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Tous autour d'une choppe [Andra]

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Tous autour d'une choppe !CHAPITRE DEUX : CEUX QUI MARCHENT DANS LES PAS D'ANDRASTÉ

Type de RPClassique
Date du sujet9 Marchiver 5:13
ParticipantsHector de Grandbois - Andra Valheim
TWVulgarité / Alcool / Violence / Allusions sexuelles / Mort
Résumé Dans une taverne de Starkhaven, des garde des ombres se prennent une soirée à boire, ainsi qu'à briser les illusions des idéalistes.
Pour le recensement


Code:
[code]<ul><li><en3>DATE DU RP</en3> : <a href="https://ainsi-tomba-thedas.forumactif.com/t1162-tous-autour-d-une-choppe-andra#15073">Tous autour d'une choppe</a></li></ul><p><u>Hector de Grandbois - Andra Valheim</u> RÉSUMÉ DU RP.</p>[/code]

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Tous autour d'une choppeA boire pour les assoiffés !

Starkhaven, présent dans la ville depuis maintenant assez longtemps Hector avait appris à connaître la ville, ou plutôt les coins intéressant. Alors que doucement le soleil tombait, le garde se dirigeait vers l'un des lieux qu'il appréciait. Sullenhall, de tous les quartiers de la ville c'est certainement celui dans lequel il avait passé le plus de temps. Aux côtés de l'ancien chevalier, un garde, récemment arrivé. Le genre de jeune soldat qui s'imagine faire ici un acte de charité envers le monde, donner sa vie pour le bien. Loin d'être méchant le garnement, mais pas non plus très malin. En observant les choses autour de lui il doutait, ce n'était pas vraiment le genre de lieu ou il pouvait servir au mieux la garde. Lorsqu'il questionnait le colosse, celui-ci ne répondait pas. Pour cause, l'ancien noble d'Orlaïs cherchait une taverne en particulier, dans laquelle il avait été quelques nuits auparavant, hélas les souvenirs se mêlent à l'imagination concernant cette nuit. Le chemin ne lui paraît pas clair et les doutent envahissent son esprit en cherchant son chemin.

Le grand gaillard ne passait pas vraiment inaperçu au milieu de la foule, bien qu'il n'emporte cette fois ni épée, ni armure de maille, la stature seule d'Hector suffit à inquiéter certaines personnes qui, en temps normal, n'hésiterait pas à se mêler des affaires d'autrui. C'est après de longues minutes d'errance que l'ancien héritier de Grandbois retrouva son chemin. Arborant un sourire aux lèvres il attrapa son collègue par le col, le tirant derrière lui vers cette taverne dont il gardait un si bon souvenir. Pour cette soirée qui s'annonçait arrosée, le garde avait fait passé le mot à ses collègues, ce soir, boisson, taverne de la Rouge-coupe.

L'endroit n'était une taverne de si grande prestance, mais le lieu était grand, bien qu'un peu perdu. En poussant la porte Hector se retrouva face à une salle encore en grande partie vite. D'un large mouvement de bras il jeta son camarade à l'intérieur, le jeune garde observa un peu le lieu dans lequel il avait été amené de force. L'ambiance, bien que pas encore à son apogée, était heureuse, les quelques consommateurs déjà présent buvaient un peu et discutaient tandis que la musique de fond se voulait douce.

« Hector, êtes vous certain ? Autant de garde ici, n'y a-t-il pas de risque de... »
« Oh tais-toi, profite un peu du lieu veux-tu ? Tu pourras penser à ton devoir sacré demain, en attendant, mets toi à l'aise et attendons les camarades ! »

Laissant la jeune recrue en arrière Hector rejoignit le comptoir, pour commander à boire. Le soleil se couchait, premier à la boisson le garde espérait ne pas avoir à trop attendre pour l'arrivée de ses camarades. Il se redressa, deux choppes en main. Il revint vers son camarades, puis alla s'installer à la table la plus proche de la porte. Lorsque le second garde le rejoint, Hector lui fit signe de la tête d'aller au comptoir.

« Va te chercher à boire avant de t'assoir, ça aidera à oublier un peu ton devoir sacré. »


L'évidence était là, les deux choppes étaient les siennes. De quoi entamer la soirée de bonne humeur. Il commença à boire, attendant ses camarades. Lorsque le plus jeune revint, le natif de Grandbois poussa une chaise face à lui, l'invitant ici. Ce petit dernier de la commanderie ne semblait pas être un combattant expérimenté, il vivait encore dans un petit monde de rêve et d'honneur. Si jamais il continuait à s’accrocher à ses idées après cette soirée, alors au moins aurait-il du caractère. Mais pour Hector, l'inverse était fort à parier. Après une gorgée de bière, il s'accouda pleinement sur la table et planta son regard dans celui du jeune rêveur.

« Alors dis-moi petit, combien de vies vaut ton devoir sacré ? »

Le sourire cynique du garde lui fit comprendre que ce soir, Hector s'amuserait à briser les illusions du jeune garde.

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L’avantage des taverniers a toujours été leur grande libéralité vis-à-vis de leurs épouses. Faire de l’œil aux clients augmentait les consommations, et s’il fallait donner de sa personne … une chambre supplémentaire louée, c’était une bonne affaire. Andra avait toujours apprécié ce sens aigu des affaires, ce qui évitait les problèmes de maris jaloux, et résolvait efficacement ses vagues à l’âme. L’oubli avait tendance à être une méthode naturelle pour ne pas s’embarrasser de souvenirs, et elle n’échappait pas à la règle. Se perdre dans l’alcool et les femmes n’était sans doute pas sain, mais au moins, elle le pouvait. Beaucoup de ses pairs ne pouvaient en dire autant, ou du moins, pas de la même façon. Ce qui expliquait pourquoi elle était accoudée au bar de la taverne, le nez dans une choppe à moitié vide qui avait connu beaucoup de sœurs à présent décédées au champ d’honneur de son taux d’alcoolémie galopant, en train de faire une cour relativement subtile à ladite femme du tavernier, qui ne bronchait pas et continuait à laver ses choppes sales avec une régularité de métronome. Sans être ivre, ses réflexes n’étaient peut-être pas aussi affûtés qu’à l’accoutumée. Mais cela ne l’empêchait pas d’apprécier la chaleur dans ses veines à chaque lampée de sa boisson – à la qualité médiocre – et de se perdre un peu plus bas que les yeux de la patronne.

Avec une bonne minute de retard, elle finit par repérer le groupe de Garde des Ombres qui était entré – retard ne s’expliquant nullement par son ébriété, mais par le fait qu’avoir un seul œil louchant … quelque part n’aidait pas à avoir un regard à trois cent soixante degrés – et hésita franchement sur la conduite à tenir. Boire était l’une des rares activités qu’elle était capable de tolérer avec la plupart de ses camarades. Mais honnêtement, la vue depuis le bar était plus attrayante que des gardes en armure. Au bout de quelques minutes supplémentaires, la Garde des Ombres déposa quelques pièces sur le comptoir, sourit d’un air entendu à son interlocutrice, fit une semi-courbette au patron compréhensif, et partit du principe que son plaisir étant assuré pour la nuit, elle pouvait se permettre de rejoindre la troupe. Sa choppe nouvellement remplie à la main, elle se dirigea – en ligne droite, un exploit – vers la tablée et reconnut la masse de muscles que représentait Hector, ainsi qu’au moins un freluquet nouvellement arrivé. Sans aucune cérémonie, Andra interrompit la conversation, répondant à la place du gamin :

« Aucune, le devoir, ça n’a jamais rien rapporté. »

Avant de s’assoir aux côtés de l’orlésien sans plus de façon, se glissant avec une agilité surprenante et sans perdre une goutte bière sur le banc. Aucun n’aurait de mal, normalement, à reconnaître son profil … atypique, et au cas où ils seraient aveugles ou sourds, elle portait elle aussi l’uniforme de la Garde. Elle sentit la recrue se raidir et trouva la chose charmante. C’était fou, quand même, d’être moins à son aise face à un taureau à tête humaine ayant massacré toute sa famille que devant une porteuse de l’ignoble magie. Mais enfin, la stupidité étant la chose la mieux partagée au monde, elle n'aurait pas dû être surprise. Se tournant vers l’ancien noble, elle déclara :

« Si j’avais su que tu faisais la tournée des tavernes, Hector, je vous aurai attendu. Mais j’ai pris de l’avance, et j’ai déjà de la compagnie pour la nuit, donc je peux me joindre à cette joyeuse assemblée sans regret. »

Cette fois, le freluquet ouvrit des yeux ronds, et Andra se demanda d’où il venait. Bien mis, corseté … un noble, peut-être. Peu importait. Replongeant dans sa choppe, la mage se dit avec une pointe de regret qu’elle aurait peut-être dû étudier une autre branche de la magie afin de créer une choppe sans fond. Quoique. Est-ce que ça pouvait se créer, la bière ? C’était quand même idiot d’être une spécialiste de l’Ecole de la Création, et de ne pas réussir à trouver une application utile à cette dernière. Rafistoler les trous béants, d’accord, c’était intéressant, mais créer de la bière … Mais elle aurait la Guide naine des brasseurs sur le dos.

