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Etape de passage

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Etape de passageCHAPITRE UN : BÉNIS SOIENT LES CHAMPIONS DU CRÉATEUR

Type de RP Classique
Date du sujet 15 du Réconfort, 5:12
Participants @Vera @Tiarnan Vaël
TW Prostitution, Sexualité
Résumé Tiarnan se rend par mégarde au Laurier Carmin, et y rencontre Vera.
Pour le recensement


Code:
[code]<li><en3>15 du Réconfort, 5:12</en3> : <a href="LIEN DU RP">Etape de passage</a> : <u>@"Vera" @"Tiarnan Vaël"</u> Tiarnan se rend par mégarde au Laurier Carmin, et y rencontre Vera. </li>[/code]

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Si cela continue, Eugénie va vraiment finir par envoyer des gardes à mes trousses. Cela ferait probablement un peu d’animation ceci-dit, une course poursuite entre l’héritier du trône et des gardes du Palais venus le ramener à la maison. Un autre scandale que sa belle-mère devait tenter d’éviter pour le moment. Eviter d’attirer l’attention plus que de mesure, et éviter que le peuple se rappelle qu’il n’est gouverné que par une ombre en ce moment. Des rumeurs, c’est devenu son quotidien. Le jeune Prince a cependant bien conscience qu’il ne rend pas la tâche aisée à sa belle-mère. S’absenter aussi souvent sans prendre la peine de prévenir… Encore une fois, on pourrait se poser des questions.

Il s’étire en face d’un banc, grimace de douleur. Copper n’y est pas allé de main morte, encore une fois. Comment se retenir quand son élève apporte son cœur et son âme à chaque entrainement en même temps ? Progresser, toujours, repousser ce qu’on pensait être des limites. Il sera Chevalier un jour oui, et il écrira sa légende, comme celles de temps anciens, parce que ce modèle de vie vaut la peine d’être vécu et que ces idéaux manquent trop souvent aujourd’hui, à qui sait manier le fer. Il sera Chevalier un jour parce qu’il l’aura choisi, et aucun titre ne pourra négliger ce fait.

La soirée tombe sur la Cité, et apporte avec elle son lot d’animations. Goldhead est un endroit où cela se ressent particulièrement. L’ambiance change, les passants pressés du jour se changent en flâneurs, les tavernes se remplissent et les artistes jouent leurs plus beaux tours. Il y a de l’argent ici, et des opportunités. Son passage au cochard flamboyant l’a un peu calmé sur la perspective de jouir de la rusticité des bas quartiers, alors ce soir… Ce quartier sera très bien.

Gargouillis qui résonnent avec force. Rouge qui monte aux joues, Tiarnan cesse son manège et se redresse. Il se sent prêt à manger un sanglier en entier ce soir. La statue d’or se dresse devant lui, et elle pourrait sembler le regarder s’il… eh bien, s’il n’y manquait pas la tête. Sourire qui se dresse, amusé, le jeune homme s’incline, sarcastique, devant ce monument dont l’histoire le fait toujours rire. Du Kendric tout craché que cela… Mieux vaut cela qu’une vraie tête. Avec du sang.

Tiens, le Laurier Carmin. Tiarnan s’arrête devant la devanture, main pressée sur son ventre qui proteste à nouveau. Il en a entendu parler, il lui semble. Le contexte lui échappe, mais il est à peu près sûr qu’on en vantait les mérites, et c’est chose peu commune dans l’entre-soi de la noblesse havenoise. Une table réputée, cela l’incite forcément à aller voir. « Par le Créateur, j’espère qu’ils ont des sangliers… »

Chose étonnante, la porte mène sur une toute petite salle close. La lumière des lampes est tamisée, de grandes teintures viennent border les murs, et quelques rires et gloussements emplissent l’espace. Un homme se tient devant lui, posture respectueuse sous son costume élégant, et le salue d’une formule de politesse. « Messer. » Léger mouvement de recul quand l’homme s’avance vers lui. « Puis-je m’occuper de vos affaires personnelles, Messer ? Elles seront entreposées à côté, en sécurité, et vous pourrez les prendre en repartant. » Hésitation. Quelle étrange demande. Ils s’assurent peut-être simplement que personne ne soit armé pour éviter de devoir interrompre le repas en cas d’incartade ? Tiarnan tend les bras sur le côté en fixant le serviteur. « Comme vous pouvez le voir, je ne suis pas armé. »

L’homme tourne autour de lui comme pour vérifier la véracité de ses propos, et acquiesce. « Oui, pardonnez-moi Messer, la procédure. Vous pouvez entrer. » Il désigne la porte devant lui, et l’entrouvre délicatement. « Passez une bonne soirée Messer. » « Merci, j’ai grand appétit. » La porte coulisse, et le Petit Prince arrive dans une salle beaucoup plus grande. Les gloussements se font plus vifs, à tel point qu’il peine à se repérer tout d’abord dans cette ambiance singulière. Ses yeux mettent quelques secondes à s’habituer à ce nouvel environnement, et il hoquette de surprise en réalisant son erreur. De nombreux hommes et femmes sont là, faiblement vêtus, à tel point que leur profession ne puisse faire grand doute. Certains groupes semblent beaucoup s’amuser dans l’un des nombreux fauteuils qui occupent la pièce, d’où les rires…

Ses muscles sont crispés, et il se sent incapable de bouger. Ecarlate, il doit l’être tant ses joues le brûlent, et ses yeux vont et viennent, tentant de lui faire comprendre son erreur initiale. On semble le remarquer, figé devant la porte, et cela amuse probablement, à en juger par les sourires que lui adressent des Demoiselles en passant devant lui. Il se détourne lentement, réalise que la porte est à nouveau close et que l’on parle de l’autre côté. Fichtre. Ne pas rester là, ne pas trop attirer l’attention, il ne peut pas courir le risque. Le courage semble affluer à nouveau dans ses veines et il s’écarte finalement, hésitant, les yeux rivés au sol. Longer le mur, trouver une solution. Oh non, on vient vers lui. Une silhouette gracieuse, des mots qu’il ne comprend pas vraiment, plongé dans ses pensées, perdu dans son angoisse. Il redresse les yeux vers la personne, une femme un peu plus âgée que les autres, et la détresse transperce ses yeux au bord des larmes. Lèvres tremblantes, il avoue. « Je croyais que vous aviez à manger… »
Hortense Harimann
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Salonnière de l'Acanthe
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Peuple : Humain
Âge : 36 ans
Pronom.s personnage : Elle
Occupation : Ancienne prostituée, désormais propriétaire d'un salon
Localisation : Hortense passe l'essentiel de son temps dans son établissement, l'Acanthe
Pseudo : Velvet
Pronom.s joueur.euse : Elle
Crédits : Nightingale, Anastasiia Horbunova ; Delilah Copperspoon, Dishonored 2 (winterswake & Sergey Kolesov & coupleofkooks & KOHTLYR) ; Nathie (signature)
Date d'inscription : 09/07/2021
Messages : 754
Autres personnages : Marigold
Attributs : CC : 11
CT : 11
End : 15
For : 11
Perc : 15
Ag : 13
Vol : 15
Ch : 15

