Doux-amère, comme les bonbons d'antant ~ Ielvin & Eibhlin
En ce début de Voiréale, le temps était des plus incertains, à la fois lourd et rendant chaque pas difficile, et menaçant. On entendait tonner au loin, alors que de sombres nuages se succédaient au dessus de l'immense et grouillante Starkhaven. Eibhlin, flanquée de deux gardes, aurait voulu se rendre à pied jusqu'au Bascloître, jusqu'à ce qu'un simple échange de regard avec son époux ne l'en dissuade. Le mois précédent avait été suffisamment riche en mésaventures et en frayeurs, elle ne pouvait décemment pas lui infliger à nouveau son manque de discernement. Alors elle l'informa de son programme, comme elle le faisait depuis sa chute dans la Minantre et s'y tenait afin de retrouver sa confiance, puis fit préparer le coche qui la conduirait jusqu'à l'entrée du bascloître.
Elle arriva en début d'après-midi dans la demeure de la hahren avec qui elle avait grand besoin de s'entretenir et n'en ressorti que quelques heures plus tard, surprenant ses gardes assoupis sur le perron. Comment leur en vouloir ? Ils passaient beaucoup plus de temps à attendre qu'à intervenir, quelque soit la situation. Ceci dit ce n'était pas la pire position, ni le pire travail, le salaire était plus que décent pour passer le plus clair de son temps à ne rien faire. Cela demandait juste une grande patience. Elle s'éclaircit la gorge pour signaler sa présence et remarqua alors qu'un quatrième individu les regardait. Blondeur espiègle, âge indéfinissable et air définitivement familier. Eibhlin descendit les marches de la demeure de Neria et fit quelques pas dans la direction de l'elfe.
Bien sûr, sur la grande place du Venahdal, de nombreux elfes vaquaient à leurs occupations, à cette heure les échoppes étant ouvertes... Si le Bascloître dormait à une heure quelconque ? Elle n'en était pas sûre mais n'était jamais restée de nuit pour le savoir. Elle ne connaissait que trop bien ce lieu en journée pour y avoir passé les meilleurs moments de son enfance. Elle avait vu l'intérieur de plusieurs de ces bicoques tordues, les trouvant à l'époque bien amusantes avant de réaliser la réalité un peu plus triste quelques années plus tard. Les elfes l'avaient toujours bien traités, même mieux que ça, ils l'avaient accueilli comme l'une de leurs enfants et l'avait choyé. Si certains avaient exprimé leur mécontentement, elle n'en avait jamais eu vent. Peut-être était-il l'un de ces gamins avec qui elle jouait ? Elle n'en était pas sûre, son visage était trop familier et peut-être plus âgé ? Les elfes ne semblaient pas autant subir les affres du temps comme les humains ; ils avaient d'autres fardeaux bien plus lourds néanmoins.
« Ser, avons-nous déjà fait connaissance ? » Tenta-t-elle à celui qui ne les quittait pas des yeux et qui semblait attendre quelque chose, l'attendre elle peut-être ? Elle trouverait cela étonnant, mais pourquoi pas après tout. Elle avait l'habitude de recueillir les doléances des habitants, que ce soit prévu ou non. « Puis-je vous aider ? » Eibhlin se montrait polie, à l'écoute et sa plus grande crainte était qu'on lui reproche de ne pas en faire assez. Bien sûr qu'elle n'en faisait pas assez, sinon ces maisons auraient été réhabilitées depuis bien longtemps ! Cependant elle n'était ni faiseuse de miracle, ni gestionnaire de cette cité, elle n'avait presque aucun pouvoir sur l'utilisation des deniers princiers, si ce n'était sa petite voix dans l'oreille des nobles et des conseillers. Elle se sentait vaine alors qu'elle y consacrait toute son énergie et bien plus, au point de négliger sa propre santé. Malheureusement le bascloître continuait d'être le cadet de leur priorité, peu importe ce qu'elle entreprenait.
