A broken soul sickening for help / Miche
C’est en sortant enfin la tête de la demeure de son épouse que Dorne pouvait observer le temps qu’il faisait dehors. Une nuit dont les éclaircis et les rares nuages offraient une certaine visibilité grâce aux étoiles et à l’astre lunaire. Pour notre érudit, c’était exactement ce qu’il lui fallait. La nuit, les gens ne risquaient pas d’être de sortie en masse. Ils ne risquaient pas non plus d’être agités ou de s’intéresser à un inconnu qui sortait pour la première fois depuis quasiment trois années. Non, rien de tout cela, juste le calme silence d’une ville qui dormait. Un soupir de soulagement s’échappa de la bouche du troisième fils des Wiergender qui embarqua son petit sac de transport avant de quitter sa demeure et s’en aller avec une marche rapide. L’objectif restant de ne pas attirer l’attention de quiconque. Il fallait donc ne pas rester trop longtemps au même endroit et aller vite, mais pas trop afin de ne pas paraître suspect. Agir pour ne pas être vue, voilà la première chose qui brouillait l’esprit de notre protagoniste… La seconde chose, elle, était l’Enclin. Voilà quelques jours, depuis l’envol de l’Archidémon, que Dorne n’avait d’yeux que pour cela. Le reste de son esprit qui n’était pas occupé à agir silencieusement s’engouffra donc dans cet objectif : Comment aider à lutter contre cette tragédie? Chacune de ses tentatives d’être utile à la société s’étaient retrouvée être des échecs. Il n’avait jamais rien accompli, jamais rien fait, jamais été utile. Pourquoi cela changerait-il maintenant, se demandait une petite voix dans son cœur? Car il le fallait, pour que d’autres peuples ne souffrent pas. Pour que Névarra, ne souffre pas. Chacun, après tout, avait le droit à un avenir meilleur, et c’était ce qu’espérait apporter le noble, en voulant agir pour tous. Mais voilà, cela ne changeait pas la problématique initiale: Comment? Devait-il se battre? Il n’a aucunement l’étoffe d’un guerrier, même s'il en a été un quelques années. La recherche? La stratégie? Des axes qui semblaient déjà bien plus en adéquation avec ce dont il était capable. Mais voilà, les mêmes questions et les mêmes craintes se bousculaient dans sa tête depuis cet envol… Et les doutes ne disparaissaient pas. Cette sortie n’aidait pas, finalement. Peut-être en trouvant l’inspiration d’une quelconque muse ou par une quelconque aide pourrait-il alors se décoincer… Mais pour le moment, rien.
Plusieurs bruits sortirent enfin Dorne de son état de rêveur. Des cris, des régurgitations, des prises de tête. Sortant son corps d’un état végétatif, l’érudit s’arrêta alors. Où diable était-il? Combien de temps avait-il marché avant de finalement s'arrêter? Il ne reconnaissait rien du tout. Après tout, il n’avait jamais pris le temps de visiter Starkhaven, depuis son mariage arrangé. Sa vie n’était qu’une brume de vide sans aucun souvenir. Ainsi, hormis les quelques mètres autour de sa maison et sûrement l’entrée de la ville, Dorne pouvait aussi bien se situer devant n’importe quel bâtiment qu’il n’aurait aucune idée de sa fonction ni de son propriétaire. Mais alors, s'il ne savait même pas comment il était arrivé ici, comment pourrait-il retrouver sa propre demeure? La non réponse à cette question commença à angoisser le troisième fils des Wiergender dont la respiration se fit plus asynchrone.
- Stupide, stupide, stupide, stupide…. Stupide…
Répéta alors rapidement Dorne sans s’arrêter à voix basse. Comment pouvait-il se penser intelligent mais être capable de telles âneries? Siegfried avait peut-être raison, comme à chaque fois… Peut-être n’était-il réellement qu’un bon à rien? Alors que cette pensée déprimante rongea l’esprit du Névarran, ce dernier jeta un coup d’œil circulaire depuis sa position. Il y avait des gens autour, il ne pouvait donc pas se permettre de rester trop longtemps immobile. Cela risquerait d’attirer l’attention, et il ne le voulait pas. Essayant de se calmer un peu, l’érudit se dirigea vers un bâtiment qui avait attiré son regard. Quelque chose d’assez classique mais qui semblait malgré tout dégager une certaine classe… Mais aussi quelque chose d’étranger pour notre protagoniste. Son regard se posant alors sur le nom du bâtiment, éclairé heureusement par les étoiles, ne demandant pas au Névarran de trop plisser les yeux : Le Laurier Carmin… En essayant de se creuser la tête, Dorne n’en dénicha tout de même aucune information. C’était triste, mais il ne connaissait vraiment rien à cette ville alors qu’il y vivait. Et s' il ne savait pas devant quel établissement il se trouvait, on arrivait au même point de départ : Impossible de s’orienter. S’éloignant un peu, l’érudit se demanda alors quoi faire. Demander à quelqu’un? Au vue de l’état éméché des gens, il ne risquerait pas d’avoir des informations concluantes… Et puis, ne risquerait-il pas de paraître ridicule d’ainsi demander son chemin à une heure aussi tardive? Si il y avait bien une chose que Dorne ne voulait pas subir, c’était bien une énième humiliation, il en avait de trop nombreux souvenirs…
Malheureusement pour le troisième fils des Wiergender, tergiverser trop longtemps sans agir au beau milieu de la nuit n’était pas du tout discret. En se déplaçant, le noble s'était positionné assez proche d’un mur, mais trop loin d’une quelconque sortie, non loin du bâtiment qu’il avait observé ultérieurement. En approche, trois énergumènes qui semblaient bien éméchés et souhaitant soit en découdre, soit agir contre ce qui leurs semblaient être un squatteur étrangé. Quand Dorne se rendit compte de la présence de ces hommes, il était bien trop tard car il n’avait plus aucune option de sortie ayant un minimum de sécurité pour lui. Espérant qu’il ne soit pas la cible, l’érudit se recula petit à petit jusqu’à ce que son dos touche le mur d’une maison, fermant totalement toute échappée possible alors qu’il avait maintenant les trois hommes en face de lui. Une montée d’angoisse vint s'immiscer au sein de notre protagoniste qui essayait de respirer délicatement pour se calmer. Voilà trois ans qu’il n’avait pas eu d’interaction social, et le voilà face à trois personnes à environ un mètre de lui qui ne semblaient pas partie pour une discussion philosophique… Ils avaient chacun un air fatigué, mais portant des vêtements ayant un minimum de valeur. Peut-être des bourgeois, se demanda alors le jeune homme? Si c’était le cas, il n’avait rien à craindre, après tout ils étaient normalement entre personnes civilisés non?
- Alors… Votre noble seigneurité Névarran c’est perdue en plein Starkhaven? C’est dommage hein? S’exprima alors le premier homme, celui qui semblait dominer le groupe. Que ce soit en taille ou en alcoolémie au vue de l’odeur.
- ça, un noble? On dirait pas au vue de sa façon de s’habiller. Plaisanta le deuxième dans un ricanement stoppé net par une quinte de toux.
Dorne ne fit même pas attention à la remarque du deuxième homme, non. Il ne le pouvait pas. Son regard n’arrivait pas à se focaliser sur une seule personne, déplaçant son iris dans plusieurs directions pour essayer de faire comprendre à son cerveau la situation critique dans laquelle il se trouvait. De la, il n’arrivait plus à contrôler sa respiration qui s’accélera pour essayer d’alimenter le corps d’un oxygène dont il n’avait pas besoin pour essayer de se calmer. Une boule commença à se former dans l’estomac de l’érudit qui ne savait pas quoi faire. Il n’avait aucune réelle possibilité d’actions. La fuite serait donner l’occasion parfaite pour se faire arrêter net et tabasser. Lui-même n’avait pas pris son épée, et même si c’était le cas à quel moment allait-il s’en servir en espérant que la finalité soit positive pour lui? Et combattre? En infériorité numérique en ayant jamais été une foudre de guerre? Même à l’armée il avait, après tout, toujours été le plus faible, et de loin… Alors que l’esprit de Dorne abandonna quelque peu la réalité, quelque chose vint lui remettre les pieds sur terre. Le premier homme claqua sa langue pour faire taire les deux autres, visiblement irrité par la remarque. Leurs mouvements étaient un peu plus lents que chez une personne lambda, mais cela était sûrement dû à l’alcool.
- Hey, mec, c’est à toi que je parle. Qu’est ce que tu fous ici? Tu as perdu ta langue? S’exprima de nouveau le chef de file, s’étant approché pour ne laisser que quelques centimètres séparer le petit groupe de Dorne.
Trop près. Ils étaient beaucoup trop proches pour Dorne. Des personnes menaçantes, juste devant lui. Impossible de leur répondre correctement… Les souvenirs douloureux de Siegfried, Godric et du reste de la famille lui inculquant les valeurs de respect et de forces revenaient en trombe. Ce jour où l’envie d’apprendre et l’innocence de l’érudit avaient été frappé fort et quasiment détruite par une famille à l’opposé de ce que lui, était. La douleur sur tout son corps après avoir été roué de coups. Le goût du sang dans la bouche à deux doigts de l’étouffer, la peau recouverte de bleu l’empêchant de bouger sans ressentir encore la douleur du coup, l’odeur de cendres et du fer et surtout le long mois de convalescence sans voir personne pour cette affaire de s’ébruite pas, ne s’ébruite jamais… Non, pas encore une fois se disait le troisième des fils dont la peur commençait à prendre le contrôle. Il ne voulait pas vivre de nouveau cela. Il ne voulait pas être de nouveau cet enfant qui n’avait même plus la force de pleurer tellement il avait mal. Il devait supprimer la peur, reprendre le contrôle. Il n’arrivait déjà plus à respirer correctement, mais il devait essayer de se relever avant que la situation ne lui échappe totalement. Inspirer le plus d'air possible. Bloquer dans les poumons, bloquer la peur dans les poumons. Tenir, il ne fallait pas qu’elle s’échappe. Expirer la peur. Non, ça ne marchait pas, la peur était toujours là. Refaire, vite. Peut-être que la peur n’avait pas entièrement été éliminée pensa Dorne? Inspirer. Bloquer la peur. Expirer. Bon sang, pourquoi la boule était maintenant encore plus lourde sur l’estomac, pourquoi avait-il envie de vomir? Pourquoi n’arrivait-il pas à retirer cette peur? Incapable jusqu’au bout, voilà ce qu’il était. Comment pouvait-il à un seul moment penser aider autruis quand il était déjà incapable de s’aider soi-même?
Il sentit quelque chose contre lui, une main agrippant sa robe. Mais malgré cela, Dorne n’arrivait pas à retrouver pied avec la réalité. Ou peut-être ne voulait-il pas? Qu’est ce qui l’attendait, si il était incapable de réagir? Le relacherait-il? Sera t’il roué de coups jusqu’à ce que mort s’en suive, ou au moins auront t’il la sympathie de le laisser agoniser dans une ruelle sombre en pleine nuit? C’était tout ce qu’il pouvait bien mérité, lui, l’incapable, il ne manquerait à personne. Dorne l’inutile. Un puissant frisson le parcourut en pensant à une éventuelle mort. Il faisait froid, ou tout du moins, il semblait avoir froid. Ses légers tremblements n’aidaient pas la boule dans l’estomac. Sa vision, elle, se flouait quelque peu, des larmes étaient montées jusqu’à ses yeux brouillant sa vision. Étaient-ils toujours trois? Comme cela on aurait dit bien plus… La peur qu’il est amené plus de monde avec cette situation lui travaillait encore plus. Pourquoi, pourquoi était-il sorti? Voilà maintenant que ses jambes commençaient à lui faire défaut. Était-il devenu si lourd pour avoir l’impression qu’il allait chuter sur lui-même à tout moment, s’effondrer? Au moins s'il se mettait en boule, pourrait-il parer quelques coups vers la tête? Enfin, s'il voulait tomber, il faudrait déjà qu’il soit lâché par le chef de meute. Quelque chose qui le liait encore quelque peu à la réalité alors que son esprit avait de plus en plus de mal à suivre les choses. Devait-il crier à l’aide? En ouvrant la bouche, rien ne sortait. Pas un son, pas un bruit. Juste le pur silence brisé seulement par la respiration saccadé et difficile de Dorne. Respirait-il en vrai? L’impression d’un manque perpétuel d’air lui broyait les poumons.
Il avait besoin d’aide… Il avait besoin d’aide plus que jamais. Mais qui aurait donc l’envie de l’aider? Qui pouvait bien le voir alors qu’il était encerclé? Ce n’était définitivement pas lui qui en serait capable… Mais même si il avait arrêté de compter sur les autres, au même niveau que de compter sur lui, tout cela n’était plus du tout entre ses mains…
CT : 12
End : 16
For : 18
Perc : 15
Ag : 16
Vol : 18
Ch : 9
sickening for help
Les rues sont agitées, ce soir.
La peste qu’engendre l’ivresse désespérée gagne toujours plus de terrain, abat, ramollit les jambes, roue de coups. Voir ne sert plus à rien dans un tel chaos. Pourquoi voir la réalité insoutenable droit dans son infernal regard, pourquoi oser défier ces deux grands yeux flamboyants de mépris et rouges d’un sang qui coule, ou coulera ? Ce fardeau que doit porter le monde, ce même monde qui avancera malgré tout, avec ou sans nous. Une cause qui dépasse notre entendement ou notre simple statut de mortel qui ne vit pas même une ère. Les boyaux de la terre rongés par la corruption et le mal, qui recrache enfin à sa surface les prémices dégoûtantes d’une guerre inarrêtable, à laquelle il nous faudra faire face non pas pour sauver le monde, mais sauver notre propre peau.
Alors oui, boire pour oublier est nettement plus simple.
Le monde ne paraît pas aussi vertigineux lorsqu’il se cantonne au Laurier. Ces quatre murs, les quelques employées, la patronne et les chats. Voilà mon fardeau, mais c’est un fardeau plus supportable que des nations entières de couards, qui comptent sur les gueux pour sauver leur peau. Ou sur ses guerriers les plus fous.
Mais les rues sont agitées, ce soir. J’ai déjà rembarré un vieillard qui puait le cognac depuis l’autre bout de la rue, qui ne tenait pas droit et qui reniflait pour exprimer sa colère inarticulée que monsieur bredouillait, le poing brandi. Il ne faut pas grand-chose pour dissuader les trop saouls. Ce sont les plus simples, en général. Soit ils s’effondrent sur eux-mêmes pour s’endormir, soit ils titubent très facilement, tombent à même le sol, et ne se relèvent plus.
Non, les plus préoccupants sont les plus sobres.
L’épaule appuyée contre l’encadrement de l’entrée, les bras croisés, mon regard parcourt les alentours, en quête de menace. On déborde de clients, donc il faut trier à l’entrée. Ça a notamment engendré moultes indignations plus ou moins physiques, mais la soirée se tasse un peu, les ivrognes commencent à rentrer chez eux. Mais un mouvement inattendu s’effectue, de drôles de paroles atteignent mes oreilles.
“Oh y’a une baston là-bas !!”
Et les gens se déplacent, amateurs de dépravation et de malheur. Ils ne sont pas nombreux, mais disons qu’ils se précipitent vers l’attraction phare de la soirée tardive. Je les observe de loin, mais échappent à ma vigilance car ils contournent l’établissement. Merde, c’est pas loin du Laurier. Il vaudrait mieux que j’aille y jeter un œil pour éviter que ça dégénère, n’est-ce pas ?
Je me décolle lentement de l’encadrement en bois, enfonce les mains dans mes poches, m’y rends sur un pas lent, maîtrisé. La meilleure façon d’attirer l’attention est de ne pas suivre le rythme de la ville : aller vite si tout le monde est lent, aller lentement si tout le monde est rapide. Je garde un rythme modéré, l'œil imperturbable.
Et puis, à l’écoute d’un premier cri, un poing d’émotions percute mes côtes, écrase sans gêne mes poumons. Je me fige dans mon élan, les dents serrées, le regard agrandi de choc. Un mauvais pressentiment secoue mon corps, le fait tressaillir de frissons imprévus. Je reprends ma marche, après une longue inspiration. Le manteau d’effroi qui enveloppe mon corps virevolte au vent, me protège de n’importe quelle lâcheté, de n’importe quelle menace. Mes sens sont aiguisés, et ma violence aussi.
Je pousse, je bouscule, je tire en arrière ; une petite foule s’était rassemblée autour de l’affreux spectacle, et quel résultat : un jeune homme qui se ramasse des coups de pieds, inerte, les yeux grands ouverts. Une tenue modeste, mais pas non plus de tous les jours, aux motifs familiers. Une pénible sensation de familier, oui. Je l’observe un instant, ce gamin qui pense certainement que sa vie s’achève ce soir, avant de relever des yeux sombres sur les trois rigolos qui en ont fait leur amuse-gueule.
Je ne vais pas leur laisser le temps de causer, cette fois.
- « Quoi, toi aussi tu cherch– »
J’ai attrapé sa gorge. Je l’ai plaqué contre le mur. J’ai percuté son visage tordu à plusieurs reprises avec mes phalanges. Puis je le lâche, balance mon genou dans ses côtes. Et j’entends derrière moi un désespéré “Oh merde c’est le chien de garde du Laurier !” Un dernier coup de pied en plein dans son crâne déjà bien ensanglanté, et je me tourne vers le fuyard. Quelques pas de course suffisent à ce que je le rattrape, je propulse mon pied dans l’arrière de son genou pour qu’il tombe dans sa fuite. Parfait. Je lui empoigne les cheveux, le retourne, lui assène quelques coups en pleine face également. Quand les larmes et le sang se mélangent suffisamment, je me relève, pour planter mon regard meurtrier dans ceux tremblants du dernier, un couteau en mains.