Classe : Civile, niveau 2
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ÉTAPE DE PASSAGEFt. Tiarnan Vaël


La fille observait en silence, l'œil froid, résolu. La nuque raide, ses yeux parcouraient l’assistance, tandis que, perchée à son côté, Vera soufflait à son oreille ses ultimes instructions. « … noble de Downnoc. Les années l’ont rendu généreux, il ne te refusera aucune faveur. » Sa main glissa dans le creux des reins de sa complice. Elle remarqua un frisson. De crainte ? D’envie ? La maquasse ne se préoccupa pas de la réponse, mais reprit plutôt : « Prends ton temps avec lui. Je doute qu’il ne t’entretienne très longtemps, là-haut. Assure-toi qu’il ait consommé avant de le conduire à l'étage. » La jeune femme acquiesça d’un léger hochement de tête. Jugeant l’affaire entendue, Vera remonta ses doigts le long de son corset, caressant le tissu et, d’une légère pression dans son dos, l’invita à reprendre ses activités. « Va, maintenant. » Sans un mot, la courtisane s’exécuta.

Hissée près du lobby qui séparait le Grand Salon de l'aile des employé.e.s, la matrone suivit sa favorite du regard tandis que la jeune femme se frayait calmement un chemin au milieu de la foule, braillarde, du Laurier. Partout, autour d’elle, palpitaient les corps, s’envolaient les rires, tressaillaient les vertus. Les mains s’accrochaient à la chair, les lèvres aux gorges, dans un désordre de dentelle et d’alcool, de sueur et de fragrances. Finalement, la fille trouva son client : installé en compagnie de quelques amis, l’homme accueillit l’arrivée de sa maîtresse d’un sourire satisfait, sinon avide. On fit de la place à la nouvelle venue, qui se blottit lascivement tout contre son amant, la bouche ornée d’une moue espiègle. « Délicieuse. » Vera tourna les talons, satisfaite.

Du lobby aux cuisines, de l’étage au Grand Salon, la maquasse se coula lestement aux quatre coins de son établissement, ombre familière mais furtive parmi les silhouettes bigarrées. Si Vera se voulait discrète, certains chalands par trop alertes ne manquèrent toutefois pas de saluer sa présence d’une apostrophe chaleureuse ou d’une œillade entendue. Sourires sirupeux pour ces clients fidèles, dont elle connaissait les moindre vices. Maris volages, soldats désabusés, marchands libidineux ou amoureux contrariés… Le Laurier était le refuge de toutes les âmes en peine, pour peu qu’elles consentent à y mettre le prix.

« Un plaisir de vous revoir, Messer. » S’entendit-elle susurrer à l’attention d’un vieux noble de sa connaissance, installé sur un divan. « Madame Vera ! » L’homme se pencha en avant et, d’un geste tendre, glissa ses doigts entre les siens. Sa bouche burinée caressa la peau de sa main, qu’elle retira doucement. « Passez une agréable soirée, Hedwyn. » Lui souffla-t-elle en s’éloignant posément, tandis qu’un nouveau client venait de pénétrer dans le Grand Salon. Jusqu’ici déterminée à laisser l’inconnu aux bons soins de ses courtisan.e.s, l’attitude quelque peu rigide du jeune homme finit par attirer l’attention de la matrone qui l’observa, intriguée. « Un jeune. » Constata-t-elle, sans malice aucune, tout en examinant davantage la ganache bien faite du garçon. La verdeur de ses traits trahissait un début de vingtaine, guère plus. « Sa première fois dans un bordel, peut-être ? » Consciente de l’angoisse que pouvait revêtir pareille épreuve, Vera offrit quelques secondes à l’inconnu pour reprendre ses esprits… Visiblement sans succès. Sa détresse lui arracha un soupir empreint de lassitude, de sorte qu’elle décida finalement de lui porter secours. C’est que ce nigaud encombrait l’entrée !

Elle s’approcha à pas de velours. De velour, aussi, sa robe au dos échancré. De velour, enfin, sa voix lorsque, perchée tout près du garçon, elle s’adressa à lui. « Messer. Puis-je vous aider ? » Son regard chercha celui de l’inconnu, caressa son visage, qu’elle trouva surprenamment troublé. Étaient-ce des larmes qu’elle devinait perler aux coins de ses yeux ? Elle vit ses lèvres trembler. « Je croyais que vous aviez à manger… »

Vera ouvrit la bouche, la referma aussi sec. Se moquait-il d’elle ? Un instant elle songea à ricaner - mollement, car elle n’était pas femme à goûter ce genre de plaisanterie ; mais la ganache sérieuse de son interlocuteur, la détresse qu’elle capta dans ses mots, l’incitèrent à renoncer. Non, il était sérieux.

Sérieux et terrifié.

La maquasse durcit ses traits. « Nous proposons bien des services, mais le couvert n’en fait pas partie, je le crains. » Le ton était professionnel, en dépit de l’absurdité de la situation. Vera jaugea le garçon plus avant, une étincelle de hauteur dans le regard, mêlé à un brin de perplexité. Était-ce la honte qui rosissait ses joues, ou la surprise ? Probablement un savant et sadique mélange des deux. La violence de sa réaction semblait également témoigner d’une incroyable émotivité. « Un sensible. »

« Que diriez-vous d’un verre, cependant ? » Elle n’attendit pas de réponse. Tournant les talons, elle fit signe au jeune homme de la suivre, le dos droit et le geste précis. Ses pas les conduisirent au travers du Grand Salon, entre les divans et les tablées, avant de s’arrêter à quelques pas du lobby. Vera hésita, pivota en direction du garçon. « Tient-il seulement l’alcool ? » La perspective de le voir rendre elle-ne-savait-quoi sur le plancher du Laurier l’invita à se replier sur une solution de secours, plus prudente. « Suivez-moi. » Lui intima-t-elle, tout en dépassant les derniers fauteuils vacants dont disposait la pièce. Elle atteignit l’extrémité Est du Grand Salon et poussa la porte des cuisines. Elle y entra d’un pas décidé, le garçon dans son sillage.