Bon. Elle était peut-être un peu ivre.
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Tous autour d'une choppeA boire pour les assoiffés !

Le jeune garde ne savait quoi dire. Ses yeux fuyaient le colosse face à lui. Il esquissa un petit sourire, comme si il souhaitait répondre à la question par un rire, à défaut d'avoir des mots à rendre au garde. Comme pour le tirer d'affaire une voix survint d'un peu plus loin. Presque soulagé, le jeune garde ne répondit rien lorsque la garde acolyte offrit une réponse qu'il ne considérait probablement pas valide. Hector lui, se redressa, emportant sa choppe en main pour commencer à la vider avec insistance alors qu'Andra s'attablait avec les deux autres gardes. La cynique se glissa à table, à côté du né noble tandis qu'il continuait à vider sa choppe, de quoi faire un peu de place pour la suivante. Le grand garde profita du moment de répit entre les deux bières pour saluer sa camarade.

« Andra, me voilà surpris de te retrouver dans la taverne, clairement pas le genre de lieu ou je m'attendais à te voir. Je t'imaginais remplissant ton devoir fièrement, dans je ne sais quel endroit avec un pécore mordu par un chien pour client, préfère-tu donc ce sordide trou au travail bien fait ? »

Il la salua en soulevant sa seconde choppe, entamant sa descente d'alcool. Il n'était pas le premier, dommage. La guerisseuse avait déjà descendu quelques verres et même trouvé son occupation pour la nuit. Le troisième garde observa ses deux ainés descendre rapidement le contenant des leurs chopes, visiblement toujours un peu étonné de cela. Il entama timidement son propre breuvage alors qu'Hector reposait sa seconde chope, visiblement satisfait, la boisson n'était pas particulièrement bonne, mais elle n'était pas onéreuse et venait en abondance. De grands atouts pour quelque chose d'aussi sacré que la bière d'une taverne un peu miteuse. Observant un instant sa chope vide, Hector tandit le bras, attrapant le contenant tenu par le jeune garde, d'un geste il lui arracha des mains et commença à boire.

« Un peu soif, navré. Va donc en chercher encore un peu. »


Il regarda le jeune homme se diriger vers le bar, celui-ci ne semblait pas trop savoir quoi répondre au mastodonte. Le noble reprit sa descente quelques instants, avant de faire une pause pour s'adresser à la garde venue les rejoindre.

« D'autres camarades doivent venir, j'ai laissé le mot que la bière était... Intéressante ici. Dis moi donc, quel malheureuse âme as-tu donc convaincu pour cette nuit ? Que je ne chasse pas au mauvais endroit. »

Il replongea le nez dans la bière du jeune garde, avalant à grandes gorgées le contenu de celle-ci. Lorsque le jeune homme revint avec trois chopes, sur un plateau en bois cassé sur plusieurs endroits, il constata que le boucher de Grandbois venait de finir ce verre emprunté. Il reposa la chope devant le jeune garde, un petit sourire aux lèvres. Il observa les trois chopes, puis en pointa une du doigt.

« Aller, vas donc, sers-toi. Prends là tu la mérite. »

Allongeant ses bras il s'emparra des deux autres, puis reprit la parole en portant son regard sur la camarade de boisson à ses côtés.

« Je garde ces deux-là, il ne faudrait pas trop boire ce soir, avec une telle nuit en prévision ce ne pourrait qu'être dommage de ne pas s'en souvenir demain, matin, midi ou soir, qu'importe. Je pense à ton bien être tu sais. »

Puis il commença à descendre la première des deux chopes, hélas celles-ci ne dureraient guère longtemps à ce rythme.

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Le rire rauque s’éleva, descendu encore d’une octave par la consommation d’alcool. Sa tonalité chaleureuse dénotait néanmoins du réel amusement d’Andra– ainsi que de son ivresse – tandis que son œil luisait d’une étincelle notoirement malicieuse, alors qu’elle observait Hector, ainsi que leur compagnon de tablée. Il est vrai qu’on aurait pu la prendre pour un simple corbeau terne et aigre, avec sa manie de s’enfermer des heures durant dans son étude, de passer des heures penchées sur des opus poussiéreux, et son dédain marqué pour … beaucoup de choses. Sans compter sa posture d’intellectuelle qu’elle n’aurait pu renier. C’eut été faire une erreur grossière. Pour quelqu’un d’aussi sombre, la mage avait une passion vivace et vivide pour la vie, et en premier lieu pour ses plaisirs. Peut-être parce qu’elle en connaissait intimement la vacuité, et que peu avaient côtoyé la mort d’aussi près – même chez les Gardes, quoi qu’on en dise. Peut-être aussi parce que, comme beaucoup de personnes, elle avait une personnalité plus complexe que ce qu’elle laissait voir de prime abord, et n’avait rien de monolithique. Peut-être enfin parce que, qu’elle l’ait choisi ou pas, elle avait accès à une existence beaucoup plus libre que ce que sa magie aurait dû lui promettre, et qu’elle éprouvait un désir brûlant d’en profiter sans vergogne. Et surtout, parce que chacun devait trouver un moyen de noyer les souvenirs qui affleuraient dans les ombres de sa conscience. La torpeur de l’ivresse et l’oubli de la jouissance étaient des solutions comme les autres. Une réplique d’une infinie grossièreté lui vint, et elle jeta un coup d’œil au freluquet assis en face d’elle. Un plaisir mauvais l’envahit, et elle siffla sur le ton de la confidence au Boucher, bien que la tablée puisse l’entendre :

TW : Allusion sexuelle explicite et vulgaire:
Il y eut un flottement. Le jeune garde la dévisagea un instant, mais le sourire particulièrement entendu sur son visage ne laissait que peu de doutes quand au double sens de ses mots. L’homme rougit violemment, ce qui amusa notoirement la mage. Les propos de caserne n’étaient pas réservés à la gent masculine. Qu’il soit gêné que la chose soit dite avec la crudité monochrome d’Andra, par quelqu’un comme elle, ou simplement par le contenu même importait peu. Leur vie serait amenée à être brève, et violente. Peu importait le futur : leur sort était scellé. Un jour viendrait où il ferait face à la mort, et à ce moment, mieux valait qu’un sourire effleure ses lèvres au souvenir d’une vie bien vécue, que ce soit par un visage aimé ou un instant de contemplation heureux remémoré, plutôt que par la réalisation brutale que servir l’idéal menait invariablement à crever anonymement dans un recoin sordide ou au milieu d’une foule hurlante. Andra savait le visage du fervent au corps brisé et aux rêves éparpillés : elle l’avait toujours trouvé d’une douleur confondante. Ne rien attendre, ne rien espérer, mais grapiller ce qui pouvait l’être : la philosophie était terne, mais elle avait le mérite de ne jamais gaspiller son temps en espoirs insensés. Voilà pourquoi elle contemplait souvent avec une compassion mal placée et bien déguisée ceux qui arrivaient au sein de la Garde bardés de certitudes. Le temps se chargerait de les déciller, ou bien ils sacrifieraient leur vie à une institution qui ne ressemblerait jamais à leurs hauts rêves. La noirceur de ses pensées la surprit, et elle s’empressa de replonger le nez dans sa choppe, tandis qu’Hector finissait la sienne et celle du gamin. La question qui vint lui permit de changer allègrement de sujet, et elle souffla :

« La femme du tavernier. »

Qu’y pouvait-elle, si elle avait toujours eu un faible pour les femmes des autres ? Serviable, elle ajouta, alors que le plus jeune se levait pour aller récupérer d’autres choppes :

« Essaye celle-là. Elle te reluque depuis votre arrivée. »

La serveuse en question était deux tables plus loin, et point encore trop gâtée par la rudesse de cette vie. Sur ces entrefaites, le jeune garde revint, avec trois choppes. D’autorité, Hector s’empara de deux de ces dernières, et sa dernière tirade arracha un nouveau rire à Andra. De son humour sec, elle répliqua :

« Quelle sollicitude … Laisse-moi oublier la journée et me charger de la nuit, veux-tu ? »

Et elle lui chipa la dernière choppe.

« Qui as-tu rameuté pour ce soir ? Est-ce qu’il y a du déniaisement à prévoir, ou doit-on se demander si la taverne tiendra encore debout au point du jour ? »
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Tous autour d'une choppeA boire pour les assoiffés !