- « Toi– Tu vas me– »
J’ai dit que je ne vais pas leur laisser le temps de causer.
J’attrape son poignet, le tord pour le désarmer facilement, et plante mon autre poing de toutes ses forces dans son ventre. Il recrache un mélange puant d’alcool, de sang et de bile, tombe sur ses genoux et ne quitte plus le sol. Je me redresse, ajuste mon veston, lâche le couteau et me retourne.
la foule se dissipe, car la foule me connaît. Peut-être pas un tel niveau de violence de ma part, en général je me contente de les assommer ou de les étourdir un peu, mais la foule me connaît, et sait qu’elle ne doit pas m’emmerder. Elle s’évapore dans les rues alentour, tandis que je m’approche du jeune homme recroquevillé par terre. Ses yeux sont grands ouverts, envahis de larmes. Son nez est en sang, mais à première analyse, rien de bien cassé. Son corps tremble, en position foetale, et si d’ordinaire je ne me mêle pas trop aux victimes – en général, je les laisse sur place –, un insupportable souvenir ne quitte pas mes yeux depuis tout à l’heure. Ce cri. Cette voix. Ces motifs bien trop familiers.
Je me redresse un peu, lui attrape les épaules pour le redresser lentement et l’asseoir. Avant de l’emmener en lieu sûr, il vaut mieux vérifier qu’il ait bien repris ses esprits. Et à constater ce regard effaré, mais presque vide qu’il pointe dans ma direction, je n’en ai pas l’impression. En même temps, à deux pas d’une possible mort, .. J’attrape son visage à deux mains, les yeux plantés dans les siens, masse les tempes d’un geste circulaire du pouce.
- « Eh. Respirez lentement. Vous m’entendez ? »
Pourquoi est-ce que les choses devaient se passer ainsi? Ne lui avait-on pas déjà suffisamment imprimé la douleur durant toute sa jeunesse? Était-il finalement si pathétique pour que même des alcooliques lui en veulent pour rien, si ce n'est peut-être juste être Névarran? Ou au mauvais endroit au mauvais moment? S'en était trop pour Dorne qui commença à laisser couler ses premières larmes face au trop plein d'émotions et d'angoisses qui lui serrait le cœur. Pourtant, aucun son ne sortait encore de sa bouche. Si on exclut la chair, le sang et les os, ce mutisme et ce quasi immobilisme entrecoupé de tremblements donnent presque l'impression d'une statue en pleur. Il devait sûrement avoir l'air pathétique, encore plus face à ce qui semblait être une foule qui se formait petit à petit derrière le groupe des trois alcooliques. Bon sang, lui qui voulait être discret, le voilà maintenant en train de se donner en spectacle contre son gré. Mais au moins allait-il pouvoir enfin réagir, mais pas de la plus douce des manières. Alors que son regard était encore floue de par les larmes, un violent choc vient le remettre momentanément sur terre. Un coup de poing qui lui avait été envoyé en pleine figure. Le noble sentit les différentes phalanges s'enfoncer à moitié dans sa joue tout en s'écrasant en partie sur son nez. Ce fût un certain déclic pour lui redonner la parole, même momentanément. Un puissant cri de douleur vint s'affranchir de ses poumons paralysés par la peur qui devait s'entendre sur plusieurs bon mètres malgré le brouhaha qui s'était formé. Peut-être aurait-il dû en profiter pour crier à l'aide? L'idée traversa l'esprit rapidement du troisième fils des Wiergender qui soupira alors mentalement. A quoi bon? Si quelqu'un avait voulu l'aider au vue des premières personnes déjà présentes, ne l'auraient-il déjà pas fait? Tout ceux qui vont se rajouter ne feront que profiter du spectacle, voir pire, rejoindre le lynchage public. Est-ce ainsi que finira donc la vie de ce noble érudit en quête d'aider les autres? N'aurait-il pas mieux fait, finalement de mourir ce jour lointain, pour sauver son frère?
La pression contre sa robe se fit moins forte. Au contraire même, il ne sentit plus rien, on l'avait en effet lâché juste après lui avoir assigné le coup de poing. Ce dernier avait dût abimer quelque chose puisqu'une légère senteur de fer se fit sentir dans les narines de Dorne, avec la sensation que quelque chose coulait. Il n'y avait que deux possibilités, du sang ou de la morve. Et vue l'odeur, cela ne pouvait être que du sang. Les choses recommençaient alors bel et bien. L'être vivant était-il si assoiffé de sang et d'humiliation pour recommencer cela à travers toutes les branches de la société? L'envie de vomir qui accompagnait notre protagoniste se faisait de plus en plus forte. Sa peur et son angoisse montent crescendo à la même mesure que cette scène ridicule. Les larmes présentes sur les joues de l'érudit tombèrent sur le sol au même moment que ses jambes ne furent plus capables de soutenir ce poids, comme si des fourmis avaient rendu ses piliers inefficaces. Pourtant, le bruit du sol et de ses pavés se ressentent, assez fortement même. Au moins cela était moins douloureux que le premier coup reçu. Baissant légèrement la tête, un mot, presque murmuré sorti de la bouche du troisième fils des Wiergender :
- Pourquoi...?
Ce mot, ce murmure, disparu presque au même moment qu'un nouveau coup de poing ne le percuta sur la tempe. Le propulsant alors un peu violemment contre le sol. Était-ce un réflexe de survie, ou une habitude? Mais Dorne réussit à protéger l'autre coin de sa tête en y mettant sa main, avant de s'écraser sur le sol et de se rouler en boule. Sa main avait sûrement pris un sale coup, ayant légèrement été écrasée par le poids et l'impacte du crâne du noble, mais c'était soit ça, soit l'impacte directe... Et cela aurait pût-être bien plus catastrophique pour notre protagoniste. Il aurait bien voulu dire quelque chose d'autre, demander de s'arrêter, crier une nouvelle fois, mais un méchant coup de pied dans le dos ne lui fit que siffler de douleur. C'était le moment, il allait prendre cher. Un coup de pied, puis un autre, et encore un. Sa robe n'était pas la chose la plus épaisse à porter ce qui rendait le coups plus direct sur sa peau qui subissait. A ce moment la, un autre mécanisme de défense vint à s'instaurer chez Dorne, comme si son esprit s'était tout simplement séparé de son corps pour ne plus rien ressentir. Comme pour laisser temporairement une coquille vide qui sanglotait, la seule trace qui montrait que ce corps vivait encore. Le regard vide, brouillé par les larmes. Le corps tremblant par la peur et l'horreur. Pourtant, quelque chose semblait enfin aller en la faveur du jeune homme. D'un coup, plus rien. Plus de coup. L'esprit revenant difficilement à lui se demandant ce qu'il se passait. Avaient-ils eu marre? S'étaient-ils déjà trop amusés de faire souffrir un pauvre érudit? Non, c'était trop dangereux de sortir de sa posture de protection. Et si c'était un piège pour qu'il s'ouvre un peu plus et mieux le frapper? C'était bien mieux d'être en boule, au moins il ne faisait rien, peut-être même qu'il en deviendrait invisible?
Le temps passait au ralenti. Les secondes semblaient d'interminable minute où plus rien ne se passait. Seul le goût et l'odeur du sang restait présent avec la douleur du corps. Étrangement, ces alcooliques tapaient peut-être fort, mais Siegfried avec une droite bien meilleure. Peut-être était-ce dû à son entraînement militaire commencé plus tôt? Son père aussi, cognait dur comme le fer, du même fer que ces chaussures d'ailleurs. Ce souvenir... Il espérait ne plus avoir à le revivre, mais hélas les choses avaient été différentes. Mais il devait tenir bon... Si ce n'était pas tenu pour lui-même, ce serait pour aider Thédas quand enfin il en aura l'occasion. Si jamais, il possède un jour cette occasion... Alors que les pensées sombres et lugubres traversaient le corps à moitié sans vie de Dorne, une puissante force vint à le relever par les épaules. La force était pourtant utilisée avec délicatesse, avant de s'asseoir tranquillement. Que ce passait-il? Voulait-on en finir avec lui en le remettant ainsi sur le ring de la rue? Une violente nausée vint à prendre les tripes de l'érudit qui espérait au moins être épargné du visage cette fois-ci, ou si possible être épargné tout cours. Il n'avait pas envie de continuer de souffrir, pas tout de suite au moins, il espérait pouvoir se reposer... Et du repos, que le Créateur soit loué, il allait en avoir il semblerait. Le troisième fils des Wiergender était maintenant assis un peu plus loin que la zone où son sang avait marqué le sol, sûrement en sécurité maintenant? Quelqu'un aurait finalement, parmi le public, décidé de l'aider? Rien que de penser à ce dénouement positif, penser que quelqu'un aura une fois dans sa vie agit à son avantage le fit de nouveau sangloter. Un sanglot silencieux cela dit, il ne voulait pas être une gêne ou une honte pour cette personne qui l'aidait.
Dorne avait relevé la tête en direction de son sauveur. Malheureusement, avec les yeux embourbés de larmes il était difficile pour lui de vraiment donner une image pour le moment à cette personne. Une chose étant sûre, il avait l'air imposant, fort, et pas le genre de personne qu'il fallait emmerdé normalement. Et cette personne était venue l'aider, lui? Qu'avait-il fait pour mériter enfin cela? D'un coup, l'érudit sentit les deux mains de l'homme agripper la sienne, laissant place à un hoquet de surprise. La situation avait quelque peu brouillé son horreur des contacts physiques, mais cela restait tout de même comme un système de défense automatique pour le jeune noble. Leurs regards s'étaient maintenant croisés, il se sentait observé, mais en bien ou en mal? Difficile de vraiment le savoir sans réussir à bien analyser le visage de son sauveur. L'érudit ressentait maintenant une pression au niveau de ces tempes. Bien que la douleur de la partie frappée rendait le tout vraiment peu agréable, la sensation de détente qu'il ressentait commencèrent enfin à agir, le tout couplé à sa première sensation de sécurité depuis... Depuis bien des années. La boule dans l'estomac se faisait de plus en plus légère, disant aussi adieu aux nausées et envie de vomir. La sensation de froid et l'envie de grelotter diminuent tout autant. Les larmes se tarissaient elles aussi. Pour accompagner l'aide de son sauveur, Dorne reprit son exercice pour retirer la peur. Inspirer, bloquer la respiration, bloquer la peur, expirer. Et ça fonctionnait enfin. La peur partait. Et avec elle, l'angoisse.
Ayant retrouvé un état plus proche du normal, le troisième fils des Wiergender pue entendre les paroles de l'homme en face de lui, demandant alors de respirer lentement en s'inquiétant s' il l'entendait. Oui, il avait repris usage de ses sens. En essuyant ses yeux remplit des restes de larme, il essayait tout ce qu'il pouvait. La respiration était correcte. Ses yeux étaient en bon état. Il continuait de sentir et de goûter le sang dans sa bouche c'est que tout fonctionnait. Et surtout, il sentait les doigts de son sauveur lui masser les tempes... Lui masser les tempes? Un léger regain d'angoisse reprit le jeune homme se rendant enfin compte qu'il était face à un contact physique, qui, même s' il était fait pour l'aider, l'inquiétait. C'est avec une voix cassée par l'émotion qu'il répondit.
- Euhm, oui, je... Je vous entends. Dorne se mordit alors doucement la lèvre pour contrôler sa voix. Pourriez vous... Pourriez-vous vous reculer un peu, s'il vous plaît?
Dorne espérait ne pas agir avec indélicatesse, mais il ne pouvait aller à l'encontre de ses craintes maintenant qu'il avait reprit conscience. Il attendit alors de retrouver son cocon personnel avant de soupirer de soulagement. Voilà, enfin, toute trace de peur et d'angoisse semblaient avoir disparu, ou n'être qu'une légère nuisance si on comparait à cinq bonnes minutes avant. En donnant un meilleur regard sur son sauveur, l'érudit se rendit compte de la force que dégageait cette personne. Pas étonnant qu'il semble avoir ainsi démonté ces trois agresseurs. Même avec une épée, il aurait été très peu probable que Dorne ne souhaite l'affronter. Même avec deux. Ou une arbalète avec cent mètres d'avantages. Mais une chose était sûre, c'est que c'était lui, qui l'avait sauvé. Et il méritait tous les remerciements possibles.
- Je... Je vous remercie. J'avais vraiment peur de finir ainsi ma vie dans cet endroit. Je vous dois la vie.
Dit alors le jeune homme en inclinant la tête avec respect. Même s' il n'avait pas été le meilleur fils noble, d'après ses parents, il espérait savoir suivre certains protocoles encore à la lettre. Époussetant sa robe, le troisième fils des Wiergender observa l'état dans laquelle cette dernière était, elle comme sa sacoche ou son blason. Au moins n'avait-il rien perdu de valeur... Se rendant compte qu'il ne s'était pas présenté, l'érudit secoua rapidement la tête avant de reprendre.
- Oh, d'ailleurs, je me présente. Dorne, Dorne Wiergender. A votre service! Une légère noirceur emplit rapidement le regard du noble qui murmura alors à demis mots. Enfin, si j''y arrive... Avant de reprendre avec une voix un peu plus enjouée et audible. Si jamais j'ai l'occasion de repayer la dette que je vous dois, n'hésitez pas à me demander quoi que ce soit.
La voix était toujours quelque peu tremblante, comme une séquelle de cet épisode terrifiant pour l'érudit, mais au moins il y avait plus de peur que de mal. Enfin, c'est ce que pensait le noble, avant de sentir encore un peu de sang couler de son nez jusqu'à sa bouche, offrant un goût toujours aussi ferreux. Essayant ce dernier avec la manche de sa robe, Dorne ne donnait toujours pas une très belle image de lui, encore plus pour être normalement quelqu'un "de la haute", mais au vue de son état, c'était bien le dernier de ses soucis à l'heure actuelle. Tout ce dont il avait besoin, c'était d'un peu de repos, et quelque chose pour retirer ce qu'il avait en bouche de désagréable. S'aidant du sol et de tout ce qui était possible autour de lui, le troisième fils des Wiergender se releva alors, ses jambes semblant fonctionner de nouveau, bien qu'un peu tremblotantes. Il risquerait de garder quelques séquelles encore quelques heures, voire même quelques jours... Mais c'était encore une fois toujours mieux que la mort. Essayant d'afficher un sourire délicat, notre protagoniste vient à gratter le derrière de son crâne avant de reprendre, légèrement intimidé.
- Merci encore... Il faudra vraiment que j'essaye de faire plus attention pour ne pas retomber sur ce genre de situations à l'avenir...
CT : 12
End : 16
For : 18
Perc : 15
Ag : 16
Vol : 18
Ch : 9
sickening for help
Ce visage. Bon sang, ce visage.
Je connais ces yeux enflés, ce nez qui coule, ces cheveux défaits, cette peau pâle et creusée. Ces cernes qui tombent jusqu’aux pieds. Mais surtout, cette foutue résignation. Une envie maladive, presque folle à force, de le secouer, de le réprimander sur le ton de la colère inquiète, de l’endurcir de force pour que ça ne se reproduise plus jamais.
Je ne me laisse pas aller aux aléas de l’infernale nostalgie, mais un détail n’a pas échappé à mes yeux. Un seul. Et je me maudis de l’avoir aperçu, clair comme la lune pleine dans le ciel le plus obscur. Des armoiries brodées sur sa tenue, familières. Beaucoup trop familières. Je chasse ces affreux souvenirs de ma mémoire. Me concentre sur le présent.
Difficilement.
Il reprend ses esprits petit à petit. Une bonne chose. Oui.
- « Euhm, oui, je... Je vous entends. Pourriez vous... Pourriez-vous vous reculer un peu, s'il vous plaît? »
Putain, c’est vraiment lui.
Je raffermis mon regard, mes mains, le parcours rapidement des yeux, de sorte à ne pas croiser les siens. Je hoche de la tête lentement, soudainement frappé par les conséquences du présent. Réaliser qu’aux yeux du passé, on n’est qu’un étranger désormais. Une amertume nécessaire. Une opportunité qui ne se reproduira pas.
Je m’éloigne, me relève. Je garde malgré tout un œil sur lui, même si j’aurais aimé pouvoir simplement disparaître. Éviter des drames inutiles, ne plus empoisonner la vie des autres. Mais je suis là, et du peu que j’ai vu, il ne tiendrait pas la nuit si je le laissais en plan maintenant.
Allons, c’est un adulte, maintenant. Il a grandi.
- « Je... Je vous remercie. J'avais vraiment peur de finir ainsi ma vie dans cet endroit. Je vous dois la vie. »
J’attarde mon regard sur lui, hoche de la tête lentement. Pensif. Trop pensif. Il avait peur. Evidemment qu’il avait peur. Le jour où il comprendra que la bravoure n’est que le fidèle époux de la peur, .. Je peste en silence, observe autour de nous. Personne. Tant mieux.
J’hésite à tendre la main pour le redresser. On ne peut pas non plus s’attarder ici, mais bon. C’est vrai que .. non rien. Une main agacée passe dans mes cheveux, puis dévale sur ma nuque, tandis que le regard fuit vers le Laurier. Il va vraiment claquer si je le laisse là.
- « Oh, d'ailleurs, je me présente. »
Je sais qui tu es.
Le reste de ses propos pompeux ne me parviennent pas. Je tourne les talons, guette les alentours, enfouit une main dans une poche. Il faut vraiment pas que je traîne ici. Mais en même temps, je ne vais pas le laisser paumé ici. .. Qu’est-ce qu’il fout ici, d’ailleurs ?