Pourquoi s'est-il arrêté devant la demeure de la hahren ? Il ne l'a jamais portée dans son coeur cette bonne elfe, en tout cas a fourni des trésors d'efforts pour se convaincre qu'il ne l'apprécie pas. Elle lui fait penser à sa mère. Pire, elle était proche de sa mère. Et tout ce qui a trait à sa famille est un crève-coeur pour lui. Ielvin a beau avoir presque surpassé l'âge de son père, il entend encore souvent sa grosse voix dans sa tête, sa grosse voix qui le traite de bon à rien et le compare à son ainé, le fils modèle, celui qui travaille dur pour la famille et le Bascloître sans chercher à tout va les ennuis. Sans doute qu'il avait raison son père, de tous ses fils il ne lui reste quasiment plus que le bon, le premier qui, fidèle au pater, n'a jamais cherché à ressouder cette fracture qui a éclaté entre son cadet et le reste de la fratrie. Et quand bien même le fossé entre Ielvin et les siens n'a jamais cessé de se creuser, quand bien même leurs visages leur sont quasiment devenus étrangers, il ne peut s'empêcher de se demander s'ils vont bien, s'ils mangent à leur faim, s'ils sont heureux dans leur ménage, si leurs enfants sont grands maintenant. Ah oui, à force d'être un fils à sa maman, elle a fini par déteindre sur lui, Ielvin est un roublard mais un roublard qui s'inquiète pour les siens.
Donc pourquoi s'est-il arrêté devant la demeure de la hahren ? Parce qu'il a l'espoir. Parce qu'il veut savoir. Juste lui demander comment elle va, comment ils vont parce qu'il est trop couard pour aller lui-même prendre de leurs nouvelles. Parce qu'il a peur que l'ainé lui jette le même regard que son père. Et il a également peur que la hahren lui jette le même regard que sa mère. Enfant lui ? Oui. Toujours.
Alors le voilà, enfant, à faire des tours devant la maison, timide, timoré hésitant entre faire demi-tour, attendre ou forcer une entrée. Heureusement que les gardes ne sont pas bien vifs, sans doute ne s'inquiètent-ils pas trop d'un énième elfe en train d'errer même si celui-là a le regard insistant malgré une allure peu assurée.
Mais les choses sont parfois bien faites : heureux hasard ou malheureuse coïncidence, elles ont de temps à autre l'amabilité de venir d'elles-mêmes à lui. Lorsqu'une femme - une humaine, bien habillée sort de la maison, Ielvin se surprend à la reconnaître. Ces yeux vairons, comment les oublier ? Elle aussi, ressemble trop à ses souvenirs, que c'est perturbant de la voir si grande. Et sans doute que sur le coup de la surprise, il la fixe un peu trop longtemps parce que leurs regards se croisent et qu'elle se détourne de son attelage pour s'avancer vers lui, signe qu'il a attiré son attention.
Évidemment que son premier réflexe c'est de penser à se barrer en courant. Ceci dit, tout enfant qu'il est encore, il faut bien admettre que cela ne se fait pas trop. Pas qu'il veuille faire plaisir à une bourgeoise mais tout de même, il n'est plus un adolescent gêné qui esquive tout semblant de conversation. D'ailleurs il n'a jamais été un adolescent gêné, surtout avec les dames. Non là ce qui le gêne c'est l'idée qu'elle puisse elle aussi l'avoir reconnu. Et très franchement, très très franchement, plus il est loin des Vaël, mieux il se porte le Ielvin.
- Ser ? Vous voulez dire moi ? S'étonne-t-il, sincèrement surpris qu'une si noble dame s'adresse ainsi à lui. Clairement, Ielvin n'a rien d'un homme distingué ou même poli, un simple « Hé toi là ! » lui suffit amplement.
C'est un homme simplement assuré de comprendre qu'elle est sûrement venue à lui parce qu'elle est tout simplement bonne poire et qu'il est après tout sur son chemin.
- M'aider ? Non point Messere, pardonnez ma gaucherie, je m'étonnais simplement qu'une aussi charmante dame vienne fouler nos beaux pavés pleins de boue. Vite retomber sur ses pattes et ne rien perdre de son bagou. Parce que tant qu'à faire, si elle demande... Peut-être devrait-il pousser sa chance ? Quoiqu'à y réfléchir, puisque vous venez de vous entretenir avec la hahren... Pouvez-vous m'assurer qu'elle se porte bien ? C'est qu'elle est toujours très occupée cette bonne elfe et je crains toujours de la déranger !
S'il part avec la certitude que la hahren au moins tient toujours le coup, il pourra toujours se dire que sa non-visite n'aura pas été un échec total.