Hector esquissa un sourire à la réponse de sa collègue, toujours une magnifique répartie. Cet humour noir, ce cynisme et cette vulgarité, les points communs entre les deux gardes expliquaient peut-être la raison pour laquelle Hector appréciait la compagnie de la mage. Après tout, lui aussi prenait un malin plaisir à se moquer de l'idéalisme et de l'héroisme que certains pouvaient prôner. Loin de la noblesse Orlésienne, il ne ressemblait pas à l'idée qu'on pouvait avoir de quelqu'un qui fut héritier d'un domaine important. Depuis le massacre de Grandbois Hector était comme libéré, enfin conscient réellement du monde qu'il entoure. Pour lui le cynisme que certains  lui reprochent est un pragmatisme libérateur, au lieu de se cacher derrière des idées voulant que le devoir devait dicter la vie, il accepte ce qui est inévitable et peut ainsi vivre pleinement chaque jour. Il ne se réserve par pour une âme sœur idéalisée, ni ne perd son temps à défendre son honneur, ainsi il a plus de temps pour ses activités quotidienne de boissons et de plaisirs.

« Sage pensée Andra, puisse-t-on en découvrir un maximum avant la fin, zutant de saveurs que d'opportunités. »

Cela ferait une magnifique devise, ou épitaphe, pour l'Orlésien. Si les deux garde vétérans n'avaient aucun mal à évoquer ainsi ces sujets, leur jeune collègue semblait avoir bien plus de difficulté. Il rougissait et offrait une vue bien peu reluisante de sa personne. Si il était apeuré par une simple discussion, qu'est-ce qu'un flot d'engeances allait bien causer ? Bien que certains reprochent à la garde de prendre mages et criminel, pour l'ancien noble Orlésien, c'était l'inverse. Ces chevaliers et soldats pleins d'idéaux, de bonnes pensées et d'honneur faisaient de piètre garde. Murés dans des vœux d'honneur et de devoir, ils perdaient de vue une simple réalité : leur quotidien est de tuer des abominations, de voir des frères et sœurs d'arme mourir et de laisser leur corps croupir sous la pluie tandis qu'ils fuient face à une mort qui tentent de les avoir chaque jour. Il n'y avait pas de solution durable aux problèmes du monde, ceux qui s'imaginent faire une réelle différence finiront par craquer, un jour ou l'autre. Et à ce moment c'est quelqu'un à leur côté qui paiera le prix. En y réfléchissant bien, briser les idéaux fous de ces jeunes garde est autant amusant qu'utile.

Donc ce soir Andra aurait pour compagnie la femme du tavernier, simples mots qui arrachèrent un léger rire au colosse, quelle conquête intéressante que la femme du tenancier de l'établissement. Hector posa son regard sur celle-ci, un choix comme un autre. Après tout, ce n'était pas dans un endroit comme celui-ci qu'Andra aurait put trouver beaucoup mieux. Un avantage de plus à l'alcool qu'ils buvaient alors, quelques choppes de plus et ils n'auront alors plus grand chose à faire de la qualité, seul la conquête était importante. Andra indiqua une serveuse un peu plus loin qu'elle laissait à Hector. Gentille initiative que celle-ci, Hector posa son regard dessus, laissant quelques secondes s'écouler avant de répondre.

« Pourquoi pas, ça occupera peut-être une partie du début de nuit. »

Ses yeux parcoururent la salle quelques secondes de plus avant qu'il ne reprenne la parole.

« Je trouverai la suite dans la nuit, pas de soucis. »

Les bières revinrent, accompagnées de leur garde. Celui-ci devait commencer à regretter d'être venu, probablement. Mais au moins pourrait-il boire un peu. Hélas pour lui, ce n'était guère à ce voyage. Hector prit deux choppes et Andra la troisième. Visiblement elle avait encore soif, difficile de la blamer vu le rythme auquel l'ancien héritier de Grandbois descendait les bières.

« Soit, je prends note. Je ne m'aventurerai plus à veiller à ta santé alors. »

Un peu déçu, le jeune garde reparti sans plus de mots que ça, chercher une bière que peut-être il consomerait au comptoir pour pouvoir enfin la finir. Andra s'intéressa ensuite à la compagnie qui les rejoindrait ce soir, pour boire entre gardes. Le colosse posa un instant sa bière et leva les yeux au plafond, puisant dans sa mémoire à la recherche de nom.

« Un paquet de troufions, j'ai plus ou moins laisser le mot, ceux qui tiennent un peu et veulent boire viennent. Pour être franc, je sais pas s'ils viendront à deux ou dix. Mais bon, vu le lieu on ne devrait pas avoir plus d'un saint pour ce soir. »

Il finit sa phrase en pointant de la choppe le jeune homme au comptoir, il avait bien l'intention de lui faire passer une étrange nuit. Avec un peu de chance demain la garde compterait un alcoolique et un cynique de plus. Le pauvre lui allait regretté d'avoir suivi son comparse dans cet endroit.

« Ce sera une belle occasion de lui apprendre un ou deux trucs marrants. »

Le sourire sadique sur les lèvres du noble indiquait qu'il ne pensait pas à des leçons faisant parti du devoir de la garde.

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« Glorieux épitaphe que voilà. A nos explorations des Tréfonds. »

Andra leva sa chope en un geste moqueur, comme pour porter un toast à cette pensée dont le double sens évident faisait presque office de décoration dans le langage de la Garde. Qui, durant ses années de service, ne s’était pas laissé aller à la métaphore douteuse ? Elle l’avait déjà entendue dans nombre d’autres bouches, des pirates avinés aux servantes d’auberge … voire à quelques berruiers dans de grands jours. L’ironie et un rien de mélancolie pour ces gardes confirmés brillaient néanmoins sous le vernis du vulgaire. Parce que la mort et les entrailles de la terre étaient intimement liés, et qu’ils savaient qu’un jour ou l’autre, leur vie s’y achèverait. Que ce soit par devoir, ou parce que le temps était venu, ils y mourraient, et pour quoi ? Une vie à parcourir Thédas, obtenir des informations sur un poison lent dont ils se doutaient de la finitude, recruter d’autres âmes à jeter en pâture aux horreurs des bas-fonds et se battre contre des démons bien matériels. Leurs existences étaient marquées par cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, et il eut été facile d’en déduire certaines vérités sur leurs comportements. Peu de place pour une vie de famille, voire une vie amoureuse stable, il n’était par conséquent guère difficile de comprendre pourquoi nombre de gardes s’adonnaient aux plaisirs les plus faciles. Quelques-uns créaient des compagnonnages avec leurs comparses d’infortune, et de rares hères avaient l’audace de nouer des liens discrets avec des personnes extérieures, à peine de les voir rompus à la suite d’une nouvelle affectation, et avec la certitude d’être séparés. Et puis, d’après la légende, la souillure augmentait l’endurance. Ce dont semblait témoigner Hector et ses appétits, puisque la mention d’une suite fit ricaner la mage, qui commenta :

« D’audacieuses paroles, mon cher. Crains-tu d’avoir trop vite fait le tour avec une seule, qu’il t’en faut plusieurs ? Autant en inviter plusieurs aux réjouissances alors, je me ferai un plaisir de documenter pareille prouesse pour la postérité. »

Par pur intérêt scientifique bien entendu. Et évidemment, leur jeune garde peu dégourdi revenait à ce moment-là : Andra avait toujours un sens du timing absolument inné. Au moins ramenait-il de la bière, et même s’il fallut en chiper une nouvelle chope à Hector, le goût de la boisson lui offrit un répit agréable. Un chuintement rauque lui vint quand l’orlésien plaidait l’intérêt pour sa santé. Dans la bouche du Boucher de Granbois, la chose ne manquait pas de sel. Du reste, elle hésita à lui dire que l’objectif de la soirée était précisément d’envoyer ce type de préoccupations valser, mais elle se contint, parce que cela l’aurait amenée à répondre à des questions auxquelles, précisément, elle n’avait aucune envie d’apporter la moindre réponse. L’oubli était préférable. Était-ce raisonnable ? Non. Était-ce autre chose que parfaitement puéril ? Toujours pas. Mais son rapport quelque peu malsain aux excès ne concernait qu’elle, et puisqu’ils mourraient plus jeunes que la moyenne, autant ne pas se soucier des conséquences. Cela faisait dix ans qu’elle avait participé à l’Union. L’âge, et une hygiène de vie pour le moins douteuse, n’avaient pas manqué de poser leurs marques sur son visage dont les traits se creusaient de plus en plus, accentuant son profil de faucon. Quelques rides étaient apparues, subrepticement, aux coins des yeux et au front, et elle savait que le temps lui était compté avant que sa crinière brune ne se teinte de gris. Bah. Si on disait que cela allait bien aux hommes « d’âge mûr », pourquoi pas à elle ? A nouveau, un rien de nostalgie lui vint, tandis qu’Hector expliquait qui il avait convié et le programme de la soirée, pendant que le troisième infortuné luron s’en allait à nouveau chercher de la bière.

