Chronologie 22 Longnuage, 4:88 des Ténèbres Naissance, qui privera tragiquement le manoir Irvine de sa maîtresse. Du haut de ses cinq ans, la petite Eanna rayonne tant qu'on la prend déjà pour le reflet parfait de sa mère, en beauté comme en calme et en intelligence. La Belle de Starkhaven n'attendra pas de connaître son épithète pour être sur toutes les lèvres convenables.4:93 - 4:99 Eanna grandit dans un foyer aussi protecteur qu'étouffant. Son père exige d'elle un comportement irréprochable qu'elle revêt bien volontiers, et se plie à toutes les restrictions qu'on lui impose ; après tout, c'est ce qui lui permet de tenir son rôle de Belle, mais également de fille fidèle à sa mère. Eléonore, de son côté, ne montre pas autant de complaisance envers la dureté de leur père. Si le caractère difficile de sa sœur n'empêche pas Eanna de l'aimer, elle tire une satisfaction presque orgueilleuse de sa meilleure réputation auprès de la Cour, ainsi que d'être la seule à récolter les - rares - signes d'approbation d'Ardal.Automutilation, Suicide 4:99 - 5:03 Pourtant, un mal-être grandissant noircit l'épanouissement de la Belle. Bien qu'elle suive aveuglément les instructions d'Ardal, en parfaite petite reproduction des soldats dont il manipule les mouvements à la table du Conseil, elle ne parvient pas à se sentir à sa place , et toute l'adoration qu'elle reçoit des douces dames et des gentilhommes de la bonne société n'est plus suffisante pour la soulager. Son mariage organisé avec Tiarnan, qui devrait la combler d'aise, prend des airs d'épreuve tandis que les jours défilent, et se gâte avec l'aigreur des fausses justifications. Il faudra que Kendric Vael, revenant sur sa parole, fasse éclater cette union idyllique pour que son tourment soit exposé aux quatre vents. Ardal entre dans une telle colère que toute sa maisonnée en pâtit. Les tensions avec Eléonore prennent une nouvelle ampleur ; quant à Eanna, découvrir dans ces circonstances que le merveilleux mariage qu'elle s'imaginait taillé à sa mesure n'était, en réalité, que le résultat d'anciens accords passés avant sa naissance achève de briser les fils frêles qui tiennent son esprit sur pied. Privée de maintien, de but, elle s'affaisse sur elle-même : sa tendance progressive à se lacérer la peau avec son aiguille se transforme en véritable tentative de suicide. Eléonore la retrouve dans sa chambre, inconsciente, mais heureusement pas encore mourante ; grâce à cette intervention rapide, sa jeune sœur réchappera d'un sort funeste. S'être approchée si près de la mort, toutefois, a définitivement perforé sa foi chantriste, d'un coup de froide réalité par où s'infiltre le néant.5:03 - 5:04 Après avoir sauvé sa sœur, Eléonore disparaît. Eanna se remet très doucement, sous les yeux d'un Ardal soudain moins sourd à ses plaintes. Il lui concède certaines largesses, plus de souplesse pour alléger sa convalescence. Sa famille maternelle, issue de Wycome, obtient le droit de la visiter, puis de la ramener avec elle pour un séjour côtier qui lui fera le plus grand bien. Loin de ses obligations de fille d'Irvine et de Belle de la ville, Eanna fait connaissance avec une liberté qui lui était jusqu'à présent inconnue. Ce bref répit sera pourtant de courte durée : son père la rejoindra au bout de quelques mois pour lui présenter ce qui, chez lui, s'apparente le plus à des excuses. Ils s'en retourneront à Starkhaven peu de temps après, forts d'une nouvelle relation qui, si elle n'est peut-être pas encore saine, satisfait Eanna. Pour l'amour de son père, elle accepte d'endosser une fois de plus la parure de la Belle.5:04 - 5:12 Devoir exister derechef selon le regard d'autrui, qu'il s'agisse de son propre père - tout contrit qu'il soit - ou de la noblesse circonspecte de Starkhaven, n'est pas des plus agréables pour Eanna. Vaillamment, elle se fait violence, mais menace de replonger dans ses penchants, et y remet un pied à plus d'une occasion. Quelque chose de meurtri au fond de sa poitrine se débat, la retient toujours loin du précipice ; alors, faute de pouvoir vider ses veines jusqu'à éteindre la peine, elle déverse son encre sur ses poèmes. L'envie lui vient de publier sous un pseudonyme - simplement pour voir comment les gens accepteraient son travail s'il leur parvenait dépouillé de l'aura de la Belle. Ainsi naît « le Paon », alter ego masculin qui remporte bien vite l'affection des amateurs de vers et des bien-nés des salons bourgeois - quoique son émotivité marquée, à la frange de l'exagération, interloque parfois. Cette popularité neuve, tout à fait différente de celle qui répond au nom de la Belle, lui procure la même sensation de fraîcheur que les brises marines qui ont ragaillardi ses poumons à Wycome. Eanna se perd dedans, trouvant là un exutoire au mal qu'elle ne peut plus, ne veut plus expurger par le sang.