Lorsque je repose un œil furtif sur lui, le voilà à s’étaler du sang sur la figure. Je soupire pour de bon, sort un mouchoir de ma poche pour le lui tendre en silence.
Dorne.
…
Il se relève discrètement, comme si de rien n’était, et se voile la face. Ses traits sont plus tirés, plus carrés, ses cheveux sont plus courts, ses yeux ont rétréci au lavage sûrement. Son sourire mal à l’aise est toujours aussi tordu, d’ailleurs.
- « Merci encore... Il faudra vraiment que j'essaye de faire plus attention pour ne pas retomber sur ce genre de situations à l'avenir… »
Je hausse des épaules, évitant son regard. Allons. Il était jeune. Il ne se rappelle probablement pas. Je souffle du nez, indécis. Les poings sur la taille, je le toise à nouveau de la tête aux pieds, constatant l’état de son nez en sang. Le tremblement de sa voix. Je me pince mentalement l’arête du nez en dépit, pointe du pouce le Laurier derrière nous, non loin.
- « Suivez-moi. Je vais voir ce que je peux faire pour votre nez. »
Miche, espèce de con. C’est un adulte. Il sait se débrouiller. Tu vas te mettre dans la merde.
Mais ..
Tout cela semblait si irréel pour Dorne. Dire qu'il se pensait foutu il y a seulement quelques minutes alors qu'on était en train de le frapper violemment au sol... Et le voilà maintenant sain et sauf. Enfin, si on pouvait qualifier quelqu'un qui saignait du nez, qui serait sûrement recouvert de bleue le lendemain sortant à moitié d'une crise d'angoisse de "Sain". Et encore plus de "Sauf". Cette crise d'angoisse, elle, ne pouvait pas partir sans reprendre un petit peu plus d'espace personnel, et bien qu'il avait peur de blesser potentiellement la personne qui venait de lui sauver la vie de "reculer", ce dernier l'avait fait. Ses yeux fonctionnaient mieux maintenant, sans le torrent de larmes qui s'en éjectait. Il semblait réellement se préoccuper du jeune noble au vu de comment il l'avait quelque peu ausculté avant de se déplacer un peu pour que l'érudit se sente enfin réellement mieux. La respiration était de nouveau normale, le cœur battait à un rythme bien plus régulier sans s'affoler, tout allait pour le mieux. Mais cet homme... Ce sauveur semblait malgré tout quelque peu... Agité? Difficile de réellement trouver un mot pour qualifier son état. Peut-être stressait-il de l'état de santé du troisième fils des Wiergender? Si cette réflexion aurait pût sembler stupide il y a dix minutes, après tout qui en aurait quelque chose à faire de cet incapable de Dorne Wiergender normalement, ici elle semblait presque normal.
Cet inconnu de prime abord semblait âgé, peut-être la cinquantaine, ou assez proche? Cela se voyait avec un visage qui semblait marqué par la vie, par le passé. Mais malgré toutes ces marques, difficile de ne pas voir avant tout quelqu'un qui semblait fort et qui en imposait. Presque comme le grand rocher sur la plage qui, malgré l'assaut incessant des vagues, tenait bon, et tiendrait bon jusqu'au bout quelle que soit la marée qu'il affrontait. Pour l'érudit, quelqu'un comme ça... L'intimidait un peu, mais était aussi une posture d'admiration. Quelqu'un qui protégeait les autres, leurs sauvaient la vie? Il n'avait hélas pas spécialement d'image comparative de sa vie, au contraire. Son père ou ses frères eux, attentaient à la vie, écrasaient les autres pour se sentir supérieurs. La seule chose que pouvait cependant espérer Dorne c'était de ne pas trop ennuyer son interlocuteur que ce soit par le temps perdu à l'aider, ou par ses paroles. Peut-être était-ce parce qu'il n'avait pas parlé à quelqu'un depuis longtemps, ou que les protocoles de l’aristocratie étaient ancrés dans ses veines, mais quand il se mettait à parler en suivant l'étiquette, il pouvait parfois dire beaucoup de choses... Plus ou moins intéressantes. Mais il ne pouvait se permettre d'une part de ne pas remercier son sauveur, ni de se présenter. Sinon à quoi auraient servi d'être nés dans une bonne famille allons?
Mais pourtant, malgré les paroles du noble, son interlocuteur restait... Silencieux. Presque évasif. Ils ne s'étaient jamais regardés dans les yeux directement, son sauveur semblait presque fuir ce contact de regard. Il restait encore si agité, semblant vouloir faire quelque chose avant de se résigner pour rester dans ce mutisme presque inquiétant. En avait-il déjà marre du jeune homme? Ou était-ce là son comportement normal? Difficile à dire, Dorne ne connaissait rien de lui. Ni son nom, ni son âge. Quand le troisième fils des Wiergender se présenta, son sauveur fit volte-face. Avait-il dit quelque chose de mal? Allait-il partir maintenant sans réellement s'intéresser au reste comme un bon samaritain qui ne demandait rien de plus tant que le sauvé allait bien? Étrangement, une partie de Dorne espérait que ce ne soit pas le cas, espérait qu'il continuerait un peu plus à l'aider. C'était après tout la première fois... Et ça le rassurait quelque peu de ne pas être autre chose qu'un parasite inutile détester de tous. Mais alors que les derniers espoirs de l'érudit de voir cette conversation continuer semblaient s'envoler, une action de son interlocuteur le rassura, s'accompagnant d'un soupir de soulagement. Il lui tendait un mouchoir. Ce qui, pour se nettoyer la figure après une telle misère, n'était pas de trop.
Le jeune homme remercia alors son sauveur d'un vigoureux hochement de tête, ne perdant pas un instant pour s'essuyer la figure, se moucher pour retirer le maximum de résidu de sang et éponger un peu les tâches qu'il s'était faites. Au vu de la couleur du mouchoir maintenant, il ne risquait plus réellement de servir sans un bon nettoyage en règle. Il ne pouvait décidément pas se permettre de rendre cela ainsi. Ni même de rendre cela tout court. Il devra penser, si jamais un jour leurs routes se recroiseront, de lui offrir un beau mouchoir. Cela serait bien mieux que d'envoyer un messager, cela rendrait les choses plus personnelles? Pour montrer une tentative de vrai remerciements? Difficile à dire, Dorne n'avait jamais offert de cadeaux avant, pas même à sa femme. Trop plongé dans ses recherches, ou dans sa tristesse. De toute façon, qui aimait-il suffisamment pour vouloir lui offrir quelque chose? Personne ne lui avait apporté ne serait-ce qu'une seule lumière dans sa vie après tout, seulement d'immenses ténèbres. Mais la, c'était quelque peu différent.
Alors qu'il était enfin debout et avait de nouveau remercier son sauveur, le troisième fils Wiergender se demanda pourquoi son interlocuteur le regardait ainsi au niveau du visage. Saignait-il encore du nez? Est-ce que c'était si moche que ça?
- « Suivez-moi. Je vais voir ce que je peux faire pour votre nez. »
La voix de l'homme fit sursauter Dorne qui ne s'y attendait pas du tout. C'était la première fois qu'il entendait sa voix et... Difficile à dire. Une sonorité étrange. Comme un son que l'on a déjà entendu, mais déformé. Ce qui troubla encore plus le jeune homme qui resta un instant immobile, dans une légère réflexion... Oh oui, il attendait sûrement une réponse!
- Oh c'est... C'est bien aimable de votre part. Je ne souhaite aucunement être une gène mais je ne dirais pas non à une aide médicale. Je ne pense pas que ce soit cassé, mais ça saignait pas mal...
Encore une fois, il parlait peut-être un peu trop. Le stress? La joie d'enfin parler à quelqu'un? Difficile à dire. Mais pour notre protagoniste c'était sûr, il était bien heureux de pouvoir entendre le son de sa propre voix dans une réelle discussion, mais aussi celle de son sauveur. Il pointait du doigt un étrange bâtiment... En essayant de se souvenir, Dorne claqua délicatement des doigts comme pour signer un "Eureka!". C'était bel et bien le lieu qu'il avait croisé en premier avant d'être tombé sur les trois alcooliques. Le... Le Laurier Carmin. Laissant une légère mine déconfite, le noble ne savait toujours pas spécialement l'utilité de ce lieux. Une auberge peut-être?
- Oh, j'ai vue ce lieu un peu plus tôt! C'est une auberge, c'est ça? Il semble qu'il y ait pas mal d'aller et venues. Les affaires fonctionnent on dirait. J'ai de quoi payer normalement, je ne pense pas que je serais une gêne si vous m'y emmeniez vous savez. Vous me sauvez vraiment la vie ce soir.
Une certaine innocence se dessinait sur le visage de l'érudit. Ou un soupçon de crédulité, allez savoir. Mais il suivrait son sauveur où il le faudrait, et saurait être sage, même dans un lieu avec un peu de monde. Au pire, il n'aurait qu'à penser à autre chose.
CT : 12
End : 16
For : 18
Perc : 15
Ag : 16
Vol : 18
Ch : 9
sickening for help
Le jeune homme ne tarde pas avant de s’adonner aux soins de son nez écorché d’une droite non méritée, comprenant tout de suite le message sans devoir lui donner la moindre indication verbale. Ça m’arrange, le moins je parle, le mieux ça sera. Il pourrait me reconnaître. C’est pas bon ça. Je ne vais pas le laisser dans le fumier tout seul non plus, mais limiter au mieux est une solution après tout abordable.
Je l’observe se débarbouiller au mieux, sûrement rassuré de ne pas avoir les mains de n’importe qui lui tripotent le nez dans une posture des plus vulnérables. Il reprend quelques couleurs, c’est une bonne chose, mais maintenant il hésite. Il observe le mouchoir, les lèvres pincées, alors je hausse des épaules, avant de lui faire un geste de la main pour qu’il le garde.
Après tout, comment un simple mouchoir pourrait faire le moindre mal ? Ce n’est qu’un bête mouchoir, avec une fine branche de laurier brodée de rouge sur le tissu clair. Vera ferait une syncope à voir l’écarlate souiller ainsi le carmin, alors autant le lui laisser. Elle ne laisse rien au hasard, comme toujours, et l’apparence de son personnel est une de ses grandes priorités pour donner l’air d’un établissement qui sort du lot. Je ne suis qu’une vigie, mais j’ai eu droit à ce traitement pompeux, aux petites broderies, au tissu carmin léger et froissable, le tout sans m’empêcher pour autant de donner les droites que les emmerdeurs méritent. Un mélange astucieux de bon goût et de praticité.
Ma voix grave, rauque et monotone – pour ne pas dire fatiguée ou lassée de la vie – le fait tressaillir, comme si apprendre que je peux parler relève du miracle. Ce n’est pas la première fois qu’on me fait le coup, mais ça me surprend toujours un peu, pour ne pas dire que ça m’amuse un minimum.
Mais sa réaction est différente. Son frisson de surprise n’est pas le même. Il perdure, agrandit son regard d’une confusion que je crains. Ma mâchoire se serre, bien entendu, vieux réflexe pour ravaler la peur dans les tripes. Mes sourcils se froncent un peu malgré l’impassibilité habituelle que je leur colle, car je pressens le pire. Il m’observe, perdu dans ses pensées, observe mon visage avec une certaine attention, et .. évidemment mon regard ne se détache pas du sien. Un regard clair, qui malgré les années s’envelopperont toujours de cette naïveté qui ne le quittait jamais. Les traits de son visage, ces traits de fatigue autour des yeux que la vie afflige toujours aux Hommes, me rappellent son père, mais en plus détendu évidemment, en plus gentil aussi. Un regard qui me scrute, écarte les pans de vieille carcasse pour percer à jour l’âme elle-même, celle qui craint à présent la lumière du jour. Comme si en un simple coup d'œil, toutes les réponses s’offrent naturellement à lui, sans la moindre résistance. Comme si en un simple coup d'œil, la terrifiante réponse aux questions incessantes du passé s’imposent, dans le prisme chaotique dont Dorne est une des nombreuses facettes.
Un temps éternellement suspendu, où le sans palpite dans mes tempes.
- « Oh c'est... C'est bien aimable de votre part. Je ne souhaite aucunement être une gène mais je ne dirais pas non à une aide médicale. Je ne pense pas que ce soit cassé, mais ça saignait pas mal… »
Il n’a pas remarqué.
Ma mâchoire se desserre, mes épaules se relâchent discrètement, le souffle file entre mes narines. Je ne lâche pas son regard, bras croisés, hochant ensuite de la tête pour signifier que j’ai bien entendu sa réponse. Mais tout de même, c’est sûrement pas passé loin.
Mais il continue de parler pour deux, ce qui m’arrange. Je l’écoute d’une oreille distraite, occupé à me concentrer sur les alentours, et sur les signaux compromettants que je peux laisser filer malgré moi. Bon. On l’emmène discrètement à l’arrière, dans les cuisines. On désinfecte la plaie. On le raccompagne. Et c’est tout. Rien de plus. Rien de moins.
- « Oh, j'ai vue ce lieu un peu plus tôt! C'est une auberge, c'est ça? Il semble qu'il y ait pas mal d'al… »
Une auberge. Je souffle du nez. Puis, j’effectue un mouvement de la tête pour l’inciter à venir, et prends les devants. Une auberge, c’est la meilleure. Vera va adorer cette anecdote. Bon. Sans les autres détails dérangeants.
Devant la grande porte aux lanternes qui s’illuminent modestement, je saisis la poignée, attends que le jeune homme soit à ma hauteur pour glisser une main assurée entre ses omoplates, avant de glisser dans le creux de son oreille.
- « C’est un bordel. »
Petite précision qui me semble importante un minimum avant d’ouvrir la porte et de le pousser à l’intérieur. Après avoir franchi le vestibule, la première grande salle est bien animée, ce soir. Évidemment, on déborde de clients en ce moment. Certains se prélassent encore dans les luxueux canapés, une ou deux filles dans les bras. Les regards sont toujours mauvais envers moi, et les filles préfèrent ne pas me regarder. La dernière fois qu’une s’était risquée à me saluer, sourire charmeur – professionnel – aux lèvres, le client lui avait arraché une bonne touffe de cheveux. Et le client en avait perdu quelques dents. Nous avions donc convenu qu’à l’avenir, je demeure un meuble, un fantôme dans le Laurier. Le genre qu’on n’emmerde pas.
On traverse sans s’attarder – sans lui laisser le temps de s’attarder, de s’émerveiller ou de s’étrangler d’horreur et de pudeur, ce qu’il ferait très probablement –, on bifurque vers une porte discrète, salue d’un hochement de tête une domestique affairée, traverse un couloir, se faufile dans les cuisines. Je ferme la porte, le laisse là, pars chercher une mallette que je laisse toujours ici – celle d’urgence, pour les domestiques ou les filles en cas de besoin –, la pose sur le plan de travail, l’ouvre, fouille un peu dedans.
- « Assieds-toi. »
Des tabourets traînent dans la cuisine. Je m’en fiche d’où il s’assied, du moment qu’il le fait. Il est d’une famille très autoritaire, et est sûrement le plus docile de la bande, donc je sais qu’il obéira. Et puis, c’est dans son intérêt. J’en sors un chiffon, une bouteille de désinfectant, pars chercher un peu d’eau dans le grand seau, m’installe près de lui.
- « Ferme les yeux, penche la tête en arrière, et boucle-la. »
Accompagnant mes propos, je penche sa tête en arrière sans trop de cérémonie. Je garde l’arrière de son crâne dans une main, le chiffon dans l’autre, et l’approche prudemment de son nez. Il a dégrossi, c’est une chose, mais c’est très mal nettoyé. Evidemment. Un soldat ferait mieux, et il n’en est pas un. Un geste de réflexe de sa tête au premier contact, mais je raffermis ma prise sur lui, l’immobilise, continue. Plus vite ce sera fait, plus vite il foutra le camp.
Mais malheureusement pour moi, j’ai quelques questions pour lui.
Et malheureusement pour moi aussi, je m’aperçois que je l’ai tutoyé avant. Merde.
- « Je ne vous ai jamais vu, par ici. Vous venez d’arriver ? »
Mais dans tous les cas, il était tant de bouger en direction de ce fameux Laurier Carmin. Suivant alors avec une certaine appréhension, Dorne était à deux pas derrière son interlocuteur. Après sa remarque sur cette bien étrange auberge, il paru pour l'érudit que son sauveur semblait amusé. Pour quelle raison, il l'ignorait. Il allait sûrement le savoir sous peu! Alors qu'on l'invitait à rentrer, le jeune homme observait encore un peu l'extérieur avant de rejoindre l'entrée. Une chose était sûre, la personne qui possédait les lieux avait un sens raffiné du goût. Si l'extérieur était aussi charmant que l'intérieur il était normal alors que beaucoup de personnes s'y reposent! Surpris par la main sur les omoplates le stoppant alors, une légère angoisse vint prendre le troisième fils Wiergender aux tripes avant d'entendre dans le creux de son oreille une phrase qui l'amusa.
- « C’est un bordel. »
Peut-être alors qu'à ce moment-là c'était l'innocence qui prit le pas sur autre chose. Ou alors l'oublie que les lieux dédiés à la débauche existait, n'en ayant jamais côtoyé, mais un léger rire presque enfantin sorti de la bouche de l'érudit sourire aux lèvres. Ce dernier emboitant le pas de son protecteur de la soirée. C'est dans le corridor, pas encore au courant de tout que Dorne répondit alors.