« Qui sait, la perspective de passer une soirée en dehors de la Commanderie pourrait attirer d’autres profils …

On a bien tous commencé quelque part. Et il est fort possible que nous arrêtions dans un avenir très proche ... »

Certains plus tard que d’autres, et elle en était un fin exemple, comme la plupart des mages de la Garde, du moins, ceux qui n’étaient pas Apostats à la base, cela allait sans dire. Amusée malgré elle, elle se replongea dans les souvenirs d’antan, et finit par demander, pensive :

« Tu te souviens, de ta première fois dans une taverne ? Honnêtement, je me demande si je n’étais pas aussi gauche.

Mais j’avais une bonne excuse : quinze ans de Cercle, il fallait une sacrée quantité d’alcool pour faire passer ça. »

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Tous autour d'une choppeA boire pour les assoiffés !

Doutait-elle de l'endurance de l'ancien héritier ? Pour toute réponse Hector leva un sourcil, accompagnant ceci d'un sourire arrogant, peut-être était-ce l'alcool qui le dirigeait à ce moment, mais dans tous les cas, il était fier de sa promesse, une nuit agitée avec de multiples conquêtes. Andra en rigola un peu, allant même jusqu'à vouloir documenter ! Après une nouvelle gorgée de sa boisson alcoolisée, Hector reprit la parole après un rot à peine camouflé.

« Mais foi avec joie ! Je te raconterai la légende quand tu veux ! Simplement, autorise moi un peu de temps pour l''écrire et un peu de temps pour m'en remettre, je me donnerai à fond pour ton documentaire. »

Son arrogance poussée à son paroxysme après une nouvelle gorgée d'alcool, il arborait un air fier. Les deux gardes discutaient librement, sans barrières ni limitations. Les deux ne se privaient ni de sujets, ni d'avis. Sarcastiques, pragmatiques et profondément moqueurs, les deux gardes pouvaient être des cauchemars ambulant pour les plus jeunes recrues, tel que ce pauvre être qui allait passer une soirée comme il en avait connu peu. Heureusement pour lui, d'autres gardes viendraient se joindre à la fête, parmi eux aucun n'était probablement aussi cynique que la mage et le meurtrier. Une étrange question restait malgré tout en suspens, des deux, lequel était le plus cynique ? Lorsqu'Andra donna leurs chances de victoires si faibles au futur, elle arracha un sourire au grand gaillard qu'était Hector, elle marquait un point.

« Peut-être pour beaucoup, mais je te rassure, tu pourras toujours compter mes prouesses, je n'ai pas prévu d'arrêter de si tôt, je doute que quelqu'un puisse me faire changer d'avis en plus. »

Que ce soit par la parole ou l'acier, Hector était un homme borné, ainsi qu'un combattant certain de ses capacités. Il était encore assez jeune pour manier son arme avec une vigueur épatante, son talent naturel pour la guerre et la mort l'avait porté jusqu'ici, son sens du devoir et du cynisme lui avait sauvé la vie dans les pires situations. Hommes, femmes ou engeances, il n'avait jamais connu de véritable moment de faiblesse lorsqu'il était nécessaire de juger quelqu'un avant l'acte final, ce manque de pitié pouvait être interprété comme mauvais pour certains, pas pour lui. Hector était convaincu que cela l'avait aidé à survivre à travers les années, tant pis pour ceux du mauvais côté de son épée. Après tout, il avait massacré sa famille, que pouvait-il faire de pire ? Cette question en suspens n'avait jamais trouvé réponse après tant d'années à la poser, Hector continuant de répondre par une nouvelle gorgée d'alcool. Au milieu de celle-ci Andra évoqua le passé, sa première visite dans une taverne?

« Ma première ? Je me souviens difficilement de la dernière, alors la première ? »

Il rigola un peu, manquant de renverser un peu de son précieux breuvage.

« Je peux imaginer un peu. Je n'avais pas grand chose à fêter, ni à perdre. J'étais un nobliau con avec une cuillère en argent dans le cul, je voulais essayer ce que les soldats et paysans partageaient et paf. Je suis tombé dans ce gouffre dont le fond se fait encore attendre. »

Il fixa son verre, trop vide pour lui, pendant un long instant.

« Le pire, plus je me débas pour atteindre ce tréfond, plus j'ai l'impression que la chute sera sans fin. Tant mieux, plus à boire ! »

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« Ton sacrifice pour la science sera fort apprécié. Un sens de devoir de Garde des Ombres. »

L’humour pince-sans-rire et l’ironie latente perçaient aisément, et l’œil unique s’alluma d’une lueur sardonique. Le jeu de mots sur la devise de leur ordre et son invocation récurrente du sacrifice était évident, mais il était, fatalement, enrobé d’une amertume doucereuse. Hector et elle étaient depuis suffisamment longtemps dans la garde pour avoir vu nombre de leurs aînés partir pour les Tréfonds et leur ultime voyage, afin de prêter main-forte à la Légion des Morts, puis s’enfoncer eux-mêmes dans les ténèbres et périr seuls. Rarement, plusieurs mois – voire années – après, une rumeur parvenait d’une fin brave et glorieuse, à charger l’engeance ou à prendre un coup destiné à un autre, parce que le corps pourrissant et l’esprit dévoré par la souillure n’étaient plus à défendre. L’on semblait s’accorder pour dire qu’il s’agissait d’une fin digne. Andra avait tendance à penser, avec son implacable sens du pragmatisme, que c’était au moins une mort utile, et puisqu’elle était inéluctable, autant en effet tomber les armes à la main qu’autrement. Pour autant … une petite voix lui soufflait parfois qu’il s’agissait de son ultime liberté. A défaut de choisir sa vie, elle aurait aimé pouvoir choisir sa mort. L’image fugitive d’un couteau contre son cou revint, et d’autres, plus terribles encore, venues du plus profond de sa conscience, l’assaillirent. La mort ne lui faisait pas peur. La décrépitude à laquelle elle était vouée, elle s’y était résignée avec stoïcisme. Restait l’envie étrange, peut-être, d’être maîtresse de son temps. De décider, un jour, par elle-même, et non soumise aux éclats de violence ou à ce choix qu’elle avait fait, et qui n’en était pas un – parce qu’on ne refusait pas la Conscription, de toute manière, et parce que la perspective d’une épée de templier n’était pas exactement une alternative acceptable. Sans doute était-ce cette morosité saumâtre qui la poussa à songer au passé – ce qui, dans son cas, était rarement une bonne idée.

La réponse d’Hector la renvoya avec une acuité douloureuse à la différence foudroyante qui existait entre eux, et de façon générale, entre les mages et les autres. Passer devant une taverne et vouloir s’encanailler … C’était bête, facile, de pousser un battant de porte. Anodin. Et pourtant. Elle se revit, les yeux brillants d’une curiosité brillante, effectuer le même geste et s’émerveiller des murs lépreux et du sol terreux, se sentir submergée par le nombre de personnes assises, les odeurs tellement différentes, les sons, les allées et venues. Impossible d’expliquer en détail le maelstrom d’émotions qui l’avaient saisies, alors même qu’elle se souvenait du local qui servait de débit de boissons dans son village, et où il lui était arrivé d’aller chercher son père pour le ramener dans leur logis – avec plus ou moins de succès. Cela avait été, peut-être, l’une des premières fois où elle avait réalisé ce que son enrôlement forcé lui offrait comme opportunité, et de comprendre ce qu’était, réellement, cette liberté qui lui tendait les bras. Curieuse néanmoins, elle demanda, plus pour confirmation qu’autre chose :

« C’était quand tu étais chez les berruiers, ou avant ? »

Elle se souvenait de cette élite de l’armée orlésienne, et de ses manières … originales dans les tavernes. Si certains étaient bien des parangons de vertu, la majorité n’avait rien à envier aux bandits de grand chemin, la morgue nobiliaire en plus et la sensation que tout leur était dû, y compris les pauvres filles qui se trouvaient sur leur chemin. Quelques souvenirs épars de la Marche Exaltée lui revinrent, et elle cacha dans le fond de sa choppe l’expression sinistre qui était apparue sur son visage. Seul avantage d’être mage : c’était généralement un répulsif très efficace. Il fallait bien que l’ignorance ait quelquefois des vertus, aussi paradoxal que ce soit. A son tour, elle contempla le fond de la chope, réfléchissant aux paroles d’Hector. Elle s’entendit lui répondre, presque par réflexe :

« Crois-moi, le fond n’est jamais agréable. Et quand on l’atteint … soit on coule … soit on donne un coup de pied pour remonter.

Mais une partie de nous restera toujours au fond. »


L’image furtive d’une gamine avec un visage entier lui revint. Comme à chaque fois, ce qui lui serra le cœur ne fut pas cette vision, mais le gentil sourire qui se peignait sur cette face intacte. Oui, on laissait toujours quelque chose au fond. Mais rarement ce qu’on croyait.

