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La méprise — Ielvin.

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La méprise.CHAPITRE UN : BÉNIS SOIENT LES CHAMPIONS DU CRÉATEUR

Type de RP Classique.
Date du sujet 17 Voiréale, 5:12 des Exaltés.
Participants @Ielvin, @Taenar.
TW Aucun pour le moment.
Résumé Taenar apprend qu'une partie de la commande de laine passée une semaine plutôt dans le Caillte s'est égarée dans un atelier du Clattercraft. Il s'y rend donc pour la récupérer, certain (non.) que l'elfe qui l'y attend saura se montrer coopératif.
Pour le recensement

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[code]<li><en3>17 Voiréale, 5:12 des Exaltés.</en3> : <a href="https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t431-la-meprise-ielvin#3495">La méprise</a> : <u>@"Ielvin", @"Taenar".</u> Taenar apprend qu'une partie de la commande de laine passée une semaine plutôt dans le Caillte s'est égarée dans un atelier du Clattercraft. Il s'y rend donc pour la récupérer, certain (non.) que l'elfe qui l'y attend saura se montrer coopératif.</li>[/code]

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Lorsqu’il s’aventure de nouveau dans le Caillte, quelques jours plus tard, pour récupérer la commande de laine passée auprès d’une artisane qui s’était engagée à la rassembler rapidement, Taenar apprend, avec un déplaisir soigneusement dissimulé, qu’une partie manque pour avoir accidentellement été livrée ailleurs. La femme tente un malheureux jeu de mots pour s’en excuser : « J’crois qu’on s’est emmêlé les aiguilles, la laine cardée a été amenée dans un atelier qu’on fournit souvent, vous voyez, pour la filer… » Le regard de l’elfe se pose plus fixement sur elle, se fait plus lourd, d’une patience trompeuse. Comment a-t-elle rendu cela possible ? « Vous savez c’qu’on dit, ajoute-t-elle avec un début de grimace – amère d’avoir à se justifier face à un esclave tévintide –, l’erreur est humaine. » Humaine, en effet, déplore-t-il d’un pincement de lèvres, ravalant obligeamment son sarcasme. Et, comme il continue de la dévisager, attendant manifestement qu’elle trouve une solution, et vite, elle finit par soupirer : « Vous bilez pas, vous allez la récupérer, votre laine – de fait, il y compte bien, son maître ayant payé pour –, mais là, maintenant, j’peux pas m’en occuper. Repassez demain, oui ? » Taenar expire très calmement. Ses mains gantées, jusque-là nouées dans son dos, s’entrelacent lentement devant lui. « Ne vous dérangez pas, Messerah, souffle-t-il avec une discrète moue d’ironie : ayez seulement la bonté de m’indiquer l’adresse de l’atelier ; j’irai. » La femme paraît gênée. Il ne sait pas bien pourquoi. C’est la raison pour laquelle il insiste. Elle finit par lui donner ses instructions, mais semble de nouveau la proie d’un malaise indéfinissable quand il lui suggère de lui fournir une note expliquant l’erreur de livraison : « Ah, euh, c’est-à-dire que j’me débrouille pas très bien avec les mots… » révèle-t-elle comme à contrecœur. Il ne cherche pas vraiment à savoir si elle dit la vérité ou s’il s’agit seulement de mauvaise volonté – pourquoi complaire plus que de raison à un elfe tévintide, après tout ? « On fait pas trop ça entre nous. Le reçu devrait suffire. Pis le sac a pas encore dû être déballé à c’t’heure-ci, faut pas vous en faire. » Il lui signifie, d’un sage battement de cils, que c’est effectivement dans son intérêt. Elle remue sur sa chaise haute, gratte doucement le comptoir du bout des ongles : « Vous dites qu’Ayla vous envoie, la contremaîtresse me connaît bien.
Est-il certain qu’elle sera là ?
Bah, normalement, oui… Après, si vous tombez sur l’un de ses gars, vous faites pas avoir non plus : insistez et vous laissez pas marcher sur les pieds. Y en a un surtout, un elfe, blond, taches de rousseur, joli minois, le pif plein d’entourloupes…
Il coupe court à sa rêverie :
Son nom ?
La gêne fait une fois encore grincer sa chaise. Elle prétend ne pas trop s’en souvenir et avoir peur de lui dire une ânerie – et c’est mentir, il s’en aperçoit sans peine, cependant il ne fait aucune remarque, car elle reprend aussitôt :
S’il fait des difficultés… Qu’il vous croit pas… Ben, dites-lui… Approchez voir – après une seconde de flottement, il lui obéit avec une secrète répugnance, tendant prudemment l’oreille pour entrer dans la confidence ; puis il se redresse sans sourciller. C’est une petite blague entre lui et moi, commente-t-elle, un peu déçue de son inexpressivité. Il ne s’étonne pas de ce que ce genre de familiarité aurait normalement impliqué qu’elle connaisse le prénom de cet elfe. Il la laisse poliment le prendre pour un idiot.
Je vous remercie pour votre aide, Messerah, murmure-t-il en s’inclinant.
Vous pouvez laisser l’reste ici en attendant. Si jamais y a l’moindre souci, revenez.
Je n’y manquerai pas. » Il y a comme une menace sous-jacente dans la douceur de sa voix, mais rien dans son attitude ne le confirme. Evidemment, il préfère s’encombrer du reste de la commande et la déposer à l’ambassade avant de repartir pour le Clattercraft.