- Allons, ce n'est point parce que beaucoup de personnes rentrent que c'est forcément un foutoir! Je ne pense pas que ça le soit au point d'appeler cela un bor-
Et c'est un entrant dans cette fameuse première grande salle que la réalité percuta de plein fouet le jeune noble. Il resta un court instant immobile, ses yeux essayant de s'acclimater à ce qu'il voyait. Son cerveau lui, ne le voulait pas. Clignant rapidement deux fois des yeux avant de les ouvrir en grand, le troisième fils Wiergender baissa alors la tête, rouge d'une certaine honte avant de suivre à pas rapide son interlocuteur.
- Ce bordel la...
Murmura t'il, se rendant compte de sa bêtise. Il avait presque l'air d'un enfant suivant son père dans un lieu non recommandable pour lui finalement. Ne pouvant tout de même pas s'empêcher, et malgré la vitesse de marche, l'érudit lança quelques regards à droite et à gauche pour observer un peu les différentes scènes. Il voyait des gens qui semblaient avoir passé du bon temps ou qui allaient en passer. Mais il y avait aussi des regards mauvais dans sa direction. La sienne... Ou celle de son sauveur peut-être? C'était étrange, ce genre de regard. Surtout qu'il reconnaissait la colère. Pourquoi? Il lui manquait bien trop de pièces dans ce puzzle. Mais voulait-il tant savoir ce qu'il s'était passé? Ce monde étant après tout bien différent du sien. Trop différent même. Mais... Si Dorne souhaitait aider Thédas, ne devait-il pas aussi réfléchir à toutes les sphères de la population? Plongé dans une nouvelle réflexion, le noble ne s'était même pas rendu compte qu'il était arrivé et s'était immobilisé. Jurant dans sa tête, il était tout de même impensable d'aussi facilement se laisser distraire par des idioties! C'était déjà la raison principale de son arrivée dans ce secteur et aussi la raison pour laquelle il s'était laissé entouré. Si il souhaitait réellement survivre ou au moins éviter de se perdre il lui faudrait vraiment apprendre à laisser une attache à la réalité quand il était dans ses songes...
- « Assieds-toi. »
Le ton toujours aussi grave de l'homme refit sursauter l'érudit. S’exécutant sans attendre, prenant le premier tabouret qui lui arrivait entre les mains. Il avait l'habitude d'obéir. Obéir à sa famille, à son frère, à l'armée... Une vie à suivre aveuglément les autres finalement. Se tournant vers son sauveur, le jeune homme se rendit compte que celui-ci était parti chercher tout le matériel pour lui rafistoler le nez et le nettoyer comme il fallait. Cela allait sûrement picoter un peu mais bon... Il ne pouvait décidément pas rentrer chez son épouse dans cet état... Même si elle ne risquait pas forcément d'être inquiète, c'était très loin d'être protocolaire.
- « Ferme les yeux, penche la tête en arrière, et boucle-la. »
Sans s'attendre non plus à se voir dérouler le tapis rouge, Dorne ne s'attendait pas à un ton aussi ferme. Mais le jeune homme pouvait en partie le comprendre. Il le soignait, l'avait aidé et le tout gratuitement ou tout du moins sans rien attendre en retour. Cela pouvait être normal qu'il souhaitait sûrement voir les choses se finirent tout de même vite. Il ne fallait après tout jamais laisser une blessure traîner trop longtemps, question de sécurité bien entendu. La réaction de son protecteur fut très rapide. Sentant une main se poser sur le dos de son crâne pour le pencher, le troisième fils Wiergender fût légèrement stressé par ce nouveau contact. Il était normal bien entendu, c'était fait pour l'aider, mais malgré tout... Il ne pouvait presque pas faire autrement. Sa respiration se fit légèrement plus rapide pour essayer de canaliser les battements de son cœur. Comme s' il comprenait la situation, le sauveur vint à raffermir sa prise, sûrement pour éviter tout mouvement inutile causé par le stress du jeune homme.
Aller, ce n'est qu'un mauvais moment à passer... Après il te lâchera... ça ira Dorne...
- « Je ne vous ai jamais vu, par ici. Vous venez d’arriver ? »
S'attendant à être débarbouillé, l'érudit fut pris par surprise par la question un peu plus personnel qu'on lui posa. Surpris encore plus par le vouvoiement. En y repensant bien, il est vrai que son interlocuteur était passé d'abord par le vouvoiement, au tutoiement pour revenir à la situation initiale. Dorne n'avait pas spécialement réagit à cause de l'ordre qu'on lui avait donné, réagissant presque comme un bon soldat, mais en y repensant... ça faisait étrange. Comme si son interlocuteur ne savait pas trop comment s'y prendre entre familiarité et distance. Après tout, l'érudit n'était pas un client, ni même un ami du colosse. Il était juste un imbécile sauvé dans une rue, dont tout le monde savait vraiment comment aborder la situation, non? Restant silencieux un instant, le jeune homme souhaitait répondre, mais il ne savait pas jusqu'où aller dans sa réponse. Il avait un peu peur de trop se confier, ce n'était après tout pas le rôle de son sauveur. Et puis il y avait des choses qui ne devaient pas être trop partagées. Il pouvait cependant aller plus ou moins à l'essentiel et aborder quelques points supplémentaires.
- Oh... Non. Je suis ici depuis quasiment trois années maintenant. C'est juste que... Je ne suis jamais réellement sorti de chez moi. De base je viens du Névarra, comme je vous l'ai déjà dit, je suis un des enfants Wiergender. Alors on m'a trouvé une ravissante épouse et on m'a envoyé ici. Disons qu'il m'a fallu pas mal de temps pour m'habituer d'être aussi loin de chez moi après tout!
C'était parfait. Ni trop intime, mais tout de même concluant pour donner des informations. Parler l'aidait en plus à diminuer son stress d'être ainsi touché. Il y pensait moins. Bien entendu, il mentait en partie. Si il n'était jamais sorti c'était plus à cause d'une profonde déprime et un sentiment d'inutilité horrible. Et s' il avait été marié, c'était pour se débarrasser de lui... Mais encore une fois, son interlocuteur l'aidait déjà assez. Impensable de lui en demander plus. Et qui voudrait écouter un incapable s’apitoyer sur sa vie. Essayant cependant d'en apprendre plus, Dorne haussa un sourcil avant de continuer.
- Et vous? Cela fait longtemps que vous travaillez dans ce... Ce... Cet antre des plaisirs? Enfin, je suppose que vous y travaillez vue comment vous vous déplacez ici sans problème...
Il s'était exprimé presque comme s' il parlait tout seul avant de s'en rendre compte. C'était une certaine séquelle de son habitude de chercheur. Il n'avait pas l'habitude de parler aux autres, mais beaucoup plus de se parler lui-même quand il réfléchissait à voix haute. S'en rendant finalement compte, l'érudit préféra alors se taire, ne bougeant plus, attendant une potentielle réponse, ou juste les soins.
CT : 12
End : 16
For : 18
Perc : 15
Ag : 16
Vol : 18
Ch : 9
sickening for help
Dorne est tendu, malgré ma concentration sur le fait d’adoucir mes gestes. Il n’y a rien à faire, la mémoire est tenace. Mais ce n’était pas autant à l’époque, si ? J’ai dû rater quelques chapitres, mais bon ; ça ne me regarde pas.
Il lui faut un certain temps avant de répondre, comme s’il avait besoin de réfléchir un peu pour aligner ses neurones. Le faire parler, se concentrer sur ses mots plutôt, a toujours bien fonctionné lorsqu’il était nerveux de la sorte ; je suis quelque peu satisfait de me rappeler de ça.
- « Oh... Non. Je suis ici depuis quasiment trois années maintenant. C'est juste que... Je ne suis jamais réellement sorti de chez moi. De base je viens du Névarra, comme je vous l'ai déjà dit, je suis un des enfants Wiergender. Alors on m'a trouvé une ravissante épouse et on m'a envoyé ici. Disons qu'il m'a fallu pas mal de temps pour m'habituer d'être aussi loin de chez moi après tout! »
Ils l’ont écarté de la famille en le casant à une femme. Je ne sais même pas si je veux en connaître les raisons. Quelle bande d’ingrats. Mais bon, tant mieux pour lui, il peut enfin vivre. Je hoche de la tête, tapotant le chiffon contre son nez, frottant légèrement à certains endroits quand le sang est trop tenace, espérant ne pas lui faire trop mal.
Mais quand même, trois ans enfermé chez soi, le Créateur sait dans quel état le pauvre garçon était.
- « Et vous? Cela fait longtemps que vous travaillez dans ce... Ce... Cet antre des plaisirs? Enfin, je suppose que vous y travaillez vue comment vous vous déplacez ici sans problème… »
Je hoche de la tête, trempant le mouchoir dans l’eau froide pour le laver un peu. Je remets un peu de désinfectant, et reprends ma tâche avec attention.
- « J’y travaille. Je suis vigie. Ça fait 5 ans, maintenant. »
Le temps passe curieusement vite, je le réalise tandis que j’énonce ces propos à voix haute. Déjà cinq années que je travaille au Laurier, et qu’un semblant de stabilité s’est installé entre ces quatre murs. Je m’arrête dans mon labeur pour observer le résultat, pensif. Ses joues se sont creusées, ses traits sont plus marqués, que ce soit par l’âge ou par la fatigue. Mais la même peur agite ses pupilles, même s’il en est enfin éloigné après des années et des années de bordel. Enfin. Les cauchemars ne nous quittent jamais.
En parlant de temps qui passe curieusement vite .. Son nez me paraît en meilleur état qu’avant. Je me recule, le lâche aussitôt, sors de ma contemplation hésitante et me redresse.
- « Voilà, c’est déjà nettement mieux. »
Je me lave les mains par précaution, pensif. Il n’est jamais sorti, et il a réussi à s’attirer des ennuis ici ? Je soupire, avant de reporter une semi-attention sur le jeune homme.
- « Je vous raccompagne. Il ne manquerait plus que vous vous perdiez. »
Quelle plaie, ce garçon.
Dorne avait espéré qu'il n'avait pas spécialement trop parlé, ou qu'il n'en avait pas trop dit sur sa situation actuelle à Starkhaven. Il n'avait pas l'habitude d'être quelqu'un de très bavard, mais au fond c'était surtout car on ne lui laissait jamais l'occasion de parler. C'est vrai après tout qu'à chaque fois qu'il avait essayé de s'immiscer dans les grands débats familiaux il prenait toujours une insulte, un coup lorsqu'il n'y avait que les Wiergender ou simplement l'indifférence la plus totale. Comme une voix qui s'égosillait dans le vide car elle n'obtient pas de retour. Alors, bien entendu, ici la personne avec qui il avait enfin l'occasion de partager un instant de bavardage n'était pas le plus loquace de l'univers, mais il n'en restait néanmoins pas à l'écoute. Ou tout du moins, il faisait l'effort de très bien faire semblant!
Mais voilà, l'érudit avait fait l'effort de répondre à la question de son sauveur. S' il était nouveau. La première fois qu'on s'intéressait à lui, un minimum au moins rester distant malgré tout en révélant des petites choses sur soi-même. Garder les lourds secrets familiaux, garder le faite que l'on était un inconnu au beau milieu de cette grande cité qu'était Starkhaven. Cela dit, même lui ne pensait pas qu'une première virée dans l'inconnue se passerait aussi mal. Ou pas si mal que ça finalement. Ou trop mal? La tempe propulsait quelques légères vagues de douleur directement au cerveau, rendant un peu plus difficile la concentration. Bon sang, si le noble n'avait pas eu l'idée d'arrêter son crâne avec sa main quand il était tombé, qu'est ce que ça aurait donné? Une douleur bien plus vive ou même un évanouissement! Plongé dans ses pensées après avoir répondu, le troisième fils des Wiergender repensait à quand il avait tout fait foiré, et comment il aurait pu mieux arranger les choses. Il... Il ne pouvait définitivement pas se permettre de se retrouver dans ce genre de situations à chaque fois qu'il sortait hors de chez lui. Dorne se devait de mieux se tenir. Se tenir plus fermement contre l'adversité. La vie ne lui offrait pas de cadeaux. Jamais. Mais ce n'est pas ça qui l'empêchera d'aider son prochain. Devrait-il seulement aider et tourner autour des plus riches maison de la Cité pour espérer ne plus jamais avoir à subir de la douleur?
C'était hors de question. Comment pourrait-il se regarder dans une glace si il n'aidait que les plus aisé? Et les démunis? Les réfugiés? Si il avait l'occasion d'aider, alors ce serait tout le monde qu'il aiderait, quitte à prendre un méchant poing. Mais il y avait une lourde différence entre prendre un coup et être tabassé à mort. Et cette différence, il devait la conn-
- C'est froid!
Un léger sursaut, bloqué par la main ferme de son sauveur, montra la surprise du jeune homme quand le chiffon se mit à désinfecter son nez. Il avait tellement été pris dans sa réflexion qu'il en avait oublié où il était... Encore une fois. Si il devait déjà chercher un moyen pour ne pas se faire mettre à l'article de la mort ça pourrait déjà commencer par la...
- « J’y travaille. Je suis vigie. Ça fait 5 ans, maintenant. »
Oui, la question qu'il avait posée avant de penser... Vigie alors? C'était un métier qui semblait lui convenir totalement. Il était grand, fort, avec un regard qui pourrait terroriser la plus grande des crapules de Starkhaven à n'en point douter... Mais cinq ans, au même poste? C'était qu'il aimait profondément cet endroit. Ou qu'il était bien payé. Avoir une vie qui semblait tout de même si stable, forte au point de protéger et de servir sa mission... Voilà quelqu'un de courageux qui donnait presque un symbole d'admiration au jeune érudit... Qui hocha la tête rapidement pour sortir cela de sa tête. Non, il ne pouvait pas admirer quelqu'un. Pas encore... Jamais. La seule personne qui avait mérité cela n'était de toute façon plus là depuis bien longtemps. Cela ressemblait trop au spectre de l'abandon... Et le reste... Dorne avait un léger doute sur le fait d'admirer ceux qui lui faisaient vivre un enfer. On pouvait saluer la détermination de quelqu'un, respecter sa force de combat... Mais l'admiration ne mène qu'à la perte et la douleur.
- Cinq longues années? Je respecte votre détermination à protéger cet endroit depuis si longtemps. Vu comment vous êtes venu à mon secours je suis persuadé que le Laurier Carmin est protéger par le plus solide des boucliers.
Décida t'il alors d'exprimer afin, d'une part, de supprimer le silence qu'il avait laissé s'installer, et d'autre part pour faire part de son appréciation de la chose. Il était sûr que son sauveur en aurait peu à faire, après tout il était même certain qu'il n'attendait pas les remerciements ou les acclamations d'un noble paumé au milieu de nulle part ayant prit une raclée pour sourire de ce qu'il faisait, mais Dorne souhaitait malgré tout exprimer ce qu'il ressentait. L'homme en face de l'érudit se recula alors, observant d'abord son boulot de nettoyage, pensif et semblant observateur. C'était bizarre, il n'y avait que le nez qu'il devait nettoyer, pourquoi autant de temps d'observation? Au moins, ce temps permettait au Wiergender de retrouver un certain calme après avoir diminué cette proximité. Son cœur s'était remis à battre normalement, en espérant qu'il ne se remette pas à s'exciter, cela ne rendrait le tout que plus épuisant...
- « Voilà, c’est déjà nettement mieux. »
Un léger sourire s'afficha sur le visage du jeune homme qui profita que son sauveur aille se nettoyer les mains pour se lever à son tour, faisant légèrement craquer sa nuque, puis de toucher délicatement son nez. ça lui faisait encore légèrement mal, mais il ne sentait quasiment plus l'odeur du fer, et encore moins la désagréable sensation d'un liquide épais dans son nez.
- Merci, merci pour tout.
Termina alors Dorne, penchant sa tête avec ses mots pour signifier ses remerciements sincères. De par sa légère crainte de contact physique, il ne souhaitait pas spécialement faire une poignée de main... Alors un hochement de tête lui semblait tout aussi cordiale. Maintenant que la situation allait bien mieux, il lui fallait rentrer. Mais comment? Il ne savait pas du tout où il était, et encore moins comment rejoindre la maison de son épouse. Il pourrait, peut-être, demander à son sauveur? Non, ce serait trop. Il l'avait déjà sauvé d'un mauvais moment, soigné d'une blessure, il devait protéger le lieu, pas servir de gouvernant protecteur à un imbécile de noble trop aventureux!
- « Je vous raccompagne. Il ne manquerait plus que vous vous perdiez. »
La proposition laissa un moment Dorne immobile. Il ne savait pas s'il avait bien entendu, mais il lui proposait de le raccompagner? Un puissant soupir de soulagement s'échappe de la bouche de l'érudit, avec toute la peur de ses poumons. Il ne savait pas comment il aurait fait sinon, hormis demander la direction... Même s' il aurait été capable de se perdre... C'était vraiment le meilleur qu'il pouvait espérer.
- Oh, je ne souhaiterai aucunement vous déranger vous savez... Mais j'ai bien peur d'être capable de me perdre en pleine nuit. Je suis assez loin de chez moi, et la non connaissance des lieux est plutôt contre moi... Je vis dans les quartiers de Clachdun... Votre générosité vous honore, sachez le.
Une certaine joie habitait le cœur de Dorne qui n'espérait pas autant de la part de son interlocuteur. Mais il semblerait bien que pour une fois, les cartes qu'il avait en mains étaient les bonnes pour ne pas avoir à souffrir. Et puis, il ne comptait pas laisser son sauveur sans le récompenser un minimum. Il aura bien de quoi le remercier d'une façon ou d'une autre à travers ce qu'il y avait chez sa femme...