« C’était peu après mon Union. Quand je suis arrivée en Orlais. Je n’ai quasiment pas bu de la soirée. J’avais besoin de … voir. Il y avait tellement de personnes, de couleurs, de chansons, de …

L’alcool est venu plus tard. Mais sur le coup, j’avais juste envie de comprendre, comment les gens normaux vivaient. »


Cette fois, l’expression sinistre revint, et avec un sourire sans joie, elle acheva :

« Puis j’ai bu pour les oublier. »
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Tous autour d'une choppeA boire pour les assoiffés !

Chose étrange, mais pour Hector le garde des ombres, il avait toujours passé beaucoup de temps dans les tavernes, un bon moyen de décompresser, de passer le temps. Pourtant à la question d'Andra il n'avait pas de bonne réponse. Quand avait-il débuté ? Savait-il manier la choppe avant l'épée, ou bien l'inverse ? Il réfléchissait pour offrir la bonne réponse à la mage, mais aucune ne lui vint en tête. Pour balayer son doute, il avala un gorgée d'alcool. C'était plus par logique qu'il allait répondre. Il haussa les épaules, puis reposa son regard sur sa camarade.

« Qu'importe ? Bah, je ne sais que tu répondre, je ne m'en souviens que peu. Mon instant me dit avant, donc je lui fais confiance. Je pense que j'étais encore un gamin trop gâté avide d'aventure et de frisson. »

Il fit une pause. Comme un peu dégoûté par ce qu'il admettait. La question de ses actions avant la sombre nuit à Grandbois a toujours été importante pour l'ancien noble, il ignorait toujours pourquoi avoir fait le choix à ce moment plutôt qu'à un autre. Il ne regrettait rien, mais il avait toujours eu l'impression d'avoir agit trop tard ou de ne pas en avoir fait assez. Il regrettait, mais hélas rien ne pouvait être changé pour hier. Andra semblait bien plus touchée par son passé que Hector par le sien. Lorsque celle-ci le laissa un instant prendre le dessus, l'obscurité qui la parcourait débordait dans ses paroles.

Silencieux un instant, Hector enfila son verre entièrement comme réponse, puis ne lâcha que quelques mots mal choisis, il n'était guère ici dans son élément.

« Eh beh, par la sainte couille gauche du Créateur, tu as bien l'air d'en avoir bavé quand même. »

Son regard, légèrement compatissant, se posa sur sa comparse quelques instants. Peut-être était-ce l'alcool, si vite et si bien consommé, qui brisé leur perception des choses. Ou peut-être simplement étaient-ils finalement un peu plus réceptif à cela qu'ils ne le pensaient. Andra compta sa première fois dans une taverne, tout comme ses précédents mots Hector pouvait y entendre une pointe de tristesse latente. Il avait toujours su que, malgré les morts dans son passé, il avait eu bien de la chance, à chaque fois qu'il était confronté à ce passé, il regrettait toujours la pression de certains sur le petit peuple.

Une fois libérée des entraves imposées par la magie la mage avait du se confronter au triste monde de merde dans lequel ils vivaient tous. Le regard d'Hector avait une étrange braise mi amicale, mi haineuse. Une braise amicale et compatissante envers le passée tortueux de la mage. Hector n'était pas victime d'un passé si violent, il regrettait seulement d'être né parmi ceux aidant à promouvoir un tel monde.

« Je ne suis pas vraiment doué pour ce genre de choses. Tout ce que je peux faire, c'est vaguement te raconter un truc. »

Une gorgée de bière plus tard, il reprit la parole.

« Après cette nuit à Grandbois, après avoir massacré cette bande d'enflures, je ne savais plus trop quoi faire. J'avais balancé ma vie, mon héritage, un peu tout aux oubliettes. Donc j'ai été dans des tavernes, des auberges, des maisons closes. C'est plus ou moins le plus bas que je suis tombé. A cette époque je me disais que ça y est, j'étais au fond du trou. Pour être franc, je pense pas qu'il y est un fond, je pense que tous les jours, on tombe. Ce qui importe, c'est de se démerder pour pas tomber trop vite et pour ça, chacun sa manière. Mais bref, je m'égare un peu. Je pensais être au fond du trou, après que les premiers chasseurs de primes soient venu, j'étais persuadé que je rencontrerai ma fin la queue dans une prostituée et un verre de bière à la main, perforé par un carreau d'arbalète dans mon dos. »

Il arbora un léger sourire en raconta ce qu'il pensait être sa mort jadis.

« Et puis vint la garde, toi et d'autres frères et sœurs d'arme. Je pense pas qu'une quelconque force divine ait décider de cela, mais malgré tout c'est un changement plus que bienvenue, un mal pour un bien en somme. »

Il hésita un peu, puis sortit quelques rares mots de sagesse.

« Je me dis que c'est quand on est au plus bas, qu'on est ouvert au plus grands changement. »

Il arrêta un instant de parler, puis fixa le plafond quelques longues secondes.

« Dans tous les cas, on mourra un jour. Dans tous les cas, on va en chier pour une raison ou pour une autre. Autant ne pas trop se soucier de demain, laisser hier se reposer : aujourd'hui en profiter. »

Est-ce qu'il croyait à ces mots ? Peut-être. Peut-être pas. Ces paroles un peu mystiques étaient venu naturellement, pourtant en y repensant, il trouvait ça ridicule. Certes, il relatait des faits qui lui était arrivé, certes entrer dans la garde avait changé beaucoup de choses pour lui, en bien. Mais il n’oubliait pas non plus, il était devenu une espèce de monstre, corrompu par l'engeance. Leur vie risquait de se finir demain, devant un monstre ou un homme en colère. Mais aujourd'hui il vivait avec ce qu'il voulait, avec qui il voulait. Et c'était déjà un grand pas depuis son ancienne existence.

Comme pour couronner son étrange pointe de philosophie Hector commença à rire, sans réel logique, peut-être bien que trop d'alcool avait déjà couler.

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« Avec ma gueule, tu en doutais ? »

Un rire étranglé, à l’amertume évidente, noir et ironique, presque boueux, jaillit de la gorge d’Andra. D’aucuns portaient des masques recouvrant leurs failles. Le sien était ouvert, béant. Elle ne parlait jamais du pourquoi, son visage était ainsi. Elle ne parlait jamais des Anderfels. Elle n’évoquait jamais les paysages de son enfance. Elle n’avait jamais raconté à quiconque les sables chauds et la vie dure des paysans andériens. Parce que dans les Anderfels, la main des siens avait creusé sa tombe, et y avait enterré son visage, son corps, et son âme. Elle portait sa vie comme d’autres portaient leur cœur en bandoulière, et affichait les stigmates avec la fierté des balafrés de guerre. Mais sa guerre n’en avait pas été une : c’avait été un massacre, d’une horde menée par la peur et la haine contre une gamine de douze ans qui suppliait ses parents. Cela, son visage ne le disait pas : il ne parlait que de la violence. De celle qui s’abattait sur les mages. Le reste appartenait aux confins de son esprit, à ses cauchemars, et aux démons de l’Immatériel. Et elle le revendiquait, d’imposer cette vision aux autres. Mais parfois … parfois, c’était lourd à porter, ce que lui renvoyait son miroir. L’éclat d’un couteau contre sa gorge dansa dans ses yeux. Oui. C’était difficile à regarder, un miroir renversé de son âme, surtout quand on le brisait, pour ne pas le supporter, pour lui apprendre à nous regarder avec morgue, parce qu’on détestait toujours l’orgueil des autres, et pas assez le sien. La nausée la saisit, et elle replongea dans sa choppe, l’odeur de l’alcool lui donnant une raison bien plus commode d’avoir des haut-le-cœur, et des bas-à-l’âme.

Muette, elle écouta Hector se livrer, un peu, et rit à quelques-unes de ses expressions. Peut-être parce que, fut un temps, elle avait rêvé aussi de mourir une bière à la main et entre les cuisses d’une jolie fille, plutôt que d’être dévorée par l’engeance, quand la souillure aurait fait son œuvre. Le cœur qui lâche parce qu’il est trop empli d’ivresse, n’était-ce pas l’acmée ultime, l’épectase à laquelle tout le monde rêvait ? Peut-être parce qu’elle pouvait comprendre, cette idée que malgré tout, il aurait pu leur arriver pire. Être libérée du Cercle avait été – elle ne pouvait le nier – un changement agréable. Elle aurait juste … Mais il y avait un prix à payer pour sa vie. Il y avait toujours un prix. Et les mages avaient encore moins la possibilité que les autres de ne pas plier, parce qu’en dehors de la protection de la Garde, ils n’étaient que des apostats, bons à être tués, ou ramenés de force dans les geôles d’un Cercle. Peut-être qu’il avait raison. Peut-être qu’il fallait qu’elle trouve ce quelque chose qui … Seulement, pour le moment, elle ne le voyait pas, pas vraiment. Et contemplait avec rage ce qui, elle n’en doutait pas, l’attendait, une fois que l’esclandre serait connue, et les relations entre le Cercle et la Garde probablement empirées par sa faute. Ne restait qu’à profiter. De cela, elle était certaine. La chair avait toujours été consolatrice. Son regard loucha sur la femme du tenancier, en admirant les courbes avec un manque de discrétion certain, puis elle reporta son attention sur l’autre garde. Ce qui était fait était fait, et elle ne pourrait rien y changer. Quant à la mort qui viendrait … Elle l’attendait. Elle ne pouvait le nier. Ne parvenir à se défaire de ce sentiment obsédant d’attirance pour l’abîme. Cependant … Là, elle n’était pas morte. Elle était vivante, et la chaleur de l’alcool se répandait dans son corps.