Vera s’approcha de la table centrale, alerte. Ses yeux en balayèrent un instant la surface, jusqu’à ce que ses mains ne se saisissent d’un pichet dont elle examina rapidement le contenu. Elle versa le liquide dans une coupe, puis la tendit avec précaution à l’inconnu. « De l’eau. Prenez le temps de vous raffraichir. »



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La cuisine est plus agréable que le salon. Il y a moins de monde, moins de regards, et il aime ce genre d’endroits, Tiarnan. Plus intimiste. Plus vrai aussi, moments qui ne sont pas feins ou à quelconque dessein. Il n’y a pas à manger sur la grande table de bois, pas même une corbeille de fruits, mais ce n’est plus si grave. Il n’est plus si certain d’avoir faim après cela, cette affreuse mégarde qu’il ne comprend toujours pas, qu’il se refuse à comprendre. Une certitude : il ne devrait pas être là. Ce n’est pas une bonne chose pour les rumeurs qui courent déjà sur lui dans les hautes sphères. De surcroit, la vision de ces demoiselles en petite tenue le déconcerte, le perturbe et le gêne. Il est homme certes, mais tous ne sont pas à l’aise avec cela. La jeunesse, peut-être.

Sa main tremblante vient saisir la coupe et il en observe le contenu avant de le humer. Cela ne ressemble pas à de l’alcool. Cela ne sent pas l’alcool. La coupe se porte à ses lèvres et il en boit quelques gorgées avant de la poser devant lui, d’un geste méticuleux et délicat. Son regard se pose finalement sur la femme, seul véritable miroir de ses pensées et émotions. Il est perturbé et ne trouve pas ses mots, c’est un fait. Il la détaille en silence, comme un enfant face à un adulte particulièrement imposant. Elle a cette aura d’autorité, et de la sévérité aussi, comme s’il avait fauté. Et des questions aussi, dans ses yeux à elle, qu’elle ne formulera pas pour le moment. Elle attend. Si elle attend… Oui, bien sûr, c’est à son tour de prendre la parole, dans la logique de la convenance.

« Je suis désolé, Madame. Il semble que je me sois fourvoyé sur la nature de cet établissement… Le vôtre ? Ou… êtes-vous une responsable ? Je… Il me semble que vous ne ressemblez guère aux autres… personnes… qui animent ce lieu. » Il y a un mot pour cela, Tiarnan. Est-ce à ce point indécent que tu ne veuilles le formuler ? Il rougit à nouveau et reprend une gorgée d’eau. « Veuillez pardonner ma maladresse s’il vous plait. » Tu es un Vaël, Tiarnan, et un jour tu règneras ici. Le temps n’est plus aux excuses et bredouillages. Sois celui que tu veux être. Un soupir tremblant s’extirpe de ses lèvres, et il se redresse doucement. Ferme les yeux quelques secondes. Sa respiration se calme un peu. Il peut le faire.

Eclats bleus qui se révèlent encore. Il n’y a plus d’enfant. Oh, de la jeunesse bien sûr, de l’inexpérience, mais de la détermination aussi, une certaine forme d’assurance. « Il serait peut-être mieux pour vous et moi que je me retire à présent. Vous avez mieux à faire, et je ne souhaite pas être vu ici. J’imagine que vous avez des sorties discrètes pour un certain type de clientèle ? » Cela semble logique. Il n’est forcément pas la seule personne ici à formuler ce genre de besoin. A ceci près qu’il n’est pas un client. « Je peux payer comme si c’était le cas si c’est un problème, Madame. » En espérant que les prix ne soient pas affolants. « Mais croyez-moi : il serait préférable qu’on ne dise pas que Tiarnan Vaël est passé par ici ce soir. » Pas une once de menace dans sa voix, mais un constat. Cela ferait peut-être de la publicité facile pour cet établissement, si tant est que cela convainque certaines personnes d’aller s’y divertir, mais des retombées risqueraient de se faire sentir. Pour lui, naturellement. Pour elle aussi, car il est à peu certain que certaines personnes tenteraient de le faire tomber. La Chantrie, ou des nobles influents en quête de bonne grâce…
Hortense Harimann
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ÉTAPE DE PASSAGEFt. Tiarnan Vaël


La main saisit la coupe, l'œil en mira le contenu. Vera observa le garçon faire, une main posée sur la hanche. Craignait-il donc qu’elle l’empoisonne ? « Allons donc… » Si la maquasse s’en trouva agacée, celle-ci préféra toutefois ne pas protester, et laissa plutôt le jeune homme examiner le calice à sa convenance. Une dernière oeillade méfiante, un ultime renaclement et le voilà qui, enfin, consentait à porter la coupe à ses lèvres. Il déglutit, et déglutit encore, alors que, derrière la porte des cuisines, les réjouissances continuaient à battre leur plein. Bourdonnement sourd des conversations et des rires, dont les éclats les plus aigus venaient s’écraser contre l’épaisseur des murs de l’office. Un refuge de choix, pour qui désirait fuir l’excitation ambiante, mais dont on gardait, d’ordinaire, jalousement l’accès. Rares étaient les bottes étrangères autorisées à fouler les dalles de la dépendance ; le petit était un privilégié. Mais en avait-il seulement conscience ? Vera gagea que non.

La coupe rejoignit finalement la table, et les prunelles de l’inconnu la ganache sévère de la maquasse. Vera soutint son regard, dans lequel se reflétaient les lueurs scintillantes des bougies voisines. Deux joyaux bleus et terriblement expressifs, encadré par une tignasse brune qu’elle devinait difficilement domptable, et sous laquelle semblait se livrer une terrible bataille. Vera le laissa lutter en silence. Le regarder s’escrimer contre ses démons avait quelque chose d’un rien divertissant.