C’est un quartier qu’il préfère au Caillte, et de loin. Il a rencontré quelques difficultés à trouver l’atelier, dans lequel il ne s’est jamais arrêté auparavant, et pour cause : la manufacture des produits qui en sortent semble de qualité médiocre, trop peu élaborée pour intéresser son maître. Il en franchit néanmoins le seuil sans hésiter. Un bref coup d’œil lui suffit pour constater l’absence de la contremaîtresse dans la boutique principale. Aucune trace non plus du sac qu’il recherche – peut-être à l’arrière ? À la place, l’elfe, le blond, évidemment. « Pardonnez-moi de vous déranger dans votre travail, Messer, commence-t-il après une légère inclinaison de la tête. Ayla m’envoie : j’ai passé commande chez elle il y a quelques jours, mais deux centaines d’onces de laine à bourrer destinées à mon maître ont atterri ici par erreur. Je viens les récupérer. » Il lui tend le reçu pour qu’il en prenne connaissance. Espère-t-il repartir rapidement, sans qu’on ne lui fasse d’histoire ? Bien sûr que non.

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Voiréale s'étale et avec lui, la saison des pluies. Pourtant, aujourd'hui il fait plutôt bon, allez même plus beau. Le déluge de la veille fait peser sur le quartier une odeur de terre et de roche humides qui vient  tenir tête avec la puanteur des ateliers. Ielvin -  comme la plupart des autres ouvriers, accueille ce rafraichissement et des températures et de ses narines avec grand plaisir. Il s'est même présenté à son poste pile à l'heure ce matin, ce qui est assez rare pour être noté. Tellement que Jeannine, la contremaîtresse qu'il appelle affectueusement Sa Majesté des toisons (et d'autres choses peu ébruitables lorsqu'ils ne sont que tous les deux), lui a confié la tenue de l'endroit, le temps de quelques heures histoire d'aller éclaircir une histoire d'erreur de livraison qu'il imagine très compliquée. C'est qu'avec la pluie, les transporteurs ont tendance à aller un peu trop vite, se dépêchant de décharger la marchandise sans trop se soucier de si elle est à bon port ou non. Mais bon ça Ielvin s'en fiche, ce ne sont pas ses affaires : lui est très content de pouvoir paresser loin des machines à filer et des bassines où sont lavés les kilos laine.

- Et tu t'occuperas de recevoir les clients pas vrai ? Lui souffle Jeannine en lui glissant dans les mains un carnet contenant la liste des commandes de la journée.
- Hein ? Quoi ? Tu penses que je sais compter ? Réplique-t-il en battant des cils, l'air faussement ébahi.
- Tu comptes très bien, trop bien même lorsqu'il s'agit de réclamer tes heures supplémentaires.
- Mais c'est pas la même chose !

L'elfe proteste mollement. Il est tout de même en train de feuilleter le calepin. Alors que Jeannine enfile son manteau et s'apprête à filer, il relève la tête et ricane :

- Tu sais qu'on ne peut pas être beau comme moi ET intelligent ? Qui te dit que je vais pas te ruiner ?
- Fais donc crapule. Si les comptes ne sont pas bons ce soir, je retirerai ça de ta paye ! Rit-elle avec un clin d'oeil avant de disparaitre dehors. Ielvin pousse un soupire et la regarde s'en aller, dans le fond pas mécontent qu'on lui fasse assez confiance pour lui confier la gestion de l'atelier. C'est toujours mieux que de s'abimer les mains et le dos à savonner la laine.

Ceci dit, au bout de quelques heures Jeannine ne revient pas. Et Ielvin commence à être sincèrement las qu'on vienne sans cesse le houspiller : les autres ouvriers lui demandent sans cesse quoi faire, l'informent de retards qui contrarient les promesses de Jeannine, retards qu'il doit annoncer aux clients, re-négocier des prix, expliquer à tel ou tel nouveau comment traiter ce tissu ou quel mélange utiliser pour cette teinture. Finalement, il se demande s'il n'aurait pas préféré utiliser ses bras plutôt que son cerveau parce qui eut cru que contremaître était un travail aussi épuisant ?


Alors quand un énième zozo se présente à lui pour lui parler de deux centaines d'onces de laine à bourrer, soit une quantité ridicule par rapport à la tonne de laine qui traine dans l'atelier, Ielvin ne peut s'empêcher de lever les yeux au plafond avant de les poser sur ce nouveau importun qui exige de lui qu'il fasse son boulot.
Et quelle déplaisante vue que celle de cette tenue trop bien apprêtée pour Clattercraft et surtout pour un autre congénère à oreilles pointues. Ce style, l'usage du terme « maître », même si ce petit air hautain : c'est un tévintide tout craché ! La pire des espèces d'étrangers. Non pas que Ielvin déteste les étrangers, au contraire, mais les tévintides, ah ça c'est une autre paire de manches ! Avec leurs mages et leurs histoires d'esclavage ils le mettent toujours mal à l'aise.

