Harcèlement, évocation de noyade

4:93 des Ténèbres Naissance. Ses premiers mois s'écoulent paisiblement, tant que les bras de sa mère ne s'éprennent pas d'un autre nourrisson. Cela ne pouvait durer et, à l'arrivée imminente de la benjamine Lyneth, Elain rejoint ses deux aînés, Sibeal et Faolan, sous la coupe de leur nourrice.  

4:99 Comme tous les cadets Callaigh assujettis à Sibeal, son enfance promet d'être compliquée. Là où Faolan trouve une respiration dans son tourment en se liguant avec sa grande sœur, c'est Elain qui devient le bouc émissaire. Elle subira tous les coups bas : moqueries, bousculades, vols de poupées, araignées dans ses draps - rien n'est trop humiliant. Quand Lyneth grandit, l'attention de Sibeal se divise vers cette nouvelle victime. Tous les membres de la maisonnée font les frais de sa cruauté, mais elle ne semblait pas, jusque-là, avoir de cible désignée ; à l'inverse de Faolan, qui persiste à s'acharner sur Elain. Peu importe que le garçon reproduise les schémas subis, qu'il quête l'affection de Sibeal ou fuit sa propre impuissance ; tout ce qu'Elain comprend, c'est que son frère aîné la rudoie au lieu de la protéger. Et cela, même à sept ans, ça lacère.

5:03 Elain encaisse bravement les sévices perpétrés par ses aînés. Le manque de régulation de leurs parents, alors que leur père adule Sibeal et leur mère couve Faolan, la rend malade. Sibeal a pris Lyneth en grippe, aussi la puînée tente de faire barrage, endossant le rôle que ses parents ignorent et que Faolan refuse d'adopter. Le garçon, benêt et suiviste, déchaîne sur Elain ce qu'il n'a le courage d'infliger à Sibeal. Ses actes deviennent de plus en plus brutaux à mesure que l'adolescence et l'escrime étoffent son énergie ; le preux qui se rêve Chercheur se pique même, une fois, de coincer Elain sous l'eau, presque pour la noyer. C'en est trop : l'instinct de survie prend le dessus et déclenche ses pouvoirs. D'une manière ou d'une autre, Elain repousse le garçon par magie, ce qui le terrorise et le pousse à fuir. Que les faits soient rapportés par lui, par Elain ou un tiers, leurs parents en ont été avertis ; peu de temps après, les templiers escortent la jeune fille au Cercle. L'ironie de leur destin, alors que Faolan doit sous peu être expédié chez les Chercheurs, lui arrache un sourire amer.

5:04 Contre toute attente, la vie au Cercle est une libération. Affranchie du joug de Faolan et Sibeal, Elain ne déplore guère la perte de ses parents, qui n'ont selon elle jamais prêté l'oreille à son malheur. Son plus grand regret est de laisser Lyneth derrière elle ; certes, Faolan est hors jeu, mais qui veillera sur la fragile benjamine livrée aux griffes de sa némésis ? Autant qu'elle peut, Elain maintient une correspondance avec Lyneth, s'inquiétant de son bien-être et cherchant par tous les moyens à la rassurer. Son cœur rate un battement lorsque, à peine un an après son enfermement, elle apprend que Sibeal a jeté leur sœur de l'étage et a été envoyée à Orlaïs en punition. Heureusement, Lyneth réchappe de l'incident sans séquelles ; elle jouira même d'une paix relative tant que dure le séjour de l'aînée à Orlaïs. La relation épistolaire d'Elain et Lyneth s'en voit renforcée.

5:10Maîtresse de son destin, Elain aspire à s'élever ; d'abord au sein du Cercle, peut-être plus haut ensuite. Dotée des mêmes rêves de grandeur que Sibeal, de la même intelligence, et d'une détermination éprouvée par des années de préjudices, l'apprentie est bien décidée à faire honneur à son nom. Aux yeux du reste de sa famille, pourtant, elle est une tache disgracieuse qu'il faut oublier. Qu'ils médisent ; si les Callaigh doivent faire trembler la cité, elle-même secouera le Cercle sur ses fondations. S'avère-t-elle moyenne ou particulièrement brillante dans les arcanes, elle accordera à l'étude une assiduité remarquable, car elle y voit la clé de son ascension. On se souviendra d'elle, ainsi l'a-t-elle décrété.

5:13La venue de l'Enclin est une occasion comme une autre pour Elain de s'investir davantage dans les affaires du Cercle, de forger des alliances avec les rescapés d'Antiva et, surtout, de faire valoir l'importance de son rôle pour la survie d'une Starkhaven livrée au siège. Dire qu'elle fait fi du danger serait peut-être exagéré, mais elle refuse de céder à la panique malgré la précarité de sa situation. Bien sûr, en tant que mage, le refuge fort commode d'Orlaïs dont bénéficie la moitié de sa famille lui est refusé - et la douleur de la séparation n'a pas ébranlé sa résolution, lorsqu'elle a exhorté Lyneth à se mettre à l'abri. Alors que Faolan, leur père et leur frère aîné seuls restent défendre leurs terres, Elain ne peut s'empêcher de ricaner face au cruel humour du Créateur, qui réunit bourreau et victime sur la ligne de front. Quels qu'ils soient, puissent les monstres se montrer vite : elle brûle de prouver qu'elle ne reculera devant aucune des moqueries du destin.

« "Nul ne vacille qui a la valeur de l'esprit", paraît-il. Et ce n'est pas ma famille qui s'en dédierait : après tout, nous revendiquons le trépas des âmes affaiblis ! Est-ce pour cela qu'on permit à ma sœur et mon frère de faire régner leur terreur ? Est-ce pour nous endurcir que nos parents laissèrent leurs plus jeunes filles subir, afin que nous fassions nos griffes entre nous, tels une portée de lionceaux fous ? Si c'était la leçon que je devais retenir, croyez-moi : j'en ai appris plus encore. Qu'ils m'oublient maintenant, ces géniteurs rougissant sous l'échec. Qu'ils me haïssent, ces adelphes dédaigneux de ma dignité. Comme ils se débarrassent bien proprement du rôle qu'ils n'ont su tenir, que j'ai endossé à leur place pour notre Lyneth terrifiée, et que mon exil au Cercle me prive de poursuivre pour le petit Tristan. Qu'on raye mon prénom de la généalogie, par défiance de ma magie ; je le revendiquerai pour moi, le ferai fleurir entre mes seules mains ensorcelées. Héritière de personne sinon moi-même, je suis Elain Callaigh, et par l'arcane ou par l'esprit, je prouverai que ma valeur n'a jamais failli. »