Des bribes de maux


Un juge l’aurait jaugé moins sévèrement que semblait le faire l’intendante, à l’instant. Que pouvait-elle bien entendre à son sujet, elle qui ne faisait que croiser le pirate un bref instant, n’échangeant jusqu’à présent que des banalités. Bien qu’intrigué par la tristesse que Paco lisait dans ses pupilles, il n’avait jamais pris la peine d’enfoncer sa pioche dans ce mur érigé autour d’elle. Pour la simple et bonne raison que lui-même était emprisonné dans sa confortable coquille, et qu’en sortir lui demandait trop d’effort psychologique. Que lui disaient les autres filles du Laurier Carmin ? Crachaient-elles sur le dos du pauvre hors-la-loi, qui les avait toujours respectées pour ce qu’elles étaient, à savoir des femmes offrant l’amour à toutes ces âmes perdues. De celles-ci il en faisait parti, c’était une certitude qui restait cependant un secret derrière des sourires charmeurs et des blagues idiotes. Il était toujours plus aisé de montrer une façade plutôt que la réalité obscure de son être, celle qui faisait fuir. De cela, les deux jeunes gens l’avaient en point commun, mais l’ignoraient encore.

"Serah, je suis bien la même de toujours. Je n'ai simplement plus aussi peur de mourir de faim. " La jeune femme à l’allure si féminine, tandis qu’elle prononçait ces mots, laissa dans sa voix consciemment ou pas un indice au pirate. Celui-ci avait entendu, une fraction de seconde, ce tremblement vers la fin de la phrase. S’il ne l’avait pas imaginé, que signifiait-il ? Sans doute que la peur de mourir de faim n’était pas la seule chose qu’elle ne craignait plus. Lui avait peur aussi, mais ce n’était pas la famine qui lui tiraillait les entrailles. C’était quelque chose dont on ne pouvait pas se défaire aussi facilement qu’une bouchée de pain sous l’palais. Paco la regarda de bas en haut, l’air de sous-entendre une évidence. — T’es pas l’genre de femme qui doit se préoccuper d’avoir peur de quelque chose aussi primaire que te nourrir, non ? Enfin, j’veux dire, regarde-toi. Tu peux tout avoir, une nana ça peut toujours s’débrouiller facilement avec ce qu’elle a. Oh oui, Paco touchait une corde sensible en insinuant que la gente féminine n’avait qu’à faire glisser leur robe sur leur délicate peau pour s’offrir un repas. Il ne cherchait pas à se la mettre à dos, mais c’était une évidence à souligner. Sa tendance à être incapable de mâcher ses mots le faisaient souvent passer pour un macho avec une grande gueule. Hélas, c'était là un trait de caractère irréversible.

— Les filles comme toi ça s’trouve un bon p’tit mari bien chiant, mais au moins elles sont à l’abri. C’est une stratégie intelligente sur le long terme, mais vos vies doivent être mortelles. Il sourit, amusé par l’air qu’affichait Sioned. — Mortelles au sens littéral. Un nouveau rire vint s’essouffler dans une gorgée de bière, avant qu’il ne faillit tout recracher sur le torchon qui lui servait de vêtement. Elle avait bien dit veuve ? Le regard de Paco s’attarda sur l’annulaire de l’intendante, vierge de toute marque récente. Mais oui, c’était ça, qui avait changé chez elle. Sioned ne portait plus son alliance. Il ne fit cependant aucun commentaire, après tout, ça l’regardait pas. Il aurait bien essayé de jouer la carte du gars qui compatit, qui était là pour consoler, mais cette femme était un bloc de glace qui n’allait jamais se laisser fondre sous les draps du voyou. Alors le pirate préféra ne pas donner de son énergie pour si peu.