« Je suis désolé, Madame. » La voix s’éleva enfin, brisant par là même la tranquillité des cuisines. « Il semble que je me sois fourvoyé sur la nature de cet établissement… Le vôtre ? Ou… êtes-vous une responsable ? Je… Il me semble que vous ne ressemblez guère aux autres… personnes… qui animent ce lieu. »

Elle haussa un sourcil, tandis que, sous ses yeux, les joues s'empourpraient à nouveau. « Un adolescent. » L’ombre d’un rictus - amusé, carnassier - étira un instant ses lèvres. Vera se redressa légèrement et, la nuque raide, toisa son interlocuteur d’une œillade faussement interloquée. Oh, elle ne l’épargnerait pas. « Et à quoi trouvez-vous que je ressemble, Messer ? » La maquasse appuya l’une de ses mains contre la table, sans quitter le jeune homme du regard. Sans doute était-ce cruel de se jouer ainsi de lui, mais la tentation de l’entendre bredouiller maladroitement était bien trop grande. « Regarde-moi. » Lui intima-t-elle intérieurement - en vain. Il ferma ses paupières et, lorsqu’il les rouvrit, sembla s’être quelque peu défait de l’angoisse qui le tiraillait auparavant.

« Il serait peut-être mieux pour vous et moi que je me retire à présent. Vous avez mieux à faire, et je ne souhaite pas être vu ici. J’imagine que vous avez des sorties discrètes pour un certain type de clientèle ? » Elle ne répondit pas. Quoique passablement désorienté par le lieu, le jeune homme ne semblait pourtant pas en ignorer les coutumes. Il reprit : « Je peux payer comme si c’était le cas si c’est un problème, Madame.  Mais croyez-moi : il serait préférable qu’on ne dise pas que Tiarnan Vaël est passé par ici ce soir. »

Son nom ricocha dans son esprit, la laissant un instant interdite. Tiarnan Vaël. Tiarnan Vaël. Vera tacha toutefois de se reprendre rapidement : un battement de cils chassa la surprise qui, pendant un bref moment, était venu craqueler son masque d’impassibilité. Le patronyme, pourtant, continua de résonner. Tiarnan Vaël. « Le bâtard. » Son museau ne trahit néanmoins aucun mépris d’aucune sorte, ni pitié. Elle n’avait aucune raison d’en nourrir. De l’intérêt, en revanche… C’est qu’on ne voyait pas souvent de tête couronnée (ou en passe de l’être), ici. Des bourgeois, des nobles, certes. Mais des princes ? Jamais.

Elle plongea une nouvelle fois son regard dans les yeux azur du garçon. Tiarnan Vaël. « En ce cas, sans doute auriez-vous dû garder votre nom pour vous, Messer. » Le ton était sérieux, pour une affaire qui ne l’était pas moins. Jugeant que ses mots pouvaient revêtir (à tort !) les accents d’une menace, elle ajouta : « Vos indiscrétions nous mettent tous deux dans l’embarras, mais je suis une femme magnanime. Ce n’est pas le cas de tout le monde, dans cette ville. »

Comme il lui serait aisé de tourner la situation à son avantage, et de négocier son silence contre une bourse bien remplie. Facile, oui. Sans doute même un peu trop. Et d’un vulgaire ! Non, décidément, Vera ne goûtait guère pareil manque de finesse. Il y avait d’autres choses à faire. D’autres coups qu’un acte de bonté (désintéressé ou non) lui permettrait de jouer.

« Il y a une cour, derrière cette porte. » Elle désigna le vantail d’un léger mouvement de tête, avant de reporter son attention sur le jeune homme. « Elle donne sur un chemin de traverse. Une ruelle que vous pourrez emprunter à votre guise, sans craindre d’être importuné. » Sa main quitta la surface de la table. Vera fit un pas en direction de Tiarnan, lentement. « Je pourrais vous y conduire. » Un autre pas. « Ou vous pourriez rester ici, rejoindre discrètement l’une de nos chambres et profiter du reste de la soirée. » Elle s’arrêta à sa hauteur. Avait-il jamais souffert pareille proximité ? « Courtisane ou courtisan. Comme il vous plaira. Je suis certaine que nous trouverons quelqu’un à votre convenance. »



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Le nom fait écho dans les méninges de la femme. Il le voit, à la surprise qu’il devine dans ses prunelles, à sa posture qui change légèrement pour s’adapter à un nouvel interlocuteur. Oh bien sûr, on ne s’adresse pas à ce genre de personnes comme on le ferait avec un simple bourgeois, n’est-ce pas ? Pas quand on peut espérer en tirer quelque chose en tout cas. Tiarnan esquisse un sourire léger et rêveur. C’est fou ce que l’on peut apprendre des autres par ce simple tour. Elle ne lui a pas donné son nom, mais c’est de toute évidence elle qui gère ce lieu, sans quoi elle se serait empressée de mettre au courant son employeur. Elle est habituée à s’adapter à son interlocuteur, et a un contrôle certain de ses émotions. Un masque donc, qui change en fonction de circonstances, une personne qu’elle met en scène.

Il reste impassible quand elle prend enfin la parole dans une mise en garde qu’il comprend. Il n’est pas du genre à crier son nom sous tous les toits, sait très bien qu’un certain nombre de personnes ici adoreraient lui mettre un couteau sous la gorge pour faire payer son père – pour la guerre des Rats, par exemple. Pour autant, il se tient devant elle, le dos droit et les mains dans le dos. Dévoiler la seule carte qu’il avait en main pour se sortir de là lui donnait l’assurance qu’il lui manquait, et les jours d’entrainement au Palais, les semaines et les mois de préparation au règne reprenaient le dessus. Il n’était plus en échec. Ils jouaient à armes égales. « Je savais, en me confiant, que vous étiez femme à faire de bons choix. » Son sourire se fait plus franc sous ses yeux vifs.

Il y a donc une autre sortie. Il se détend légèrement et lâche un petit soupir de soulagement. Tout se déroule au mieux, dans cette situation qu’il aurait cependant préféré éviter. Il apprend ce soir, et veiller à ce que cela ne soit pas à ses dépends n’est pas aisé (mais cela vaut bien quelques sermons de sa chère Eugénie). La Dame fait un pas vers lui. Ils ne sont qu’à quelques mètres l’un de l’autre, et son regard le perce. Elle joue, comme un félin le ferait avec une proie, et l’idée que le Jeu se soit si rapidement inversé le fait frémir. « Je pourrais vous y conduire. » Oh, ce serait fort urbain. Mots qu’il voudrait prononcer. Le temps lui manque, elle avance encore. Un pas. Ses muscles se tendent. Tu es dans une Maison des plaisirs Tiarnan. Tu t’attendais à quoi, vraiment ?