Très premier degré, comme toujours, Eibhlin regarda un instant les alentours, les sourcils froncés avant de conclure : « Oui, vous, qui d'autre ? » Bien qu'il y ait du monde sur la place, il n'y avait aucune confusion possible quant à la personne à qui elle s'adressait. Elle avait évidemment constaté qu'il ne répondait pas à sa question et le ton et les mots qu'il employa ensuite ne lui plaisaient guère. Elle n'était pas femme à tolérer quoique ce soit ressemblant à du flirt, qu'importe les raisons et quoiqu'il cherche à obtenir, c'était autant inapproprié qu'inutile. Mais il ne la laissa pas rectifier cela en enchainant, toujours avec cette même désinvolture qui la décontenançait quelque peu.
Cet elfe était étrange, oui, très étrange.
« Elle est juste là, pourquoi ne pas lui demander vous-même ? » Fit-elle en ouvrant le bras vers la porte, perdant un peu de son sang-froid face à l'incompréhension et à la gêne. Et puis, magnanime, elle concéda une réponse un peu sèche : « Neria se porte très bien. »
Eibhlin s'approcha un peu plus près, toujours suivie de ses gardes, une expression bien ferme sur le visage. « Je pardonne votre gaucherie, et cette tentative, j'imagine, de suivre un certain protocole. Je comprends que vous n'ayez pas l'habitude mais évitez les compliments dorénavant, je suis une femme mariée et cela n'est pas convenable. Et puis, je ne vous demande rien de tel, la simplicité me convient très bien. »
Elle croisa les bras, fronça les sourcils et observa encore ce visage, ce regard, cette blondeur. Elle le connaissait, elle en était certaine.
« Vous n'avez pas répondu à ma question toute à l'heure. Vous savez qui je suis, car je viens au Bascloître depuis que mon enfance, et je vous connais également, j'en suis certaine... Mais dans le doute, et par politesse, je suis Eibhlin Byrne, la cadette du Prince. »
Elle s'approcha encore un peu pour s'arrêter à un bon mètre et l'étudier, alors que les souvenirs resurgissaient dans son esprit, à sa demande. Elle cherchait, tant bien que mal, où et quand elle l'avait vu.
Et soudain, elle percuta, en partie. Car étonnement, son visage lui en rappelait d'autres mais elle n'arrivait pas à faire l'association.
« Vous travailliez au Palais n'est-ce pas, quand j'étais plus jeune ? Vous m'aviez donné un bonbon un jour où j'étais triste, cela me revient... » Et son visage se détend, sans pour autant sourire. « Et puis je ne vous ai jamais revu, je crois ? J'ai l'impression que si. Qu'êtes vous devenus ? »
Eibhlin était une oreille attentive et parfois les elfes du bascloître venaient la voir elle pour transmettre des messages anonymes à leur hahren, ce qu'elle comprenait bien. Si c'était ce qu'il attendait d'elle, elle le ferait bien volontiers et regretta même de l'avoir poussé à demander lui-même un peu plus tôt. En attendant, elle avait bien envie de renouer avec ce passé, cet elfe qui l'avait consolé, qui la faisait rire autrefois et dont elle avait regretté la disparition soudaine.
Elle a bien grandi la petite Eibhlin, on peut dire que c'est devenu une femme de caractère ou une vraie bourgeoise ! Son mari doit être heureux. Et en parlant du loup...
- Mes excuses Messere mais ce n'est pas parce que je trouve une fleur jolie et qu'elle est dans le champ voisin que j'ai forcément envie de la cueillir. A-t-il ronchonné en baissant tout de même la tête pour cacher un air de défiance et surtout le malaise qui grandit en lui quand elle s'approche encore et avec elle, ses gardes. Les langues bien pendues comme celles de Ielvin savent qu'un coup est si vite parti et s'il n'est pas particulièrement ravi qu'on lui parle de gaucherie, il préférerait certainement s'éviter les ennuis.
Ah c'est bien sa veine.
- Eibhlin Byrne... Il répète ce nom. Oui Byrne c'est vrai, c'est à Corintamh que la dernière a été expédiée. Il se demande combien ce cher conseiller l'a achetée ou si c'est un mariage qui en réalité les arrange tous les deux.
Pourquoi est-elle d'ailleurs la seule des filles Vaël à être mariée ?