Sa chope vide, Paco en scrutait le fond, comme si par magie le liqueur réapparaîtrait pour sa plus grande joie. Evidemment, rien ne se produisit et il retint un soupir las avant de faire glisser l’objet vers Serah Meahger, cette fois sans commander. Se ruiner dans l’alcool n’était pas un luxe que le pirate déchu pouvait se permettre en ces temps de crise, pour les criminels indépendants. Quelques mèches de cheveux étaient venues tomber devant ses yeux sombres, voilant deux pupilles incertaines face à la question personnelle que son interlocutrice venait de mettre sur la table. Avant toute chose, il émit d’abord un grognement, comme pour se donner le temps de savoir quoi répondre. Car il était évident qu’il ne répondrait pas sincèrement. — Tu poses cette question par intérêt ou par politesse ? rétorqua-t-il, haussant un sourcil tandis qu’il se mit debout. Un tantinet enivré par la boisson,  il contourna le comptoir de fortune pour réduire la distance qui le séparait de la veuve. — Si tu demandes ça pour du vent, je te répondrai que oui, j’ai changé, je suis devenu le mec que j’ai toujours voulu être, à l’image de mon père, ce héros. Bien que sarcastique, sa voix s’égosilla légèrement, comme s’il était emporté une nouvelle fois par la colère qui guidait ses pas depuis tant d’années. — Si tu demandes ça parce que la réponse t’intéresse vraiment, j’serai au regret de t’annoncer que tu seras déçue. Car il n’était qu’un paumé parmi tant d’autres âmes en perdition, qui avaient choisi l’exil au milieu des vagues. Ils se toisèrent, laissant planer un silence durant lequel les grincements voisins s’étaient intensifiés. Les cris surjoués de la catin n’échappèrent pas au pirate, qui avait eu tant d’amantes que la différence subtile, il la connaissait sur le bout des doigts. Enfin, c’était ce qu’il pensait.

Après un court duel, où aucun des deux n’avait baissé les yeux, l’homme se posa contre le mur adjacent en se disant qu’elle l’avait sûrement fiché pour de bon, lui et sa répartie d’impulsif qu’il ne se résignait jamais à mettre de côté. La lumière des bougies était si forte maintenant qu’elle éclairait parfaitement les plissements du front de cet homme, qui sentait son coeur battre un peu trop fort sous sa poitrine. L’intendante l’avait énervé, avec cette question, car sans s’en rendre compte elle l'avait mis face à l'un de ses plus grands échecs ; celui d’être resté au même stade depuis tant d’années, à tous les niveaux…


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— T’es pas l’genre de femme qui doit se préoccuper d’avoir peur de quelque chose aussi primaire que te nourrir, non ? Enfin, j’veux dire, regarde-toi. Tu peux tout avoir, une nana ça peut toujours s’débrouiller facilement avec ce qu’elle a.

Il était intéressant de remarquer comment la voix de la veuve avait tremblé plutôt sur sa phrase à propos de ‘mourir de faim’, et non pas celle sur son veuvage. Elle aurait toujours pu rentrer chez les siens, où elle aurait (peut-être) été reçue de bon gré. Mais se retrouver sans un sous à la main, et la cité en émeutes, il aurait été impossible de retourner à Tantervale sans en payer le voyage. Même si elle l’avait voulu.

Et comme Paco semblait raisonner aisément, elle aurait pu vendre son corps, « une nana comme toi » disait-il, la regardant de haut en bas. Ce n’était pas faux. Malgré son admiration présente pour ses cocottes, elle prenait une certaine fierté à ne pas y avoir recouru. Elle n’était pas du type prétentieux mais elle osait espérer que ses capacités seraient pourtant au-dessus de cela. Et puis… ne s’était-elle pas débrouillée, après tout?

Sioned n’avait aucune envie de parler de son veuvage: non pas par la douleur que ceci pourrait lui raviver, mais plutôt car elle en était… lasse. Bien trop d’années elle avait utilisé ce terme comme couvre-chef. Bien trop d’années elle avait vécu comme une victime. Mais c’était fini.  La femme ne tressaillit même pas à ces mots insensibles, souriant finement, contre toute attente. C’est vrai que, à l’époque, elle avait cru que c’était tout ce dont elle se devait de rêver: un mari, s’occuper de la maison, élever des enfants... Si il y a quelques années cela avait été son projet de vie, aujourd’hui cela était drôlement loin de ce qu’elle était devenue. Puis elle se considérait “à l’abri” ici, au Laurier Carmin.

— Tu poses cette question par intérêt ou par politesse ?

Lorsque Paco contourna le comptoir, son corps ne se raidit pas. Sa posture confiante était presque comme une provocation pour le pirate, «tu-ne-peux-pas-m’avoir». Elle releva son menton, comme pour faire face à la hauteur de l’homme, ses boucles d’oreille scintillant à la lueur des bougies. Elle n’avait plus l’habitude d’être regardée d’aussi prêt par un homme.
Ils se toisaient du regard, centimètre à centimètre - si intensément que quelconque aurait assisté à cette scène penserait qu’ils allaient faire autre chose.