« Ou vous pourriez rester ici, rejoindre discrètement l’une de nos chambres et profiter du reste de la soirée. » Il déglutit péniblement, pleinement absorbé dans le simple effort de ne pas flancher. Soutenir son regard, ne pas reculer. Il ne lui laissera pas le terrain, même si elle est chez elle. Il ne prendra pas la fuite, parce qu’il n’a pas à le faire. Pas vrai ? Un pas de plus. Elle est proche maintenant, à la frontière ténue entre le tout juste convenable et l’indécent. « Courtisane ou courtisan. Comme il vous plaira. Je suis certaine que nous trouverons quelqu’un à votre convenance. » Il rougit encore, baisse les yeux. Son ventre pousse un grognement féroce qui rompt le silence. Il a le souffle court et le palpitant qui s’affole. Cette sueur froide qui le fait frissonner. « Je n’en doute pas, ma Dame. » Murmure rauque. Ses mains se resserrent plus fort l’une sur l’autre, comme pour le rappeler à lui.

Menton qui se relève, il la toise, une certaine gravité dans le regard. « Mais vous n’avez pas écouté, je crois. Ou vous n’avez pas compris. » Il peut lutter aussi, il en a le droit. « Pour commencer, je suis affamé. Vous n’êtes pas sans savoir que les choses de l’amour ne se font pas le ventre vide ? Enfin… Ce serait malheureux, et ce n’est pas un endroit pour le malheur. Je suis donc physiquement indisposé à votre aimable proposition, en l’absence d’un met qui pourrait me contenter, ou même de quelques simples fruits et une tranche de pain. » Il pourrait s’arrêter là et attendre pour voir si elle se plierait bon gré mal gré à sa requête, et aviser par la suite. Mais elle se joue de lui, et l’irritation se fait sentir. Il est las de ce genre de situations. Las que sa nature profonde ne soit prise pour une opportunité.

« Ensuite, vous n’êtes pas sans savoir que je suis un bâtard. Je sais ce que cela signifie que de ne pas connaître un de ses parents. Je connais le poids de ce mot, et je l’ai éprouvé toute ma vie. De ce que l’on raconte, ce genre de choses arrive lors de certaines… procréations. Et cela, je ne peux m’y résoudre. » Il y a une colère profonde qui refait surface, qu’il contient mais qui transparait dans la fierté de ses yeux d’ordinaire si doux. « Et comme je viens de vous l’annoncer, je tiens à ma réputation. Vous pouvez peut-être garder la discrétion ce soir, mais en agissant de la sorte, je vous donne une influence qu’il serait fou de donner à une personne que je ne connais pas. Même pas de nom. Vous pourriez vous servir de cela pour un chantage qui vous rapporterait bien plus qu’un simple scandale. Encore une fois ma Dame, je suis beaucoup de choses, mais je ne suis pas un crétin. »

Ils sont toujours l’un face à l’autre, à se jauger comme on le ferait avant un combat. « Vous n’avez donc rien à manger ? »
Hortense Harimann
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ÉTAPE DE PASSAGEFt. Tiarnan Vaël


De murmures à invectives, de coups d'œil mal assurés à œillades glaciales… Vera sentit son interlocuteur se crisper. Les muscles se tendirent, la voix claqua et la bouche articula des mots aux accents d’injures. Sous ses allures de garçon maladroit et sensible, Tiarnan Vaël bouillait. De colère, sans doute ; d’amertume, peut-être. Était-ce de la fierté qu’elle devinait luire au fond de ces prunelles azur ? Vera ne bougea pas, tandis que le garçon déversait son fiel, enhardi par la verdeur de ses années, par ce nom qu’il lui avait livré de bonne foi, sans que la maquasse ne le lui ait réclamé. « Je tiens à ma réputation. » S'enorgueillit-il de toute sa hauteur. « [...] Encore une fois ma Dame, je suis beaucoup de choses, mais je ne suis pas un crétin. »

« Et pourtant, tu m’as donné ton nom. » Pas plus haute qu’un murmure, sa voix ricocha dans le calme des cuisines. Évidence narquoise, qu’elle présenta un rictus aux lèvres, discret mais bien là, alors que le jeune homme achevait ses palabres, une étincelle de défi dans le regard. La puterelle avait écorché les dorures princières en employant le tutoiement. Lui en tiendrait-il rigueur ? Vera soutint cette joute silencieuse, ses yeux plantés dans ceux du garçon, désormais adversaire. Qu’était-il advenu du gamin angoissé qu’elle était venue secourir, quelques instants plus tôt ? Envolées, les politesses : voilà qu’il lui réclamait à manger, sur un ton qui ne parvint qu’à lui déplaire. Oh, l’audace de cet enfant…

« Vera ? » La porte s’ouvrit brutalement, déversant dans la pièce le brouhaha du Grand Salon, saturant de lumière les ténèbres des cuisines. La ganache ombrageuse de Trevor apparut dans l'entrebâillement. « Tout va bien ? » Vera papillona un instant, troublée par la débauche de sons et de lueurs portées par l’arrivée de son associé. La méfiance, dans les yeux de ce dernier, finit toutefois par tirer la maquasse de son mutisme. « Un malaise. » Le ton était léger, comme s’il était question d’une simple formalité, d’un modeste caillou qu’elle aurait trouvé dans sa chaussure. « Je m’en occupe. Tu peux nous laisser. »

Une seconde d’hésitation. Trevor ouvrit la bouche, se ravisa. La porte se referma à nouveau.

« Doux idiot. » La paix regagna les cuisines, et l’aigreur l’esprit de la maquerelle, qui retourna son attention vers la source de son déplaisir. Les échos de l’homélie du bâtard lui revinrent en mémoire. Il y avait d’abord eu l’insupportable condescendance avec laquelle il avait devisé autour des choses de l’amour et de son ventre désespérément vide ; des cabotinages bénins, dont elle aurait pu s’amuser (un peu) si Tiarnan ne s’était pas laissé aller à quelque envolée relative à sa bâtardise. Quelque chose… Quelque chose, dans son attitude, dans ses mots, lui avait profondément déplu. Comme s’il l’accusait, elle, d’engendrer des hordes de malheureux, d’être la seule responsable du destin tragique de ces rejetons mal-nés ; comme si elle n’avait guère conscience des souffrances éprouvées ; comme si elle n’était qu’un monstre de concupiscence, seulement attaché à l’argent, indifférente aux drames humains.