« Merci, Hector. »

Parfois, l’amitié avait besoin de peu de mots pour s’exprimer, et si elle savait que le guerrier orlésien n’était guère connu pour ses épanchements, elle lui savait gré d’avoir tenté, comme il le pouvait, d’apaiser son tourment secret. Le solide gaillard était certes parfois brutal, souvent dur, mais c’était une épaule sur laquelle il était aisé de compter, sur le terrain ou en dehors, parce qu’il avait ce verbe simple de ceux qui évoluent dans la vie avec l’aisance des déshérités de choix, ceux qui ont volontairement décidé de trancher le fil de leur existence, dans la violence et le chaos, et de brûler leur vie passée. Ce devait être libérateur, en un sens. Et la question, morbide, vint dans son esprit. Elle n’avait jamais osé la poser. Mais l’alcool et la mélancolie, ce soir, lui délièrent la langue :

« Je peux te poser une question ? »

Avec précaution, elle finit par demander :

« Qu’est-ce que … qu’est-ce que ça faisait ? De les tuer ? »

Qu’est-ce que ça faisait, de tuer une famille qu’on haïssait ? Qu’est-ce que ça faisait, de réaliser ce dont il lui arrivait de rêver ?

Est-ce que le sang sur ses mains ressemblait au sien, dans les Anderfels ?
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Tous autour d'une choppeA boire pour les assoiffés !

Le maigre sourire qu'Hector esquissa était empli d'une certaine compassion envers une amie qui avait eu un passé tant plus troublé que le sien. Elle portait sur sa chaire l'héritage de ces temps tortueux. Marquée par les exactions d'une population haineuse et appeurée, aujourd'hui comme hier Hector ne pouvait comprendre cette façon d'agir et encore moins la pardonner. Depuis si longtemps des hommes se perdent à vouloir douleur et morts à ceux maudits du sang elfique ou du don de l'immatériel. Béni dès sa naissance, Hector avait forgé le regard méfiant et colérique des autres, par ses actes et sa personne. Alors il le prenait bien, il en rigolait se provoquait ceux qui, finalement, craignaient plus son bras que son être. Mais pour bien d'autres les choses différaient. Andra avait eu le malheur de naitre avec un petit quelque chose en plus, pour cela elle fut punie. Triste réalité que celle-là, hélas personne ne pouvait en changer quoi que ce soit. L'héritier de Grandbois dévisagea Andra, puis répondit sur un ton un peu plus léger.

« Ah ouais, j'avais jamais remarqué. »

La philosophie de comptoir d'Hector n'avait pas pour sources les plus grandes pensées d'un âge révolu, ni les méditations d'années intenses. Il n'avait pour vocabulaire que ce qu'il aimait dire. Mais son intention était là, à cœur ouvert il pouvait exprimer ce qu'il pensait. Malgré tout le noir qu'il y avait dans l'immense tapisserie du monde, ceux qui peuvent trouver quelques points de lumières à s'accrocher peuvent tenir un peu plus. Le peu d'espoir que chacun pouvait avoir était un bien d'une valeur immense, tant dans ce monde est rongé, corrompu par une histoire sanglante et détestable. A ceux qui décident de se tourner vers l'histoire, il faut reconnaître un brin de folie. Loin d'être déplacée pourtant, cette soif de connaître hier amenait les sages à constater une sordide réalité que le petit peuple cherche à fuir. Comme pour se prémunir face aux dommages de la vérité, ils s'arment de mensonges et d'illusions, pour évoluer dans un monde qu'ils aident à détruire un peu plus. Lors des moments les plus sombres de ses songes Hector se perd à espérer un jour un chaos si grand, que seul subsisteront quelques cendres de la civilisation d'aujourd'hui, que pour tout futur se trouve la construction d'un nouveau lendemain, loin de la haine et du dédain qui sont à cet instant les principaux composants de ce monde. Sur le lit des cendres de ce monde qu'il renie chaque un peu plus, il s'espère voir émerger un monde vierge de tous les tracas de l'histoire, un dans lesquels on ne reproche pas à ceux qui naissent les crimes de ceux morts depuis de si nombreuses années. L'étrange mélancolie qui portait le boucher de Grandbois ne s'arrêta pas lorsqu'Andra le remercia, il acquiesça, simplement content d'avoir pu aider une amie ce soir. Étrange, il ne pensait pas voir en cette soirée de beuverie une occasion de parler à cœur ouvert. Quelques sujets restent loin pourtant, ou plutôt auraient du le rester. Sa camarade posa la question que beaucoup n'osent lui poser. Hector resta muet quelques instants, alors que le jeune planta son regard sur l'ancien noble, curieux d'entendre les réponses du meurtrier.

« Étrange... On ne m'a jamais vraiment posé la question, pourtant j'y ai réfléchi si souvent... Et malgré tout ça, je ne sais toujours pas trop quoi répondre. »

Hector s'enfonça dans son siège, repoussant légèrement sa choppe, comme en souvenir d'une nuit sobre maintenant si lointaine.

« Lorsque j'ai porté mon épée, mis mon armure avant le gong, je me voyais comme une espèce de chevalier blanc, vengeant ceux qui étaient morts sous la pression d'une noblesse qui ne pensait qu'à elle même. Je pensais faire cela en l'honneur des pauvres, piétinés par un pouvoir inconscient des dures réalités du monde. »

Son regard se baissa, comme fuyant l'échec qui avait défini sa vie.

« La vérité ? Je les ai abandonné. Plutôt que de me servir de ce que j'avais pour changer quelque chose, de prendre une place qui pouvait importer, j'ai fui. Plutôt que de terminer le travail et de laisser le destin décider du sort de ma maison, j'ai laissé un fils digne de son père prendre le contrôle de la maison, tout ça par passion du cœur, pour la personne avec laquelle j'avais passé neuf mois. »

Malgré les années, malgré les assassins, malgré le dédain, l'ancien héritier de Grandbois ne pouvait effacer son frère de son cœur, le serment de la naissance l'emportait sur tout, si bien qu'il avait été incapable d'aller au bout.

« C'est ridicule je sais. Je ne sais même pas comment vont les paysans avec qui j'ai bu, les paysannes avec qui j'ai dormi ou les soldats avec qui je me suis entrainé. J'ai l'impression que tout ça est une autre vie, que j'observe avec dédain. »

La vie d'Hector de Grandbois, mort pour laisser naitre le boucher de Grandbois.

« Durant la nuit, j'étais extatique, simplement à l'idée de sentir ma lame abattre ces enfoirés. Et quand la première personne est tombée... Rien. Je me suis dis que le monde se portait mieux sans eux, mais... Moi, non, rien ne changeait j'étais... Toujours... »

Il s'arrêta, ignorant réellement quel mot mettre sur cette étrange sensation.



« Je ne sais quoi te dire de plus. Qu'ai-je ressenti lorsque le sang de ma famille tant haïe a recouvert le sol ? Rien, je crois que c'est là le plus juste. »

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TW : Ce post détaille graphiquement des pensées très violentes, de meurtre et de cruauté.