— Si tu demandes ça pour du vent, je te répondrai que oui, j’ai changé, je suis devenu le mec que j’ai toujours voulu être, à l’image de mon père, ce héros.

Les yeux de Sioned se plissèrent à ce moment précis. En un flash d’à peine une seconde, ce fut comme si elle put sentir Callum, pleurant dans ses bras, tel un enfant. Une piqûre au cœur. D’où venait cette mémoire? La voix de Paco s’était égosillée, trahissant… quelque chose. Mais quoi au juste?

JET DE DÉS - Perception -  Réussite 11/18

Était-il donc un orphelin? Quelque chose dans le genre, en tout cas. La lueur dans les yeux du pirate était triste, et pendant quelques secondes Sioned aurait juré voir l’expression d’un enfant paumé, perdu, dérouté, au lieu de cet homme corpulent. L’alcool l’avait trahi; elle pouvait presque deviner les battements de cœur qui s’étaient accéléré sous sa peau, sans même le toucher.

Cette ville regorgeait de drames en tous genres. Elle en avait suivi beaucoup; tellement de courtisanes du LC venaient d’on ne sait où, telles des âmes perdues. Lilley avait bravé les rues aussi, avait dû recourir au vol pour se nourrir. Tricia avait perdu son petit, malade pendant la Guerre des Rats et sans secours. Même Vera avait peiné. Toutes ici avaient leur fond de tragédie. Peut-être était-ce même ce qui inconsciemment les unissait à toutes. Sioned était farouchement protectrice de la plupart d’entre elles; une mère, qu’elle ne pourrait désormais jamais être.
Mais cette voix? Elle reconnaissait cette douleur. Comme jadis, elle l’avait reconnue chez Callum, son mari.

— Si tu demandes ça parce que la réponse t’intéresse vraiment, j’serai au regret de t’annoncer que tu seras déçue.

L’option du choix. Un hochement de tête compatissant. Tant de fois lui avait-on aussi demandé le classique «comment vas-tu?». Élire entre la réponse qu’elle savait se devoir de répéter, ou l’autre, la vraie, qu’elle épargnait aux autres?
Et voilà que le pirate admettait ouvertement que non, rien n’avait changé. Prenait-il plaisir à cela? Non, vu la mine qu’il avait adoptée, adossé au mur. Elle le lisait maintenant comme un livre ouvert.
L’air de l'intendante aurait continué impassible comme avant, si elle n’avait pas reconnu cette peine qui semblait le harceler. Et Créateur, Sioned n’avait rien de perfide. Une différente Sioned?

“ Je demandais car je voulais savoir. ” - rétorqua-t-elle finalement, pensive et baissant ses yeux quelques secondes, sa voix était devenue moins froide. Un silence. Elle soupira mollement, réfléchissant, avant de reprendre, “ Je ne peux pas savoir ce que c’est, de ne pas grandir auprès de ma famille de sang. ” Par respect, elle ne le regardait pas directement, sachant que parfois, quand ces blessures étaient mentionnées, un regard pourrait être de trop.  Callum avait perdu ses parents aussi, et Créateur ce que cela avait eu des répercussions chez lui. Elle avait tant bien que mal tenté de remplir ce manque du mieux qu’elle pouvait. “ Mais si je puis me permettre, la famille peut toujours se trouver. C’est ce que j’ai trouvé ici, avec elles. Je ne vends pas mon corps, car je ne pourrai le louer comme elles le font, avec cette légèreté et cette envie de vivre, d’oublier. ” un regard perdu à travers le Grand Salon, un fin sourire mélancolique. “ Je souhaite que vous puissiez trouver la paix à cette pensée, Serah. La satisfaction qu’on tire de la vengeance ne dure qu’un moment. ” Car oui, elle avait lu cela, aussi. Sioned tourna ses yeux vers lui. Un regard sensible, presque tendre. Elle anticipait une réaction; elle ne savait juste pas laquelle.

Se ressaisissant avec une bouffée d’air, elle joignit ses mains, “ Mais que dis-je !  Vous êtes ici pour vous sentir bien, Serah. ” Changer de sujet, peut-être? Une autre bière? Le cœur de Sioned s’était accéléré  un peu aussi.  Mais quelle idée l’avait prit?