« Asseyez-vous. » De nouveau, les convenances. Vera tourna les talons, entreprit quelques pas en direction d’une huche à pain encore généreusement fournie. Elle en tira une miche déjà entamée, la déposa sur l’un des plans de travail.

Oh, bien sûr, bâtard, Tiarnan Vaël l’était. Et si la maquerelle ne doutait pas du poids inhérent à pareille naissance, si elle reconnaissait volontiers n’avoir jamais éprouvé personnellement pareil destin, elle estimait néanmoins être en droit de s’indigner des accusations - conscientes ou non - du jeune homme. Car si Tiarnan souffrait de ses origines, Vera, pour sa part, côtoyait les génitrices de ces gamins adultérins depuis près de vingt ans.

TW grossesses difficiles, avortementElle avait vu les ventres gonflés et les yeux fatigués, aperçu et éprouvé les aiguilles et leurs rivières de sang ; elle avait entendu les cris, tenu les mains de ces filles parfois trop jeunes, souvent terrorisées ; combien de corps, de mères ou d’enfants, avait-elle conduit auprès des Soeurs de la Chantrie voisine ? Combien de compagnes d’infortune les faiseuses d’anges lui avaient-elles arraché ? Témoin, oui, mais victime aussi. Car Vera connaissait les potions, pour y avoir par trop goûté. Les poches percées, aussi. Et les douleurs suffocantes dans le bas ventre, les cuisses couvertes de sang et la peur, glaçante, de ne pas y survivre.

Elle connaissait mieux que personne le prix de la bâtardise.

Et pourtant, elle avait continué à exercer, comme nombre d’autres femmes avant elle. Les grossesses étaient un risque auquel elle avait consenti, à l’instar de tant d’autres choses. Car comment exister autrement, lorsqu’on ne possédait guère plus que son corps, et sa fureur de vivre ? Endurer ou périr. Cela faisait-il d’elle un monstre ?

« Il y existe des solutions pour prévenir les accidents que vous redoutez tant. » La maquasse saisit un couteau, qu’elle planta avec précision dans la miche prélevée plus tôt. La lame tailla la croûte dans une succession de craquements graves mais savoureux. La tranche, généreuse, rejoignit une assiette d’argile, dénichée dans un placard voisin. « Des remèdes, dont je ne discuterai toutefois pas de la nature avec vous. » Un ton ferme, pour une détermination qui ne l’était pas moins. Un morceau de fromage s’ajouta à la tranche de pain. Vera saisit la collation, qu’elle déposa sur la table derrière laquelle elle avait intimé au garçon de s’asseoir.

« Mais bâtard ou appétit, tout cela n’a guère d’importance. » Son regard rejoignit celui de Tiarnan. Elle le jaugea un instant, puis reprit : « Nous savons tous les deux que ce ne sont que des excuses. »

Un pas en arrière, puis un second. La maquerelle appuya son séant contre une surface toute proche. Elle croisa les bras sur sa poitrine, sans que ses yeux ne quittent la mine - décidément noble - de son interlocuteur.

« Je n’aime pas perdre mon temps, Messer. Sans doute est-il donc préférable, pour nous deux, que nous en restions là. » À quoi bon insister ? Vera proposait des instants de plaisir. Des bulles de sérénité dans un quotidien tumultueux. Elle n’était pas là pour contraindre, puisqu’elle répugnait à l’être. « Mangez ce qu’il vous plaira. Je vous raccompagnerai par la cour. »



Adore her. She demands it.

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La femme a ce regard aiguisé. Elle pourrait briser avec ces yeux-là, menaces silencieuses sous sa posture imposante, ce charisme du vécu, cette certitude d’exister. Il sent son déplaisir, presque palpable, poisseux dans l’air lourd, et s’il ne l’a pas cherché, cela lui importe peu en réalité. Qu’elle gronde donc, qu’elle montre ses crocs qu’elle cache bien. Il n’est pas ici pour cela – tout juste pour manger, repas qui semble s’envoler – mais il ne la craint pas. Pas sous cet aspect en tout cas, colère contenue toujours plus souhaitable que flatteries mielleuses.

« Et pourtant, tu m’as donné ton nom. » Ses lèvres sèchent se fendent d’un simulacre de sourire narquois. Cherche-t-elle à l’intimider, vraiment, en lui rappelant cela, comme s’il avait commis une grossière erreur, comme s’il s’était adressé à une personne dangereuse ? Oh, dangereuse, elle l’était sûrement, à sa manière, et elle avait probablement le bras long. Donner un nom, cependant, n’est jamais une erreur. « J’ai eu la décence de le faire, et je n’ai rien à cacher… En dehors de ce petit malentendu dont nous parlions. » Il joue en toute franchise avec elle, et ses mots ne se parent pas de voiles seyants. Brut, direct, il lui rappelle que ce n’est pas son cas, elle dont il ne sait toujours même pas cela, cette information qui ne vaut rien : un nom.

Un homme fait irruption dans la cuisine et le non-dit s’exprime. Vera. Ses yeux bleus se posent sur l’homme, neutres, et il ne répond rien, la laissant maîtresse des lieux et des circonstances. Il prend note du silence qui suit et se demande un instant si elle étudie ses possibilités. Son champ d’action. Ses cartes. Le calme de ses mots est déconcertant, et elle renvoie l’homme avec légèreté, comme si rien ne s’était passé. La porte se referme, et ils se retrouvent à nouveaux seuls. Ils se font face, elle et son déplaisir, lui et son visage fermé. Quelques mots secs l’invitent à s’asseoir, il s’exécute. D’autres mots suivent alors qu’elle lui prépare une assiette, certains qui coulent sur lui en l’effleurant à peine, d’autres plus incisifs. « Nous savons tous les deux que ce ne sont que des excuses. » Il sent la gêne revenir et ses joues reprendre de la couleur, et ses yeux se baissent sur la tranche de pain. Possible… Elle semble voir clair en lui elle aussi, et lui dévoile une pièce sombre, dont il ne distingue pas les contours. Primale. Dangereuse. Non, il n’a probablement pas envie d’explorer cela pour le moment, d’y apporter de la lumière. Cela lui fait peur.