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Le souffle me manque. Si mon corps reste inerte, mes songes partent dans tous les sens possibles et imaginables. Toutes ces petites années avec ce minuscule petit maladroit et frêle, un peu agaçant tant il parle, qui préfère s’attarder en réflexions plutôt que d’agir, ou simplement courir. Un peu agaçant, mais une véritable boule de lumière, ou un prisme un peu biscornu. Les entraînements et enseignements, les promenades à cheval loin de tout, les après-midi à lire en silence l’un à côté de l’autre. Les rires, les discussions parfois passionnées, parfois idéalistes, le silence appréciable, les tremblements, les sourires amoindris, les larmes, les cris, les bleus. Une chute terrifiante pour un enfant. Une impuissance effroyable pour un adulte.
J’étais fou de rage. Et si l’étiquette n’était pas de mise – une bien faible excuse –, mais aussi si le petit ne m’implorait pas de ne rien faire, je les aurais tous tués. Perte d’une alliance, scandale, je n’en avais strictement rien à faire. Mais dans le fond, je n’ai rien pu faire. Après tout, comment arrêter une telle machine infernale lorsqu’on part régulièrement, l’arme au poing ?
Mais à le voir aujourd’hui, je me rends bien compte que j’ai bien plus failli que je ne le pensais.
- « Merci, merci pour tout. »
Petite voix fluette qui sort des ombres, petites gestuelles gracieuses et respectueuses. Je hoche de la tête en silence sans le regarder – comment pourrais-je ?
Dorne ne refuse pas mon offre – de toute façon je ne comptais pas lui laisser le choix. Il s’est déjà fait casser le nez une fois, autant en éviter une seconde. Et puis, c’est le moindre que je puisse apporter sans trop entacher sa vie.
- « Oh, je ne souhaiterai aucunement vous déranger vous savez... Mais j'ai bien peur d'être capable de me perdre en pleine nuit. Je suis assez loin de chez moi, et la non connaissance des lieux est plutôt contre moi... Je vis dans les quartiers de Clachdun... Votre générosité vous honore, sachez le. »
Je me détourne rapidement pour préparer quelques affaires, notamment attraper ma longue cape noire. Clachdun, hein. Ce n’est pas si loin que ça, en fin de compte. Au moins il ne s’est pas perdu à l’autre bout de la ville. De bonne famille, dans un quartier assez tranquille, .. Il va finir par se débrouiller. S’offrir une nouvelle vie. Un nouveau départ.
Nous quittons le Laurier assez rapidement. Je ne vais pas non plus m’attarder, et j’en n’ai nullement envie. Marchant d’un bon pas, j’essaie de ne pas trop y penser, mais comment faire ? Il ne faut vraiment pas qu’il s’en rende compte. Il ne faut vraiment pas que sa vie se mêle à nouveau à la mienne. Je marche, silencieux, tendu, observant les alentours plus pour me changer les idées et focaliser sur autre chose que pour guetter le danger potentiel.
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pas de victoire qui n'évoque une défaite."
--G. Brooks
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C'était si... Particulier que cet échange pour Dorne. C'était presque comme avoir affaire avec une statue. Ce sauveur ne parlait pas, ou si peu. Il ne semblait pas non plus être quelqu'un qui bougeait de façon futile. Il ne réagissait quasiment pas aux paroles de l'érudit, mais pourtant il semblait attentif. Ce qui finalement faillit amuser le jeune noble. Cela le changeait de son mode habituel. Les gens parlaient beaucoup, pour ne rien dire et surtout ils ne s'écoutaient pas. Une certaine infection qui touchait pleinement le jeune homme. Mais c'était si... perturbant. Mais le plus perturbant... C'était que le troisième fils des Wiergender se sentait rassuré, presque protégé par un tel gardien muet. Une sensation qu'il n'avait jamais eu... Si, si il l'avait déjà eu. Mais c'était si lointain maintenant. Il fallait prendre en compte une période qui dépassait déjà la décennie. La période où sa famille avait commencé à le considérer comme un nuisible car il préférait la littérature au combat. La période des premières insultes, des premiers coups "pour plaisanter". Mais quelqu'un d'autre ne l'avait jamais considéré ainsi... La seule pierre stable qui l'aidait et lui permettait d'être un enfant stable.
Mais cette stabilité, cette sensation, cette personne... N'étaient plus. Et en voyant le dos du protecteur qui s'était alors retourné pour prendre une longue cape et quelques vêtements, Dorne retrouvait pied avec la réalité. Ce spectre du passé lui avait tourné le dos. Comme tout le monde finalement. Si cela se trouve, même se protecteur l'abandonnerait. Après l'avoir raccompagné chez lui, pour quelles raisons se reverraient-ils? Frottant ses yeux de sa main gauche pour supprimer la tristesse qui s'engouffrait en lui, l'érudit remarqua alors que son interlocuteur silencieux était déjà prêt et semblait l'attendre. Voilà, la dernière période de sa nuit commençait enfin. Rentrer à sa demeure, sûrement affronter sa femme, dormir. Il espérait juste que l'enchainement ne serait pas trop long. La fatigue commençait à se faire lourde. La tristesse aussi. Pourquoi cette soirée semblait ainsi lui rappelé le passé? Il y avait plus que le faite de s'être fait méchamment tabasser. Mais le jeune homme était de plus en plus fatigué, ses pensées se brouillaient de plus en plus. Il y réfléchirait demain.
Les voilà maintenant tout les deux à remonter les longues rues de Starkhaven en direction, normalement, de sa maison. L'érudit ne savait même pas spécialement s'orienter dans cet environnement inconnu... Inconnu depuis trois années maintenant. Finalement, avant de vouloir aider les autres, ne devrait-il pas au moins savoir où vivait-il? Un faux pas faillit le faire tomber, l'obligeant à retrouver l'équilibre et se concentrer de nouveau. Devant lui, toujours cet homme silencieux, imposant dont se dégageait un sentiment protecteur... Mais dans le coeur du troisième fils des Wiergender, il y avait aussi un sentiment incompréhensible de tristesse. Comme une question stupide, l'érudit décida de briser le silence pour ré-entendre cette voix puissante.
- Vous... Vous êtes ici depuis longtemps? Ou vous êtes originaire de la cité?
La question pouvait sembler stupide, mais c'était une façon comme une autre de discuter. Il avait l'air de vivre à Starkaven depuis un petit moment. Au moins cinq ans, au vue de ce qu'il avait préciser pour le Laurier Carmin mais... Et malgré le poids du temps il y avait quelques petits aires qui semblaient ne pas venir d'ici. Alors, d'où?
- Vous... Vous n'êtes pas obligé de répondre, si jamais. Je peux concevoir que l'on ne souhaite pas creuser dans son passé, ou y réfléchir de nouveau.
Dorne se gratta délicatement l'arrière du crâne, détournant le regard comme si son sauveur était capable de le voir alors qu'il était de dos. Pourtant, il semblait que la marche avait commencé depuis un long moment avant qu'il ne se décide enfin de parler puisqu'ils étaient arrivé dans le quartier résidentiel où vivait le noble. Même si il ne se rappelait pas de grand chose, au moins reconnaissait-il un minimum la où il vivait. Cela signifiait donc qu'ils allaient se séparer bientôt.
- Je reconnais mon quartier... Je pense que je pourrais facilement retrouver ma demeure d'ici. Si vous souhaitez me laisser la pour rentrer un peu plus vite au Laurier, je ne vous en tiendrais pas rigueur, bien au contraire. Vous avez déjà fait énormément pour moi, un inconnu. Alors, encore une fois, merci. C'est bien plus que ce que je pense recevoir du hasard, et c'est déjà beaucoup pour moi. Je peux cependant aussi vous proposer un verre d'alcool, un fruit ou quelque chose pour vous remercier si vous le souhaitez aussi.
Un léger sourire amer s'affichait alors sur le visage du jeune Névarran. Il ne savait pas vraiment les réponses qu'il recevrait depuis qu'il avait ouvert la bouche après une longue période de mutisme... Que la soirée continue un peu plus, ou s'arrête la, il espérait tout de même avoir la possibilité de revoir une nouvelle fois ce protecteur de la nuit. Et aussi que demain soi un nouveau jour bien plus reposant...
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En finir au plus vite. Ne jamais remettre les pieds dans ce quartier de la haute. Disparaître. Ne jamais le revoir. Quatre étapes pourtant simples en exécution, pourtant simples sur le papier. Mais le reste .. C’était facile de tout oublier à l’autre bout du continent, mais lorsque ces vifs souvenirs venaient frapper à la porte inconsciemment, ce n’est clairement pas la même tasse de thé. Mais il faut le faire. C’est mieux pour tout le monde.
Pourtant, je sais qu’une infime part de moi, bien trop rebelle, bien trop vivante, y tient. Une flamme qui s’était éteinte à l’ère précédente, qui se rallume sans prévenir, laisse sa vilaine trace noire contre les murs, étouffe de chaleur ce qui était devenu, finalement, un véritable palais des glaces. Et je suffoque. J’essaie de sauver les apparences, et pourtant, il y a toujours ce murmure au fond de moi pour me dire “et pourquoi pas ?”, “qu’a-t-on à y perdre à essayer ?”, ou “ne vaudrait-il pas mieux rattraper les pots cassés, après tout ?”
- « Vous... Vous êtes ici depuis longtemps? Ou vous êtes originaire de la cité? »
Sa voix perce les songes au cœur de la nuit. Mon corps entier se tend, mon pas ralentit, mais mes yeux refusent de revenir en arrière. Et battre en retraite par le silence ? Avec ma réflexion qui s’éternise, le jeune homme continue sur sa lancée, comme pour combler ce vide que je m’évertue à créer pour éviter les désagréments d’une conversation honnête.
- « Vous... Vous n'êtes pas obligé de répondre, si jamais. Je peux concevoir que l'on ne souhaite pas creuser dans son passé, ou y réfléchir de nouveau. »
Une frustration nouvelle s’éveille, celle d’une empathie maladroite, qui se rend compte de beaucoup trop de choses. Evidemment que je ne le souhaite pas. Et quelque part, j’aurais aimé qu’il partage ce sentiment. Qu’il continue de percevoir en moi un malotru, un chien galeux qui ne fait que son travail, un vieillard grincheux et distant. Mais la vie n’est jamais tendre, n’est-ce pas ? Même avec le meilleur, elle sait nous plonger dans le pire.
Je dois serrer des dents pour ne pas répondre.
Nous étions dans le bon quartier. A force de regarder sans voir, voilà que j’aurais pu aussi me perdre comme lui en arrivant au Laurier. Ce doit vraiment être contagieux, l’inattention. Je prends le temps de me concentrer sur mon souffle, pour réguler au mieux cette enfer qui bouillonne en mon cœur.
- « Je reconnais mon quartier... Je pense que je pourrais facilement retrouver ma demeure d'ici. Si vous souhaitez me laisser la pour rentrer un peu plus vite au Laurier, je ne vous en tiendrais pas rigueur, bien au contraire. Vous avez déjà fait énormément pour moi, un inconnu. Alors, encore une fois, merci. C'est bien plus que ce que je pense recevoir du hasard, et c'est déjà beaucoup pour moi. »
Le hasard, une véritable salope. Il nous donne que ce qu’on ne veut absolument pas. Quand on espère tomber sur quelqu’un en particulier, on l’a dans le cul ; quand on espère ne tomber sur personne, c’est pire. De là à dire qu’il a fait son travail .. Bon. D’un côté, c’est une bonne chose. Ça prouve qu’il n’a aucune idée des cartes que le destin lui a léguées. Mais bon, le laisser tout seul dans le quartier n’est pas non plus la meilleure stratégie.
Je m’étais arrêté, le regard posé avec hésitation et anticipation sur lui. Il était reconnaissant, cela se voyait sur son visage. Mais aussi, et c’était loin de m’échapper, quelque chose le hantait, lui aussi. Un triste fantôme. Lui qui a parlé du passé, peut-être que, dans le fond, il était également épris d’une bien douloureuse nostalgie.
- « Je peux cependant aussi vous proposer un verre d'alcool, un fruit ou quelque chose pour vous remercier si vous le souhaitez aussi. »
Aussi, même si elle m’agace, sa proposition ne me surprend pas. Il n’y en avait pas des masses, des gens comme moi pour le petit. Quelqu’un qui écoute, qui attend, qui prend soin de lui à sa façon. Comme quoi, même si on essaie d’aller à contre-courant ou de sauver simplement les meubles, on ne perd pas ses fâcheux réflexes. Je retiens un soupir pour ne pas donner la mauvaise idée, mais quitte à ce que nous soyons tous deux foutus, .. Je hoche de la tête.
- « Je ne dirais pas non à un verre. »
Compte tenu de la soirée que je viens de vivre, et lui j’en parle même pas, comment refuser ? Comment arracher son cœur, le sceller dans une boîte de fer pour de bon, et l’envoyer au fond des eaux du temps ? Comment avoir ce courage, ou cette folie ?.
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Face au flot de paroles continu du jeune Wiergender, il y avait le silence. Rien de plus, rien de moins. Lors de la marche, seul l'écho de la voix de Dorne lui répondit alors que le duo traversait les longs chemins de Starkhaven. Et si cela ne dérangeait pas spécialement le jeune érudit au début, après tout celui lui permettait de mieux exposer ses pensées et de trouver ses mots au fur et à mesure sans la pression d'une réponse en étant pris de court... Eh bien à la longue, cela pouvait apporter un certain malaise dans le cœur du noble qui se demandait bien si finalement il n'avait pas imaginé les rares fois où son sauveur lui avait répondu au vu de la rareté de ces interventions. Mais en soi, que pouvait bien faire notre protagoniste dans tout cela? Il n'était pas quelqu'un d'égoïste, bien au contraire. Et il ne pouvait pas en vouloir à cet homme imposant qu'il suivait. C'était Dorne qui avait fait irruption dans sa vie, en étant sauvé. Soigné. Raccompagné. C'était déjà bien bien plus que le strict minimum pour aider quelqu'un. Pouvait-il en demander plus? Non. Le souhaitait-il cependant? Oui. Car au fond il n'en restait pas moins un jeune homme aux nombreuses blessures, qui espérait simplement pouvoir discuter avec quelqu'un qui ne lui cracherait pas à la figure. Echanger avec joie avec quelqu'un qui ne le frapperait pas car il aimait la lecture plus que l'épée...
Un léger soupir sortit de la bouche après une énième phrase qui se perdit dans le vide. Au moins pouvait-il alors en profiter pour pour déblatérer son lots de parole avant de retomber sur sa femme. Puisqu'à partir de cet instant il n'aurait plus rien à dire vu comment il risquait de se faire embrouiller terriblement le lendemain... Et de ne plus avoir l'occasion de parler à quelqu'un d'autre que lui-même avant un long moment. Mais alors qu'ils étaient arrivés tous les deux dans le quartier des maisons nobles de Starkhaven, le jeune érudit qui pouvait à présent retourner chez lui ne pût s'empêcher, par politesse et espoir, de proposer un dernier quelque chose à son sauveur. Pour lui, au vu de ses nombreuses réactions, ou plutôt non réaction, le troisième fils Wiergender pensait qu'il recevrait un non... Si son interlocuteur ne partait pas tout simplement sans un mot. Mais pourtant, ce ne fût pas le cas. Il avait répondu à la demande de Dorne. Mieux que ça, il l'avait accepté! Un léger sourire s'était affiché sur le visage de l'érudit. C'était peut-être tout bête, mais recevoir chez lui quelqu'un qu'il avait invité, passé un moment simple juste avec un verre d'alcool avec son sauveur était quelque chose d'important pour notre protagoniste. C'était rassurant, et plaisant.
- Je vous remercie d'accepter cela. Au moins je pourrais en parti repayer la dette que je vous dois pour m'avoir tant aidé en cette soirée! Tenez, suivez moi. A partir d'ici je peux retourner vers ma demeure... Enfin, celle de ma femme. Il rajouta pour lui dans un léger silence. La mienne je n'y est même plus accès depuis des années déjà...
Reprenant la marche, le jeune noble vint à dépasser son sauveur en lui faisant un signe de tête. Un nouvel élan lui ayant apporté une certaine force. A partir de là, il ne fallut plus que quelques minutes avant de rejoindre la maison qu'il partageait avec son épouse. Au vue de l'heure tardive, il était certain qu'elle dormait à cette heure-ci... Si elle avait décidé de passer la nuit seule dans la maison conjugale bien entendu. Cette information, Dorne lui-même ne la possédait pas, sa moitié étant partie à une soirée mondaine avec sa famille à elle et des membres gravitant autour de cette sphère. En somme, du monde et des hypocrites, tout ce qui pouvait faire vomir en moins de deux le pauvre garçon. Ouvrant alors la porte qui les séparait d'un abri, le troisième fils des Wiergender fit signe à son compagnon de la nuit de rentrer alors chez lui. A cette heure-ci il ne devait même plus y avoir de domestiques. Tant mieux alors, il ne les aimait pas non plus. Il avait l'impression d'être jugé par ces derniers. En arrivant dans les cuisines, tout était éteint. Pas une bougie allumée, le grand fourneau ne laissait même plus échapper des restes de fumée... Il restait par ci par là quelques restes de pains, fromages, viande séchées ou tout autre aliments non consommé mais encore amplement utilisable.
- Si vous souhaitez rester dans la cuisine et profiter de quoi que ce soit, c'est la maison qui offre. Je vais voir dans la cave s' il n'y a pas quelque chose qui pourrait nous plaire afin de terminer cette soirée d'une meilleure façon qu'elle n'a commencé...