C'est donc en lâchant presque sur les pieds de l'autre le sac odorant de laine fraichement tondue qu'il baisse les yeux sur le coupon qu'on lui tend. Avant de les relever aussitôt et de prendre son plus bel accent d'illettré :

- Qui te dit que j'sais lire l'ami ? Ah Jeannine ou Ayla, Ielvin ne se sent pas d'humeur à se décarcasser pour cet animal là avec ses cheveux propres et ses vêtements qui valent au moins deux mois de son salaire. Le maître en question a sans doute de quoi s'en payer d'autres des onces de laine, surtout que ça doit être très bas sur la liste de ses priorités alors qu'est-ce qu'on vient l'embêter ?
D'un geste de bras, le blond désigne le reste de l'atelier où s'affairent une petite troupe de travailleurs et surtout où s'entassent des dizaines et des dizaines de sacs dans un désordre assez évident. T'cherches une aiguille dans une botte d'foin. Après la laine à bourrer ça coûte rien, d'mande à Ayla d'te faire un prix pour t'en donner un autre. Ou attend qu'elle vienne elle-même l'chercher.

Ayla a de jolis yeux (et une jolie poitrine aussi en passant) mais c'est pas à lui de réparer ses bêtises, nah. Et puis flemme de chercher dans le carnet et l'atelier où peut bien avoir échoué cette commande en trop. Cette commande de tévintide.



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Taenar se dérobe tranquillement d’un pas en arrière lorsque le sac de laine menace de lui tomber sur les pieds – superbement chaussés, il est vrai. Est-il surpris de la réponse qu’on lui fait ? Pas vraiment, hélas. Nul ne complaît jamais à un esclave tévintide, et un elfe du Bascloître, sans doute aigri par la misère, a encore moins d’intérêt à le faire qu’un autre. Celui-ci semble particulièrement retors – et fainéant. Taenar n’insiste pas, ne lui fait pas remarquer qu’il paraît aussi capable de lire un stupide billet écrit d’une main connue que de contrarier son prochain, et glisse patiemment le reçu dans le revers de sa tunique. Sans doute aurait-il su le déchiffrer si la mention d’un paiement à la bonne âme qu’il aurait pu être avait figuré dessus, n’est-ce pas ? Cependant il répugne encore à recourir au subterfuge de la dénommée Ayla – c’est décidément trop de familiarité pour lui et, à la vérité, il lui plaît d’en apprendre davantage sur quiconque se montre si peu disposé à lui venir en aide, et partant à se débarrasser de sa présence.

Il considère obligeamment les nombreux sacs de laine qu’on lui désigne, puis les ouvriers de filature qui ne doivent surtout pas être dérangés dans leur travail. Il sourit. Inutile de rappeler que cette laine a pourtant coûté quelque chose et qu’il est à craindre que celle que l’on puisse – hypothétiquement – lui donner à la place ne la vaille pas. Inutile également de préciser qu’il la lui faut maintenant et qu’il n’a nullement l’intention de délier à nouveau le cordon de sa bourse pour récupérer ce qui est dû à son maître. « Cela ne vous dérange donc pas que j’attende parmi vos ouvriers ? demande-t-il simplement à l’elfe. Je vous sais gré de votre hospitalité, Messer. » L’endroit empeste et le désordre lui a toujours fait horreur, mais il peut bien prendre son mal en patience – pour en causer un plus grand, éventuellement.

En dépit du danger que cela peut représenter pour lui, il se met donc à déambuler dans l’atelier, comme si sa présence était la chose la plus naturelle du monde. Son regard se fait bientôt insistant par-dessus l’épaule des ouvriers. Il examine leurs gestes, les rouages des machines qui ronflent doucement, les chutes de laine… Tout ce qui, enfin, est susceptible d’enrayer le mécanisme. Le labeur a quelque chose de fascinant sans doute – et il est dommage que le tire-au-flanc installé au comptoir ne soit pas du même avis. Taenar chemine paisiblement vers lui, découvre avec une curiosité distraite le carnet ouvert qui semble faire office de livre des comptes. Ses yeux s’y attardent irrésistiblement et, dans un premier réflexe correcteur, sa main gantée s’approche du crayon émoussé abandonné juste à côté. Il suspend son geste néanmoins et se contente de remarquer : « De toute évidence, vous ne savez pas compter non plus. » Il se redresse pour chercher le regard de l’elfe et poursuit avec une affabilité faussement désintéressée : « Plusieurs erreurs se sont glissées dans vos calculs. Mais j’ai cru comprendre que cela n’était pas un problème pour votre contremaîtresse ? »

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Oh il espérait que son plus beau numéro d'ignare suffirait à faire fuir ce domestique trop zélé et trop bien coiffé dans ses beaux vêtements tévintides mais que nenni, monsieur ne semble pas vouloir en démordre. Après tout l'histoire aura prouvé que l'Imperium sait se faire encombrant et peine à reculer même quand on lui fait comprendre qu'il n'est pas forcément le bienvenu.