Gardant encore la tête basse devant ce qui sonne comme une remontrance, le blond fait semblant de tousser pour mettre une main devant son visage et échapper au regard inquisiteur de son interlocutrice. Pourquoi le dévisage-t-elle avec tant d'insistance ? Se pourrait-il qu'elle se souvienne... ? Son oeil traine vers une ruelle voisine. Malgré leur proximité, il pourrait aisément semer son escorte s'il bondit et détale comme un lapin. Mais une telle manoeuvre piquerait définitivement sa curiosité, voir son animosité. Sans doute est-il plus sage de continuer à faire l'idiot, à faire comme si de rien n'était. Navré, j'ignore de quoi vous...
Et soudain elle énonce presque brutalement les faits. Le palais, le bonbon et puis le vide. L'absence. L'elfe, interrompu, a aussitôt levé les yeux, croisant son regard, une expression de surprise un peu flattée sur la figure qui se dissout rapidement dans une moue mécontente et encore plus rapidement dans un sourire tendre.
Il marque un bref instant de pause, comme pour faire durer le suspens alors qu'il réfléchit et puis finit par hocher la tête.
- Vous avez bonne mémoire. Il est vrai qu'il avait oublié le bonbon. Pour lui ce n'était qu'un petit geste de rien du tout, un acte de rébellion en mousse contre ses anciens maîtres que de glisser discrètement la pastille de couleur douteuse dans les mains potelées de cette gamine trop choyée et trop peu aimée à la fois. J'ignorais avoir fait une telle impression. Il faut dire que je ne suis pas resté longtemps au service du Prince, des... problèmes de famille m'ont appelé ailleurs. Il croise les bras et se permet même un petit rire. C'était un bonbon d'anis et de racines, je me souviens maintenant de votre tête en goûtant ! Effectivement, le sucre est cher dans les bas-quartiers, alors on rajoute surtout des herbes et autres plantes du coin pour satisfaire les envies de friandises des petits comme des grands du Bascloître.
- Bah moi j'me porte plutôt bien comme vous pouvez le voir Messere. Pour être parfaitement honnête j'ai été surpris de vous croiser ici, c'est pour ça que je vous ai regardé bizarrement. Et puis après j'ai été pris de court par le fait que vous m'adressiez la parole.. Parfaitement honnête, Ielvin ne l'est jamais vraiment. Il enchaîne, souhaitant changer le sujet de conversation : Et vous alors ? Vous avez l'air en forme, je suppose que les rumeurs sur la maladie de la Dame de Corintham ne sont que des vilaines calomnies !
Comme quoi, il ne faut jamais croire tout ce qui sort de la bouche des elfes trop bavards.
Il est toujours drôle de constater comme un petit élément peut déclencher la remémoration d'un souvenir qu'elle aurait cru perdu. Et tout lui revient alors presque comme si elle y était, même (surtout) le goût du bonbon, ce qui lui arrache grimace, bien moindre que celle qu'elle a tiré à l'époque. Elle a failli le recracher ce bonbon, mais comme il la regardait, elle a fait semblant de le trouver délicieux... Enfin... Elle a essayé. Tout lui revient maintenant que le souvenir a ré-émergé des limbes de l'esprit. C'est un bon souvenir.
« Sa saveur était inoubliable... » Tout comme ces rires que vous saviez donner à l'enfant que j'étais. L'adulte par contre, n'est pas amusé, mais peut-être un peu attendri. Sans doute a-t-elle bonne mémoire, c'est qu'elle a toujours été observatrice, et se forçait à retenir les moindres détails : il lui fallait se conduire parfaitement pour espérer les rendre fiers, ou s'attirer un compliment.
« J'espère que votre famille se porte mieux, je ne sais pas si je la connais... » Les elfes pourraient avoir des noms, comme tout le monde, cela aiderait à les situer. Elle l'étudie alors comme on dissèque un animal pendant qu'il répond à sa dernière question, et elle est plutôt dubitative. Elle ne se souvient pas l'avoir recroisé non plus, ce qui est clairement la seule chose étonnante ici, ou du moins, ça ne lui revient pas, même si elle est certaine d'omettre quelque chose. « C'est... » Il ne la laisse pas protester, ni intervenir en enchainant sur autre chose, mais ce serait bien mal connaître son caractère obstiné... Elle range ses paroles dans un coin de sa tête pour plus tard.