Un long silence suivit la confession d’Hector. Chaque mot tournait dans la tête d’Andra, et lui laissait un goût plus amer que le précédent. Les récits de la haine des autres n’avaient jamais le réconfort attendu, parce qu’ils plongeaient tous ceux les écoutant dans le reflet noir de leurs propres visages déformés. Et celui de la mage était hideux, tant il recelait de détestations profondes et d’exécrations bilieuses. Peut-être qu’elle les portait avec plus de discrétion que celui dont l’infamie était gravée dans ce surnom acrimonieux qu’était le Boucher de Granbois, mais la trace indélébile sur sa face déformée en constituait le témoignage le plus virulent. Parce qu’on n’était pas ainsi sans haïr profondément ceux qui avaient causé une telle violence. Ou peut-être qu’on pouvait l’être, en âme vertueuse et éprise de pardon, mais elle n’avait jamais eu cette faiblesse, ou cette force. Elle se surprit à penser aux Anderfels, et la rage enfla, avec virulence. Elle songea au Cercle, à la Chantrie, à ses bras armés, et l’acrimonie brûla avec ardeur. Elle s’égara vers la Garde des Ombres, et la rancune s’insinua par chaque pore de sa peau, teintant l’alcool porté à ses lèvres d’une amertume âcre. Mais surtout, elle s’aperçut, dans les yeux d’Hector, et une nausée brutale la submergea, parce que ce ne furent plus l’homme qui lui faisait face, mais une elfe dans une bibliothèque. Quel plaisir, sombre et putride, que de réduire les autres en miettes, de les pousser jusqu’au bord de l’abîme, comme elle-même l’avait été, et de voir s’ils étaient capables d’encaisser, ou s’ils sombraient. Quelle indignité, de se réjouir de les voir céder à la haine, comme elle-même aurait tant aimé en avoir l’opportunité.

Un instant, les visages lointains, déformés par le temps et la hargne, de ses parents flotta dans son esprit. Elle se demanda, avec une acuité brutale, ce que cela lui ferait, de les revoir. De se tenir face à eux, et de déchaîner sur ces faces fantômes tout le pouvoir d’années à grandir dans la confrontation entre l’amour enfantin et la folie adulte. Et l’acidité qui lui monta à la gorge offrit toutes les réponses dont elle avait besoin. Oh, ce ne serait jamais assez doux. Bien sûr, il y aurait de la beauté à leur montrer qu’en dépit de ce qu’ils lui avaient fait subir, elle avait survécu, grandi. Qu’elle avait voyagé par-delà le monde, qu’elle appartenait même, horreur et insulte suprêmes, à cette organisation qu’ils révéraient tant – s’ils savaient, ces sombres idiots, ce sur quoi était bâti cet ordre, ô ironie mordante et boueuse – et que cette magie tant haie avait tellement servie … Oui. Il y aurait de la grandeur, à l’annoncer, puis à se détourner, superbement. Mais Andra n’avait pas cette noblesse d’âme : la boue de sa naissance avait depuis longtemps souillé son esprit. Les êtres brisés n’aimaient jamais que les fêlures des autres, et le pouvoir d’infliger les mêmes blessures. Cela n’excluait ni la bonté, ni la douceur, ni la complexité, parce que les êtres brisés étaient peut-être les plus terribles cris d’humanité qui puissent exister, pour représenter cette infinité de gris qu’ils portaient dans leurs âmes suppliciées. Alors, non, elle ne s’imagina pas se détourner. Ce qui lui vint ne fut que torture et agonie, et les paroles d’Hector retraçant son périple sanglant colorèrent d’un carmin brillant le fantasme honni et soudainement si réel.

La sensation du sang s’égouttant sur le sol, et d’un souffle rauque, mourant, de deux yeux aussi sombres que les siens sur sa nuque lui revint avec force, et elle serra le poing. Son propre œil se posa sur la recrue à leurs côtés, muette, et son visage juvénile lui donna des envies de strangulation. Comment osait-il être là, effrayé par la violence admise ? Comment osait-il exister, à les juger sans peut-être les vouloir par sa seule présence ? La colère vibra, et elle sentit le Voile, au loin, l’appeler. Elle chassa les voix, et d’une voix sèche, commanda au gamin :

« Va rechercher à boire. Maintenant. »

Les graves, ordinairement si chaleureux, claquèrent avec l’autorité acrimonieuse d’un officier à moitié ivre sous sa tente, de ces ordres qui ne souffraient pas de contradiction parce que ceux qui les prononçaient n’étaient plus en état d’écouter quoi que ce soit, tant ils pourrissaient dans leur propre fiel. Le garçon dut sentir la menace, ou trouver là un échappatoire bienvenu, parce qu’il se leva sans protester, laissant les deux gardes seuls. Avec lenteur, Andra darda son œil unique sur Hector, relevant le menton et redressant son buste, image de l’orgueil sacrifié, mal-placé, et déclara enfin :

« Merci de m’avoir raconté. »

La sincérité perça aisément. Mais elle était recouverte d’un limon brûlant qu’il était difficile de contenir, de cette âcreté qu’elle ne parvenait pas à faire taire. Parce que ce qu’Hector avait osé, elle avait pu y penser, parfois, pour d’autres actes, d’autres victimes. Mais pour quoi, au juste ? Cela déclencherait encore plus de haine, ferait plus de morts innocentes. Était-ce cela, la justice ? Ou bien n’était-ce que la vengeance, qui expliquait alors cette sensation de vide ? Y avait-il un moyen de faire rendre gorge à un monde qui lui était odieux, sans condamner d’autres à subir la damnation pour ses actes ? Ces questions la hantaient. Et c’était ainsi qu’on entravait les révolutions : en rappelant aux rebelles qu’ils avaient un cœur, et que cette empathie déplacée aurait raison de leurs aspirations. Il fallait être cruel, pour décider de mettre le feu à l’univers. Cette cruauté, elle ne parvenait à l’atteindre que pour les siens, peut-être parce qu’à ses yeux, ils étaient tous coupables. Il n’y avait pas d’innocence, dans la complicité du crime. La radicalité de ce mal oblitérait toute considération sur les résidus de bien qu’il pourrait y avoir en ces être, qui pourrait freiner sa main assassine. Elle se demanda si ce n’était pas ce qui avait manqué à Hector : sa haine n’était pas assez personnelle. Pas assez entière. Pas assez définitive. Ou alors, elle l’avait trop été.

« Parfois, on ne voit pas d’autre issue que la haine et la violence. J’aimerai dire à quel point c’est odieux, l’assurer comme il le faut. »

Que dire, face à cette description clinique d’un massacre ? Oh, elle le savait. Mais les mots ne venaient pas. Comment auraient-ils pu, quand elles les avaient pensés si fort, elle-même ? La condamnation morale, nécessaire, resta coincée dans sa gorge.

« Est-ce que tu regrettes, parfois ? »

Son œil brilla avec virulence. Elle-même ne regrettait pas.
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Tous autour d'une choppeA boire pour les assoiffés !

Le regard vide du garde trahissait son ressentiment, en cet instant son esprit vagabondait jusqu'à son passé, ramenant à la vie des fantômes qu'il avait laissé derrière lui jadis. Ce n'était pas ainsi qu'il avait imaginé cette soirée, mais il faut bien croire que par moment il est nécessaire d'évoquer le mal qui ronge un peu plus les êtres. Ses précédents mots restèrent suspendus dans son esprit. Il se souvenait de cette nuit de bien des manières différentes, pour lui son cœur n'avait pas eu de contrôle cette nuit, malgré la brume écarlate qui l'entourait durant ses exactions. Hector était un guerrier né, dans ce contexte il était dans son élément : une arme parcourant un champ de bataille et se taillant la route à travers les chemins de pierre et de chaire. Malgré tout l'amour du combat qui animait l'ancien noble, il y avait toujours des points sombres qu'il préférait ignorer, autant que possible. Andra commanda au jeune garde de retourner chercher à boire, emporter par l'autorité dans la voie de la garde acolyte, il s'executa, ou peut-être simplement pour éviter de rester plus longtemps dans cette discussions déjà peu confortable. Le géant regarda le jeune homme partir, sans un mot. En un sens il était jadis pareil, un jeune prétentieux avec une épée. Ses actes avaient créés le boucher qu'il se plaisait à incarner au quotidien. Les mots de sa camarade attirerent son regard à nouveau, elle était sincère.

Merci.

Pourquoi merci ? Qu'avait-il dit de si bon. Son conte était emprunt du mal qui corrompait l'âme des hommes. Dans sa patrie, ils avaient pensé à un démon, alors qu'Hector n'était qu'un homme. Plus clairvoyant pour certains, fou pour d'autres. Aucun n'avait raison, ces critères ne s'appliquaient qu'à ceux ayant foi en quelque chose. Le boucher de Grandbois n'était pas ceux-là, pas cette nuit là. L'Orlésien haussa les épaules. Merci pour quoi ? La confiance peut-être. Au fond qu'importe, comme ultime pied de nez à sa famille, la garde lui avait offert l'immunité contre ses crimes. Grande moquerie de la soi-disant justice qui règne dans ce monde. En promettant de combattre des démons, un monstre peu se moquer des lois et des peuples. Mais la garde acolyte avait raison. Dans certains cas, seul la force, le sang, la mort semblent être des issues valable. Si certains doutent de cela, ils ne sont qu'une bande de fous incapable de connaître le monde qu'ils arpentent.