- Bah j'vais pas t'chasser d'là à coup d'balai dans l'cul donc fais c'que tu veux. Tâche juste de pas gêner. Qu'il répond en haussant les épaules avant de ramasser son sac, jetant quelques bouts pelucheux de laine à l'intérieur et de s'éloigner, déterminé à vouloir faire semblant de travailler avant de se faire rattraper par ses autres collègues.

Et pour faire tâche, on peut dire que l'esclave n'a besoin de personne. S'il tire une petite moue incommodée (mais compréhensive) devant le chaos odorant qu'est l'atelier, il ne se gêne pas pour fouiner partout. S'il fait de son mieux pour l'ignorer, Ielvin peut presque sentir sa paire d'yeux inquisiteurs dans son dos. Un tour de la magie ? On ne sait jamais avec ces bestiaux-là. Il n'a vraiment rien d'autre à faire que de se fourrer dans les pattes des autres ce bougre-là ? Vraiment, l'elfe a connu des maîtres de chantier à l'oeil moins aiguisé et quand bien même il le laisse vaquer à ses observations, sa seule présence suffit à le distraire. Et il n'est pas le seul : les autres ouvriers déjà pas bien efficaces en l'absence de leur cheffe, lui jettent des regards plus ou moins discrets, abandonnant presque leurs postes pour dévisager ce drôle d'oiseau dans sa tenue trop colorée pour la mode marchéenne quand ce n'est pas ce dernier qui vient presque se foutre sous leur nez. C'est à se demander si c'est le tévintide qui observe la boutique ou inversement.

- Hé oh, le fil Drusila. LE FIL HÉ ! S'impatiente Ielvin en agitant une main sous le visage d'une jeune camarade qui ne l'écoute visiblement plus débiter ses pourtant passionnantes instructions sur le filage depuis 5 bonnes minutes, absorbée dans sa contemplation de cet étranger qui porte sans doute l'équivalent de trois ans de salaire sur lui (probablement même qu'il se lave tous les jours). C'est en grognant que le blond lui arrache le bout de laine à moitié traité d'entre les mains et le rattache correctement à la machine avant de grommeler quelque chose comme quoi si c'était pour se rincer l'oeil sur la clientèle elle avait qu'à pas l'appeler à l'aide.

Retournant derrière son comptoir, il tire son tabouret en essayant vainement de concurrencer le bruit des rouages et des sacs trainés de parts et d'autres et s'y installe pour avec sa plus belle moue des mauvais jours. Bon quand est-ce qu'elle revient Jeannine ? Visiblement pas avant un bon moment.
Par contre qui qui c'est qui revient ? L'autre. Oh non pas lui, qu'il se dit le Ielvin en s'enfonçant sur son promontoire, la tête presque rentrée dans les épaules comme s'il espérait disparaître derrière le meuble. Allez, faisons comme s'il n'existait pas et peut-être que ça suffira à conjurer le mal. Des fois ignorer les problèmes suffit à les faire disparaître. Peut-être qu'en fermant les yeux et en pensant à des choses agréables... le fessier de Jeannine... le gruau qui l'attend ce soir... le rire de Yara... les tâches de rousseur de Mana... Il aurait presque pu réellement clore les paupières et être deux secondes heureux sans compter cette voix nasillarde qui vient grossièrement l'interrompre dans son non-travail :

- De toute évidence, vous ne savez pas compter non plus.
- QUOI ? Croasse-t-il en sursautant, brusquement tiré de ses rêveries. Ses yeux se posent sur le carnet puis sur le visage de l'esclave avant de retourner sur le carnet. Et sur l'esclave. Co-comment ça des erreurs ? Finit-il par s'indigner après un instant d'incrédulité.

Tirant le journal vers lui, Ielvin relit les comptes, tirant presque la langue tant il est concentré, puis manque de s'étouffer avec une grimace magistrale en constatant que oui, il y a bel et bien de grossières fautes dans les calculs. Se grattant le crâne en prenant une voix trop aiguë pour se moquer de son interlocuteur, le voilà qui grince :

- Sapristi, je me demande bien d'où elles viennent ces vilaines erreurs et qui les a laissées s'incruster ! Et lui ôtant le crayon des mains, Ielvin s'empresse de raturer quelques lignes fallacieuses avant de railler sur un ton bien plus sérieux : Raaaah mais non c'est même pas les bons chiffres, on a repesé le stock de laine à bourrer 'tà l'heure et ça faisait deux cents... deux cents... Une goutte de sueur nait au creux de sa nuque. Il relève la tête vers l'insistant domestique. Le crayon est abandonné sur le comptoir alors qu'il y pose deux coudes et demande : Remontre ton papier pour voir ?

Clairement le petit numéro du débile ne tient plus la route.
Et clairement Ielvin n'est pas assez payé pour se prendre la tête avec l'incompétence des autres ouvriers. Il a déjà assez de mal avec la sienne.