« Je n’aime pas perdre mon temps, Messer. Sans doute est-il donc préférable, pour nous deux, que nous en restions là. Mangez ce qu’il vous plaira. Je vous raccompagnerai par la cour. » Tiarnan hoche la tête et mord dans la tranche de pain, prenant soin de ne pas relever les yeux. Son trouble est palpable, torrent implacable ayant submergé la colère. Ses doigts fins rompent le fromage en petits morceaux, qu’il pioche par moments, hésitant entre satisfaction et méfiance. Par le Créateur, qu’est-ce que cela fait du bien…

« Je peux vous poser une question, Vera ? » Il déglutit, se penche au-dessus de sa coupe d’eau et en prélève quelques gorgées. « Bien sûr, je comprends que ma présence ici est désagréable, et je suis désolé pour cela. Ce n’était pas mon intention. De... venir ici, pour commencer. » Sa voix s’éteint peu à peu pour ne laisser qu’un murmure dépité. Il lui faudra faire plus attention à l’avenir. « Vos affaires ont l’air d’être fructueuses, et votre établissement est visiblement connu dans la ville. » Sans quoi j’aurais cherché du sanglier ailleurs. « Pourquoi, alors, faites-vous cela ? Je veux dire… tenir un établissement de ce genre ? Vous avez la possibilité de faire autre chose et, je pense, les moyens aussi. Est-ce une vocation ? Est-ce la certitude de pouvoir gagner encore plus, ou autre chose ? »

L’assiette est vide. Sa main se pose sur le couteau, et il regarde la miche délicieuse de pain devant lui. « Je peux en reprendre un peu, s’il vous plait ? »
Hortense Harimann
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Salonnière de l'Acanthe
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Peuple : Humain
Âge : 36 ans
Pronom.s personnage : Elle
Occupation : Ancienne prostituée, désormais propriétaire d'un salon
Localisation : Hortense passe l'essentiel de son temps dans son établissement, l'Acanthe
Pseudo : Velvet
Pronom.s joueur.euse : Elle
Crédits : Nightingale, Anastasiia Horbunova ; Delilah Copperspoon, Dishonored 2 (winterswake & Sergey Kolesov & coupleofkooks & KOHTLYR) ; Nathie (signature)
Date d'inscription : 09/07/2021
Messages : 754
Autres personnages : Marigold
Attributs : CC : 11
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ÉTAPE DE PASSAGEFt. Tiarnan Vaël


Silence, dans les cuisines. Avait-elle tapé juste ? Assurément, car le garçon ne répliqua rien, lui qui, pourtant, exultait encore, quelques minutes plus tôt, d’une insupportable suffisance. Penché au-dessus de sa pitance, voilà qu’il n’osait plus la regarder, absorbé par son assiette. Tant mieux. Vera, après tout, avait suffisamment perdu de temps. C’est que la soirée continuait à battre son plein, par delà l’office, et que si elle n’était parvenue à rien avec ce minet là, d’autres clients attendaient qu’on les flatte, les séduise, les transporte dans un ailleurs que cette ville poisseuse n’était plus en mesure de proposer. Et quoique la maquasse se préservait, depuis plusieurs années, de se saigner elle-même à la tâche (un luxe rendu possible avec l’acquisition de son établissement), elle appréciait garder un œil sur les chalands venus monnayer l’affection de ses cocottes. Une manie que la présence du bâtard de Kendric Vaël lui refusait, mais dont le départ, sans aucun doute, ne tarderait pas.

Erreur. Car déjà Tiarnan relevait le museau de la tranche de fromage qu’il s’affairait jusqu’alors à picorer et, étanchant sa soif d’une généreuse gorgée de sa coupe d’eau, reprit de plus belle : « Bien sûr, je comprends que ma présence ici est désagréable, et je suis désolé pour cela. Ce n’était pas mon intention. De... venir ici, pour commencer. » Sa voix mourut doucement, terrassée par ce que Vera supposa être des regrets. Quelle vision de lui-même et des choses de l’amour ce garçon avait-il pour se saboter de la sorte ? Sa naissance, peut-être. « J’ai connu des bâtards moins soucieux de semer leur descendance que celui-ci. » Certes, certes, mais combien de bâtards princiers ? Combien de fils de Kendric Vaël ? Le fardeau, sans doute, devait être dur à porter.

« Vos affaires ont l’air d’être fructueuses, et votre établissement est visiblement connu dans la ville. » Où voulait-il en venir ? « Pourquoi, alors, faites-vous cela ? Je veux dire… tenir un établissement de ce genre ? Vous avez la possibilité de faire autre chose et, je pense, les moyens aussi. Est-ce une vocation ? Est-ce la certitude de pouvoir gagner encore plus, ou autre chose ? »

Toujours perchée contre un comptoir tout proche, Vera darda sur son invité un regard songeur. Tiarnan, bien entendu, n’était pas le premier à formuler pareille remarque : d’autres, avant lui, s’étaient plu à interroger la maquasse sur ses projets de vie. Mais là où l’essentiel de ces curieux n’avaient, pour toute motivation, que celle de la culpabilité ou de la raillerie, le bâtard, pour sa part, semblait témoigner d’une réconfortante sincérité. La légèreté de l’âge, certainement, et celle des privilèges…

S’imaginait-il sincèrement qu’elle s’était trouvée là une vocation ? La formule, assurément, pouvait prêter à plaisanter. Pourtant, Vera ne lui offrit aucun sourire. TW sexe, vulgarité« Non, mon Prince. Sucer des queues, nobles ou moins nobles, n’a jamais été mon ambition. »

Non, décidément, pute n’était pas une vocation.
Et pourtant, elle était là.

Cette rue, qu’ils étaient si nombreux à conspuer, avait été son seul refuge, lorsque le Créateur lui avait tourné le dos. Son foyer - quoiqu’elle s’était longtemps refusée à l’admettre. Sa maîtresse. La quitter représentait un risque qu’elle n’était pas certaine de vouloir courir, là où son bordel lui offrait confort, sécurité et renommée. Car au-delà de ces murs, qui était-elle ?

Cette question l’effrayait. La réponse, plus encore. Tiarnan, cependant, n’avait pas besoin de le savoir.

