Chronologie 17 Vendangien, 4:79 des Ténèbres : Ma jolie fille… raconte-moi l'histoire de la Soeur du Silence Khaiki qui repoussa une armée d'ogres des champignonnières d’Orzammar . Les autres servantes lui avaient pourtant répété, à la gentille Meshy, qu'elles étaient prêtes à travailler plus pour qu'elle puisse se reposer ; seulement, la mère en devenir n'avait rien entendu, inconsciente de sa fragilité de corps et d'esprit. Était-elle trop simple de pensée ou bien complètement dévouée au service du Roi d'Orzammar ? À moins que ce ne soit par amour pour le père qui, lui, n'en avait manifestement rien à faire de cette femme de si basse extraction ? Les rumeurs allaient aussi bon train que les regards attentifs et les gestes attentionnés, si précautionneux que la mère ne toucha pas le sol froid des cuisines lorsqu'elle flancha et qu'un pénible travail commença. Aux exclamations de douleur de la mère se succédèrent les cris timorés d’une fille appelée à la vie, que des bras tremblant d'amour accueillit au milieu des draps apportés par ces femmes dévouées, ce jour précis de Vendangien, à cette nouvelle-née qu'elles aimèrent toutes comme leur propre progéniture. Le conseiller Behryn Asten, lui, rassura bien plus son amante de son indéfectible présence qu'elle crut avec la force de la naïveté, plutôt qu'il ne s'occupa de cette enfant avec laquelle il n'avait rien d’autre en commun que le sang et la chevelure de feu. Si l'on tira son nom des anciens exploits d'une renommée Soeur du Silence, le destin de Khaiki aurait cependant dû être la domesticité, comme sa mère, qu'une gentillesse exacerbée et une discrétion renforcée ne remirent jamais en question. Orzammar n'était pourtant pas tendre avec ses cœurs les plus purs, et les desseins d'un politicien n'ignoraient jamais les fruits de ses placements - même les moins… reconnus. 4:89 des Ténèbres Veux-tu rendre service au Roi, jeune enfant ? Laisse-moi te confier une mission… . Se cachait-elle par prudence, ou bien s'oubliait-elle par discrétion ? Les nobles du Palais d'Orzammar, y avaient-ils et elles seulement prêté la moindre attention, ne connaissaient ni des lèvres, ni des dents, la petite domestique : peut-être avaient-ils le souvenir fugace d'une longue chevelure de feu disparaissant au détour d'un couloir, ou cascadant silencieusement à l'ordre intimé, s’inclinant devant le service effectué. Peut-être était-elle trop jeune pour en intéresser la plupart, avec ses joues trop rondes et ses regards fuyants ; ou peut-être ne voyaient-ils chez elle qu'une répétition de la mère toujours plus fragile. Lui , pourtant, ne l'oubliait pas : le père Behryn pouvait être absent, mais le conseiller Asten, lui, n'aurait jamais pu manquer pareille opportunité pour arriver à ses fins. Le jour où il eut besoin d'une gentille âme pour mener des missions dans les Taudis, une fille dont la douceur n'éveillerait pas les soupçons et qui attirerait irrémédiablement la sympathie, il la convoqua et lui conta de nombreuses promesses pour la convaincre de l'aider. Naïve, Khaiki commença les allers et les retours dans les bas-fonds du grand thaig nain, dans le but de récolter, en échange de denrées et de biens, des informations sur les parias et notamment les différentes organisations de la pègre - pour servir le Roi Glesin Bemot.De 4:89 à 4:94 des Ténèbres : J’aurais jamais cru qu’le palais pouvait être aussi dégueulasse qu’ces Taudis – sauf qu’vous y avez chaud. . Les Taudis portaient terriblement bien leur nom et la jeune Naine l'apprit à ses dépens. Combien de fois s'était-elle sortie d'un traquenard parce qu'elle ne possédait pas plus que celles et ceux qui l'avaient piégée ? Combien de fois avait-elle trouvé grâce aux yeux des parias parce qu'elle n'était qu'une servante, à peine mieux placée socialement qu'eux ? Combien de fois avait-elle pu échapper au pire parce qu'elle était peut-être bien chanceuse, sûrement trop gentille, manifestement très jeune ? Même avec le recul, Khaiki n'aurait jamais su expliquer pourquoi elle avait pu à chaque fois ressortir sainement de ces quartiers défavorisés et garder le silence devant sa propre mère, devant les autres domestiques, sur ses activités annexes. Loin du Palais. Dans les chambres discrètes de son père, que les autres nobles l'avaient laissée pénétrer en croyant comprendre qu'il se jouait un certain lien de filiation entre les deux - et il avait tenté, et réussi, à le faire croire à sa fille naturelle. Celle-ci lui avait livré sans douter et sans cacher toutes les informations qu’elle avait récoltées pour lui, pour leur