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La familiarité de l’elfe lui écorche un peu les oreilles, mais il prend son mal en patience. Il songe qu’il aurait pu tomber sur pire et que celui-ci est décidément trop aimable de ne pas s’armer d’un balai pour le chasser d’ici : en d’autres temps et lieux, certains auraient peut-être eu moins de scrupules ! Hélas, en dépit de son aimable recommandation, Taenar semble mettre un point d’honneur à se montrer gênant. Il soutient la curiosité des regards qui l’entourent, comme s’il lui était devenu facile de s’abstraire, de ne plus même être un corps chaque fois que le poids d’une attention étrangère s’emploie à en redéfinir les contours. Mais il n’oublie pas, lui, ce que peuvent ressentir les âmes timides sous de tels assauts : l’insoutenable bouillonnement de sang, le bourdonnement dans les tempes, la fièvre blanche au coin des yeux… Il s’abstrait, oui, tout en imposant sa présence, et il lui plaît que l’elfe du Bascloître essaie de faire comme s’il n’existait pas, car cela n’en rend que plus savoureuse la façon dont ses erreurs de calcul lui sautent brusquement à la figure.

Il arbore toujours son petit sourire faussement navré – c’est-à-dire insolent – pendant la vérification, et lorsque celle-ci aboutit à une grimace éloquente, il a presque l’air d’un saint, comme pour dire : « Vous voyez, je ne mentais pas. » Mais le sourire disparaît lentement et le regard redevient incisif sitôt qu’une mesure étrangement familière est mentionnée. On lui redemande le reçu, évidemment, et retrouvant alors tout son sérieux – comme s’il l’avait jamais perdu en vérité –, il le sort à nouveau pour le lui tendre, sans se donner la peine d’exulter ouvertement, car ce sont là de menues victoires sur des tentatives de vexation dont il ne s’émeut plus depuis fort longtemps. Il ne se prive pas du plaisir d’une remarque, cependant : « Ainsi vous savez lire, finalement ? s’enquiert-il avec une suave ironie. Je suis flatté d’apprendre que ma présence vous a subitement instruit, Messer. » C’est vrai que je fais souvent cet effet-là aux gens, aurait-il ajouté s’il avait été d’un tempérament plus charmeur, mais il se contente de ciller tranquillement.

S’il s’éloigne, Taenar le suit le plus intempestivement possible, désireux d’admirer tous les efforts qu’il est susceptible de déployer pour retrouver les deux centaines d’onces de laine à bourrer de son maître. Drôle de personnage, tout de même, que cet elfe blond au nez plein d’entourloupes. Il le regarde fixement. « Il y a longtemps que vous travaillez ici, sans doute ? » On l’invitera peut-être à « se mêler de son cul », mais tant pis. Il adore s’intéresser à son prochain et celui-ci, tout infréquentable qu’il soit, ne fera pas exception. « N’avez-vous jamais envisagé de tenir votre propre boutique ? » S’agit-il d’une curiosité sincère – car la résignation des elfes du Bascloître le fascinera toujours – ou d’une nouvelle provocation – compte tenu des difficultés qu’il rencontre déjà en tant que simple employé ? Ah ! Seul le Créateur sait.

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Ah si Ielvin avait su ce matin qu'un esclave tévintide viendrait lui rabattre le clapet dans son atelier sans doute qu'il ne se serait même pas levé (oh non quel dommage, je suis malade aujourd'hui, ah zut j'avais tellement envie d'être sous-payé pour gérer la boutique).

- Je sais lire seulement quand il est question de ma solde. C'est-à-dire seulement quand ça l'arrange. Qu'il répond sèchement en lui dérobant le bon avec deux doigts dans un geste agacé. Et arrête de m'appeler Messer. Créateur qu'il est gênant - comme tous les membres de son pays. Ne devraient-ils pas rester sagement dans leur impérium et arrêter d'essayer d'empêcher le monde de tourner rond avec leurs magisters et leur soit-disante Cité en or. 'Suis peut-être soudainement devenu lettré, mais j'suis pas un bourge. Ielvin a cette fierté têtue des travailleurs qui naissent et meurent sans rien. Qui s'esquintent les mains et le dos toutes leurs vies pour trois bouchées de pain car c'est tout ce qu'on consent à leur donner (et pourtant ils pensent qu'ils les ont gagnées, toutes ces miettes du butin). Il est devenu comme son père et son père avant lui sans même s'en rendre compte.

Nez penché sur le papier et yeux plissés, le blondinet ne peut retenir un grognement en voyant effectivement ce 2 insolent accompagné de ce duo de 0. Vraiment Ayla c'est que des emmerdes comme toutes les gonzesses. Maugrée-t-il pour lui-même parce que ouais si c'était pas pour Ayla ou pour Jeannine il pourrait tranquillement s'abimer les reins et les bras à filer dans son coin sans qu'on lui demande quoi que ce soit.
Ah ce qu'on ne fait pas pour réparer les erreurs des femmes !