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Un air interrogateur glissait sur le joli minois de l’intendante, dont Paco ne s’était pas tout de suite rendu compte. Impulsif comme il l’était, sa première réaction face à la montée de colère était de tenter de la maîtriser. Il se trouvait devant une dame, le scénario ne pouvait donc pas se finir comme s’il s’agissait d’un énième ivrogne titubant face à lui. Celui-là, il l’aurait simplement cogné jusqu’à ce qu’il pisse le sang par tous les orifices. Mais le pirate ne levait pas la main sur une femme, sauf celles qui s’tenaient comme des hommes et crachaient comme des mecs. Elles, si on se laissait faire, pouvaient finir par étaler la cervelle de leur adversaire sans l’once d’une hésitation. C’était certainement les plus dangereuses, ouais.

La voix de son interlocutrice s’était adoucie. Les battements de Paco, sous sa poitrine, se calmaient au fur et à mesure des secondes qui s’écoulaient. Il la regardait parler tandis qu’elle, évitait de croiser son regard. Pourquoi se refusait-elle à le voir ? Le voleur aimait celle qu’elle était devenue, il aimait lorsque Sioned gardait le contrôle. Cela lui laissait l’occasion de se poser un instant, dans cette existence où fuir pour sa vie ne lui offrait que rarement de pause. Inconsciemment, elle lui offrait cette épaule sur laquelle il avait envie de se reposer mais qu’il se refusait à faire. — Je ne peux pas savoir ce que c’est, de ne pas grandir auprès de ma famille de sang. Était-il à ce point aussi évident de lire en lui ? Paco déglutit, de façon imperceptible pour elle, mais il ravala sa salive alors qu’elle mettait le doigt sur l’une de ses souffrances. Il fronça les sourcils, peu fier d’être un livre ouvert. Néanmoins, au fond de lui, le pirate se sentait presque rassuré que Sioned ait pu discerner sa détresse. Elle avait une perception habile et assez effrayante tant elle visait juste. L’important était de savoir ce qu’elle comptait faire d’un si grand pouvoir.

— La paix, c’est une utopie. Je pensais qu’une femme comme toi s’en serait rendue compte, depuis le temps. Il avait fait cette remarque car l’intendante avait déjà un bon panel de vécu à son actif, malgré son jeune âge. Puis, haussant les épaules, il ne cessa de détailler la peau de la jeune femme.  Elle lui paraissait douce et délicate au toucher, l’envie de tester ses observations lui tiraillait le bout des doigts. — La vengeance, elle, est palpable et a un impact direct. Non ? Comment quelqu’un pourrait trouver la paix si l’injustice continue d’errer dans sa vie. C’est impossible. Il parlait évidemment de sa propre personne, et même s’il se doutait que Sioned s’en rendrait forcément compte, il préféra garder cette distance entre l'hypothèse et la réalité. Il n’y aurait rien de plus pénible pour Paco qu’une femme du Laurier Carmin qui serait au courant de son passé et ses peines. Cela mettrait un terme à ses venues dans l’établissement, qu’il aimait justement parce qu’il était à la fois un habitué et un inconnu.
Les pupilles de son interlocutrice vagabondaient entre lui et le mobilier. Son comportement avait sensiblement changé, se disait le pirate qui n’arrivait pas à décrocher ses yeux du visage de serah Meagher. Serait-ce si grave s’il se rapprochait un peu d’elle ? Quelle que soit la réponse, il était trop tard pour en potasser l’idée, un premier pas vers elle créait cette nouvelle proximité. Paco devait davantage baisser la tête, pour pouvoir continuer la contemplation des joues empourprées de l’intendante. — Même si on n’est pas d’accord sur la question, merci toutefois de me souhaiter le meilleur, ça fait longtemps qu’on m’a pas dit… un truc gentil. Voilà qu’il reprenait un masque, celui de l’homme se cachant derrière l’humour et le sarcasme pour voiler le caractère sensible dont il était doté. Il suffisait à son interlocutrice d’avoir la bonne idée de faire fi de son ton, pour n’écouter que les paroles, ainsi elle pourrait comprendre le véritable fond du hors-la-loi.
Un autre pas lui permettait, cette fois, d’entrer totalement dans l’espace personnel de Sioned. Il savait que c’était risqué avec le garde non loin, qui n’hésiterait pas à s’interposer, ou même vis à vis de la jeune femme qui n’avait pas forcément donné son accord pour cette intrusion. Mais au diable les demandes dociles, Paco était un passionné qui répondait aux pulsions de ses désirs, au gré de ses envies. Il fallait absolument qu’il sente sous la pulpe de ses doigts la délicatesse de cette parcelle de peau. Lentement, sa main se dirigea vers sa joue, n’osant cependant pas même la frôler. — Je me sentirais bien si c’était toi qui m’accompagnais à l’étage. Il sourit, concentré sur la faible respiration qui émanait des lèvres de la brune aux longs cheveux. — Ouais ouais, je sais, tu m’as déjà bien fait comprendre la première fois que tes cuisses resteraient scellées. Il finissait par presque chuchoter au creux de son oreille. — A mon grand regret.