suzerain : la servante lui avait donné les liens qu'elle avait découverts entre les multiples organisations, sauf l'inatteignable Carta, les différentes planques qu'elle avait pu découvrir et elle avait même dévoilé ses propres amitiés nouées dans les coins de bâtisses délabrées. Des années durant, les sourires de Behryn Asten, autant que sa chance d'en ressortir à chaque fois, autant que l'amour de sa mère et de ses désormais collègues, la convainquirent qu'elle agissait bien dans l'intérêt du roi d'Orzammar.4:94 des Ténèbres : En ce jour de Réconfort, nous enterrons Khaiki, née de la caste des domestiques et disparue dans la Légion des Morts : ta mémoire est restaurée et ton honneur, comme celui des tiens, lavé. Puisses-tu reposer en paix au sein de la Pierre. . Comme la chute fut difficile, alors, ce jour où la garde royale avait investi les cuisines pour chercher la petite désormais bien adolescente. Au rythme des tables retournées, on vociférait à la trahison que seuls les coups avaient réussi à imprimer aux esprits choqués. Cachée derrière une étagère, Khaiki vit sa propre mère tomber à ses pieds, soufflée par la gifle de son père qui s'était saisie de sa fille au col pour montrer la traîtresse : cet ennemi intérieur au Palais qui avait livré aux parias de précieuses informations pour qu'ils s'en prennent au Roi – une action avortée, fort heureusement, par l'intelligence de son conseiller. Comment aurait-elle dûréagir ? Se défendre paraissait dérisoire, son monde s'effondra sous ses pieds, personne ne la croyait et tout le monde la voyait déjà comme la criminelle qu'on construisait : face aux accusations, l'adolescente garda le silence, les yeux mouillés et la gorge irrémédiablement sèche ; alors elle devint coupable. On condamna Messy et son enfant à devenir paria, ce que ni l'une, ni l'autre, ne supportèrent : la fragilité de la première lui fit s'ôter la vie, jetant encore plus de déshonneur sur la suivante qui ne savait plus plus vers qui se tourner pour s'en sortir. Endeuillée, rejetée, marginalisée, elle refusa ces Taudis qu'elle avait trop argentés, libre, pour les rejoindre, contrainte : elle n'y serait plus bien chanceuse, plus trop gentille ou plus très jeune. Quand on approcha de sa joue le fer chaud, elle avait fui, animée par l'énergie du désespoir, pour se jeter au pied de la statue du Haut Aeducan et hurler qu'elle voulait rejoindre la Légion des Morts. Personne n'aurait pu le lui refuser, encore moins avec un Façonneur pour attester de son vœu. Elle ne sut jamais si les échos de ses cris et de ses larmes atteignirent les oreilles de qui elle avait cru être son père et qui l'avait ainsi livrée aux jeux de la politique naine. Au mois de Réconfort, lorsqu'elle tourna le dos à son minable enterrement accompagnée d’un Nain à la mine effrayante et aux gestes bourrus, l'ancienne servante regretta son engagement : elle n'avait rien d'une guerrière. 4:97 des Ténèbres On m’a dit que tu étais trop gentille pour savoir comment utiliser un vulgaire marteau de guerre sur les crânes de bêtes engeances : c’vrai c’mensonge ? . Non, Khaiki n'avait rien d'une guerrière : mais elle avait donné sa vie aux Hauts et, désormais morte aux yeux du monde, la Pierre n'oublierait pas sa parole. Fut troqué au petit tatouage ridicule les immenses marques de la Légion, jurant avec ces yeux emplis de bonne volonté et ses lèvres étirées en un sourire gentille. Comment attendre de cette domestique qu'elle sache manier des armes ? À cette gentille fille de défendre férocement sa vie face à des engeances ? L'entraînement s'étendait en longueur, des années même sans qu'elle ne rencontre la moindre atrocité - et jamais la jeune femme n'avoua que cela l'arrangeait, malgré son désir de se montrer capable au-delà de ses faiblesses. Les armes étaient pourtant lourdes, les gestes maladroits, et à peine était-elle capable de soulever son bouclier : quand les autres partaient au combat, elle restait en arrière à veiller sur leurs affaires. Les jugements et la stagnation devinrent toujours plus compliqués à supporter. Alors que tout le monde avait abandonné l'idée de tirer d'elle quoi que ce fut de martial, voilà que le vétéran de leur équipe, cet homme borné qui l'avait amené dans les plus profonds Tréfonds, souhaite lui présenter une personne qui saurait peut-être l'aider : Verena. De plusieurs années son aînée, celle-ci possédait le regard perçant et la main sûre ; son large tatouage recouvrait, non sans mal, celui qui ornait plus ordinairement les pommettes des parias. Ce n'était pas rare au sein de la Légion des