Malgré une légère confiance qui germait chez Dorne, celui-ci ne semblait pas aussi sûr de lui qu’il ne l’aurait souhaité. Il n'aimait pas sa maison, et même s’il s'y sentait en sécurité, après tout on ne l'avait jamais frappé ici, il y avait tout de même été insulté, jugé et le tout servait un peu de prison dorée. Face à la tristesse de la chose, l’érudit se gratta l'arrière du crâne pour essayer de se rassurer, avant de soupirer et de prendre une bouteille de vin. Il n'y connaissait pas grand chose, en réalité en alcool. Il en buvait peu, car on ne lui en autorisait quasiment pas. Mais ce soir, qui était là pour lui attacher le collier autour du coup? Personne. En revenant de la cuisine, il sert alors deux verres, tendant son cadeau à son sauveur tout en observant le rouge de sa boisson quelques instants. Un rouge aussi puissant que le sang. En repensant aux trop nombreuses blessures qu’il avait reçu, le jeune homme se demandait bien si, malgré la distance qui le séparait du domaine familiale, il n’était hélas toujours pas trop relié à eux. C’était vrai après tout qu’il était quelques peu asservit par sa femme, qui elle même travaillait en étroite collaboration avec ses parents… Eux-mêmes qui l’avaient souhaité mort il y a si longtemps. Il fallut un certain effort au noble pour ne pas laisser échapper un rire amer qui lui faisait plus mal qu’autre chose. Relevant la tête, il leva par la même occasion son verre.
- A la votre, avec les remerciements de la maison Wiergender pour avoir sauvé un de leurs enfants! J'espère qu'il sera bon au moins ce vin…
La phrase qu'il avait cité avait une certaine note d'ironie et d'amertume. Il se devait bien entendu de jouer les faux semblants face à n'importe qui. Après tout, personne ne devait savoir tout ce qu’il avait subi, cela anéantirait bon nombre de choses et sûrement lui avec… Mais au moins pouvait-il s’amuser du destin un minimum en buvant une bouteille de sa prison, en célébrant un minimum sa vie qu’il considérait parfois comme inutile? Et le tout, avec quelqu’un qui l’écoutait. Il mit le verre à ses lèvres après avoir trinqué avec son interlocuteur pour boire. Quelques notes fruitées, une certaine amertume, mais c’était malgré tout un plaisir au niveau des papilles. Difficile de vraiment savoir si c’était un bon vin, n’ayant pas réellement de comparaisons ou de talents la dessus, mais au moins était-il bon pour Dorne.
- Je ne sais pas si vous vous y connaissez la dedans, mais ce sera toujours quelque chose qu’Edana n’aura pas le plaisir de goûter.
Une légère moquerie envers sa femme, chose qu’il n’oserait jamais en face d’elle. Un petit haussement d’épaule, suivi d’un énième soupir… Puis il continua de boire afin de laisser la chaleur de l’alcool s’engouffrer dans ses différents sens.
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Je ne sais pas pourquoi j’ai accepté. Ou plutôt, je le savais très bien, et là était tout le problème : n’importe quel inconnu aurait pu me proposer que j’aurais répondu non par simple prudence, ou alors j’aurais accepté pour une question de principe, de respect ou de pitié. Mais là .. Comment refuser ? Sans parler de cette attente dans ses yeux aux ombres tristes. Un regard que je peine de plus en plus à défier, à mesure que les écrasantes secondes défilent. Un simple verre ne ferait de mal à personne ; c’était bien là ce dont j’essayais de me convaincre. Car désormais, j’avais accepté, c’était trop tard pour se défiler.
Son visage s’est illuminé après ces quelques paroles jetées en l’air avec le moins de conviction possible. Un genre de lumière que j’avais déjà vu briller chez lui, par le passé. Un sourire rouillé et usé par les ténèbres de l’âme, comme s’il avait tardé à revenir dans sa vie.
- « Je vous remercie d'accepter cela. Au moins je pourrais en parti repayer la dette que je vous dois pour m'avoir tant aidé en cette soirée! Tenez, suivez moi. A partir d'ici je peux retourner vers ma demeure... Enfin, celle de ma femme. La mienne je n'y est même plus accès depuis des années déjà… »
Mais cette lumière se ternit déjà, pris dans une tornade de souvenirs heureux comme déchirants. Je le comprends. Je note aussi chaque information qu’il déblatère sans se rendre compte, et s’il considère ce rejet comme une infortune, à sa place j’y verrais les prémices inédits d’un paradis jadis interdit. Une liberté sans borne. Enfin, dans son cas ça prendra du temps : la soumission est un mélange fourbe de violence et d’attachement. Une liberté trop vaste qui donne le vertige, qui donne simplement envie de regagner sa misérable grotte.
Je hoche simplement de la tête pour lui répondre, ne souhaitant ni m’attarder sur sa famille, ni sur sa femme. Lui non plus il semblerait, puisque le voilà déjà reparti. C’est à mon tour de le suivre, d’observer sa démarche régulière, mais je me force à ne pas rester trop en retrait. Fort heureusement, le trajet est presque vaincu : sa marche ralentit, avant de bifurquer sa trajectoire pour une porte aux décorations modestes, mais minutieuses.
C’est donc ici qu’il vit.
Après moultes portes, escaliers ou autres couloirs, nous voici dans les cuisines. Pas un chat. C’est curieux, tout de même, mais Dorne semble s’en réjouir. C’est sûrement une bonne chose, en effet : rien de pire que des domestiques pour ragoter, et comme il l’a dit précédemment, c’est chez sa femme, donc j’ai de grandes chances pour que ce ne soient pas ses propres domestiques. En somme, une cage dorée pour une cage plus dorée encore. Tu m’étonnes qu’il soit aussi heureux de constater qu’il n’y a personne.
- « Si vous souhaitez rester dans la cuisine et profiter de quoi que ce soit, c'est la maison qui offre. Je vais voir dans la cave s' il n'y a pas quelque chose qui pourrait nous plaire afin de terminer cette soirée d'une meilleure façon qu'elle n'a commencé… »
- « Je vais voir ce que je peux trouver. »
Hors de question de le laisser boire à jeun. Déjà qu’il n’a pas l’air d’y être si habitué que ça – enfin je le lui souhaitais, avec une solitude pareille –, autant éviter des déboires en plus. Manquerait plus que sa femme lui tombe dessus. Je coupe quelques tranches de pain, ramasse un peu de viande séchée, quelques morceaux de fromage. Je rassemble le tout sur un plateau, pensif, que je ramène sur une table. Puis je cherche des allumettes, allume quelques bougies pour y voir plus clair, dont un cierge que je pose sur la table, près du tout. Ça devrait le faire comme ça. Le temps de faire tout ça que le petit revient, une bouteille à la main. Tout sourire, ou presque, il me tend le verre qu’il a rempli pour moi, avant de perdre son regard dans la contemplation de sa propre couleur. Un rouge vif, qui tourne sur un violet léger. J’inspecte le mien, fais tourner un peu le liquide dans le verre, observe sa robe danser sous les lueurs chaudes des bougies. La robe est pas mal, oui. Sûrement une cuve du coin, ou alors orlésienne compte tenu de l’appartenance sociale.
- « A la votre, avec les remerciements de la maison Wiergender pour avoir sauvé un de leurs enfants! J'espère qu'il sera bon au moins ce vin… »
Un certain amusement me prend à cette dernière phrase incertaine, mais aussi un peu de rassurance. Il n’a pas l’habitude du vin, et heureusement. Manquerait plus qu’il noie ses journées dedans. Je lève mon verre également, entrechoque le sien sans trop de force, relève le verre.
- « A la vôtre. »
Comme si sa famille me remercierait pour maintenir en vie leur erreur supposée. Mais bon. Je peux comprendre qu’il tient à préserver cette même façade avec tout le monde, même lui-même. De se dire, avec ce faux recul, que ce n’était pas si terrible. Je renifle mon verre avec attention. Un peu fruité, sans manquer d’amertume dans ses tons. J’avale une première gorgée prudente, pour tester le goût. Mh mh. Non, ce n’est pas mauvais. Je repose mon verre pour attraper la bouteille, en lire l’étiquette. Du pinot de Combrelande. Probablement une cuve de chêne, connaissant les environs – et surtout leur vin. Un import orlésien pour sûr, et qu’ils ont bien fait de conserver.
- « Je ne sais pas si vous vous y connaissez la dedans, mais ce sera toujours quelque chose qu’Edana n’aura pas le plaisir de goûter. »
Un nom inconnu au bataillon : Edana. Sûrement sa femme, vu que je connaissais le reste. Et cette seule remarque m’explique bien que ce mariage est en effet un moyen d’éloigner leur rejeton de fils, dans les bras d’une mégère. Mais bon. Je ne relève pas la chose, je suis censé être un parfait inconnu. Je repose la bouteille, désigne d’un geste de la tête le peu de nourriture que j’avais amassé.
- « Si vous ne buvez pas souvent, n’y allez pas l’estomac vide, ça peut être dangereux. »
Ça l’était de façon générale, mais les buveurs réguliers savaient déjà ce genre de détails. J’attrape un morceau de fromage, dans lequel je mords à pleine dents, avant de reprendre mon verre en main.
- « C’est une bonne cuvée en tout cas, rassurez-vous. »
Mais Dorne reste plongé dans son verre, comme une bouffée d’air après être resté si longtemps que ça en apnée. J’ai peut-être un très bon moyen de ralentir sa cadence, tout en éloignant le centre de la conversation de moi. Une seule question, c’est tout ce dont j’ai besoin.
- « Et alors, que faites-vous dans la vie, Dorne ? »
La prononciation de son prénom noue ma gorge pour de bon. Ce n’est pas simple, mais il faut jouer le jeu de l’étranger, sans quoi il aura des ennuis. Je noie cette douleur dans une autre gorgée de vin, suivie non loin du reste de ma tranche de fromage. Comme ça il parlera pendant des heures. Et aussi, peut-être ça m’aidera à ne plus chercher à savoir, ou à m’intéresser à son cas. Qu’une fois que je serai à jour, je pourrai disparaître dans les ombres pour de bon.
pas de victoire qui n'évoque une défaite."
--G. Brooks
Miche s'exprime de rares fois en #666666
Toujours un certain silence. Finalement, Dorne s'en habituerait presque lorsqu'il discutait avec son sauveur. Au moins savait-il qu'il était écouté. Il n'avait toujours pas dit un mots que ce soit lorsqu'il le guida, le fit entré ou l'installa tranquillement dans la cuisine. Un léger trait d'humour vint cependant traverser le jeune noble en ce disant que finalement, s'il ne parlait quasiment pas, sa femme ne risquerait que d'entendre la voix de son époux et ne viendrait donc pas l'embêté... Avant de se rappeler que sa dulcinée était presque comme une sangsue et que quoiqu'il arrive, elle viendrait.
- « Je vais voir ce que je peux trouver. »
La réponse surpris le troisième fils Wiergender. Mais le ravis. Il n'était pas spécialement le plus débrouillard en cuisine, et même oubliait souvent de manger lorsqu'il était pris dans ses écrits... Ou ses moments de déprimes. Il valait donc mieux que quelqu'un d'autre s'occupe du casse-croute nocturne si le duo souhaitait, eh bien, manger un minimum correctement. C'est avec cette idée rassurante en tête que le grande jeune homme partit chercher une bouteille d'alcool avant de revenir rapidement avec la désirée boisson. Cela ne lui avait pas pris beaucoup de temps, tout du moins selon sa notion du temps, et pourtant à son retour son associé de la soirée avait déjà préparé un plateau contenant pas mal de petite collations tout en ayant éclaircis la pièce avec les bougies. Rien à redire, cette force de la nature était prévenante et organisée. C'est en lui remplissant son verre qu'il le remercia avec un hochement de tête bienveillant. Au moins, cette soirée se finissait vraiment mieux qu'elle n'avait commencée, et cela même si l'érudit s'était perdu dans ses pensées en observant l'alcool.
- « A la vôtre. »
Avait alors répondu son sauveur à ses paroles, les deux entrechoquant leurs verres comme le voulait la coutume. Puis de commencer à boire. Les occasions étaient rare, même très rare qu'il puisse profiter un minimum de l'alcool. Les raisons étant simple, les boissons que possédaient sa familles, c'était de la qualité. Les bouteilles valaient chère... Et pour les Wiergender et sa femme, lui, ne valait pas grand chose et ne méritait donc pas ce plaisir. On le limitait à l'eau, c'était peut-être même déjà trop pour eux? Se demandait Dorne en regardant une nouvelle fois sa coupe de vin. L'humeur de ce dernier était pire que le temps changeant. La moindre réflexion négative le plongeait dans ses troubles quand la moindre trace amicale le ramenait sur le droit chemin...
- « Si vous ne buvez pas souvent, n’y allez pas l’estomac vide, ça peut être dangereux. »
Une seconde phrase, aussi rapidement? En plus de perturber le noble, ce dernier sorti du tourbillon d'idée négative dans lesquelles il se noyait. En levant la tête vers son sauveur il remarquait que ce dernier pointait la nourriture. N'ayant jamais réellement été en contacte avec beaucoup d'alcool, ou de grand buveur, le jeune homme n'en savait rien sur les effets indésirables. Mais venant de quelqu'un qui protégeait un bordel où l'alcool devait sûrement couler en bonne quantité, il serait judicieux de suivre un tel conseil. Pourtant il resta tout de même hypnotisé par son verre de vin.
- « C’est une bonne cuvée en tout cas, rassurez-vous. »
Et une nouvelle qui venait presque aussitôt. Cela commençait presque à ressembler à une conversation. Mais Dorne était content que son interlocuteur apprécie le vin. Et il espérait que le cadre aussi soit appréciable. Se rendant compte qu'il était malpolis d'ainsi être obnubilé par un vulgaire verre d'alcool, le jeune homme décida d'abord de répondre à son compagnon de nuit.
- Vous avez sûrement raison, je n'ai pas spécialement envie d'être découvert demain matin dans une fâcheuse posture... Ce serait vraiment ma fête dans ce cas la... Mais le principal c'est que vous aussi appréciez ce moment de détente. Je pense qu'un moment comme cela, on en a tous besoin.
Exprima t'il avant de se lancer sur un morceau de fromage à son tour. Le gout de ce dernier marié au vin avait un petit effet très plaisant. Comme un doux mariage sublime qui amplifiait la valeur et la saveur de chacun. Un léger sourire presque enfantin se dessinait sur la bouche de Dorne.
- Délicieux! Vraiment! Je me demande parfois pourquoi les cuisinier s'embête à passer autant de temps sur des plats quand un simple mariage comme celui-ci peut ravir les papilles!
Suivant son compagnon de nuit, le noble ne perdit pas un instant avant d'embrocher un nouveau morceau de fromage, puis un autre. Ce n'était pas un très gros mangeur de base, peu lui suffisait pour se sentir combler. Mais la, peut-être que la frayeur de la nuit, la perte de sang ou le faite de manger avec quelqu'un qui ne le détestait pas apporter un petit plus à tout cela, car la faim le rongeait suffisamment pour qu'il se laisse aller dans le fromage, oubliant même qu'il avait un verre de vin. Si sa famille le voyait ainsi, ils penseraient plus à un fils d'étable qu'un fils de noble. Mais pour l'instant, il n'en avait que faire.
- « Et alors, que faites-vous dans la vie, Dorne ? »
La question mit un certain stop au jeune homme qui s'arrêta net, un morceau de fromage dans la main. Ce qu'il faisait dans la vie? C'était quelque chose de simple à répondre. Un léger soupire vint à lui écorcher la bouche, ne se rendant même pas compte de la difficulté qu'aurait pût avoir son interlocuteur à prononcer son nom. Le troisième fils des Wiergender vint à caresser délicatement l'arrière de son crâne.
- Initialement je dirais que je suis un pantin fantoche. C'est sûrement ce que je dois faire de mieux dans la vie depuis que je suis à Starkhaven. Un homme qui sert de prête nom pour étendre l'influence des Wiergender, qui ne doit pas faire de plis et obéir à ce qu'on lui ordonne.
Difficile de mieux expliquer à quoi il servait : A rien. Buvant un nouveau verre de vin, Dorne savait depuis longtemps quel était son but. Il le savait depuis bien avant son mariage. C'était la menace de sa famille, et elle avait été exécuté sommairement peu de temps après l'accident avec Siegfried. Mais ça, ce qu'il faisait... Il souhaitait aller bien plus loin.
- Mais je veux réussir à dépasser ce stade. Aller bien plus loin qu'un simple pantin. J'ai toujours eu envie d'aider les autres, vous savez. Et je veux être plus qu'un noble fantoche, un véritable soutien pour le peuple, pour l'inconnu en péril... Pour Thédas.
Une certaine fierté s'était instauré dans la voix du jeune noble. Il avait confiance dans ses paroles. Il savait sa situation, son statue bien sûr... Mais il savait ce qu'il pouvait valoir. Si il réussissait réellement à se briser des nombreuses chaines qu'il avait autours de son cou. Celle de sa famille... Et celle de...
- C'est un bien jolie discours, mon amour. Mais la prochaine, tâche de le chanter devant tes parents et pas un inconnu, veux-tu?
Le bruit d'un applaudissement se fit entendre au niveau de l'entrée de la cuisine. Accompagné d'une voix qui fit frissonner de peur le jeune Wiergender. Dans l'embrasure se trouvait une femme de taille modeste, aux cheveux châtains possédant encore bonne quantité de bijoux et de vêtements luxueux.