Quittant de nouveau à contrecoeur son comptoir, Ielvin s'en retourne au fond de l'atelier, talonné par l'intrus insistant. L'ouvrier se gratte le crâne et essaye de se souvenir d'où est-ce qu'a pu atterrir cette stupide laine à en trop... Techniquement avec la commande de cette autre boutique du quartier qui avait acheté de quoi finir une commande d'une Messerah de Goldhead. Pour un ensemble de fauteuils et de coussins qu'il croit avoir entendu (qui a besoin d'autant de fauteuils chez soi ?).
Mais c'est pas comme si l'autre allait le laisser réfléchir tranquille. Le voilà qui continue à parler, pire à s'intéresser à lui. Avec des questions idiotes en plus.

- J'sais pas. Il y a longtemps que toi t'es esclave ? Réplique le Ielvin au tac-au-tac. Oh c'est sorti comme ça et c'était sans doute moins méchant dans sa tête mais maintenant que c'est dit et qu'il a le visage de ce pauvre bougre en ligne de mire, la fripouille songe que c'était un peu fort. Sa maman lui a toujours dit d'être gentil. Alors il hausse les épaules et se ravise. Un peu plus d'un an je crois. Ça passe vite. Il lui semble ne s'être présenté à la contremaitresse avec une recommandation et sa belle gueule qu'hier. J'ai de l'expérience. Ajoute-t-il comme pour se justifier d'être déjà à la tête de cette équipe (même provisoirement). Clairement il a de la chance que la cheffe en pince pour lui et il en profite éhontément.
Se penchant enfin vers un sac de jute, le blond le ramasse et en défait le noeud grossier qui en scelle le dessus avant de plonger une main dedans. Dirait bien que c'est ta commande. Il le tend à deux bras à son interlocuteur. T'veux peser pour vérifier ? Puis il hausse de nouveau les épaules. Pourquoi j'aurais ma boutique ? Pas l'argent, trop d'ennuis. Pis c'est trop difficile pour un elfe de trouver d'la clientèle, les gens font pas confiance aux gens comme nous. J'sais pas, c'est sûrement mieux de rester à sa place.

C'est ce qu'il se dit depuis des années, depuis qu'il s'est rangé. Sois sage Ielvin, sois gentil Ielvin. Travaille dur et honnêtement, ne va pas chercher les ennuis. La vie que t'a est très bien et l'herbe est pas plus verte chez le voisin. Des trucs du genre. Trop vieux pour les aventures et les embrouilles. Trop usé aussi.
Il pense à Arlisa et à sa boutique, au mal qu'elle se donne tous les jours pour plaire aux humains et au mépris qu'elle se ramasse en retour. Ça lui fait réaliser avec une once de défaitisme que finalement tévintide ou marchéen, lui et l'autre sont pas si différents : tristement limités à leur rang d'oreilles pointues.
C'est pour ça qu'il aime pas les esclaves.
Ils le dépriment.



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Le tisserand réplique avec un esprit utilitaire que Taenar ne peut récuser, quand bien même il s’est allègrement fichu de lui. C’est quelque chose qu’il entend souvent dans les bouches méprisantes, à propos des elfes ou des nains, d’ailleurs : « Ces canailles ne comprennent que le langage de l’argent ! » Il se demande souvent ce qui peut en pousser certains à correspondre si bien au cliché. L’injonction à ne plus l’appeler Messer l’amuse un peu et il signifie d’un battement de cils faussement contrit qu’il essaiera d’y penser. Il lui trouve du reste une curieuse façon de désavouer son instruction. « Je n’en doute pas. » Et il a pour finir le vice d’ajouter : « Je vous aurais volontiers appris, pour vous remercier de vous être montré si aimable et obligeant. » Il aurait tout aussi bien pu lui offrir un sourire ironique et exhorter l’elfe à remercier le Créateur de lui avoir épargné cette peine-là.

Tout en l’observant, il l’écoute tempêter dans sa barbe contre les femmes. Il pense à nouveau à ce que la dénommée Ayla lui a glissé dans l’oreille et réprime une grimace de dégoût : « Vous semblez habitué à ce genre de déboires. » remarque-t-il sans paraître s’en étonner – les aléas d’un « joli minois », sans doute. Il ne s’étonne pas non plus de ce que sa curiosité est mal reçue, recevant pour salaire une pique qu’il n’a certainement pas volée, mais dont il ne mesure pas tout de suite la portée, puisqu’il répond d’une voix égale : « Je suis né esclave. » C’est seulement en croisant le regard que le tisserand lui lance – nuancé d’un semblant de remords très étrange pour lui – qu’il comprend avoir manqué une occasion de paraître affecté par tout ce que sa condition peut inspirer. Et comme il n’a pas spécialement appris à se montrer gentil de son côté – du moins pas gratuitement –, il ajoute en inclinant pensivement la tête : « Vous l’êtes quant à vous devenu et vous obstinez manifestement à le rester, d’où ma curiosité. » Le constat paraît presque innocent et il n’y a aucune trace de jugement dans sa voix. Il est satisfait que l’elfe consente malgré tout à lui répondre – et cette fois, il est surpris : « Un peu plus d’un an seulement ? J’aurais dit davantage – c’est que vous paraissez déjà aigri par le labeur, soit dit sans vous offenser. »