Morts, mais la plupart d'entre eux n'étaient pas silencieux sur cette vie qu'ils avaient littéralement enterrée, même si le cairn ne recouvrait aucun corps. La guerrière chauve, si, d'un silence qui ne souffrait d'aucune indiscrétion : les cicatrices le long de son crâne s’avéraient plus volubiles sur ses aventures. Ce qui ne rendait pas muette sa ténacité, à tel point qu'elle n'arrêtait rien, ni ne prenait aucune pause, tant qu'elle n'avait pas obtenu un résultat qui lui convenait. Petit-à-petit, en sa présence, la rouquine gagna en hargne et en combativité, et trouva un sens aux armes qu'on tentait de lui enseigner : avec Verena, elle avait trouvé quelqu'un à perdre, quelqu'un à défendre. 5:03 des Exaltés Que les Hauts soient témoins, que notre union soit gravée dans la Pierre mais je te prends aujourd’hui pour épouse, Khaiki Keltarr. Dans la mort comme dans la vie. . Quelqu'un à aimer, également. L'évidence ne demeura pas longtemps ignorée et, à vrai dire, ni l'une, ni l'autre ne ressentaient réellement l'envie de réfréner leurs sentiments : elles n'avaient rien à perdre et, au contraire, tout à gagner. Khaiki retrouva au contact de son amante un véritable désir de vivre et défendre sa place ; Verena, quant à elle, confia un peu plus ses émotions à sa partenaires et ses sourires, à leurs camarades. Cet amour naissant mais voué à devenir profond permit aux deux légionnaires de trouver une nouvelle place dans leur groupe : et l'ancienne servante put, « enfin », monter au front, et servir la Pierre comme elle le devait. Aurait-elle aimé partager pareille expérience avec quelqu'un d'autre que l'élue de son cœur ? Sûrement pas. Pas plus qu'elle n'aurait voulu vivre les pertes et les victoires sans elle, puisque personne d'autre n'avait pareil don pour donner l'envie de regarder devant ; à quoi l'intéressée répondait que personne d'autre que son aimée n'arrivait à parer cet avenir de couleurs et de joie. Avec pour cadre toute cette horreur qu'étaient les Tréfonds éternellement envahis d'engeances, cette Pierre souillée par leur malice, les années qui suivirent ne furent pourtant que idylle et bonheur qu'il leur fallait encore sceller… Les deux femmes s'isolaient parfois du groupe pour explorer elles-mêmes des boyaux que leurs statures leur permettaient, seules, d'atteindre : elles y faisaient alors des découvertes qu'elles n'avaient à partager à personne d'autre, une intimité qu'elles volaient au temps… Un jour, leur expédition cachée les conduisit toutes les deux dans les ruines d'un ancien thaig magnifique - l'érudit de leur groupe les avait situés sous le royaume humain du Nevarra -, et, sous la statue d'un haut que Verena déchiffra être un dénommé Keltarr - dont l'histoire était connue des seuls Façonneurs désormais -, elles trouvèrent de magnifiques anneaux dont deux allant parfaitement à leurs doigts. Sur une idée de Khaiki, les deux femmes échangèrent vœux et alliances au pied de cette impressionnante figure, prenant chacune son patronyme pour nom marital, avec pour seule témoin la Pierre ; de toute façon, pour le reste d'un monde qui n'existait plus plus à leurs yeux, elles n'étaient plus qu'un cairn sans nom. 5:07 des Exaltés : J’oublie que vous, les Nains d’Orzammar, n’avaient jamais connu la Surface… quel dommage. Jamais je n’aurais accepté ma mort dans les Tréfonds si je n’étais pas assez fou pour oublier la caresse du soleil . Pourtant ce monde extérieur, que les légionnaires oubliaient si facilement, se rappela à eux avec force : en cette année particulière, nombreuses et nombreux furent les Gardes des Ombres qui descendirent dans les Tréfonds, eux qui marchaient au crépuscule de leurs vies et elles, au son du dernier Appel. Une forme de folie que l'ancienne domestique reconnaissait comme celle de sa mère, sans qu'il n'y ait de rapport, et qui la touchait particulièrement : elle passa des soirs entiers en leur compagnie pour écouter leurs histoires sur la Surface et découvrir ce monde qui lui échappait tant. Elfes, Humains, magie, immenses royaumes, guerres… Tant d'images nouvelles résonnaient avec les contes de son enfance sur les Soeurs du Silence. Sa compagne, elle, dédaignait un peu cet univers qu'elle avait connu pour être aussi mauvais que le leur, mais restait tout de même pour partager ces instants avec son aimée. Certains mots, aussi, l'avaient intriguée : dans leurs rares moments de lucidité, les damnés évoquaient le fait que les engeances se montraient un peu plus proches de la surface, ce que la Légion des Morts interprétait sans peine comme un signe d'un Enclin à venir. La