Pourquoi... Pourquoi est-elle déjà réveillée... Que fait-elle déjà ici! Elle... Elle a vraiment tout entendu? Oh bon sang non...
La dernière solution étant que sa dulcinée était partie ce soir pour une virée et ne venait que de rentrer. Et sûrement pris dans l'excitation, l'alcool et la nourriture ne l'avait-il pas du tout entendu. Surtout que, pour cette dernière, la marche silencieuse et surprendre les gens étaient une de ces qualités principales...
- Je... Je...
Rien ne semblait vouloir sortir de la bouche de Dorne, ou tout du moins, rien de réellement cohérent. La peur et la soumission qu'il entretenait vis à vis de sa femme était certaine. Surtout en étant ainsi pris la main dans le sac comme un vulgaire enfant souhaitant se rebeller contre ses parents. Tout ce qu'il pouvait faire c'était de baisser les yeux et la tête, retrouvant un certain mutisme. Ce qui fit légèrement rire Edana qui tourna la tête vers le troisième protagoniste de la scène.
- Je ne sais pas qui vous êtes, et j'admets ne pas spécialement envie de le savoir. Si vous avez fait quelque chose de bien au sujet de mon mari, je vous remercie. Mais essayez de ne pas lui donner d'idées stupides dans la tête. Dans tout les cas, je vous demanderai de partir de ma maison.
Une voix froide, glaciale. Qui, même si elle n'était pas directement dirigée vers Dorne cette fois-ci, eu son effet en le faisant trembler à chaque mots. Il était presque devenu livide voir inexistant. Si une chose était sûr, c'est qu'il était encore loin d'être prêt pour se rebeller réellement contre sa femme, et pire, contre sa famille. Une voix, assez faible ce fit entendre de sa part tout de même en direction de son sauveur.
- Je suis... Désolé...
S'exprima t'il avant de retrouver un certain mutisme en baissant la tête, honteux.
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Vol : 18
Ch : 9
sickening for help
Dorne est définitivement perdu dans ses pensées. De par son manque de connaissance sur le sujet, alors que sa famille possède un sacré nez dans le domaine, tout ça en disait long. Mais ce n’est pas le moment de remarquer les détails, sous peine de vendre la mèche. Il lui faut un moment pour sortir de son verre, m’observer, et commencer à manger.
- « Vous avez sûrement raison, je n'ai pas spécialement envie d'être découvert demain matin dans une fâcheuse posture... Ce serait vraiment ma fête dans ce cas la... Mais le principal c'est que vous aussi appréciez ce moment de détente. Je pense qu'un moment comme cela, on en a tous besoin. »
- « Je ne vous le fais pas dire. »
Moment de détente, je ne sais pas. C’est un moment, c’est déjà pas mal. Que ce soit moins ou plus n’est pas négociable. Un simple moment est bien là tout ce qui est souhaité.
- « Délicieux! Vraiment! Je me demande parfois pourquoi les cuisinier s'embête à passer autant de temps sur des plats quand un simple mariage comme celui-ci peut ravir les papilles! »
Je ne peux pas réprimander ce sourire qui se pointe, face à une telle image. Une impression que le petit devient grand, cette façon de s’émerveiller sur les petites choses. Un retour en arrière pour une fois agréable, mais limité dans son bonheur. Ce sourire disparaît presque aussi vite qu’il n’était arrivé. Je ne dois pas me laisser aller. Pour camoufler le tout, je porte mon verre à mes lèvres. Je change même de sujet, pour renforcer cet anonymat que je m’évertue à montrer envers et contre tout.
Mais ma question ne semble pas le ravir, et je sais pourquoi.
- « Initialement je dirais que je suis un pantin fantoche. C'est sûrement ce que je dois faire de mieux dans la vie depuis que je suis à Starkhaven. Un homme qui sert de prête nom pour étendre l'influence des Wiergender, qui ne doit pas faire de plis et obéir à ce qu'on lui ordonne. »
Quelle horreur. Une vie qui se résume à ça est définitivement le sort le plus cruel qu’on puisse subir. Ça, et être né à Orlaïs. Dire que certains cumulent les deux ..
- « Mais je veux réussir à dépasser ce stade. Aller bien plus loin qu'un simple pantin. J'ai toujours eu envie d'aider les autres, vous savez. Et je veux être plus qu'un noble fantoche, un véritable soutien pour le peuple, pour l'inconnu en péril... Pour Thédas. »
Je hoche de la tête, attentif à ses propos, avant qu’une ombre en mouvement n’attire mon œil. Mes sourcils se froncent, mais je trouve rapidement réponse à ma question, lorsque cette voix s’élève des ombres, que le claquement agaçant retentit, mais surtout, quand le visage de Dorne tourne au blanc livide.
- « C'est un bien jolie discours, mon amour. Mais la prochaine, tâche de le chanter devant tes parents et pas un inconnu, veux-tu? »
Mais quelle impertinente. Véritable saloperie mesquine et arrogante. Vipère de bas étage. Mon sang ne fait qu’un tour, mes doigts se crispent sur mon verre.
Oh, cette vipère doit être la fameuse femme.
Mais le mot tonne, martèle le crâne. “Inconnu”. Car oui, c’est tout ce que je dois rester dans cette conversation : un simple inconnu. Les vieux réflexes sont difficiles à occulter, mais je ne dois pas me laisser aller. Dans son intérêt. Mais cette furie ..
- « Je... Je… »
- « Je ne sais pas qui vous êtes, et j'admets ne pas spécialement envie de le savoir. Si vous avez fait quelque chose de bien au sujet de mon mari, je vous remercie. Mais essayez de ne pas lui donner d'idées stupides dans la tête. Dans tout les cas, je vous demanderai de partir de ma maison. »
- « Je suis... Désolé… »
Mes dents se sont serrées à en devenir douloureuses. Ce ne sera jamais fini pour le petit, hein ? Même s’il part de chez lui, c’est pour retrouver d’autres tortionnaires. Et je devrais rester impassible face à ce passé qui se répète ? Me fondre à nouveau dans les ombres après ce qui m’a été donné de voir ?
Un rire rauque s’échappe de mes lèvres.
- « Je ne sais pas qui vous êtes, et en vrai je m’en contrefous. Je vous trouve bien vulgaire à traiter ainsi un invité de votre tendre époux. C’est ça, l’étiquette havenoise ? Honteux. »
Je marque une pause, fais tourner le vin encore présent dans le fond de mon verre, avant de planter mon regard agacé dans le sien.
- « Vous devriez retravailler vos manières, jeune fille. Votre époux m’a offert un verre, et je compte bien le terminer. Ensuite, je m’en irai. Vous n’aurez qu’à l’attendre au lit, il se fait tard, vous savez .. Ce n’est pas très bon pour votre teint. »
Je porte le verre à mes lèvres, sirote tranquillement mon vin. J’ai dit que je partirai quand je finirai, je n’ai pas dit que je le finirai rapidement. Je porte une dernière attention à cette saloperie de femme, le regard aiguisé, autant que l’accent du nord.
- « En voilà des manières. Foutez-moi le camp. »
J’observe sa réaction, voir si elle comprend ce que je lui dis ou non. De par la tête qu’elle tire à mon encontre, ma réponse est satisfaisante. Je reviens alors vers Dorne, continue sur ce langage qui m’a vu naître et grandir, sans la moindre honte ou gêne.
- « On peut discuter en névarran si vous voulez. Elle ne pige pas un mot, c’est parfait pour vous. »
Grand risque que je prends là, à m’exprimer sous cette langue, sous cet accent si caractéristique, sous une voix qui peut sonner familière. Mais je ne m’embarrasse plus de ces détails : Dorne a besoin de quelqu’un pour lui sauver la mise au sein de cette nouvelle prison. Je hausse des épaules.
- « Vous avez là de grandes ambitions, c’est certain. Vouloir faire la différence est toujours quelque chose de louable, j’imagine. Mais faites attention, car en l’état, j’ai bien peur que votre cadre de vie vous limite dans vos envies. Commencez déjà par là, mettez-y un peu d’ordre. Je ne parle pas que de votre femme, ça c’est une étape costaude pour plus tard. Commencez donc par vous-même, voulez-vous ?»
J’agite un doigt dans sa direction, une autre gorgée de vin qui dévale dans ma gorge avec plaisir. Il faut bien que quelqu’un raffermisse ce pauvre garçon.
- « Il faut une certaine assurance et une certaine confiance en soi pour tenir. Ce n’est pas un combat simple, mais un combat nécessaire. Sinon, et vous le constatez bien hélas, vous finissez écrasé par les autres. »
pas de victoire qui n'évoque une défaite."
--G. Brooks
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C'était peut-être peu, mais pouvoir partager un instant simple avec une connaissance qui ne voulait pas son mal est, et restera sûrement un souvenir positif que conservera longtemps Dorne. Car après tout ce genre de souvenir il n'en a pas eu depuis... Depuis sa petite enfance, finalement. Si lointain que même lui est incapable de se rappeler à quoi ça ressemble, d'être heureux. Certes le bougre avec lui n'était pas bavard pour un sou, mais c'était un protecteur, et quelqu'un qui semblait vraiment se soucier un minimum du noble. Que demander de plus, finalement? Quand on a rien, même une feuille nous amuse, alors ici, la moindre trace positive était un grand pas en avant pour l'érudit.
- « Je ne vous le fais pas dire. »
Une des nombreuses phrases courtes du sauveur. Et pourtant, elles arrivaient tellement rarement et parfois de manière si aléatoire, qu'il était difficile pour le troisième fils Wiergender de s'y attendre. Sursautant alors une nouvelle fois, le jeune homme s'en amusa presque avec un demi soupire amusé. ça le lui faisait à chaque fois... Hochant la tête sans spécialement répondre aux paroles du Protecteur, la conversation que les deux entretinrent avança petit à petit. Le tout dans une sorte de cascade de sentiments. De la colère, vint la tristesse, puis le courage et l'envie. Parler ainsi de sa famille était toujours un moment difficile. Après tout ces derniers étaient un peu les "Maitre" du jeune noble qui n'était qu'une sorte d'animal dressé qui ne servait pas à grand chose. Mais comme pour beaucoup, Dorne aspirait à mieux que cela. Et il l'avait montré au moins par ses paroles, qu'il espérait mieux que cela. Aider les autres était et restera son combat du quotidien. Si la Chantrie disait que la Magie devait servir l'homme, la réflexion et la science le pouvaient tout autant. Ceci, et utiliser ses mains pour venir en aide aux autres dans le besoin. Comme les mains de son interlocuteur qui avaient été utilisé pour fracasser la figure de ceux qui auraient pût tuer le pauvre Dorne.
Mais une étincelle, une flammèche, pouvait s'éteindre bien rapidement. Il fallait la mauvaise personne au bon endroit, et ici, c'était Edana qui venait d'intervenir. Elle était certes belle, pour des standards, allons nous dire, mais ce qu'elle pouvait parfois être froide et cassante... Comme ici. Et ces quelques paroles avaient suffit à enfermer de nouveau le fils Wiergender dans une prison de peur. Il en bégayait, il en arrivait même à ne plus trouver ses mots quand elle semblait si impériale, si forte... En y réfléchissant, quitte à faire épouser quelqu'un à cette horrible personne, la mère de l'érudit aurait pût choisir Siegfried, songea alors Dorne qui baissa la tête, honteux, presque comme un enfant. Tellement honteux qu'il ne regarda même pas en direction de son invité. De peur finalement, d'être aussi jugé sévèrement, comme par tout le monde... Et pourtant... Un rire rauque. Interloqué, il dirigea son regard vers cet étrange sauveur de la nuit. Il semblait dans une rage assez violente, que le jeune noble en eut presque peur.
- « Je ne sais pas qui vous êtes, et en vrai je m’en contrefous. Je vous trouve bien vulgaire à traiter ainsi un invité de votre tendre époux. C’est ça, l’étiquette havenoise ? Honteux. »
Comme un écho, les deux membres du couple restèrent là, ainsi, immobile, la bouche légèrement entrouverte par ce qu'il venait de se passer. Dorne car il ne pensait pas être ainsi défendu vaillamment. Edana car elle ne pensait pas qu'on pourrait un jour lui parler ainsi. Mais la suite des choses vinrent à abasourdir encore plus le couple alors que cet inconnue faisait tourner son vin.
- « Vous devriez retravailler vos manières, jeune fille. Votre époux m’a offert un verre, et je compte bien le terminer. Ensuite, je m’en irai. Vous n’aurez qu'à attendre au lit, il se fait tard, vous savez .. Ce n’est pas très bon pour votre teint. »
Un nouveau coup de tonnerre. La dernière réflexion vint presque à faire rire Dorne qui ne s' attendait pas à voir ainsi son épouse se faire d'une part reprendre sur l'étiquette et ensuite se faire insulter sous son propre toit. Mais le fait qu'en plus de cela l'individu continue de boire le vin le plus lentement possible... C'était trop. Alors qu'elle serrait du poing, son regard sombre se tourna vers Dorne.
- Et c'est ainsi que tu laisses un inconnue critiquer ta femme? Révoque le de notre maison. Sur le champ.
Et alors que Dorne ne savait pas spécialement sur quel pied danser entre obéir à sa femme et finalement... Retrouver un minimum de liberté en acceptant totalement d'affirmer l'invitation qu'il avait faite à cet "ami" du soir. Mais là où regarder les yeux de l'homme lui donnait de la force... Ceux de sa femme... Froid... Calculateur... C'est de l'acier, qu'il ressentait autour de son cou quand le fils Wiergender l'observait. Le froid de la chaîne, ou alors la coupure des fils d'un marionnettiste. Quand on a la peur qui nous tient par le cœur au point d’obéir servilement, on suit parfois automatiquement cet instinct de serviteur, plus que de dominant. Et alors que sa bouche allait s'ouvrir pour congédier son invité, à contrecœur, une nouvelle surprise vint chambouler les jeux.
- « En voilà des manières. Foutez-moi le camp. »
Du... Du Névarran? Le visage de l'érudit vint à se transformer sous l'effet de la surprise. Un large sourire s'affichant sur son visage. Cela faisait au moins trois longues années qu'il n'avait pas entendu sa langue natale ailleurs que de sa propre bouche. Entendre quelqu'un parler cette langue... Celle de ses origines... C'était un plaisir incroyable! Le jeune noble en aurait sautillé de joie si la situation n'était pas déjà à cran. Mais Edana, elle... Ne comprenait rien. Elle n'avait jamais fait l'effort d'apprendre le Névarran, futile d'après elle. Et c'était bien là quelque chose qui l'horripilait.
- Qu'a exprimer notre bon invité dans cette langue étrangère?
- « On peut discuter en névarran si vous voulez. Elle ne pige pas un mot, c’est parfait pour vous. »
Mais pourtant... C'était quelque chose d'étrange, pour Dorne. Les divers sensations particulières qui le parcouraient au sujet de cette personne bourrue… Et le voilà qu’il parlait le Névarran aussi facilement que lui? Un haussement de sourcil dans la direction de son sauveur, une tête légèrement pleine de doute, mais ce n’était pas le moment de flancher.
- Ce serait avec plaisir que de discuter ainsi. Elle n’a jamais fait l’effort d’apprendre un mot de cette langue… Cela me fait tellement de bien de l’entendre de nouveau, vous n’imaginez pas à quel point. Sans retour de mes lettres que j’envoie à ma famille, si loin de chez moi… Merci.
- Très bien. Je vous laisse, pour cette fois. Je vois bien que je suis de trop et il est trop tard pour gérer ces bêtises d’enfants. On en reparlera demain, Dorne.
Et aussi furtivement qu’elle était apparue, la “charmante” Edana vint à disparaître de la cuisine, suivie d’un profond soupir du jeune noble. Ce n’était pas réellement sa victoire d’avoir ainsi tenu tête à sa femme, mais c’était tout de même une victoire! Un léger sourire sur le visage, un air mêlant fierté et espoir, l’érudit vint à se retourner vers celui qui avait apporté un peu de mieux dans sa vie.
- « Vous avez là de grandes ambitions, c’est certain. Vouloir faire la différence est toujours quelque chose de louable, j’imagine. Mais faites attention, car en l’état, j’ai bien peur que votre cadre de vie vous limite dans vos envies. Commencez déjà par là, mettez-y un peu d’ordre. Je ne parle pas que de votre femme, ça c’est une étape costaude pour plus tard. Commencez donc par vous-même, voulez-vous ?»
Du Névarran… Si un jour on lui aurait dit qu’à Starkhaven il l’entendrait de nouveau aussi fluidement… Mais le plus surprenant c’est surtout tout le soutien et les paroles qu’il venait d’entendre. En un temps de parole, son interlocuteur lui avait plus parlé qu’en toute une soirée! Cela amusa le troisième fils Wiergender qui laissa son comparse terminer ce qu’il avait à dire, lui qui agitait son doigt et venait de boire.
- «l faut une certaine assurance et une certaine confiance en soi pour tenir. Ce n’est pas un combat simple, mais un combat nécessaire. Sinon, et vous le constatez bien hélas, vous finissez écrasé par les autres. »
Même si l’excitation de l’instant pouvait être assez perturbante, il fallait entièrement admettre que son interlocuteur avait raison… Des ambitions, c’est bien. Avoir la capacité de se battre pour briser les chaînes et les entraves qui l’empêcherait… C’était tout de même bien mieux. Mais comment? De l’assurance, de la confiance? Comment en obtenir? Surtout, comment en obtenir quand tous ceux qui vous entourent essayent de vous écraser plutôt que de vous aider? Se changer lui même, d’accord, mais tout seul, cela semblait impossible. Sa mine affichait une certaine hésitation, lui qui ne savait pas trop où commencer, posa la question la plus simple et logique possible.