Quelques femmes débarquaient dans le grand salon, parmi elles les voix de Lilley et Maylin étaient perceptibles. Sans décocher ses yeux du regard de Sioned, le pirate se ravisa en mettant sa main dans la poche. Imposer un rapprochement était trop audacieux pour le moment, et peut-être aussi que l'intérêt du voleur à l'égard de l'intendante était trop dangereux. Les femmes étaient toujours sources de drames, c'était bien connu qu'tout se compliquait dès lors qu'elles entraient dans l'équation. — Eh bien, si j'suis pas assez bien pour toi, rétorqua-t-il avec désinvolture, — j'vais aller voir ailleurs si j'y suis. Paco lui adressa un clin d’œil amusé, puis quitta cette bulle dans laquelle il s'était complu. Sa silhouette venait se coller à celle des deux femmes, qui se mirent déjà à rire tandis qu'il les entourait de ses bras.


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Était-il aussi perceptif qu’elle? Peut-être. Sioned n’avait pas beaucoup à cacher, au contraire de  son interlocuteur, qui lui semblait vouloir se dissimuler, se fondre dans ce personnage qu’il incarnait avec tant de aise, et qu’elle avait malencontreusement percé sans savoir comment.

La vie était certainement faite de hauts et bas; ce fait, même les aristocrates les plus aisés et les gueux des rues le partageaient. Donc, en partie, elle ne pouvait pas le contredire, mais il lui aurait fallu une conversation toute entière pour développer ce qu’elle voulait vraiment articuler. À croire qu’il en faudrait bien des heures, voire des jours, pour faire croire à un filou, si tabassé par la vie, que si, il y avait quand même des moments à chérir dans cette vie! Autre que coucher avec des catins, bien entendu…

— La vengeance, elle, est palpable et a un impact direct. Non ? Comment quelqu’un pourrait trouver la paix si l’injustice continue d’errer dans sa vie. C’est impossible.

Ah, l’injustice… elle connaissait bien cela. L’amertume qu’elle avait tant goûté, vécu, témoigné. Mais les motivations de Tohopka étaient presque palpables - il était piqué de cette remarque.

Sioned n’avait effectivement pas besoin d’en savoir plus, qui sait ce qui l’attendait si elle venait à en découvrir davantage? Puis, elle avait déjà sa petite part de soucis à elle; après tout, pas besoin d’avoir d’autres ennuis et filous à ses bourses. Mais l’empathie ne prenait pas de place, et la jeune femme peinait à contenir cette facette. Malheureuse perception, elle aurait mieux fait de scruter un gobelet de vin. D’antan, elle n’aurait pas voulu savoir de ses raisons, de quelconque fichu passé, qui lui conférerait quelque raison tordue à être aussi gonflé, inconvénient et machiste. Si insupportable!  

Mais lorsqu’elle le figeait maintenant, Sio ne pouvait s’empêcher de constater cette profondeur - une abîme aussi grande que la mer. Sioned n’avait jamais vu d’océan, mais la métaphore d’il y a peu lui avait évoqué cette vision: un homme en pleine mer, rien que de l’eau à l’horizon, rien que des haricots, rien que des voiles gigantesques. L’idée la terrifiait. L’image était trop intense, trop déconcertante - trop intrigante.  