« Laquelle de ces éventualités vous chagrinerait le plus, Messer ? Que je pratique par plaisir, ou par nécessité ? »

Une pirouette. La maquerelle croisa les bras sur sa poitrine. Il n’y avait pas de bonne réponse, mais sa réaction, bien sûr, apporterait une nouvelle couleur au portrait qu’elle tentait d’esquisser du garçon, lequel, installé à sa table, lui réclamait à présent une nouvelle portion de fromage. Elle haussa un sourcil.

« Hélas, non. » Il lui avait déjà suffisamment coûté, en vivres et en temps. « Vous paraissiez pressé, toute à l’heure. L’auriez-vous oublié ? » Vera se redressa et, d’une courte et tranquille enjambée, contourna la table derrière laquelle s’était assis son hôte. Son regard musarda un instant à travers la pièce, sonda l’obscurité des cuisines. Finalement, la maquasse s’approcha d’un crochet où pendaient plusieurs clés et, d’une main agile, en retira une.

« Debout. Je vous libère de vos tourments. »



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Il se demande souvent, en croisant des gens du peuple, si ces derniers font ce qu’ils ont envie de faire. Bien sûr, il n’est pas complètement naïf et sait que les circonstances en poussent beaucoup dans une voie par absence de choix, pour assurer simplement une survie dans un monde qui ne les épargne pas. Certains pourtant ont les moyens de changer de voie, et ils assument donc leur rôle dans la société en ne le faisant pas. C’est le cas de cette mercenaire, Nora, crinière de feu et tempérament orageux, prête à se mettre en danger pour protéger quelqu’un qu’elle ne connait pas, et visiblement malheureuse dans sa condition. C’est le cas aussi de cette femme, Vera. Tiarnan demande alors, pour tenter de comprendre ce qui motive ce choix qu’il tente de ne pas juger. Quand on a le pouvoir de se réinventer, pourquoi ne pas le faire ? Il a le sentiment qu’une réponse à cette question l’aiderait à mieux comprendre les autres, et à assumer sa place immuable.

« Laquelle de ces éventualités vous chagrinerait le plus, Messer ? Que je pratique par plaisir, ou par nécessité ? » Il ne relève pas les yeux, toujours absorbé par les contours de l’assiette. Il n’a pas réfléchi à cette question, et elle n’est pas celle qu’il lui posait non plus, en réalité. « Par nécessité, très certainement… » Il secoue la tête, mal à l’aise. « Mais ce n’est pas ce que je voulais savoir. Bien sûr, vous pouvez garder la réponse pour vous, je comprends que cela soit… invasif. Inutile de l’esquiver en la détournant de la sorte cependant, à moins que mon opinion vous importe vraiment. » Ce n’était pas le cas. Elle n’en avait que faire de ce qu’il pouvait en penser, il n’était personne pour elle, et c’était aussi bien ainsi. Quant à essayer de le sonder pour savoir si le prochain Prince prendrait des mesures pour restreindre les Maisons de plaisir : non, bien sûr que non. Il en comprenait le besoin.

Il se risque à demander une nouvelle tranche de pain, mais Vera refuse. Oh, parce qu’il ne souhaite pas… Mais cela n’a rien à voir avec manger ! Elle lui faisait payer ses propos, probablement. Soit… Il se contenterait de cela pour l’heure. Le jeune homme se lève, et sort une pièce d’argent qu’il pose sur la table. « Pour le repas, et le dérangement. » Si c’était ce qui lui importait en réalité, elle serait probablement soulagée. Puis, sans ajouter un mot, il la suit dans cette cour, qui, dit-on, mène aux rues de la Cité…
Hortense Harimann
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« Par nécessité, très certainement… Mais ce n’était pas ce que je voulais savoir. » Tiarnan Vaël, assurément, n’était pas un idiot. « Bien sûr, vous pouvez garder la réponse pour vous, je comprends que cela soit… invasif. Inutile de l’esquiver en la détournant de la sorte cependant, à moins que mon opinion vous importe vraiment. »

« Oh, Tiarnan... » Un enfant. Petit garçon qui se méfiait de tout et tout le monde, y compris de son ombre. Et à raison : car si Vera portait de l’importance à chaque mot susceptible de quitter sa bouche d’adolescent, la démarche n’était pas complètement désintéressée. L’entrevue, après tout, ne l’avait pas été non plus. Lutte sans vainqueur, ils avaient ferraillé dans les limites du convenable, et chacun avait tenu ses positions : sur la défensive pour l’un, dans l’attaque pour l’autre. Mais il était tard et Vera était lasse de ce jeu. Lasse de se heurter à l’opiniâtreté de ce gamin brisé et orgueilleux, à la fois naïf et désespérément lucide.

Les lueurs des bougies ondulèrent sur la face de la piécette d’argent, déposée là par souci des convenances. « Pour le repas, et le dérangement. » L’entendit-elle déclarer, tandis qu’il se levait pour la suivre. Vera haussa un sourcil, l’observa un instant, avant de s’intéresser à l’écu qu’elle étudia avec hauteur avant de le glisser dans sa main. Un signe de paix ?

« Suivez-moi. » Déverouillant la porte donnant sur la cour, la maquerelle se pressa calmement à l’extérieur et, sans accorder le moindre regard au jeune homme, amorça leur courte épopée à travers les étroites ruelles attenantes au bordel. L’affaire d’une paire de venelles, dissimulées dans la pénombre et agréablement désertes, qu’elle connaissait par cœur.

Vaël, Vaël, Vaël
Encore et toujours.  

Quelques foulées supplémentaires, et Vera s’arrêta au bout d’un étroit chemin, encadré, tout du long, par de longs bâtiments aux façades en torchis et colombages. S’assurant, d’un rapide examen des environs, que son hôte ne trouverait là aucun ruffian susceptible de lui causer du tort, la maquerelle se tourna finalement en direction de Tiarnan.

« Il vous suffira de descendre l’allée pour retrouver l’avenue principale. La place ne sera plus très loin. » Elle s’approcha de lui et puis, tirant de sa main la piécette d’argent : « Comme je vous l’ai dit, le couvert ne fait pas partie des services que nous proposons. »

La pièce changea une nouvelle fois de main.
L’altruisme, évidemment, n’avait pas sa place ici.

«  Messer. »
Un dernier regard et Vera tourna les talons pour disparaître dans la nuit.
Maîtresse fidèle.



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