Elle accepte poliment ce changement de sujet, qu'elle accompagne d'une moue tout aussi polie, mains jointes devant elle. « Pas tout à fait non. Difficile d'en vouloir à mes domestiques qui aiment raconter des histoires lorsqu'ils rentrent voir leur famille... C'est que je ne leur en donne pas tellement à se mettre sous la dent : La vie à Corintamh est paisible. Mais ils ont su taire les vraies raisons. »
Un léger sourire accompagne la fierté d'avoir des serviteurs aussi loyaux, trêve de suspens, elle ne lui laisse pas le temps de s'imaginer ces raisons car plus rien ne la retient de les dévoiler. « J'attends simplement un enfant, et je vais mieux, je vous remercie. » Alors en forme tout est relatif, mais en ce mois de Voiréale, elle se sent enfin bien, et sans doute que cela se ressent plus que ce ne qu'elle ne l'aurait imaginé.
Eibhlin se recule d'un pas, comme incertaine quant à la poursuite de cette discussion.
« Bien... Nous ne manquerons pas de nous recroiser, j'imagine, car je passe régulièrement et ce, depuis toujours. » Elle insiste sur ce mot, rappel à leur discussion et à sa surprise de la voir ici. « Si vous avez besoin de quoique ce soit, vous savez où me trouver. » Elle pense à du travail en disant cela, ne voit pas l'intérêt de préciser... Elle devrait pourtant, vu l'individu, qui sait pour quelles raisons il pourrait frapper à sa porte ? Cela l'agace un petit peu de ne pas mettre la main sur le chaînon manquant qui le relie à elle ; elle a beau avoir une bonne mémoire, il y a toujours des choses qui lui échappent. Beaucoup de choses même. Et cette discussion lui laisse un goût étrange, un peu comme ce bonbon de l'époque, à la fois agréable et désagréable. Elle va pour se retourner, et s'arrête soudainement dans son mouvement.
« Ser, vous ne m'avez pas dit votre nom ! »
- Oh ma famille se porte... Mal sinon il ne serait pas là aujourd'hui. Comme elle se porte, merci ! On fait aller ici vous savez ! Et pas besoin d'en dire plus. Même s'il est quasiment sûr que sa mère était du genre à ouvrir ses portes aux domestiques elfes qui promenaient la fille de la princesse. Un détail qu'il est inutile d'énoncer, au risque de trop en dire sur son identité.
Être cet elfe d'il y a 20 ans c'est déjà un peu trop.
Heureusement qu'il parvient à faire glisser la conversation ailleurs. Et là brusquement la famille et la mioche s'envolent tandis que sa bouche forme un o de surprise, suivi d'un grand sourire.
- Mes félicitations Messere ! Bourge ou pas, un bébé c'est toujours une bonne nouvelle pas vrai ? Encore un mensonge. Quelque chose dans son estomac se serre mais il ne bronche pas.
Est-ce qu'elle sait ? Est-ce que ça n'expliquerait pas...
Non ne pas y penser. Vraiment l'heure n'est pas à ça. Mais quel plaisir de se voir rappeler en plus que cette Messere est passe régulièrement, voilà qui lui fera définitivement passer l'envie de trainer près de la hahren.
- Je suis ravi de constater que les messes basses sont erronées mais ne forcez pas trop, vous travaillez maintenant pour deux maintenant !
Et il tâche de ne pas être trop touché par l'amabilité de son interlocutrice. Est-elle seulement sincère dans sa gentillesse ? Personne ne s'intéresse aux elfes sans une idée derrière la tête. Sans doute qu'elle fait la charité parce qu'elle a un agenda pour son mari. Ou alors elle essaye juste de laver le nom de sa détestable famille qu'il se persuade. Si Ielvin ment comme il respire c'est parce qu'il a appris de ses employeurs : les nobles.
- D'ailleurs je ne vous retiens pas plus longtemps Messere. Puisse Andrasté veiller sur votre progéniture.
La fuite enfin ! Enfin presque car à peine a-t-il fait trois pas pour s'éloigner, prêt à disparaître dans la première allée sombre comme le rat qu'il est, la Dame l'interpelle une dernière fois pour lui demander son nom. Le blond affiche alors un sourire, réfléchit une demi-seconde et s'incline :
- Ilmael Messere ! C'est ainsi qu'il se présente avant de promptement s'éclipser sans rien ajouter.
Il n'allait quand même pas donner son vrai prénom. Seulement celui d'un de ses frères.
Comme ça on est pas trop loin de la vérité.