Et le voilà qui prenait des pas vers elle. Elle sentait bien que ses mots avaient été déplacés; elle qui se jugeait si professionnelle, voici que serah venait la contredire, on ne sait par quelle magie. Croyant l’avoir courroucé, cette fois-ci si, son corps se crispa lentement à l’approche. Comment ne pas le faire, à la vision d’un homme qui parlait de vengeance? L'intendante déglutit à son tour, ses joues irréversiblement empourprées, tenant tant bien que mal son regard, comme si une tempête se rapprochait. Irait-elle devoir crier, appeler le garde? Non.

— Même si on n’est pas d’accord sur la question, merci toutefois de me souhaiter le meilleur, ça fait longtemps qu’on m’a pas dit… un truc gentil.

Un adieu?  L’idée qu’il ne reviendrait peut-être plus au Laurier Carmin lui passa par la tête. Elle pouvait le voir qui le considérait. Heureusement que Vera n’en aurait aucune idée. Et peut-être serait-ce mieux ainsi - car la vibration qui la parcourut lui était tout à fait saugrenue.  Il avait beau puer l’alcool, sa proximité la choqua, comme une vague. C’était un frisson qui la traversait, parcourant son buste un moment et qui se perdait dans son bas-ventre. Et qu’elle aurait aimé ne pas discerner si vite, si aisément: ses poils se hérissèrent tout le long de ses bras découverts. Le souffle de l’homme était chaud comme une brise d’Auguste en plein mois de Primeneige.  Et elle avait longtemps vécu gelée par la vie.  Son propre corps ne lui faisait aucun sens: elle voulait fuir, elle voulait s’échapper - mais voulait aussi qu’il l’attrape, la retienne. Qu'était-ce?  C’était illogique.  Sioned sentait ses joues brûlantes.

Et voilà qu’il revêtait son masque. Elle aurait voulu en faire de même, mais ne pouvait pas - pas encore.

— Je me sentirais bien si c’était toi qui m'accompagnait à l’étage.

Bien sur, il avait retrouvé ce sourire d’idiot. Elle l’avait PRESQUE oublié aussi. Trop gênée pour se montrer autrement, elle lâcha un rire léger qui l’aida à décompresser ses nerfs.   Comment trouvait-il toujours le courage de lui faire des avances, maintes et maintes fois réprimandées? Sioned le trouvait déconcertant.  Cet homme était spécialement tenace et la manière dont il essayait de la convaincre la désarmait.

—  Ouais, ouais, je sais, tu m’as déjà bien fait comprendre la première fois que tes cuisses resteraient scellées… À mon grand regret.

“ J’ai peur de ne pas pouvoir t’aider sur ce champ-là, ” - Sioned se surprit à le tutoyer, prise d'un humour acerbe qu’elle ne connaissait pas non plus chez elle. Il ne fallait pas la piquer de la sorte!  “ J’ai tendance à mordre. “  Heureusement qu'elle ne pouvait pas rougir davantage.

Il avait une main levée vers son visage, n’osant tout de même pas la toucher. Sioned l’aurait écartée: elle le voyait qui le savait. Mais au moins, il s’était ravisé, à l’écoute de Lilley, Maylin et une autre qu'elle devina être Bel et Ina. Brave homme, pensa-t-elle, stupéfaite. Ou était-ce le besoin biologique qui l’appelait? Au moins, il ne la prenait plus pour un morceau de viande . Que de surprises, cette soirée-là. Elle le regarda s’éloigner, avec ce sourire qu’elle lui avait vu maintes fois - ce sourire diabolique d’homme qui ne veut que se retrouver sous les attentions féminines, s’y perdre, s’y noyer. Même cela avait gagné tout un nouveau sens. Tel un gamin, cherchant un semblant de caresse, d’une douce figure féminine, d’une quelconque approbation de mère.  

Les courtisanes l'entouraient déjà de divers bras, le collant de leur bras gracieux, leur rires flottant dans l’air, et leur charme lévitant le filou vers l’étage supérieur, le guidant vers la chambre qu’il connaissait déjà très bien. Elles jouaient le jeu à la perfection, sachant où le toucher et où ne pas encore. Vera et elle avaient très bien choisi leur employées : peut-être qu’il reviendrait à l’établissement après tout.