« Une loi qui ne date pas d'hier. A la fin celui qui frappe le plus fort gagne. »

La preuve, les rois vivent de la mort du peuple, le peuple de la mort des Rois. Foutue loi que nul ne peut ébranler. Aussi mauvais soit ce mal qui ronge l'âme des peuples, personne n'y échappe, personne ne le change. Le regard maintenant maussade d'Hector se planta dans l’œil unique d'Andra tandis qu'elle posait une autre question. A celle-ci le garde avait réfléchi pendant longtemps, sans y trouver de véritable réponse et l'alcool ne semble pas lui rendre les idées plus claires.

« Je ne sais pas Andra. Je les hais, mais rien a changé. Peut-être aurai-je du en finir avec cette lignée maudite du sang bleu. »

Mais pour autant, regrettait-il ?

« La seule chose qui a changé ce jour ci c'est mon destin. D'héritier modèle je suis devenu un monstre. Celui qu'ils haïssent et veulent voir mort. Drôle de chose qu'il faille la mort d'autant de personnes pour qu'ils me voient ainsi et simplement une naissance sous une mauvaise étoile pour d'autres. »

Son regard de posa sur sa camarade, malgré le sang qu'il avait versé, nombre de personnes craignaient la magie plus que le passé carmin d'Hector.

« Mais... En quittant ce monde j'ai trouvé la garde. Alors oui, tout est loin d'être rose. Mais ça me va après tout. Ici je peux faire ce que je veux : je tue des trucs, je bois des trucs et je baise des trucs. »

Un mince sourire vint se loger sur son visage, il était loin d'être le parfait soldat à croire en chaque valeur mise en avant par son organisation, mais il croyait en cette confrérie formée de ceux qui n'avaient plus leur place ailleurs.

« Et ici j'ai trouvé des gens que je peux considérer comme des amis, plus ou moins. »

Regrettait-il ? Difficile à dire. Celui qui était plein d'idéaux et d'envie de justice était mort il y a treize ans, seul restait un glorieux défenseur des peuples satisfait par une vie de vice et de violence. Tout n'était pas facile à porter, pourtant il avait eu une existence plus simple que beaucoup. Sans plus d'émotion il haussa les épaules.

« Mais si c'était à refaire ? Je le referai. Juste... Je prendrais probablement plus mon temps. »


Après tout c'était un moment marquant de sa vie et il fallait en profiter.

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« Voilà pourquoi j’ai toujours évité la première ligne. »

La plaisanterie éloigna, pour un bref instant, les fantômes sanglants de la haine, et évita à Andra de s’appesantir davantage sur une vérité qui n’en était pas entièrement une, car en réalité, ce n’était pas celui qui était le plus fort qui gagnait toujours : c’était celui qui avait l’opportunité de frapper en premier. Et qui se la créait. Un bref instant, elle se demanda ce qu’il serait advenu, si Hector avait décidé de jouer au Noble Jeu. Il n’aurait pas été si difficile de se débarrasser des siens de la même façon : un accident de chasse, une chute de cheval, une maladie si dramatique, et ainsi de suite … Elle se souvenait de ses années orlésiennes, et avait au moins retenu qu’il y avait des meurtres acceptables, et d’autres qui l’étaient moins. L’essentiel, finalement, était de ne pas être vu. Le problème d’Hector, finalement, c’était d’avoir revendiqué son acte. D’avoir, un jour, voulu en finir par sa main. Et, pire encore, de l’avoir fait non pas par envie de pouvoir, chose parfaitement normale, mais par dégoût de cette existence. Ce constat empli d’amertume ne fit rien pour alléger son humeur particulièrement sombre. A la place, la détestation des hypocrisies sociales, des différences de castes refit surface, et son œil brilla à nouveau de cette lueur sombre. Les valeurs, après tout, n’avaient jamais eu d’importance que pour ceux qui y croyaient. Un cadavre, finalement, cela restait un cadavre. Mais pour éviter la corde, tout dépendait du cercueil choisi.

Peut-être aurait-il dû en finir, en effet. Peut-être que c’était le bon terme, en finir. Peut-être que tout exploser, pour ne plus laisser que des cendres, pour empêcher à la mauvaise herbe de renaître … Peut-être que c’était cela qui avait du sens. Peut-être que c’était cela, la conclusion de toute sa détestation d’institutions viciées. Peut-être que c’était cela qui était son devoir, plutôt que se perdre dans les Tréfonds au nom d’une souillure qui la rattraperait tôt ou tard … sauf si elle mourrait avant, de son propre gré. Elle pensa un instant à la tour de Starkhaven, à l’étage où Sivoneii … Elle vit l’endroit se désagréger, tomber en poussière, effaça les regards sentencieux des templiers. Elle imagina celle d’Hossburg subir le même sort. Et son rythme cardiaque accéléra, tandis que sa mâchoire se serrait, et qu’il lui fallait combattre les vagues de haine qui l’envahissait. Complices. Coupables. Injustice. Les mots lui vrillaient les tempes, et elle sentit les murmures envahir son esprit. Les repousser l’obligea à une profonde inspiration, et à une grande concentration. Elle se força à se focaliser à nouveau sur l’autre Garde de Rang, à égrener les paroles prononcées, à s’ancrer dans le présent, et dans le réel. Le monde tournait autour d’elle, brûlait de sa haine ravivée, qui menaçait de l’emporter.

Parce qu’elle était née sous une mauvaise étoile. La colère enfla, douloureuse, tandis que les voix approuvaient avec vigueur l’assertion d’Hector. Bien entendu, que d’aucuns entre les murs de la Garde paraissaient plus enclins à partager leur quotidien avec un parricide fou qu’avec des mages dont la seule faute étaient d’être nés, et d’avoir vu un jour leur vie bouleversée par la révélation de leurs pouvoirs. En temps normal, elle aurait eu un sourire amer à cette pensée. Mais là, il était impossible de s’en contenter. Le mépris la dévora, et la haine, toujours la haine, la rongeait comme un chancre infect. Oh, comme, finalement, elle comprenait Hector. Comme il devait doux, d’enfiler un jour une armure, de soupeser son épée, et d’entendre les cris des bourreaux devenus suppliciés. Comme la vengeance devait être délicieuse. Et elle sentait, les doigts immatériels égratigner sa conscience, chercher à s’introduire dans son âme, pour …

« Aie ! »

Comme toujours, la douleur parvint à se focaliser sur autre chose, et Andra massa son coude qui avait heurté avec vigueur la table. Au moins avait-elle encore quelques réflexes salutaires. Elle ferma son œil, moins pour que les larmes de souffrance ne refluent que pour contrôler le cours de ses pensées, pour réguler sa respiration, faire le vide en elle, comme elle avait appris à le faire. Le rouvrant, elle finit par étirer ses lèvres en sourire douloureux et répondit à Hector, inconscient de ce qu’il avait provoqué par sa confession – voulue, demandée, pourtant :

« Plus ou moins, hein ? »

Bourrade mentale pour la brute à l’intelligence bien plus aiguisée qu’on ne lui en faisait crédit. Humour pour maintenir à distance les ombres poisseuses. Soupir néanmoins, tandis que son œil lorgnait vers la tenancière :

« Tuer des trucs, boire des trucs, baiser des trucs … J’espère que c’est suffisant, pour éloigner les fantômes des morts. »

Pour éloigner la mort. Pour préférer la vie.

Il fallait qu’elle s’éloigne, et vite. Ne plus parler, ne plus penser. Juste … ressentir. Profiter de la chaleur d’un autre corps, s’imaginer vivante dans les bras d’une autre, quand elle était déjà morte. Se convaincre que ça, au moins, avait un sens. Espérer voir un autre jour. Conjurer les démons qui la hantaient, et ceux qui ne la quittaient jamais. Domestiquer la haine, des autres et de soi. Le gamin revenait. Lourdement, Andra se leva, empoigna l’une des bières à peine ramenées, et la vida cul-sec. L’alcool eut la bonne idée de diffuser une chaleur bienfaisante dans ses veines. Son œil se posa sur Hector, et elle annonça :

« Sur ce, vous m’excuserez messieurs, mais quelqu’un m’attend, et je n’ai jamais été femme à faire patienter une dame. »

Avant qu’elle n’ajoute :

« Merci pour la conversation, Hector. Pour … la sincérité. »

Est-ce que cela avait été une bonne chose ? Non. Est-ce qu’elle regrettait ? Non plus. A la place, elle lui adressa un sourire cru, et chuchota :

« Rendez-vous demain matin, pour entendre le récit de tes prouesses nocturnes. Mais je te préviens : j’entend être une rivale très solide. »

Légèreté combattant la douleur secrète, comme toujours. Aveux mutiques, qui ne se disaient pas. Saluant ses camarades, Andra prit congé, s’approcha de sa conquête et lui susurra quelques mots, avant de monter à sa suite à l’étage. Et dans l’ivresse d’autres lèvres et au creux des soupirs qui éloignèrent les voix dans la nuit, elle trouva le repos temporaire de son esprit. Juste quelques heures.

Juste un peu.
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Tous autour d'une choppe [Andra]