-Comment? Comment changer? Tout seul c’est… Impossible… Vous l’avez bien vue par vous même, cette femme… J’arrive même pas à lui tenir tête ne serait-ce que pour un invité… Et c’est la partie la plus facile comparé à ma famille… Je… Je n’y arriverais jamais seul… Je suis trop faible, pour cela…
Mais alors que ces questions vinrent à frapper de plein fouet le jeune Dorne, une autre question, un peu plus intime, pleine de curiosité vinrent à s’échapper de ses lèvres. Presque dans un murmure…
- Votre… Névarran. Il est plutôt parfait, vous savez? C’est presque comme une langue natal à ce niveau là, non?
A cet instant la, le jeune noble avait peur de, peut-être, rentrer un peu trop dans la vie privée et le passer d'une personne qui avait déjà tant fait pour lui mais... Il avait besoin de savoir.
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sickening for help
Je ne m’attarde pas sur les visages. D’une part parce que je m’en fiche, d’une autre car je ne peux pas m’y intéresser. Je reste impassible, ferme dans ma posture. Ce n’est pas la première fois que je dois montrer les crocs, et certainement pas la dernière. Une petite routine, aussi vieille que le soleil qui se lève au petit matin. Une vie de charognard, à devoir défendre ses proies, à devoir dévorer les prédateurs. Ces luttes stupides mais qui nous gardent en un seul morceau.
Alors non, je ne m’attarde pas sur les visages, même si le choc et l’outrance qui déforment ses traits détourés me prodiguerait un malin plaisir. Ça aurait été le cas à l’époque, époque farouche et rebelle, mais aujourd’hui je n’ai plus tant envie de rire.
Alors, lorsque la si charmante épouse attaque une nouvelle fois le Dorne qui ne sait plus où se mettre, mon accent siffle, la gestuelle est nerveuse : si son regard est d’acier, le mien est de feu, et elle le comprend assez vite. On m’emmerde pas. Et on emmerde personne en ma présence.
Elle comprend assez vite également que quelque chose a changé, sous ce toit qu’elle proclame sien, en témoigne sa question.
- « Qu'a exprimer notre bon invité dans cette langue étrangère ? »
“Notre” bon invité. Que ce soit pur sarcasme ou le véritable sens de ses propos, sa perception a changé. J’ai pris un risque, et le risque aura ses conséquences. Désormais, il faudra s’attendre à une petite enquête houleuse à mon sujet, et je me ris d’avance. Qu’ils tentent cet absurde jeu du chat et de la souris, quand le rat qu’ils traquent est un putain de pestiféré.
Mes épaules se haussent, mes yeux observent la jeune pétasse un instant, avant de complètement l’ignorer pour me tourner vers le pauvre garçon. Celui aussi m’interroge de ses yeux, des yeux que je peine à observer avec fermeté. Les miens fuient dans le vin, comme à chaque fois que ces pensées parasites et moroses prennent mon crâne d’assaut.
Mais je tiens bon. C’est vrai, ça serait stupide de se dégonfler maintenant.
Agacée de cette ignorance double – chose somme toute étonnante, mais agréable –, elle se replie. Non sans manquer de grossière politesse, je lui lance un dernier “Bonne nuit, madame”, avant de reporter pleinement mon attention sur le jeune Dorne. Jeune Dorne qui, à bien y réfléchir, n’est plus si jeune que ça. Coup de vieux non-négligeable.
- « Comment? Comment changer? Tout seul c’est… Impossible… Vous l’avez bien vue par vous même, cette femme… J’arrive même pas à lui tenir tête ne serait-ce que pour un invité… Et c’est la partie la plus facile comparé à ma famille… Je… Je n’y arriverais jamais seul… Je suis trop faible, pour cela… »
Cette mine déconfite me donne envie de cramer des trucs. Mais ce n’est pas le moment. J’ajuste ma posture, l’observe un instant, terminant d’avaler ma gorgée de vin.
- « Vous relevez donc votre premier obstacle : la solitude. Votre famille vous a isolé dans ce mariage, en vous tirant très loin de chez vous. Maintenant isolé, vous êtes à la merci de n’importe qui. Profitez donc : rencontrez des gens ici, entendez-vous avec eux. Mais aussi, ne négligez pas votre environnement : apprenez à connaître Starkhaven et ses petites gens. Apprenez son Histoire, sa culture, ses traditions. Prenez cet éloignement comme une force, et non comme une contrainte. »
Mais un silence accueille mes propos. Ses sourcils se froncent, tandis que son regard se perd à nouveau. A-t-il seulement écouté ? Il a l’air distrait ..
- « Votre… Névarran. Il est plutôt parfait, vous savez? C’est presque comme une langue natal à ce niveau là, non? »
Oh. Scheiße. J’avale ma salive avec précaution, tandis que j’analyse sa question. Ou plutôt : tandis que j’analyse la réponse que je peux lui fournir. Je repose le verre presque vide sur la table, passe une main dans ma barbe. Attrape un morceau de fromage pour gagner du temps.
- « J’y ai vécu fut un temps. »
Parfois, les plus évidentes se fondent dans la masse. Une réponse suffisamment vague, aux interprétations diverses et variées, et à partir de là, je pourrais broder, enfin .. Et merde ; est-ce que j’ai vraiment envie de lui faire subir ça ? Après tout, .. J’observe le verre, pensif. Il est presque vide. Je peux peut-être prendre la poudre d’escampette droit après pour éviter ses questions trop curieuses.
pas de victoire qui n'évoque une défaite."
--G. Brooks
Miche s'exprime de rares fois en #666666
Comment? Cette question continuait de résonner dans la tête du pauvre Wiergender après qu'il est déballé son plus profond problème à la personne qui l'avait sauvé. La boucle dans laquelle il était, est-ce qu'il pourrait seulement réellement s'en sortir, seul? En repensant à cette journée, il n'avait jamais été aussi proche de cet étrange sentiment de liberté. Celui de simplement profiter de sa propre vie sans dépendre de quoi que ce soit. L'étiquette. Sa famille. Sa femme... Ses tourments. Bien entendu il avait failli être battu, et potentiellement à mort par des alcooliques dans une rue qu'il ne connaissait même pas, et c'était une finalité qui heureusement n'avait pas eu lieu. Bien entendu il y a eu ce court instant avec le retour de sa femme... Mais entre-temps? Durant ces quelques courtes heures en compagnie de cet personne? C'était un certain flot agréable. Il pouvait discuter, il était écouté, et surtout il avait eu l'occasion de faire quelque chose de simple mais qu'il appréciait et cela sans être cloitré dans son bureau éloigné de tout le monde comme un malade que l'on éloignait au bout du monde. Enfin, être éloigné bien loin, ses parents l'avaient déjà fait. Le bureau c'était un peu la même punition en moins extrême d'Edana... Mais était-ce plus rassurant pour autant? Non.
Et quand il serait de nouveau, seul, sous les griffes constantes de sa femme? Sous les fils inquisitoriaux de sa famille? Surtout que ce qu'il vient de se passer ne restera définitivement pas impuni. Ce ne sera peut-être pas maintenant, ni demain mais... La noble de Starkhaven était coriace, était bien entourée et était en contact direct avec la famille des Wiergender. Sur qui cela allait-il retomber telle une pluie de feu? Connaissant la chance de Dorne, ce serait violemment sur l'érudit. Et y résisterait-il seulement, alors qu'il ne serait plus que seul face aux dangers de sa propre existence? Un soupir vint lui arracher la bouche. Comment faire? Le regard du jeune homme, devenu plus sombre, plus craintif et ayant perdu un fragment d'espoir se dirigea en direction de son interlocuteur qui venait de terminer son verre de vin. Même si il devait se débrouiller seul à un moment ou un autre de sa vie, ce serait stupide de ne pas espérer un conseil de celui qui lui avait sauver deux fois la vie en une seule soirée.
- « Vous relevez donc votre premier obstacle : la solitude. Votre famille vous a isolé dans ce mariage, en vous tirant très loin de chez vous. Maintenant isolé, vous êtes à la merci de n’importe qui. Profitez donc : rencontrer des gens ici, entendez-vous avec eux. Mais aussi, ne négligez pas votre environnement : apprenez à connaître Starkhaven et ses petites gens. Apprenez son Histoire, sa culture, ses traditions. Prenez cet éloignement comme une force, et non comme une contrainte. »
Oh, bien entendu, la réponse qu'il venait de recevoir était importante... Intéressante même et l'aiderait sûrement à réaliser bien des choses dans son futur. Mais malgré tout, le questionnement sur cet accent Névarran bien trop parfait... C'était impossible de ne pas s'y intéresser. C'était même beaucoup trop perturbant. Il avait dit plus tôt que cela faisait un petit moment déjà qu'il vivait à Starkhaven et travaillait au Laurier. Mais pourtant il parlait encore la douce langue du pays comme s'il y était. Mettant donc la réponse précédente dans un coin, Dorne ne pût s'empêcher de poser la fatidique question. S'attendant peut-être à une réaction déstabilisante qui aurait permis au fils Wiergender de tirer quelque chose de croustillant ou d'intéressant, il n'en fût rien. En face, son interlocuteur était méthodique, ni trop lent ni trop rapide dans ses mouvements et donna même une réponse à l'érudit qui était presque déçu finalement de quelque chose d'aussi simple sans rien de plus.
- « J’y ai vécu fut un temps. »
Fût un temps hein... C'était si vaste comme réponse. Mais comment demander plus, sans paraître indiscret? Ou sans paraître déplacé? Impossible, il irait à l'encontre de l'étiquette et il ne voulait pas être désobligeant ou déranger son invité. Prenant alors à son tour un morceau de fromage, il vint croquer dedans avant d'aider à faire descendre le tout avec un peu de vin. Mais le fait de savoir que celui qui l'avait sauvé avait déjà été dans son pays natal le rassurait. Il connaissait donc ces belles terres alors...
- J'espère que votre passage dans cette merveilleuse région vous aura laissé un souvenir mémorable dans ce cas! J'aimerais tellement... Y revenir, un jour. Mon pays me manque, même si je vais devoir continuer de vivre dans ce nouveau lieux encore un bon moment il semblerait...
Une légère mine déconfite embourbé dans les souvenirs douloureux s'afficha sur le visage de Dorne qui vint à se frotter le visage avec la manche de son vêtement pour afficher un nouveau sourire. Quand on côtoyait aussi souvent les petits drames et tristesses de la vie dans un milieu de la noblesse, on apprenait à changer de visage très rapidement pour ne pas être un fardeau ou être le centre des ragots. Toussant pour stabiliser sa voix, l'érudit remit la réponse de son interlocuteur dans sa tête pour lui répondre, afin de ne pas être impolie.
- Vous avez raison sur un point, utiliser ce que l'on utilise contre moi comme une arme et non comme un châtiment. Sortir, apprendre, et donner ce que je peux pour vivre mieux que ce que j'avais avant... Je tâcherais de suivre cet enseignement mais...
Dorne vint à se gratter délicatement l'arrière de son crâne, le regard se déplaçant vers la porte d'entrée de la pièce.
- Si... Jamais les choses se font trop pressantes, trop difficiles... Est-ce que... Je pourrais revenir vous voir, pour discuter? Je me doute bien que vous aurez sûrement bien trop de choses à faire pour entendre un stupide noble se plaindre, et vous n'avez aucunement le besoin d'accepter les délires d'un jeune idiot perdu mais... ça me ferait du bien, un lieu hors de cette pris- maison, pour respirer un peu et voir quelqu'un qui m'écoute. S'il vous plait.
Demanda t'il alors en s'inclinant légèrement et poliment. Même s'ils devaient se voir dans un lieux comme le Laurier, ce serait toujours meilleur que chez lui...
CT : 12
End : 16
For : 18
Perc : 15
Ag : 16
Vol : 18
Ch : 9
sickening for help
Était-ce la bonne réponse à formuler ? J’essaie de m’en convaincre. C’est mieux ainsi, ça évitera des problèmes, ou davantage de déceptions. C’est mieux ainsi, de ne pas regarder son passé dans les yeux, ce si fier passé à présent corrompu par le péché humain. C’est mieux ainsi, car la crainte du dégoût dans ses yeux est bien trop proéminente.
Mais ce que j’y lis me déchire le cœur. De la déception.
C’est comme si, peu importe la carte jouée, il n’y a que de la déception à la clé. Comme si, peu importe ce que je fais ou décide, je n’apporte que la souffrance ou les mauvaises nouvelles. Mon regard se désolidarise rapidement du sien après ces quelques mots – ce mensonge honteux –, contemplant les dernières gouttes au fond de ce verre.
Je n’aurais jamais dû venir ici.
- « J'espère que votre passage dans cette merveilleuse région vous aura laissé un souvenir mémorable dans ce cas! J'aimerais tellement... Y revenir, un jour. Mon pays me manque, même si je vais devoir continuer de vivre dans ce nouveau lieux encore un bon moment il semblerait… »
Ma mâchoire se crispe. Mon regard brillant fuit encore, observe un point au fond de la pièce. La lutte est insoutenable, mais je dois m’en écarter au plus vite. Je n’aurais jamais dû venir ici.
Mais je suis là, à finalement oser regarder cette mélancolie amère qui s’évanouit pour quelque chose de plus artificiel. Quelque chose de plus irritable. Quelque chose de pire que de constater son humanité en souffrance. J’inspire un bon coup. Il me faut me ressaisir. Je ne dois pas laisser ces abysses-là m’engouffrer.
- « Vous avez raison sur un point, utiliser ce que l'on utilise contre moi comme une arme et non comme un châtiment. Sortir, apprendre, et donner ce que je peux pour vivre mieux que ce que j'avais avant... Je tâcherais de suivre cet enseignement mais… »
Cette hésitation me ramène dans cette pièce, loin des mondanités ridicules et de l’hypocrisie tranchante. Cette hésitation me ramène à ce jeune homme, le masque se pose, un autre aspect du passé qui reprend une fois de plus le dessus.
Il faut que je parte d’ici.
- « Si... Jamais les choses se font trop pressantes, trop difficiles... Est-ce que... Je pourrais revenir vous voir, pour discuter? »
Maintenant.
- « Je me doute bien que vous aurez sûrement bien trop de choses à faire pour entendre un stupide noble se plaindre, et vous n'avez aucunement le besoin d'accepter les délires d'un jeune idiot perdu mais... »
Je me lève précipitamment, les yeux rivés vers la table, tâtant mes poches pour m’assurer que j’ai bien tout sur moi. Je n’aurais pas dû venir ici. Ouvrir cette porte. Me dire que ce serait sans danger que de flirter avec les remords.
- « ça me ferait du bien, un lieu hors de cette pris- maison, pour respirer un peu et voir quelqu'un qui m'écoute. »
.. mais ..
- « S'il vous plaît. »
Ultime supplication qui me fige dans mon élan. Je plisse un instant des yeux, respire longuement. Desserre la mâchoire. Desserre les poings. Mais ce n’est qu’un petiot qui a besoin de quelqu’un. Désespérément. Fuir pour le protéger aujourd’hui ne le pousserait que davantage dans la fosse aux lions. J’ai déjà failli, faut-il que tout recommence ?
Je hoche de la tête, le regard dans le vague.
- « Vous pourrez me trouver au Laurier Carmin, dans le Goldhead. Vous .. n’aurez qu’à demander à parler à Miche. »
Évoquer ce nom en ces lieux ne fait plus aucun sens. Mais il n’a pas remarqué, n’est-ce pas ? Le temps peut transformer à ce point un homme, ou le détruire, ce n’est qu’une question de perception. Je hoche de la tête à nouveau, comme pour confirmer mes propos, avant de pleinement me redresser. J’ajuste ma cape, vérifie une dernière fois que tout est bien en place.
- « Sur ce, j’ai promis de partir après ce verre, donc .. .. .. Ne vous couchez pas trop tard. »
Je souffle du nez, amusé par cette foutue manie qui décidément a la peau dure. Une envie maladive de paterner, mais tout en conservant une distance froide mais nécessaire. Un conflit déchirant dans les deux cas. J’incline la tête en guise de salut muet, avant de me diriger vers la porte.
- « Oh, pour demain matin, .. Vous n’aurez qu’à dire que vous avez peur de moi et que vous n’avez pas osé me contredire. La pilule passera mieux. »
Sans plus de cérémonie, je m’enfuis dans les ombres sur un pas pressé.
Je n’aurais pas dû venir ici. Je n’aurais pas dû lui parler. L’accompagner. Car me voilà dans un merdier sans nom, un dilemme que je croyais parti pour toujours. Les ennuis ne feront que commencer, car je sens que cette femme va enquêter, plus particulièrement auprès de sa belle-famille. Ces démons implacables .. Mais si je me permets une réserve auprès du petit Dorne, je n’oublie pas pourquoi j’ai cédé à sa demande : le petit a besoin d’espoir, et je compte bien lui en donner. Ensuite, je disparaîtrai.
Le retour fut laborieux. La soirée passe encore et encore dans ma tête, au point de ne pas voir le trajet se faire. Vieil automatisme qui me vaudrait de sacrés problèmes si je tombais dans la mauvaise rue. Je franchis la porte du Laurier par l’arrière, me dirige directement dans ma chambre, et m’effondre à même le sol. Modeste sanctuaire où des larmes vieilles de 21 ans peuvent couler en paix.
Il est vivant. Et il est ici.
pas de victoire qui n'évoque une défaite."
--G. Brooks
Miche s'exprime de rares fois en #666666