Sioned Meahger souffla, hissa de nouveau sa posture, devenant Sioned l’intendante, Sioned la veuve.  Ses nerfs se calmèrent finalement, regagnant son sang-froid, ses mains défripant sa robe sur ses cuisses.  Les clients assouvis, elle les intercepta avec aise, se certifiant de leur versement et de leur satisfaction. Une fois cela accompli, l’intendante se retourna vers le Grand Salon, vide. Elle glissa les petites pièces dans sa bourse cachée, dans laquelle elle récoltait les gains de ce soir-là, pour les ranger plus tard au bureau de sa supérieure. Il était temps maintenant de ranger la chope, et de continuer à allumer les bougies éteintes. D’autres clients viendraient certainement. Et il fallait orienter Ysna. Puis il fallait aussi continuer à allumer d’autres encens…
Sioned frissonna de froid; les gloussements à l’étage perçaient l’air glacé comme des flèches.


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TW PacoXfilles du LC, description faibleDes bribes de maux



C’en était presque dommage pour le pirate, de devoir déjà quitter l’intendante. Les joues empourprées de la jeune femme lui avait donné l’illusion d’avoir gagné quelques points, dans ce jeu qu’il se doutait cependant, ne jamais gagner. Elle n’avait rien de ces filles qui vous laissaient espérer une faille en elles où épancher votre manque d’amour et de tendresse. Après ses nombreuses allers et venues au sein de l’établissement, où Paco n’avait récolté de la part de la belle brune que de l’ignorance ou un échange purement professionnel, ce soir elle s’était adressée à lui en considérant l’homme qu’il était. Elle n’était pas restée dans la peau de l’intendante qui régnait entre ses murs en l’absence de la maquerelle, mais avait plutôt revêtit la robe d’une simple femme qui conversait avec un homme. Qu’avait-elle dit, déjà ? Qu’elle avait tendance à mordre. Alors que les bras du hors-la-loi entouraient la taille des filles de joie, il repensait encore à ces paroles échangées, se risquant encore à sourire. Cette petite étincelle que Sioned parvenait à raviver était à la fois douloureuse et saisissante, agréable et palpitante. Paco se trainait depuis tant d’années un esprit de mort, auquel il s’était tout seul enchaîné, qu’il avait oublié petit à petit les bienfaits des sentiments, des émotions. Il avait oublié qu’un regard en biais ou un sourire qui vous était destiné pouvait autant panser vos plaies, même l’espace d’une fraction de secondes. Alors qu’est-ce que cela allait être quand il laisserait totalement ses barrières se fracasser, que le mur bâti autour de lui ne sera que gravats éparpillés ? Cela laisserait-il place à un soupçon de bonheur ?

Tandis qu’il montait les étages, guidée par les délicieuses fées aux odeurs attractives, le pirate avait une dernière fois tourné le visage vers la silhouette de Sioned Meahger qui ne le regardait déjà plus, qui était déjà passé au client suivant. Ses sourcils se froncèrent, comme désarçonné par l’évidence et son coeur devint aussi dur que lorsqu’il avait franchi le seuil du Laurier Carmin ; car cette vision l’assura qu’elle ne faisait que son travail et qu’il n’était personne d’autre qu’un consommateur de plus. Un grognement mécontent s’éternisa au fond de sa gorge, tout droit venu de ses tripes qu’il avait senti piétiner avec violence. Se redressant vers son objectif, il accéléra le pas vers la chambre qui leur était assignée, dans un désir ardent de balayer l’émotion qui l’avait pris de court. Pourquoi vouloir se réveiller de son état intérieur léthargique si c’était pour souffrir davantage, au final ? Son rire se mêla à ceux mielleux des concubines d’un soir, leur soufflant des douceurs au creux de l’oreille. Des mensonges à n’en pas douter, mais qui le devinerait, qui irait chercher la vérité ou prendre le temps de creuser au-delà de cette superficialité.

La porte se referma sur le trio d’amants, élancés dans une danse torride menée par le pirate. Ses sens étaient émoustillés par l'alcool qui coulait encore dans ses veines ; il n'avait pas assez bu pour totalement se noyer, mais assez pour se sentir enivré par la proximité de ses maîtresses. A peine leur intimité trouvée, que le pirate se jeta sur la première paire de lèvres acceptant de répondre à ses baisers désespérés, atténuant la lourdeur de son âme salie et vouée à l’ingratitude. Ses paumes ne cessaient de venir effleurer la peau douce et chaude de ses filles, qui ne comprenaient rien de ce que Paco éprouvait mais qui détenaient néanmoins ce remède éphémère duquel il ne pouvait se passer ni se satisfaire réellement.


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