La laine est enfin retrouvée et il récupère le sac en hochant respectueusement la tête : « Je vous remercie. » Il a ravalé le « Messer » in extremis, signe sans doute que sa reconnaissance est à peu près sincère. « La pesée ne me paraît pas nécessaire : cela ressemble bien aux deux centaines d’onces que j’ai l’habitude de commander pour rembourrer les coussins de mon maître. » Il ne manifeste aucune impatience cependant, quand tout aurait dû le pousser vers la sortie. Non, il écoute ce que l’elfe a à dire sur son manque d’ambition avec un intérêt non feint. L’aspect financier d’abord, le souci de sa tranquillité ensuite ; enfin le regard lourd de mépris et de haine porté sur son espèce. Il est vrai que les elfes qui s’essaient à tenir un commerce sont rares, à Starkhaven, souvent victimes des vandales et promptement circonscrits à une clientèle issue du Bascloître, parfois du campement dalatien. La dernière phrase résonne étrangement à ses oreilles : « À sa place. » répète-t-il songeusement. Dans la fange. L’elfe qui méprise sa complaisante servitude et ses origines fait preuve d’une touchante docilité. « C’est sûrement mieux, oui. » feint-il de reconnaître sans la moindre conviction. Il le regarde au fond des yeux comme pour sonder sa pensée, puis se hasarde à lui demander : « Que faisiez-vous avant d’être tisserand ? » Il n’ajoute pas « Si ce n’est pas indiscret » : il sait pertinemment qu’il l’est et se tient prêt à être mis à la porte d’une seconde à l’autre.

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Plus l'autre cause, plus Ielvin se dit qu'il le trouve franchement insupportable. Mais en même temps, plus l'autre cause, plus Ielvin a envie de lui répondre. Juste pour voir.
Peut-être que c'est l'effet qu'il fait aux autres aussi. Il ignore si c'est flatteur ou non.

Enfin bref, il a à peine le temps de vaguement songer à ce que ça doit faire de naître esclave, naître avec cette certitude indiscutable que le destin a choisi de s'essuyer les pieds sur sa personne, naître avec cette vie toute tracée en ligne droite et d'en conclure que c'est d'un fatalisme presque reposant que son interlocuteur se permet une remarque pour le moins outrageuse : Ielvin est a choisi de devenir artisan-tisserand. Quel mal il y a-t-il à cela ? C'est une bonne situation tisserand non ? Le blond a déjà ouvert la bouche pour protester mais ce qui sort de ses lèvres ne s'apparente qu'à un hoquet indigné :

- Aigri ? Comment ça aigri ? Non, non, non. Ielvin est charmant, moqueur, paresseux, bavard, infidèle mais aigri ? Ah non ça jamais ! Aigri c'est un mot qui ne lui va pas au teint, c'est un adjectif qui le rend vieux. J'vois pas d'quoi tu parles ! Si j'étais aigri ça f'rait longtemps que j'aurais fichu un pédant qui papote trop comme toi dehors ! Se défend-il sans réfléchir avant de grimacer parce qu'en s'entendant parler il se rend compte que oui, par les chaussettes d'Andraste c'est vrai ! Il est aigri !

C'est donc ça la fameuse crise de la quarantaine ?
Heureusement, l'autre n'a cesse de rebondir sur ses propos, l'empêchant certainement de vaciller dans une spirale de réflexions intérieures toutes aussi déplaisantes les unes que les autres sur le sens de sa vie. Alors que la commande est enfin dans les mains de son acheteur (ou plutôt du larbin de son acheteur), la conversation continue. Et une fois encore, l'esclave l'interroge. Mais cette fois, Ielvin ne se sent pas mentalement tomber des nues. La réponse est toute faite, presque automatique. Il a l'habitude de réciter la même chose :

- J'travaillais avec ma soeur à Cairnayr avant. Elle et son mari vivaient d'la pêche. Pis elle est morte alors j'suis rev'nu ici. Il hausse les épaules. Il explique la même chose à tout le monde parce que c'est normal entre collègues, entre amis même entre nouvelles têtes d'expliquer ce qu'il faisait avant. C'est normal d'avoir préparé un truc tout fait et d'y avoir glissé le décès de sa soeur pour clore le sujet. Ça lui évite de trop mentir, de devoir s'aventurer sur les années passées dans les mauvaises combines, les cambriolages, le recel, les jumeaux, tout ça. Ça c'est le genre de choses qu'on ne demande pas.
Mais, anticipant déjà la suite, Ielvin se dépêche de renchérir : Ma mère était tisserande, c'est elle qui m'a appris. Pis filer la laine ou réparer les filets c'est pas si différent. Hochant vivement la tête comme s'il tentait de se convaincre lui-même : C'est un métier honnête. Que disait souvent son père en parlant de ses journées à la tannerie où il s'est esquinté les poumons et le dos jusqu'à en mourir. Y'a bien pire ailleurs. Au moins ici, les mélanges qu'ils utilisent pour la laine ici ne le font pas cracher du sang.

Passant les mains dans ses poches, Ielvin se redirige vers son comptoir (et inexorablement vers la sortie de l'atelier), là où il la vue sur les autres ouvriers est meilleure. Mais mine de rien, il traine un peu des pieds. Est-ce parce qu'il n'est pas pressé de reprendre son poste de superviseur ou parce qu'il souhaite prolonger leur discussion ?