nouvelle travailla Khaik au plus profond de ses entrailles : après tout, si leur combat dans les Tréfonds se répétait pour l’éternité, ce n'était pas le cas des gens de la Surface. N'aurait-elle pas mieux à réaliser ? Ne vivraient-elles pas une vie plus désirable au contact de la société, avec autre chose que des combats ? La Pierre… n’accepterait-Elle pas de ses plus dévotes filles qu’elles consument cette amour qu’Elle solidifiait chaque jour ? Animée par ces nouvelles perspectives d'avenir, elle convainquit son épouse de rejoindre la Garde des Ombres au passage nouveau d'une de leurs compagnies. Main dans la main, les épouses avalèrent ensemble leur immonde mixture, et Khaiki s'effondra la première au sol - sans même savoir si elle vivait encore… Elle rouvrit pourtant les yeux, sur ce qui lui sembla être un instant plus tard, et sur un monde dans lequel Venera ne serait jamais plus : l'Union avait eu raison d'elle. Des jours durant, la désormais veuve fut inconsolable, ne permettant à personne d'approcher d'elle, refusant la réalité : lorsqu'elle reprit un début d'esprit, la nouvelle garde ne supportant tout simplement plus de rester dans les Tréfonds, rejetant cette mère de Pierre qui les avait trahies. Elle ne voulait plus de cette vie-là qui lui rappelait trop de rires, qui lui rappelait que c'était elle qui avait son amour de passer à l'acte : elle qui était à l'origine de sa mort. Khaiki monta donc à la Surface pour laisser à jamais derrière elle Verena et, avec Verena, la Pierre. 5:13 des Exaltés Les années s’enchaînent et m’éloignent toujours plus de toi… Oh, Verena : comment pourrais-je vivre dans un monde où ton souvenir même m’échappe ? . Veuve, la Naine ne marchait désormais qu'avec pour seul compagnon le deuil : son visage portait éternellement son appartenance à la Légion des Morts et sa main ne se séparait plus de son alliance. Il fallut des années pour accepter de prononcer de nouveau son prénom et sourire aux railleries déchirait son visage et déformait son corps meurtri. Avec sa gentillesse qu'elle n'avait jamais réussi à abandonner, et ses bonnes intentions qu'elle aimait toujours dispenser venait une mélancolie, lourde et brillante : elle avait tant aimé ses qualités que les dispenser pour d’autres devenait trahison. La Surface, pourtant, était extraordinaire de nouveautés, tout comme elle en était effrayante. Verena l'avait pourtant prévenue que le ciel s'étendait si haut qu'on avait l'impression qu'il allait l’aspirer ; Verena l'avait prévenue que le temps changeait tout le temps et qu'il pleuvait, ventait, mordait, sans jamais laisser personne tranquille ; Verena l'avait prévenue que les royaumes étaient si grands qu'ils contenaient mille fois plus de nobles véreux, d'organisations crapuleuses et de gens malheureux. Maintenant, Khaiki le constatait et ne pouvait que donner raison aux sages paroles de celle qu'elle avait laissée derrière et avec laquelle elle aurait tant aimé vivre ces découvertes. Il ne lui restait que le souvenir et, avec ce souvenir, revenaient ses mauvaises habitudes : comme la Naine avait eu des difficultés à trouver sa place, seule, au sein de la Légion des Morts, la Garde des Ombres ne lui réserva pas un sort différent. Son nouveau serment n'acceptait cependant aucune rupture. Depuis une paire d'années, maintenant, Khaiki était affectée à la Commanderie de Starkhaven, au service d'une Commandeure-Garde qu'elle respectait profondément. Quand Senaste lui proposait de monter garde de rang au vu de son expérience passée, la Naine rejetait catégoriquement l’offre : voilà une responsabilité qu'elle ne pouvait supporter, elle qui avait perdu trop cher… Cela en valait-il le prix, ou avait-il seulement été nécessaire ? Éprise de doutes quant au sens de son rôle, la Naine avait nombre de fois erré dans les rues de la Cité-État, sans but, juste pour que le temps passe ; aux jours les plus sombres, elle priait qui l’entendait pour que l’Appel la délivre… Jusqu'à tomber, une fois, sur l'entraînement aux armes de deux bourgeoises. À la question d'y quoi servaient leurs passes malhabiles, elles répondirent qu'elles n'avaient pas l'argent pour payer le Droit d'Enceinte mais voulaient garder leurs maisons et la protection des murs pour leurs familles ; elles firent aussi mention d'un groupe qui se montait pour lutter contre les engeances, du nom de Guet de Starkhaven. Et maintenant que l'Enclin menaçait les portes de la cité, la légionnaire pouvait admettre qu'une telle initiative avait tout son intérêt et devait être encouragée. Les raisons de son nouvel engagement.