5:12 Le Grand Tournoi arrive, et avec lui la dernière personne qu'elle aurait cru retrouver : Eléonore. Cette dernière revient à la maison après des années passées chez les mercenaires des Dragons ; jamais Eanna n'aurait cru que sa sœur était juste là, cachée sous ses yeux, si proche. Les retrouvailles demeurent étranges : tant de temps s'est écoulé, tant d'eau a coulé sous les ponts ! Elles ont changé. Et en même temps, pas tout à fait : Eanna reconnaît le caractère fougueux de sa sœur, aussi inébranlable que sa volonté, et se heurte encore à leurs différences fondamentales sur les sacrifices qu'elles sont prêtes à réaliser pour être reconnues à leur juste valeur. Mais Eléonore, bel et bien, a changé. Elle revendique son ascendance, trouve le moyen de réparer les ponts avec son père ; la cadette s'en serait félicitée, si cela n'avait pas nécessité que ses deux parents ourdissent une rébellion à l'encontre de Kendric Vaël. Si, bercée par la rancune d'Ardal, Eanna ne porte pas le prince vieillissant dans son cœur, elle préfère se maintenir loin de la gangrène qui secoue l'élite de la ville. Son attention se porte sur l'administration des sujets de son père, trop prisonnier de ses velléités pour répondre aux angoisses montantes et à la promesse sinistre de l'Enclin. Par son indifférence, et sa docilité, Eanna laissera courir des manigances dont elle se prendra, plus tard, à regretter de n'avoir osé y mettre un terme.5:13 Ce qui devait arriver arriva. Le complot d'Eléonore et d'Ardal meurt presque né, anéanti par le soutien remarquable - mais finalement guère surprenant - que la cité, des plus prestigieux aristocrates aux plus modestes roturiers, affirme envers son souverain. Le coup d’État bascule sous la cavalcade d'un mouvement de foule mortel, non seulement pour ses malheureux témoins, mais aussi pour ce qu'il reste de la réputation des Irvine. Eléonore renoue avec ses vieilles habitudes en quittant définitivement leur foyer ; quant à Ardal, il croupit désormais en prison, disgracié aux yeux de celui qui fut jadis son allié, sinon son ami. La solitude qui s'impose à Eanna, tant par l'abandon de sa famille que par la décision implacable de la justice, la sépare de sa seule échappatoire, cette discrète identité du Paon qu'elle se retrouve à cultiver dans le secret de sa grande demeure scellée, ruminant tour à tour peur, colère, sentiment d'injustice, de vengeance et de désespoir. Les semaines passent ; la Belle finit par trouver grâce dans l’œil princier, et on lui accorde de conserver la main sur les terres et les biens des Irvine. Désormais seule maîtresse d'un patronyme dépourvu d'honneur, une Eanna frappée de part en part par le sort se retrouve face à une tâche semble-t-il insurmontable : reconstruire, non seulement sa vie, mais aussi son nom. C'est là l'occasion rêvée d'embrasser les espoirs les plus vains qu'elle nourrissait sous le carcan des convenances ; mais n'échappe pas à son devoir qui veut : l'on attend toujours d'elle qu'elle se marie. À qui donc, alors que l'Enclin approche pour briser Starkhaven entre ses doigts grêles ? N'aurait-elle pas mieux à agir, à accomplir, que de songer à la fructification de titres bientôt creux et de terres bientôt souillées par l'engeance ? Se dévouer à la tâche au Couvent, afin de renouer avec ses affinités de gestionnaire, lui offre une distraction bienvenue, et un moyen de temporiser. Elle a encore tant à réfléchir, mais le temps ne lui en laisse pas l'opportunité...