- L'est comment ton maître ? Il penche un peu la tête, toise une nouvelle fois l'étranger de haut en bas les yeux plissés. Même s'il arrêtait de boire pendant toute une année, il n'est pas sûr de gagner assez pour se payer la même tenue. Tu causes beaucoup. J'vais finir par croire que t'es plus un espion qu'un laquais. Il ne peut pas se résoudre à prononcer le mot « esclave ». Ça fait plus sale dans sa bouche que n'importe quel juron. Un mauvais espion parce que y'a pas grand chose à espionner par ici. Sauf si tu veux voler le secret d'fabrication des pelotes de laine ! Il rit et se penche vers son interlocuteur : T'vas être déçu... On fait pareil que tous les autres ateliers !

Vraiment qui s'intéresserait à un elfe qui file de la laine ? Un elfe aigri de surcroît. Ielvin ne veut pas y penser mais l'idée que ce tévintide n'est pas tout à fait ce qu'il prétend être lui chatouille l'esprit.
Après tout, lui-même est bien placé pour savoir qu'il n'a pas été qu'un simple tisserand et pêcheur...



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Taenar doit réprimer un sourire, partagé entre un amusement sincère et ce qui, chez un cœur moins sec, aurait pu s’apparenter à un étrange attendrissement. L’elfe n’a pas tort, quand il lui rappelle la patience angélique dont il a fait preuve à son égard jusqu’à maintenant, mais il a aussi le chic pour incarner à lui tout seul une affirmation et sa démonstration exactement inverse. À sa grimace indiquant qu’il vient de se prendre en flagrant délit d’aigreur, Taenar cille innocemment, en lui faisant grâce d’une quelconque parole susceptible de remuer le couteau dans la plaie – comme si c’était assez de tourments pour aujourd’hui.

Il écoute son histoire avec un intérêt non feint, sans paraître se demander s’il lui dit la vérité. La réponse est peut-être trop mécanique, dissimule sans doute quelques raccourcis, quelques coupe-gorges dans lesquels il ne faudrait surtout pas s’aventurer. Qu’importe, après tout ? En un sens, le personnage qu’un individu fait de lui-même comporte toujours sa propre part de véracité. « Un métier honnête, évidemment. » finit-il par conclure avec une songeuse complaisance. La capacité des elfes ou des humains les plus indigents à relativiser leur misère le fascinera toujours. Tant mieux pour lui, après tout. Tant mieux pour eux tous.

Il y a quelque chose de presque touchant à constater que le tisserand n’est finalement pas si impatient de le mettre à la porte. Il le faut pourtant et c’est de bonne grâce que l’esclave se donne l’air de le suivre jusqu’à la sortie. La question au sujet de son maître ne le surprend guère, du reste. Elle finit toujours par arriver. Et il éprouve immanquablement le même plaisir à y répondre, redoublé par le fait que tout portrait de l’Ambassadeur, surtout brossé par lui et sa nécessaire économie de mots, serait en-deçà du rayonnement d’intelligence, de jeunesse et de fraîcheur qui se dégage de sa personne. « C’est un homme bon et généreux qui met un point d’honneur à me traiter convenablement. Il est vrai que je ne puis en dire autant des autres maîtres tévintides. » Il parle de ses supérieurs sans tabou, à plus forte raison quand il a la chance d’occuper lui-même une position inespérée. Il considère l’elfe avec une imperturbable sérénité, l’air de signifier qu’il ne changerait sa condition pour rien au monde. Sans doute aura-t-il du mal à le croire, mais cela ne lui importe pas vraiment.

Il s’amuse de percevoir sa répugnance à prononcer le mot « esclave », lui épargne un nouvel accès de malice à cet égard et encaisse son accusation sans sourciller. « Un espion… ? s’étonne-t-il suavement. Est-ce ainsi que vous appelez ceux qui prennent le temps de s’intéresser à vous ? » Sa bouche se froisse en une petite moue faussement dépitée. « Vous m’en voyez navré. » Pour le reste, comme tout à l’heure, le tisserand démontre assez bien tout seul l’absurdité d’une telle affirmation, aussi ne prend-il pas la peine de renchérir. Il se contente d’expliquer ses indiscrétions : « Déformation professionnelle, sans doute : ma fonction me pousse souvent à m’informer des gens. Et vous sous-estimez de toute évidence la curiosité que vous êtes à même de susciter chez un elfe tel que moi. » Enfin il s’incline respectueusement, non sans un fugitif sourire : « Permettez-moi de me retirer, avant que vous ne preniez tout à fait l’air d’un elfe qui aurait quelque chose à cacher. Une fois encore, je vous remercie pour votre aide. » Il esquisse un pas en arrière, sac de laine sous le bras. « Et si d’aventure vous passiez par le Clachdun, n’hésitez pas à faire une halte à l’Ambassade de Tévinter : vous y serez bien reçu. » Un dernier hochement de tête, et le voilà qui s’éloigne dans une volte colorée.

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La méprise — Ielvin.